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Jurisprudence : E-commerce

lundi 22 septembre 2008
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Cour d’appel de Colmar 1ère chambre civile, section A Arrêt du 24 juin 2008

Overstock / Puma

concurrence déloyale - dénomination sociale - e-commerce - nom commercial - parasitisme - réseau de distribution sélective - usurpation - vente en ligne

DISCUSSION

Vu la requête présentée le 15 octobre 2007 par la société Puma France en vue d’être autorisée à assigner la société Overstock en dehors des audiences habituelles en référé ;

Vu l’ordonnance du 16 octobre 2007 qui a fait droit à cette requête ;

Vu l’assignation délivrée le 17 octobre 2007 par la société Puma France à la société Overstock aux fins de lui faire interdire sous astreinte la commercialisation de produits Puma en violation du réseau de distribution exclusive de cette société, et aux fins d’obtenir une provision à valoir sur la réparation de son préjudice ainsi que diverses mesures de publicité ;

Vu l’ordonnance du 8 janvier 2008 du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg, qui a fait droit généralement aux demandes de la société Puma France, au motif essentiel que le réseau de distribution exclusive de cette société était manifestement licite, et qui a condamné sous astreinte la société Overstock à cesser de commercialiser les produits Puma ainsi qu’à lui payer une provision de 15 000 €, en ordonnant diverses mesures de publicité ainsi que la communication de l’état des stocks de la société Overstock aux dates du 16 janvier 2007 et du 12 septembre 2007 ;

Vu l’appel relevé contre cette ordonnance le 7 février 2008 la société Overstock, dans des conditions de recevabilité non contestées, en l’absence de justification de sa signification ;

Vu ses conclusions d’appel du 2 mai 2008, destinées à obtenir l’infirmation de l’ordonnance entreprise, aux motifs essentiels que la licéité du réseau de distribution exclusive Puma ne serait pas établie, notamment eu égard à la part de marché de cette société et à la nécessaire étanchéité de son réseau et qu’elle justifierait d’un approvisionnement régulier auprès de diverses sociétés, elles-mêmes fournies par la société Puma Italie ;

Vu ses demandes présentées au résultat de cette argumentation, destinées à obtenir 100 000 € de dommages-intérêts au titre de l’exécution dommageable de l’ordonnance entreprise, ainsi que 5000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

Vu les conclusions déposées le 9 mai 2008 par la société Puma France, en vue d’obtenir généralement le confirmation de l’ordonnance entreprise, sauf à retenir par voie d’appel incident un certain nombre de moyens écartés par le premier juge, relativement à la présentation dévalorisante des produits, à l’usurpation de la qualité de distributeur agréé, à l’usurpation du nom commercial Puma et à la pratique de prix illicites, et à porter à 100 000 € la provision à valoir sur la réparation de son préjudice ;

Attendu que cette cour rappelle que la société Puma France poursuit la société Overstock pour avoir violé son réseau de distribution exclusive, en procédant à des ventes sur internet constatées notamment le 16 janvier 2007 et le 12 septembre 2007 ;

Attendu que, comme la cour l’a également fait observer dans le dossier connexe Puma c/ Brandalley, l’action en référé de la société Puma France était anormalement alourdie par la production d’un nombre très important de pièces, d’une cinquantaine de centimètres d’épaisseur au total dans les deux affaires ;

Qu’une telle méthode parait révélatrice d’une certaine difficulté à prouver, alors qu’un trouble manifestement illicite est par nature évident ;

Attendu qu’au fond, la société Overstock, qui vend des produits sur internet, n’établit pas précisément l’origine de son approvisionnement, mais établit cependant un certain nombre d’achats auprès d’un société Fymex, approvisionnée par une société Caravelle en Italie, laquelle se fournit auprès de la société Puma Italie ;

Attendu que cela est insuffisant pour établir précisément l’origine de tout l’approvisionnement en partie non critiquable, et apporte en conséquence un doute tant sur la légitimité de l’action de la société Puma France que sur l’étanchéité de son réseau ;

Attendu qu’en ce qui concerne la licéité du réseau de distribution exclusive de la société Puma France, cette cour rappelle qu’il appartient à celle-ci de l’établir conformément à l’article 2 du règlement 2003 du Conseil de l’Union Européenne du 16 décembre 2002 ;

Attendu que la licéité de ce réseau n’apparaît pas comme manifeste, notamment eu égard à la part de marché de la société Puma France, laquelle ne doit pas dépasser 30 % pour lui conserver le bénéfice de l’exemption légale accordée par ce règlement ;

Attendu que la société Puma France a invoqué une part de 4% du groupe Puma sur le marché mondial ; qu’il faut cependant connaître en 2007 la part de la société Puma France sur le marché français, ou si cette société était reconnue comme faisant partie d’une unité économique indivisible, la part du groupe Puma sur le marché européen, en dehors duquel les règles européennes n’étaient pas applicables ;

Attendu qu’une autre objection contre la licéité du réseau exclusif de la société Puma France vient de ses problèmes d’étanchéité juridique ;

Attendu en effet que l’article 4.2 des contrats de distribution exclusive passés en 2005 réservait à la société Puma France la possibilité de déstocker des produits invendus auprès de soldeurs professionnels ;

Attendu que les conditions de la société Puma France en 2007 n’ont que légèrement modifié la formulation de cette possibilité, apparemment à la seule fin de rendre moins apparent le défaut d’étanchéité juridique, sans rien modifier substantiellement pour autant ;

Attendu que l’observation de la société Puma France apparaît comme obscure et incompréhensible, lorsqu’elle indique que cette possibilité ne concerne que des produits des saisons antérieures vendus à des consommateurs directement ou indirectement, mais en aucun cas mis dans un circuit de commercialisation ;

Qu’il parait bien y avoir là un non-sens résultant de propositions contradictoires ;

Attendu que le problème du défaut d’étanchéité juridique du réseau de la société Puma France se trouve par ailleurs posé par le fait que l’on ne connaît pas les dispositions contractuelles qui régissent ses rapports avec les grossistes, et spécialement ceux implantés dans d’autres pays de l’Union Européenne, tel que l’Italie ;

Que l’on ne sait donc pas dans qu’elle mesure l’approvisionnement auprès de grossistes étrangers pouvait être réglementé, étant rappelé qu’une telle réglementation ne pouvait en aucun cas rétablir des cloisonnements contraires à la libre circulation des marchandises à l’intérieur de l’Union Européenne ;

Attendu que dans deux considérations un peu ambiguës de ses conclusions, la société Puma France parait avoir invoqué le droit des marques, sans reprendre expressément d’ailleurs un moyen de ce chef, spécialement dans le dispositif de celles-ci ;

Attendu que la cour rappelle en tant que de besoin que le droit des marques est épuisé conformément à l’article L 713-4 pour les marchandises régulièrement mises dans le commerce de l’Union Européenne ;

Que la cour de justice Européenne a jugé dans l’arrêt Van Doren du 8 avril 2003 que dans le cas où le titulaire de la marque avait recours à un système de distribution exclusive, c’était à ce dernier de prouver qu’il avait donné son consentement à la commercialisation de ses produits hors des frontières de l’espace économique européen avec interdiction d’importer à l’intérieur de cet espace ;

Attendu donc qu’à défaut d’une telle preuve, les marchandises sont considérées comme régulièrement mises sur le marché européen avec le consentement de leur producteurs ;

Attendu qu’au total, le réseau de distribution exclusive de la société Puma France n’apparaît pas comme manifestement licite ;

Attendu que par conséquent, l’atteinte à ce réseau ne peut pas être considérée comme un trouble manifestement illicite ;

Attendu que le parasitisme d’un réseau qui n’est pas manifestement licite ne pourrait pas être considéré comme un trouble manifestement illicite, et qu’il y a là une contestation sérieuse, exclusive de la compétence de la juridiction des référés ;

Attendu que pour le surplus, le premier juge a retenu à juste titre qu’il n’y avait pas de présentation dévalorisante des produits de la société Puma France sur le site internet de la société Overstock ;

Qu’il n’y avait pas non plus d’usurpation de la qualité de distributeur agréé de la société Puma France, ni d’usurpation du nom commercial Puma, alors que la société Overstock avait utilisé la dénomination Puma pour désigner les seuls produits de cette société ;

Attendu qu’il n’y a pas de prix illicites, et que la société Overstock pouvait effectivement faire référence aux prix moyens pratiqués dans le commerce ;

Qu’il n’y avait pas non plus des soldes irrégulières, et qu’à supposer même qu’il y ait eu d’éventuelles infractions à la réglementation des prix ou des soldes, celles-ci n’auraient pas pu justifier une mesure d’interdiction générale de commercialiser les produits Puma, ou une provision à valoir sur un préjudice non établi pour cette société ;

Attendu donc que réformant l’ordonnance entreprise, la cour déboute la société Puma France de l’ensemble de ses demandes ;

Attendu que cette infirmation entraîne l’obligation pour la société Puma France de rembourser toutes les sommes payées par la société Overstock au résultat de l’exécution provisoire de l’ordonnance entreprise ;

Attendu que les mesures de publicité ont causé effectivement un préjudice à la société Overstock, et que la cour condamne la société Puma France à lui payer une provision de 10 000 € à valoir sur la réparation du préjudice résultant généralement de l’exécution provisoire de l’ordonnance infirmée ;

Attendu que cette cour n’estime pas cependant devoir accorder quelque compensation que ce soit à la société Overstock sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

Attendu en effet que cette société n’a pas répondu à une sommation de la société Puma France du 7 février 2007, relative notamment à l’origine de son approvisionnement, et que dans ces conditions, une solution amiable devenait impossible, et un procès inévitable ;

Que la cour ne peut donc pas compenser l’obligation de plaider de la société Overstock ;

DECISION

Par ces motifs, la cour,

. Reçoit l’appel de la société Overstock contre l’ordonnance du 8 janvier 2008 du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg ;

. Au fond, réforme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, déboute la société Puma France de l’ensemble de ses demandes en référé ;

. Rappelle que l’infirmation de l’ordonnance entreprise entraîne l’obligation pour la société Puma France de rembourser à la société Overstock toutes les sommes payées au résultat de l’exécution provisoire de l’ordonnance entreprise ;

. Condamne la société Puma France à payer à la société Overstock une provision de 10 000 € à valoir sur la réparation du préjudice résultant de l’exécution provisoire de l’ordonnance entreprise ;

. Rejette toutes autres demandes plus amples, en ce particulier les demandes présentées de part et d’autre sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

. Condamne la société Puma France aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La cour : M. Hoffebeck (président), MM. Cuenot et Allard (conseillers)

Avocats : SCP Cahn et associés, Me Anne Marie Boucon

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