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Jurisprudence : Droit d'auteur

jeudi 30 novembre 2006
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Cour d’appel de Bastia Chambre correctionnelle Arrêt du 15 novembre 2006

Adobe, Apple / Jean Claude S.

droit d'auteur

PROCEDURE

Sur appel d’un jugement du tribunal correctionnel de Bastia du 17 janvier 2006 et, en application de ces articles qui a :

– Condamné Jean Claude S. à 24 mois d’emprisonnement dont 9 mois avec sursis et à 10.000 euros d’amende

– Reçu Alexandre G. en sa constitution de partie civile,

– Déclaré Jean Claude S. responsable du préjudice subi par Alexandre G. et l’a condamné à lui payer la somme de 7500 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 500 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

– Reçu la société Microsoft, la société Adobe Systems Incorporated, la société Macromedia Incorporation et la société Apple Computer Incorporation en leur constitution de partie civile,

– Déclaré Jean Claude S. responsable de leur préjudice et l’a condamné à payer à chacun, la somme de 7500 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 1600 euros au titre de l’atteinte à l’image de marque, ainsi que la somme de 500 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

DISCUSSION

En mai 2003, Alexandre G. a déposé une plainte aux services de police, expliquant qu’il est le créateur d’un logiciel protégé (Winmysql Professional), distribué contre paiement sur internet, et qu’il s’est rendu compte que son logiciel était distribué sans son autorisation sur le site www.2bcalvi.com, créé et géré par Jean Claude S., son logiciel étant physiquement stocké sur divers serveurs auxquels les liens renvoient.

Jean Claude S. a admis avoir proposé en téléchargement gratuit, et sans droit, le logiciel de Alexandre G.

Par ailleurs, les investigations ont fait apparaître que Jean Claude S., qui a mis en ligne sur ses sites plusieurs centaines de logiciels, gratuits, de démonstration, ou payants, a également mis à disposition des internautes, ainsi qu’il l’a lui-même expliqué (audition gendarmerie du 21 juin 2005), des systèmes permettant de contourner les dispositifs anti-piratages, parfois récupérés sur des sites étrangers, ou que lui-même créait et incluait dans les logiciels. Il a ainsi permis aux internautes de télécharger et de contourner les protections des logiciels payants distribués par les sociétés Adobe et Macromedia, Microsoft, ou Apple.

Il a également expliqué que sur ses sites, il mettait des bandeaux publicitaires ce qui engendrait, à chaque clic d’internaute, le versement d’une somme d’argent par ses co-contractants. Et il a indiqué que cela lui rapportait chaque mois de 500 à 4.000 euros, avec une moyenne de 2.000 euros par mois, revenus qui n’ont jamais été déclarés.

Alors qu’il percevait ces rémunérations, il a effectué une demande de RMI, et il a perçu à ce titre 7.359,49 euros au cours des années 2004 et 2005.

Poursuivi sous les préventions précitées, Jean Claude S. a été déclaré coupable puis condamné par le Tribunal correctionnel de Bastia, le 17 janvier 2006, à 24 mois d’emprisonnement dont 9 assortis d’un sursis, ainsi qu’au paiement de 10.000 euros d’amende.

Le Tribunal a alloué 7.500 euros de dommages-intérêts à chacune des parties civiles.

Jean Claude S., appelant, ne s’est pas présenté à l’audience, et son avocat a indiqué ne plus avoir de nouvelles de son client.

Alexandre G., également appelant, demande que le montant des dommages-intérêts soit porté à 55.000 euros, et sollicite 2.000 euros en l’application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Les sociétés Adobe, Apple et Microsoft demandent la confirmation du jugement outre pour chacune 5.000 euros en l’application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Le code de la propriété intellectuelle protège les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination (art. L 112-1).

Les logiciels sont considérés comme oeuvre de l’esprit (at. L 112-2).

Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur d’un logiciel comprend le droit d’effectuer et d’autoriser :

1° – La reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. Dans la mesure où le chargement, l’affichage, l’exécution, la transmission ou le stockage de ce logiciel nécessitent une reproduction, ces actes ne sont possibles qu’avec l’autorisation de l’auteur ;

2° – La traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute modification d’un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant ;

3° – La mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d’un logiciel par tout procédé. (art. L 122-6).

Enfin, est un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6 (art. L 335-3).

En mettant à disposition des internautes des copies des logiciels sans l’autorisation des titulaires des droits, Jean Claude S. s’est rendu coupable du délit de contrefaçon puisqu’il a agi ainsi, selon ses propres déclarations, en pleine connaissance de cause.

En plus, le fait d’inclure dans les logiciels protégés des programmes anti-piratage de nature à permettre aux internautes de contourner les protections, ce qui suppose préalablement le démembrement du programme puis sa reconstitution après transformation, caractérise également le délit de contrefaçon.

S’agissant du préjudice financier subi, les sociétés constituées parties civiles reconnaissent qu’il leur est difficile de le chiffrer et de l’argumenter précisément, faute de pouvoir connaître le nombre de contrefaçons.

Elles sollicitent la confirmation du jugement qui leur a alloué 7.500 euros de dommages-intérêts chacune, et la Cour considère que ce montant est de nature à les indemniser de façon satisfaisante.

Toutefois, la Cour considère que la preuve de l’existence d’un préjudice « moral » n’est pas suffisamment rapportée en l’espèce pour que des dommages-intérêts complémentaires soient alloués, la « lutte contre le phénomène de société qu’est devenu la piraterie informatique » relevant de la sanction pénale et non de l’indemnisation des parties civiles.

Alexandre G. réclame à nouveau 55.000 euros de dommages et intérêts. Mais lui aussi reconnaît dans ses conclusions écrites que si son logiciel a fait l’objet d’un piratage, le phénomène s’est produit à partir de nombreux sites français et étrangers, celui de Jean Claude S. n’étant que l’un d’entre eux, et qu’il n’est pas en mesure de dire exactement le nombre de copies effectuées grâce à la contrefaçon opérée par le prévenu.

Dès lors, la Cour confirme le montant des dommages-intérêts alloués par le Tribunal.
Pas plus à l’audience qu’au cours des investigations des services de police, Jean Claude S. n’a contesté avoir commis les autres infractions poursuivies.

Le fait que tout en percevant des revenus importants de son activité frauduleuse il ait sollicité le versement du RMI traduit une volonté particulièrement affirmée de tricher dans tous les domaines.

Tous ces comportements justifient pleinement la sanction infligée par le Tribunal, et que la Cour confirme.

DECISION

Par ces motifs, la cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à signifier à l’égard du prévenu et par arrêt contradictoire à l’égard des parties civiles,

. Déclare les appels recevables,

. Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

. Condamne Jean Claude S. à verser aux sociétés Adobe Systems, Adobe Macromedia, Apple Computer, Microsoft Corporation chacune 2.000 euros en l’application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

. Condamne Jean Claude S. Jean Claude à verser à Alexandre G., 2.000 euros en l’application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

. Jean Claude S., est avisé que conformément à l’article 707-2 du code de procédure pénale, toute personne condamnée à une peine d’amende peut s’acquitter de son montant dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’arrêt a été prononcé.

Si le montant de l’amende est réglé dans les conditions prévues au premier alinéa, le montant de celle-ci est diminué de 20% sans que cette diminution ne puisse excéder 1500 euros. Le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.

En raison de l’absence de Jean Claude S. à l’audience, l’avertissement prévu par l’article 132-29 du code pénal n’a pu lui être donné.

. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 120 euros dont est redevable Jean Claude S. ;

Le tout en application des articles L.335-3, L.335-2 al.2, L.112-2, L.121-2 al.1, L.122-2, L.122-4, L.122-6, L.335-6, L.335-7 du code de la propriété intellectuelle, L.362-3 al.1, L.324-9, L.324-10, L.324-11, L.320, L.143-3, L.362-4, L.362-5 du code du travail, L.262-46, L.115-1, L.262-1, L.262-2, L.262-3 C.A.S.F., 313-1 al.2, 313-7 du code pénal, 496 à 520 du code de procédure pénale.

La cour : M. Huyette (président)

Avocats : Me Edouard Martial, Me Thomas Limouzin Lamothe (cabinet De Gaulle Fleurance et associés)

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