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Diffamation : un lien peut faire recourir le délai de prescription
Dans une affaire de diffamation, la Cour de cassation a estimé que l’insertion d’un lien dans un article en ligne renvoyant à un texte antérieur déjà prescrit peut faire courir à nouveau le délai de prescription. Dans un arrêt du 2 novembre 2016, elle a invalidé un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait jugé prescrite la poursuite pour diffamation, malgré l’insertion d’un lien postérieurement à la publication en ligne d’un article car « le lien créé renvoie-t-il à un propos ancien et autonome qu’un internaute peut ou non consulter, et qui aurait pu être en son temps poursuivi. ». La cour suprême a, au contraire, estimé que la cour d’appel avait méconnu l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la prescription des délits de presse « alors que le texte incriminé avait été rendu à nouveau accessible par son auteur au moyen d’un lien hypertexte, y renvoyant directement, inséré dans un contexte éditorial nouveau ».
En 2010, un homme avait publié sur son site un article virulent contre un inspecteur des finances. Et en 2011, il avait posté un nouvel article avec un lien renvoyant à son premier article. L’homme visé l’avait assigné en diffamation publique envers un fonctionnaire devant le tribunal correctionnel de Paris. Dans un jugement du 26 juin 2014, les juges avaient considéré que ce lien constituait un nouvel acte de publication faisant courir un nouveau délai de prescription. Pour rendre cette décision, le tribunal avait posé la question suivante à la Cour de cassation : « L’insertion, dans un article mis en ligne sur un site internet, d’un lien hypertexte permettant d’accéder directement à un contenu déjà diffusé, constitue-t-elle un nouvel acte de publication du texte initial faisant à nouveau courir le délai de la prescription trimestrielle prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ? ». Dans un avis rendu le 26 mai 2014, la Cour avait estimé qu’il n’y avait pas lieu à avis, mais elle avait quand même donné des pistes très éclairantes pour la réponse. Elle avait écrit que « la demande, qui concerne les conditions dans lesquelles l’insertion dans un article mis en ligne sur le réseau Internet d’un lien hypertexte renvoyant à un texte déjà publié, serait susceptible d’être regardée comme une nouvelle publication de celui-ci, de nature à faire courir à nouveau le délai de prescription de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, suppose un examen des circonstances de l’espèce, notamment de la nature du lien posé et de l’identité de l’auteur de l’article, comme de son intention de mettre à nouveau le document incriminé à la disposition des utilisateurs ; qu’à ce titre, elle échappe à la procédure d’avis prévue par les textes susvisés ». C’est donc sur l’intention de l’auteur de l’article de le mettre à nouveau à disposition du public que le tribunal avait rendu son jugement. Il avait en effet considéré que l’auteur avait voulu délibérément appeler l’attention sur l’inspecteur des finances par ce lien « activable », « profond » et « interne ».
La cour d’appel de Paris avait infirmé ce jugement dans un arrêt du 22 octobre 2015, estimant que l’action était prescrite. Ce qu’a démenti la Cour de cassation.
Voir l’arrêt de la cour d’appel
Voir l’arrêt de la Cour de cassation