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mercredi 20 novembre 2019
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La cour d’appel de Paris valide la force probante d’Archive.org

 

A l’instar de l’Office européen des brevets dans une décision du 24 mai 2014, la cour d’appel de Paris a reconnu, dans deux arrêts récents, la force probante d’Archive.org, site américain créé en 1996 pour archiver l’internet et qui stocke aujourd’hui près de 330 milliards d’extraits de pages web. Dans un arrêt du 2 juillet 2010, la cour avait déclaré que l’outil Archive.org était dépourvu de force probante du fait qu’il n’était pas conçu pour une utilisation légale et que « l’absence de toute interférence dans le cheminement donnant accès aux pages incriminées n’était donc pas garantie ».
Dans la décision du 5 juillet 2019 qui concerne un site internet accusé de contrefaçon de droit d’auteur et d’atteinte au droit du producteur de bases de données, la cour d’appel a reconnu la force probante des pages internet du site Archive.org, valablement constatées par un huissier de justice. La cour a relevé que tous les prérequis techniques sur le site d’archivage avaient été remplis : « l’huissier de justice instrumentaire a clairement détaillé les opérations par lui effectuées, donnant en particulier toutes précisions sur le matériel, l’adresse IP, le mode de navigation et le réseau de connexion utilisés, précisant que la mémoire cache et l’historique de l’ordinateur ont été supprimés et décrivant la navigation à laquelle il a procédé pour obtenir les captures d’écran reproduites dans son procès-verbal, qu’il n’a nullement interprétées. ». Elle a par ailleurs refusé de remettre en cause la valeur probante des reproductions des pages d’Archive.org au motif qu’elles étaient en anglais, se contentant des traductions en français produites, précisant qu’il importait peu que ces traductions n’aient pas été effectuées par un traducteur assermenté, dès lors que rien ne permet de douter de leur pertinence.
En revanche, un autre constat qui se rapportait aux deux sites en cause a été annulé pour n’avoir pas respecté ces prérequis, tels que l’indication du matériel utilisé, de l’adresse IP ou de la mention de la désactivation de la connexion par proxy. Un autre constat a été validé bien qu’il y ait eu un changement de navigateur. Enfin, la cour a refusé d’invalider un procès-verbal de constat pour lequel l’huissier avait participé activement aux opérations de constat en récupérant les cookies. Selon la cour, « il ne s’agit cependant nullement d’une interprétation faite par l’huissier de justice mais d’une action qu’il décrit précisément dans son procès-verbal, lequel ne saurait dès lors être invalidé ». Dans la mesure où un constat et la saisie-contrefaçon n’avaient pas pu être pris en compte, la cour a estimé que les éléments disponibles étaient trop parcellaires pour rapporter la preuve d’une reproduction d’une partie substantielle de la base de données. En revanche, la contrefaçon de droit d’auteur a été retenue sur la base du constat réalisé sur Archive.org.
Dans son arrêt du 4 octobre 2019 qui portait sur une affaire de contrefaçon de brevets, la même chambre 2 de la cour d’appel de Paris a confirmé que la force probante d’un extrait du site Archive.org ne peut être déniée, « à défaut de tout élément contraire de nature à jeter un doute sur sa fiabilité ». Une société a ainsi pu prouver qu’elle était bien distributrice de la machine en cause, et qu’elle avait bien un intérêt à agir.