Jurisprudence : E-commerce
Cour d’appel de Dijon Chambre correctionnelle Arrêt du 19 février 2009
Chambre de l'immobilier de Saône et Loire / Gregor H....
e-commerce - presse - publication - publicité
PROCEDURE
Gregor H… a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Chalon sur Saône en vertu d’une citation directe pour s’être :
– sur le ressort du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône, courant 2004 et 2005, livré habituellement à des opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à l’achat, la vente, l’échange, la location ou sous-location, la location gérance d’immeubles ou de fonds de commerce, l’achat, la vente ou la souscription de parts de sociétés immobilières donnant lieu à attribution de locaux en jouissance ou propriété ; la vente de listes ou fichiers relatifs à la vente ou location d’immeubles ; la gestion immobilière, sans être titulaire d’une carte professionnelle ou après avoir cessé d’en remplir les conditions,
infraction prévue par les articles 14 A), 1, 3 de la Loi 70-9 du 02/01/1970, l’article 1 du Décret 72-678 du 20/07/1972 et réprimée par l’article 14 al.1 de la Loi 70-9 du 02/01/1970.
MOYENS
Statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire,
Sur l’action publique :
– Déclaré Gregor H… coupable des faits qui lui sent reprochés,
– Condamné Gregor H… à la peine de 4 mois d’emprisonnement,
– Dit qu’il sera sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement qui vient d’être prononcée contre lui,
– Condamné Gregor H… en outre à 7500 € d’amende,
A l’issue de l’audience le président a avisé le condamné que s’il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée le montant sera diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1500 €. Le Président a informé le condamné que le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées,
Le Président, en application de l’article 132-29 du Code pénal, a averti le condamné que s‘il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une nouvelle condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les tenues des articles 132-8 à 132-16 du Code pénal,
Sur l’action civile :
– Reçu la Chambre de l’immobilier de Saône et Loire en sa constitution de partie civile,
– Condamné Gregor H… à payer à la Chambre de l’immobilier de Saône et Loire la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 1000 € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale,
– Condamné Gregor H… également aux dépens de l’action civile,
– Dit que la dite décision était assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 90,00 € dont est redevable le condamné,
Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du code de procédure pénale et des textes susvisés.
[…]
FAITS
Le 23 janvier 2005 la Chambre de l’Immobilier de Saône et Loire FNAIM et CNAB a déposé plainte auprès du Procureur de la République de Chalon sur Saône du chef d’exercice illégal de la profession d’agent immobilier et de toute infraction que l’enquête pourrait révéler conte personne physique ou morale non dénommée.
Elle exposait qu’il ressortait d’un article de presse paru dans le supplément économique du Journal de Saône et Loire du 1er novembre 2005 que Gregor H… demeurant à la Chapelle Thècle, avait créé un site internet intitulé “lmmogo” à partir duquel il servait d’intermédiaire entre vendeurs et acquéreurs d’immeubles moyennant une commission de 1% du prix publié.
Elle en concluait qu’il apparaissait qu’en contravention avec l’article 1er -7°) de la loi du 2 janvier 1970 relative à l’activité des agents immobiliers, Gregor H… se livrait de façon habituelle à la vente de listes d’immeubles à vendre en contrepartie de laquelle il percevait, en cas de réalisation, 1% du prix de vente, qu’or ce type d’opérations était réservée aux agents immobiliers titulaires d’une carte professionnelle dont le sus-nommé ne disposait pas.
L’enquête effectuée à la demande du Parquet a permis d’apprendre que Gregor H… était immatriculé auprès des services de l’Urssaf pour une activité indépendante de création de textes publicitaires mais qu’il n’était pas détenteur d’une carte professionnelle d’agent immobilier.
La consultation du site internet “Immogo” a amené les enquêteurs à constater que de nombreux biens immobiliers à vendre y figuraient et que les modalités de leur acquisition y étaient expliquées. Notamment, sous l’intitulé “vendre votre propriété en France par Immogo“, il était mentionné :
“Publier votre bien sur Immogo, c’est tout simple. Vous m‘envoyez une description de votre bien, avec autant de photos que vous voulez. Je m’occupe des traductions et je fais une page de présentation pour votre maison sur Immogo. Si quelqu‘un est intéressé par votre propriété il m‘envoie un petit mail et je lui donne vos coordonnées. Ensuite, vous vous débrouillez vous. Jusque là, tout est gratuit ! Par contre, lorsque quelqu‘un venu par Immogo achète votre maison, vous me permettez de vous envoyer une facture correspondant à 1% du prix publié…”
Et sous l’intitulé “Chercher une propriété en France par Immogo” :
“Sur la page de début, cliquez sur la carte de France pour avoir une liste des maisons à vendre dans cette région. Ou bien utilisez le moteur de recherche, pour chercher en fonction de votre budget ou vos mots clés. Le résultat sera présenté avec des petites images et une description sommaire. Cliquez l’image pour plus d‘infos. Dans la description complète cliquez sur contact pour m‘envoyer un mail. Je vous renvoie tout de suite les coordonnées du vendeur particulier. C’est totalement gratuit. Vous pouvez également faire paraître une annonce de demande. Si grâce à elle vous trouvez votre maison de rêve, vous ne payez que 1% du prix de vente.”
Par ailleurs les recherches effectuées à partir d’un numéro de Siret figurant sur le site ont conduit à la découverte de l’existence de la Sarl Vivre en Bresse, immatriculée au RCS de Chalon sur Saône depuis le 23 août 2001 ayant comme gérant Gregor H… avec le code d’activité : marchand de biens immobiliers.
Entendu le 21 juin 2006, Gregor H… a indiqué :
– qu’il avait créé le site Immogo deux ans plus tôt,
– qu’il s’agissait d’offrir un support de publicité pour l’immobilier entre particuliers,
– que dans un premier temps cette parution, illimitée dans le temps, quant au nombre des photos et dans la longueur de la description du bien, traduite par ses soins en anglais et en néerlandais, était gratuite ; que le bien était mis en vente sur les quatre sites suivants : immogo.com, immogo.fr, immogo.nI et immogo.ch
– que les coordonnées du vendeur n’apparaissaient pas en ligne et qu’elles faisaient l’objet d’un fichier informatique qu’il détenait sur son ordinateur et communiquait lorsqu’il était contacté par une personne désireuse d’acheter le bien, cette information étant gratuite
– qu’un paiement n’était reçu qu’en cas de publicité “effective” ou efficace, c’est à dire si le bien était vendu grâce à l’annonce.
Il a remis la copie de trois factures libellées pour partie en langue néerlandaise, ainsi qu’un tableau récapitulatif de factures pour un montant total de 9007,13 euros.
Lors de l’audience devant la Cour, Gregor H… a persisté à contester l’infraction reprochée au motif principal, repris dans les conclusions qu’il a fait déposer, que se bornant à publier des petites annonces immobilières entre particuliers il n’exerçait aucune activité d’entremise ou de négociation et ne relevait donc pas du statut d’agent immobilier.
La Chambre de l’Immobilier de Saône et Loire pour sa part a fait essentiellement observer que l’activité exercée par Monsieur ne se limitait pas à une simple publication par voie de presse ou à la vente de listes ou fichiers relatifs à la vente de biens immobiliers ; qu’en effet il assurait un rôle d’entremise entre l’acheteur et le vendeur dont il fournissait les coordonnées ; qu’en outre il faisait dépendre sa rémunération d’un pourcentage calculé sur le prix de vente du bien tel qu’affiché dans l’annonce, cette méthode étant propre à l’activité des agents immobiliers.
Le ministère public a requis que l’infraction était bien constituée.
DISCUSSION
Attendu que les poursuites sont fondées sur l’article 14 de la loi du 2 janvier 1970 qui prévoit qu’est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende le fait de se livrer ou prêter son concours, d’une manière habituelle, même à titre accessoire, à des opérations visées à l’article 1 sans être titulaire de la carte instituée par l’article 3 ;
Que selon l’article 1er de cette même loi, les opérations en cause sont, notamment, l’achat, la vente, l’échange d’immeubles bâtis ou non bâtis ;
Qu’il importe de définir le champ des activités interdites, dès lors qu’il n’est pas contesté que Gregor H… n’est pas titulaire d’une carte d’agent immobilier ;
Que se livrer à une opération suppose un engagement direct et déterminant ; que prêter son concours implique une contribution significative ; qu’ainsi l’article 1er sus-visé s’applique aux personnes exerçant, dans le domaine de la vente immobilière, des activités de négociation ou d’entremise ou l’une seulement de ces activités ;
Qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le prévenu se serait livré à une activité de négociation entre acquéreurs et vendeurs de biens immobiliers ;
Qu’il importe de rechercher si des faits caractérisant une entremise peuvent lui être reprochés ;
Attendu que Gregor H… exerce la profession de rédacteur de textes publicitaires ; qu’il justifie par les pièces qu’il produit aux débats de son activité dans ce domaine ; qu’il indique avoir, dans le cadre de celle-ci, créé en 2004 un site internet de petites annonces immobilières entre particuliers ; qu’il précise, ce que confirme l’analyse du dossier, que son intervention se limite à traduire l’annonce en anglais et en hollandais, à l’éditer et à la publier, avec les photos, sur le site immogo ainsi qu’à domicilier les réponses des particuliers, c’est à dire les transmettre à l’auteur de l’annonce ; que la partie civile lui fait grief de cette dernière prestation en soutenant qu’elle caractérise l’entremise ;
mais que la domiciliation des annonces consiste en un simple service de boîte aux lettres effectivement proposé, comme le relève l’appelant, par la plupart des annonceurs ; que Gregor H… n’a été chargé d’aucun mandat ; qu’aucune pièce du dossier ne permet de contredire ses déclarations selon lesquelles le vendeur ou l’acheteur éventuel reste libre d’entrer en contact avec l’auteur de l’annonce ; qu’il n’existe aucune obligation d’acquérir ou de vendre et que le détenteur du site n’intervient en aucune façon dans les relations qui peuvent s’instaurer ou non entre les personnes qui choisissent de passer une annonce ou d’y répondre ;
Que la rémunération du prévenu, proportionnelle au prix de vente annoncé, ne permet pas davantage de conclure formellement à l’existence d’une entremise, même si elle offre l’inconvénient d’évoquer, par son mode de calcul, la commission perçue par l’agent immobilier ;
Que l’appelant indique en effet de façon pertinente que sur internet l’espace est illimité et qu’une tarification au nombre de mots ou de lignes ne peut être envisagée ; qu’en outre le prix est déterminé dès l’origine et ne dépend pas de celui auquel le bien sera vendu ultérieurement ; qu’enfin le tarif demandé, nettement inférieur à la rémunération d’un agent immobilier, correspond au service offert par l’annonceur qui consiste à faire profiter son client de la renommée du site ainsi que de prestations matérielles de traduction ou de présentation ; qu’il explique encore que ce mode de calcul de sa rémunération consiste en une adaptation du concept de marketing “satisfait ou remboursé” et résulte de la volonté de trouver une formule attractive et originale ; qu’il ne revêt en tout cas aucun caractère illégal ;
Que l’activité de Gregor H…qui se borne à diffuser sur internet des annonces entre particuliers, moyennant certes rémunération, mais sans intervenir dans les relations entre les auteurs des annonces et les personnes intéressées, ne peut donc être qualifiée d’entremise en matière de ventes immobilières ; que tout au plus elle pourrait s’analyser en une vente de listes ou de fichiers mais que le 7° de l’article 1er de la loi du 2 janvier 1970 exclut dans ce domaine les publications par voie de presse auxquelles il convient d’assimiler celles effectuées sur internet, en application de la loi du 21 juin 2004 dont le titre II, relatif au commerce électronique, prévoit que l’activité consistant à fournir des informations en ligne ou des communications commerciales s’exerce librement ;
Que l’infraction reprochée à Gregor H… n’est donc pas constituée ; qu’il y a lieu d’entrer en voie de relaxe ;
Que les demandes formées par la partie civile seront en conséquence intégralement rejetées ;
Attendu que seul l’auteur de l’infraction peut être condamné au paiement des frais visés à l’article 475-1 du code de procédure pénale ; que la partie civile ne peut être tenue à rembourser les frais non recouvrables au prévenu renvoyé des fins de la poursuite ; que Gregor H… sera donc débouté de sa demande sur ce fondement ;
DECISION
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
. Déclare les appels recevables,
. Réforme le jugement rendu le 17 mars 2008 par le tribunal correctionnel de chalon sur Saône,
Statuant à nouveau,
. Relaxe Gregor H… des fins de la poursuite,
. Rejette l’intégralité des demandes formées par la Chambre de l’immobilier de Saône et Loire,
. Déboute Gregor H… de sa demande en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale,
Le tout en application des articles susvisés, 417, 424, 516 du Code de procédure pénale.
La cour : Mme Vieillard (président), Mmes Lathelier Lombard et Delatte (conseillères)
Avocats : Me Gilles Buis, Me Frédéric Hopgood
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.