Les avocats du net

 
 


 

Actualités

jeudi 24 octobre 2024
Facebook Viadeo Linkedin

Abritel gagne contre la ville de Paris

 

Par un arrêt du 22 octobre 2024, la cour d’appel de Paris a rejeté les demandes de la ville de Paris de voir condamnée la plateforme de location saisonnière Abritel pour ne pas lui avoir communiqué certaines informations relatives aux meublés mis en location via la plateforme. Confirmant le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 30 novembre 2022, la cour a appliqué la règle du pays d’origine figurant à l’article 3 de la directive de 2000 sur le commerce électronique. Elle estime que ce texte ne permet pas à une commune d’exiger d’une telle plateforme établie dans un autre État membre de l’Union européenne la communication de données permettant à ces municipalités de contrôler le respect, par les loueurs, des règles encadrant la location de meublés touristiques. Jusqu’au 31 décembre 2020, le site Abritel était exploité par la société de droit britannique Homeaway UK Limited, et depuis 2021, par la société de droit irlandais EG Vacation Rentals Ireland Limited suite à un transfert d’activité.
Se fondant sur l’article L. 324-1-1 du code de tourisme, la ville de Paris avait demandé à Abritel le nombre de jours, en 2018 et 2019, au cours desquels un meublé de tourisme avait fait l’objet d’une location par son intermédiaire en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration. Abritel s’y est opposée en s’appuyant sur la règle du pays d’origine, prévue par l’article 3, paragraphes 1 et 2 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique précité. Cet article prévoit que « les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre ». Or, les services en question relèvent des services de la société de l’information visés à l’article 2, sous a), de la directive 2000/31. Et les obligations imposées constituent des exigences concernant l’exercice de l’activité d’un service de la société de l’information, de telle sorte que ces obligations relèvent du “domaine coordonné ”, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2000/31, selon la cour d’appel.
Les mesures françaises qui n’existent pas dans leur pays d’origine exigent, de la part des fournisseurs de services d’intermédiation, une adaptation administrative, technique, financière et numérique significative, outre un recueil d’informations concernant la réglementation des diverses communes concernées et un traitement des données à transmettre. De surcroît, elles les exposent à un risque d’amende civile. « En conséquence, ces mesures, transmises le 19 décembre 2019 par la Ville de Paris, faisaient peser des contraintes supplémentaires ou plus strictes que celles auxquelles la société Homeaway UK Limited était soumise au lieu de son établissement, en l’occurrence l’Angleterre ».
La Ville de Paris soutient aussi que les mesures du code du tourisme reposent sur l’ordre public et sont proportionnées au sens de l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31. La Cour lui oppose l’interprétation de ce texte par la CJUE dans l’arrêt du 9 novembre 2023, Google Ireland qui a dit pour droit que « des mesures générales et abstraites visant une catégorie de services donnés de la société de l’information décrite en des termes généraux et s’appliquant indistinctement à tout prestataire de cette catégorie de services ne relèvent pas de la notion de prises à l’encontre d’un service donné de la société de l’information ». Or, rappelle la cour d’appel, l’article L. 324-1-2 du code du tourisme s’applique indistinctement à « toute personne qui se livre ou prête son concours contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition d’une plate-forme numérique, à la mise en location d’un meublé de tourisme ».
La cour d’appel rejette ainsi les demandes de la ville de Paris en concluant que « les mesures en cause présentant un caractère général et abstrait, il ne pouvait, en tout état de cause, être satisfait aux obligations de notifications telles que prévues par l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31 du 8 juin 2000 ».