Jurisprudence : Responsabilité
Cour d’appel de Bordeaux 1ère chambre, section A Arrêt du 5 mars 2012
SA X… / SCI Y… et autres
avocat - communication électronique - jugement - signification
FAITS ET PROCÉDURE
Par déclaration en date du 26 juillet 2011, la SCI Y… a relevé appel d’un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 1er juin 2011 qui l’a déboutée de ses demandes d’indemnisation de désordres survenus dans l’immeuble lui appartenant présentées à l’encontre de la société X…
Le 19 septembre 2011, la société X… a fait signifier des conclusions d’incident devant le conseiller de la mise en état afin de voir déclarer l’appel irrecevable en raison du caractère tardif de la signification du jugement à partie pour avoir été réalisée par acte d’huissier le 17 juin 2011 après avoir été précédée d’une signification entre avocats par voie électronique, le délai d’appel d’une durée d’un mois ayant expiré le 18 juillet 2011.
Par ordonnance en date du 23 novembre 2011, le conseiller de la mise en état a :
– dit nulle la signification du jugement du 1er juin 2011 à l’avocat de la SCI Y…
– dit par conséquent l’appel de la SCI Y… recevable
– condamné la SA X… à payer à la SCI Y… une indemnité de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné la SA X… aux dépens de l’incident.
Par conclusions signifiées le 6 décembre 2011, la société X… a déféré ladite ordonnance devant la cour d’appel sur le fondement de l’article 916 du code de procédure civile, pour obtenir l’infirmation de cette décision.
Les parties ont été convoquées devant la cour d’appel afin qu’il soit statué sur ces demandes.
A l’appui de ses prétentions la société X… indique que :
– la cour ne pourra suivre le raisonnement du conseiller de la mise en état qui a considéré que si l’avocat de la SCI Y… s’est engagé en s’inscrivant au RPVA à respecter la convention souscrite entre l’ordre des avocats de Bordeaux et le tribunal de grande instance de Bordeaux et par conséquent à transmettre systématiquement et exclusivement au moyen d’un courrier électronique l’ensemble des actes et documents produits dans le cadre de la mise en état, cet engagement était limité à la phase de la mise en état et ne permettait pas de l’étendre à la signification d’un jugement entre avocats
– la convention signée entre l’ordre des avocats de Bordeaux et le tribunal de grande instance de Bordeaux s’inscrit dans le prolongement de la convention nationale conclue le 28 septembre 2007 entre le Ministère de la justice et le Conseil National des barreaux et elle s’y réfère expressément
– la convention nationale du 28 septembre 2007 a été réactualisée le 16 juin 2010 et précise en son article IV les modalités fonctionnelles et techniques de la transmission par voie électronique qui dépassent largement la simple gestion de la mise en état d’un dossier puisqu’elle indique “le périmètre pris en considération pour la mise en œuvre de la communication électronique concerne toutes les procédures civiles devant l’une des juridictions ordinaires du premier ou second degré telles que définies dans le préambule ou tout juge de ces juridictions” ainsi que “Dans le respect des dispositions du code de procédure civile toutes les étapes ou maillons de procédure pourront selon l’avancement des développements informatiques de part et d’autre faire l’objet de transmissions de données informatiques au moyen de fichiers structurés ou non, de message et de pièces jointes selon les cas.”
– ceci est d’autant plus vrai que la messagerie de e-barreau fait l’objet d’améliorations constantes dans sa présentation et englobe dans son menu de messagerie la mention “signification de jugement” dans l’objet du message “type d’événement” et ce dans le respect des articles IV et V de la convention nationale
– l’article 748-3 du code de procédure civile précise que les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du code de procédure civile font l’objet d’un avis électronique de réception adressé par le destinataire qui indique la date et le cas échéant l’heure de celle-ci
– en dépit des allégations de la SCI Y… l’avis de réception transmis par le réseau RPVA au conseil de la compagnie X (000000 @avocat-conseil.fr) le 16 juin 2011 à 9h53 confirme que l’acte de signification du jugement à avocat mentionné en pièce jointe a été délivré au conseil de la SCI Y… (111111 @avocat-conseil.fr) le 16 juin 2011 à 9H53
– la convention passée entre le barreau et le tribunal de grande instance dispose également que le courrier électronique est considéré comme reçu lorsque la partie à laquelle il est adressé peut y avoir accès et le récupérer
– il est constant que le conseil de la SCI Y… n’a jamais contesté avoir reçu l’acte de signification par voie électronique
– en outre il suffit de se connecter au dossier du tribunal de grande instance et de consulter l’ensemble des messages pour vérifier que contrairement à ce qu’indique le conseil de la SCI Y… , l’acte de signification du jugement régularisé par le conseil de la compagnie X… le 16 juin 2011 est parfaitement régulier (pièce 10 page écran du dossier du tribunal de grande instance) dès lors qu’il émane bien du conseil de la compagnie et a été transmis au tribunal de grande instance et au conseil de la SCI Y… et de surcroît il y figure en pièces jointes (fichier PDF consultable) le jugement du 1er juin 2011 et l’acte de signification du jugement à l’avocat porte la signature du conseil de la compagnie X… (Pièce n° 3 : acte de signification à avocat par voie électronique en date du 16.6.11 et accusés de réception)
– ainsi qu’en atteste la copie de la page écran du dossier du tribunal de grande instance, X… justifie de l’envoi via le RPVA du message de signification du jugement, message auquel sont joints en fichier PDF l’acte de signification de jugement de la Selarl Racine à la SCP Favreau Civilise portant le cachet et la signature du conseil de la compagnie X et la copie du jugement rendu le 1er juin 2011 (pièce n° 12 message de signification du jugement avec pièces jointes acte de signification et copie du jugement)
– dans ses conclusions la SCI Y… n’invoquait d’ailleurs pas l’absence de signification préalable du jugement à son avocat mais se bornait à en contester la validité au regard de ses modalités de transmission par voie électronique
– l’article 502 du code de procédure civile est inapplicable à la présente situation qui ne concerne pas l’exécution d’un jugement mais la seule signification d’un jugement entre avocats
– la convention nationale du 16 juin 2010 prévoit qu’elle concerne “l’ensemble des copies d’actes et pièces de procédure”
– en application de l’article 676 du code de procédure civile, les jugements peuvent être notifiés par la remise d’une simple expédition et en l’espèce la copie du jugement figurant en fichier PDF joint à l’acte de signification du jugement à avocat est une photocopie certifiée conforme de la copie exécutoire du jugement délivrée le 9 juin 2011 au conseil de la compagnie X…
– la signification du jugement à partie en date du 17 juin 2011 est régulière dès lors que la mention qui figure sur cette dernière “le présent jugement a été signifié à avocat par acte du Palais en date du 16/6/2011 “au lieu et place de la mention” par voie électronique “n’a aucune incidence », l’article 678 n’imposant pas d’indiquer sur l’acte de signification à partie la forme de notification utilisée pour cette notification préalable ni même d’ailleurs la mention même de sa réalisation dans la mesure où il est prouvé qu’elle est intervenue
– l’appel interjeté le 26 juillet 2011, plus d’un mois après la signification du jugement à partie intervenue par acte d’huissier en date du 17 juin 2011, est irrecevable comme tardif
– l’ordonnance du conseiller de la mise en état sera infirmée et il sera constaté l’irrecevabilité de l’appel
– il lui sera alloué la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI Y… réplique que :
– en préambule il sera prononcé l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de l’Ordre des avocats du Barreau de Bordeaux ce dernier ne pouvant justifier d’un intérêt à agir au sens de l’article 544 du code de procédure civile qui l’autorise à défendre les intérêts collectifs de la profession mais ne lui confère pas vocation à venir soutenir une partie comme c’est le cas en l’espèce même s’il justifie d’une délibération de l’Ordre en date du 10 février 2012
– l’Ordre étant une personne morale différente du Conseil National des Barreaux ne peut se prévaloir de la convention signée le 16 juin 2010 entre ce dernier et le Ministère de la Justice
– la compagnie X… a pris des conclusions et a signifié des pièces dont elle a pris connaissance le 20 février 2012 de telle sorte qu’il y a lieu de considérer qu’elles ne peuvent donner lieu à respect du principe du contradictoire et devront être rejetées des débats
– elle est fondée au surplus à se prévaloir de la nullité de l’acte de signification à partie du jugement du 17 juin 2011 dès lors qu’il mentionne que la signification à avocat est intervenue par acte du palais alors qu’elle est intervenue par voie électronique, cette irrégularité faisant grief dès lors que s’il y avait eu une notification préalable à avocat ce dernier aurait pu prévenir son client de ce qu’allait intervenir une signification à partie
– en application de l’article 678 du code de procédure civile pour qu’une partie puisse se prévaloir de la signification régulière d’un jugement lorsque la matière relève de la représentation obligatoire, il est imposé que la signification à partie faite par acte d’huissier soit précédée d’une signification à avocat
– les dispositions de l’article 671 du code de procédure civile exigent que la signification d’un jugement intervienne par acte d’huissier selon la règle de l’article 675 du code de procédure civile à moins que la loi n’en dispose autrement
– au surplus même à supposer que l’on veuille prendre en compte la notification par voie électronique invoquée, il devrait être constaté qu’elle ne remplit pas les exigences de l’article 673 du code de procédure civile qui prévoient que la remise de l’acte intervienne en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel remet à son confrère un exemplaire après l’avoir signé ce qui n’a pas été le cas en l’espèce
– d’autre part l’article 502 du code de procédure civile est applicable aux significations entre avocats en ce qu’il prévoit qu’un jugement passé en force de chose jugée ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition c’est à dire une “copie exécutoire” revêtue de la formule exécutoire
– dès lors faute d’une notification préalable et régulière entre avocats, la signification à parties du 17 juin 2011 est nulle et de nul effet et n’a pu faire courir le délai d’appel
– à titre subsidiaire, la cour confirmera l’ordonnance entreprise dans son analyse qui retient l’application de l’article 748-1 du code de procédure civile en ce qu’il considère que l’adhésion au RPVA ne peut être opposée à l’avocat comme la justification de ce qu’il ait expressément consenti à l’utilisation de la voie électronique pour la signification des jugements à avocats
– par ailleurs l’article 748-3 du code de procédure civile, exige que les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du même code fassent l’objet d’un avis électronique de réception adressé par le destinataire qui indique la date et le cas échéant l’heure de celle-ci et en l’espèce aucun message de transmission produit par X… n’établissant l’existence d’un avis de réception émanant de l’avocat représentant la SCI Y…, c’est à bon droit que le conseiller de la mise en état a considéré sur ce fondement que la signification à avocat n’était pas intervenue valablement
– rien ne démontre que la convention intervenue entre le Ministère de la Justice et le Conseil National du barreau en date du 16 juin 2010 ait été portée à la connaissance de chaque avocat adhérent au RPVA et qu’elle leur est opposable et en tout état de cause elle doit être considérée comme un simple instrument de gestion des seules procédures devant les juridictions dans le cadre de la mise en état des dossiers et elle est uniquement une convention cadre
– l’ordonnance du conseiller de la mise en état sera donc confirmée et il lui sera alloué la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’Ordre des avocats du barreau de Bordeaux est intervenu volontairement aux débats et indique que :
– son intervention volontaire est parfaitement recevable au regard des dispositions de l’article 554 du code de procédure civile dès lors qu’il justifie d’un intérêt dans la solution du présent litige au titre de l’application de la convention régularisée entre le Barreau de Bordeaux et le tribunal de grande instance de Bordeaux relative au “protocole de communication électronique entre le tribunal de grande instance et les avocats” intervenue en application de la convention nationale conclue le 28 septembre 2007 entre le Garde des Sceaux et le Conseil National des barreaux et la deuxième convention nationale du 16 juin 2010 qui annule et remplace la précédente
– le Conseil de l’Ordre qui administre le Barreau de Bordeaux traite, en application de l’article 17-40 de la loi 31 décembre 1971, toutes questions intéressant l’exercice de la profession d’avocat parmi lesquelles il y a lieu d’inclure la communication électronique en matière de procédure civile
– il s’associe aux observations développées par la compagnie Y…
– par ailleurs, il y a lieu de relever que la convention locale du 21 janvier 2008 qui n’était que l’accessoire de la Convention Nationale du 28 septembre 2007 qui a été abrogée par la Convention Nationale signée le 16 juin 2010 n’a plus d’existence
– en conséquence le conseiller de la mise en état qui s’est appuyé sur ladite convention locale a privé de base légale sa décision
– la Convention Nationale dès lors qu’elle prévoit en son article 4 que la communication électronique doit concerner ”dans le respect des dispositions du code de procédure civile toutes les étapes ou maillons de la procédure pourront, selon l’avancement des développements informatiques de part et d’autre faire l’objet de transmission de données informatisées“ impose d’inclure la signification des décisions
– c’est de manière inopérante que la SCI Y… soutient que la signification à avocat du jugement ne comporterait pas ou comporterait une signature inexacte de la société X… , dès lors que tout avocat inscrit à la communication électronique dispose d’une adresse personnelle dont le caractère spécifique résulte de l’identification par son nom et son prénom précédé d’un radical unique constitué par son numéro d’affiliation à la Caisse Nationale du Barreau Français et d’autre part du fait que la profession d’avocat est nantie d’un mécanisme de signature électronique puisque la notification ou la remise des actes à l’occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés est opérée par un système d’échanges sécurisé visé à la Convention Nationale conformément au décret du 29 avril 2010
– le titre 21 du code de procédure civile intitulé “La communication par voie électronique en ce compris l’article 748-2 du code de procédure civile selon lequel “le destinataire des envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 doit consentir expressément à l’utilisation de la voie électronique à moins que des dispositions spéciales n’imposent l’usage de ce mode de communication” constitue un ensemble de dispositions générales dont la rédaction était nécessaire pour tenir compte des situations dans lesquelles la représentation par avocat n’existait pas
– c’est simplement pour utiliser la communication électronique en présence d’un justiciable non représenté par un auxiliaire de justice (avocat) qu’il convient d’obtenir préalablement, en sa qualité de destinataire, son accord
– le conseiller de la mise en état a méconnu la portée réelle des dispositions de l’article 748-2 du code de procédure civile
– l’ordonnance déférée sera donc infirmée et les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public
Les époux T… sont intervenus volontairement aux débats mais n’ont pas conclu au titre de l’incident de procédure.
DISCUSSION
En préambule, dans l’intérêt de l’administration d’une bonne justice, il sera ordonné la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros 4968/11 et 7884/11
Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de l’Ordre des avocats du Barreau de Bordeaux
Il apparaît que l’ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour qui traite des principes de l’application des modalités de la communication électronique en matière de signification de jugements entre avocats, constitue un enjeu susceptible d’interférer non seulement sur la mise en œuvre de la convention locale signée entre le Barreau et le tribunal de grande instance de Bordeaux mais également sur la convention nationale signée le 16 juin 2010 entre le Conseil National des Barreaux et le Ministère de la Justice.
L’Ordre des avocats du Barreau de Bordeaux qui dispose de la personnalité morale (article 21 de la loi du 31 décembre 1971) et dont un nombre substantiel d’avocats inscrits adhère aux modalités de communication électronique au travers du RPVA (Réseau Privé Virtuel Avocats), non seulement avec le tribunal de grande instance de Bordeaux mais plus récemment avec la cour d’appel, justifie d’un intérêt à voir fixer le périmètre des modalités susceptibles d’être empruntées par celles-ci dans le cadre de textes récents de nature à nécessiter une interprétation au regard notamment du bouleversement des pratiques antérieures qu’ils impliquent.
Son intervention pour la première fois devant la cour statuant dans le cadre de l’article 916 du code de procédure civile aux fins précitées dès lors qu’elle est de nature à relever “des questions intéressant l’exercice de la profession”, attribution qui lui est dévolue par les dispositions de l’article 17 de la loi du 31 décembre 1971 doit donc être déclarée recevable en application de l’article 554 du code de procédure civile, étant souligné qu’elle a par ailleurs été autorisée par une délibération du conseil de l’Ordre du 8 février 2012 dont aucun élément ne permet de douter de la régularité.
Sur l’existence et la validité de la signification par voie électronique entre avocats du jugement frappé d’appel
Ainsi que l’a relevé à bon droit le conseiller de la mise en état l’article 748-1 du code de procédure civile dont les dispositions s’appliquent aux appels formés à compter du 1er janvier 2011 énonce que “les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces ainsi que copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectuées par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent titre”.
Doivent donc être adoptées les dispositions de l’ordonnance entreprise qui prévoient que : “il était par conséquent possible, en l’espèce de procéder à la signification du jugement à avocat par la voie électronique nonobstant les dispositions des articles 671 à 673 du même code qui prévoient que les notifications entre avocats sont faites par signification, opérée par huissier, ou par notification directe, laquelle s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire après l’avoir daté et signé”. Il est en effet manifeste que les dispositions de l’article 748-1 du code de procédure civile qui revêtent une portée générale et s’étendent expressément à la signification des décisions ont eu pour conséquence de permettre une troisième voie de notification d’un jugement entre avocats, préalable indispensable à la signification à partie, s’ajoutant aux deux précédentes prévues par les dispositions des articles 672 et 673 du code de procédure civile par voie de signification par acte d’huissier ou de notification directe entre avocats.
En revanche, la portée de l’inscription d’un avocat au RPVA qui permet d’accéder à la plate-forme “e-barreau” assurant notamment “l’interfaçage des échanges entre les avocats et le système ComCi CA”, doit être analysée, comme s’appliquant à l’utilisation de la voie électronique pour la signification des jugements entre avocats adhérents même si elle ne constitue qu’une simple faculté en l’état, sur la base de la convention nationale relative à la communication électronique entre les juridictions ordinaires du premier et du second degré et les avocats en date du 16 juin 2010 signée entre le Ministère de la Justice et le CNB qui définit le périmètre fonctionnel de la communication électronique en son article IV intitulé “Cadre de référence fonctionnel et technique” comme s’étendant “dans le respect des dispositions du code de procédure civile (à) toutes les étapes ou maillons de procédure (qui) pourront, selon l’avancement des développements informatiques de part et d’autre, faire l’objet de transmissions de données informatisées (au moyen de fichiers structurés ou non, de messages et de pièces jointes selon les cas).
Dès lors en adhérant au RPVA et en devenant attributaire d’une adresse personnelle dont le caractère spécifique résulte de l’identification par son nom et son prénom précédé d’un radical unique constitué par son numéro d’affiliation à la Caisse Nationale du Barreau Français, Maître Anne-Marie Civilise avocat de la société Y… doit être présumée avoir accepté de consentir à l’utilisation de la voie électronique pour la signification des jugements à son égard. Il n’est donc pas nécessaire de recueillir son accord express en application de l’article 748-2 du code de procédure civile qui n’a pas vocation à s’appliquer entre avocats postulants adhérents au
RPVA.
Par ailleurs il apparaît des messages de transmission par voie électronique qui lui sont opposés par Maître Emmanuelle Menard avocat de la société X… au titre de la signification du jugement du 1er juin 2011 (pièce numéro 3) qu’a été délivré à cette dernière un accusé de réception sur lequel il est mentionné la date et l’heure de réception, soit le 16/06/2011 à 09:53 ainsi que les termes suivants :
“A été délivré à 000000 @avocat-conseil.fr
Avec les pièces jointes : 20101111X – SCI Y… – Signification de jugement à avocat.pdf
20101111 X – SCI Y… – Jugement du 1er juin 2011.pdf”
Cet avis de réception électronique en dépit des allégations de la SCI Y… apparaît conforme aux dispositions de l’article 748-3 du code de procédure civile qui en exigent l’émission à titre de preuve précisant par ailleurs qu’il tient lieu de visa, cachet et signature ou autre mention de réception qui sont apposés sur l’acte ou sa copie lorsque ces formalités sont prévues par le code de procédure civile.
Il y a lieu en effet de considérer que la présentation formelle et le contenu des mentions de cet accusé de réception sont conformes aux dispositions de l’article 748-6 du code de procédure civile qui prévoient que le procédé technique utilisé doit garantir notamment la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la conservation des transmissions opérées et permettre d’établir de manière certaine la date d’envoi et celle de la réception par le destinataire dans les conditions prévues par arrêté du garde des sceaux et spécialement celui en date du 30 mars 2011 pris pour l’application du texte précité qui en son article 8 stipule que le courrier électronique expédié par la plateforme de services “e-barreau” provoque l’envoi d’un avis de réception technique par le destinataire et que les dispositifs techniques du système de messagerie justice adressent automatiquement les avis demandés conformément aux normes et standards en vigueur”.
Il doit être souligné que ce document qui fait donc l’objet d’un envoi automatique, est également expressément dispensé en application des dispositions de l’article 748-3 dernier alinéa du code de procédure civile de la nécessité de la transmission conjointe en plusieurs exemplaires et de la restitution matérielle des actes et pièces remis ou notifiés lorsqu’elles sont exigées par d’autres dispositions du même code.
Enfin, la SCI Y… ne saurait faire grief à son adversaire au titre de la notification du jugement à avocat de ne pas avoir procédé à la notification d’une expédition du jugement revêtue de la formule exécutoire conformément aux dispositions de l’article 502 du code de procédure civile dès lors que seules peuvent s’appliquer dans ce cadre les dispositions de l’article 676 du même code qui prévoient qu’une simple expédition suffit.
Dès lors la notification du jugement par voie électronique telle qu’elle été opérée à l’égard de l’avocat représentant la SCI Y… doit être considérée comme régulière.
L’ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a retenu la nullité de cette dernière.
Sur la recevabilité de l’appel
La signification du jugement à avocat qui précède la signification à partie étant intervenue régulièrement par voie électronique le 16 juin 2011 et sa matérialité ne pouvant être contestée, la signification à partie intervenue par acte d’huissier postérieure en date du 17 juin 2011 est parfaitement régulière même si ce dernier mentionne par erreur une signification préalable à avocat par acte du palais, cette mention ne pouvant faire grief du fait du caractère effectif de la signification à avocat par la voie précitée.
En conséquence le délai d’appel qui a couru à compter de cette dernière était expiré à la date de la déclaration d’appel intervenue le 26 juillet 2011 et l’appel doit donc être déclaré irrecevable comme tardif en application de l’article 538 du code de procédure civile. L’ordonnance déférée sera donc infirmée en toutes ses dispositions.
Il sera alloué à la compagnie X… la somme de 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI Y… sera tenue aux dépens de l’appel irrecevable qu’elle a interjeté.
DÉCISION
Par ces motifs, la cour :
. Ordonne la jonction des dossiers enrôlés sous les numéros 4968/11 et 7884/11
. Infirme l’ordonnance déférée du conseiller de la mise en état en date du 23 novembre 2011
. Déclare régulière la signification par voie électronique en date du 16 juin 2011 du jugement déféré à l’égard de l’avocat de la SCI Y… et en conséquence la signification à partie intervenue par acte d’huissier en date du 17 juin 2011
. En conséquence déclare irrecevable l’appel interjeté par la SCI Y… à l’encontre du jugement du 1er juin 2011 du tribunal de grande instance de Bordeaux
. Condamne la SCI Y… à payer à la société X… la somme de 1500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
. Condamne la SCI Y… aux dépens d’appel et en accorde distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.
La cour : Mme Marie-Paule Lafon (président), MM. Claude Berthommé, Claude Sabron et Thierry Lippmann (conseillers)
Avocats : Me Emmanuelle Menard, Me Anne-Marie Civilise
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