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Jurisprudence : E-commerce

mardi 07 novembre 2006
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Tribunal de commerce de Paris Ordonnance de référé 17 octobre 2006

Konami Digital / Babelstore

e-commerce

PRETENTIONS

La société Konami Digital Entertainment Paris Branch, nous a demandé de :

Vu les articles 484 et suivants, l’article 873 du ncpc,
Vu les articles 1382 du code civil, L 111-1 et 3 du code de la consommation, L 310-5, L 442-2 du code du commerce,
– ordonner à la société Babelstore que soit rendu impossible l’accès des consommateurs sur le site Price-Minister.com aux publicités et offres de vente illicites de la société Mediaprice pour le jeu Pro Evolution Soccer 6 dans toutes les versions proposées, sous astreinte de 100 000 € par jour de retard,
– ordonner à la société Babelstore que soient immédiatement communiquées à la requérante et au plus tard sous 24 heures les coordonnées du vendeur Media Price sous astreinte de 100 000 € par jour de retard afin de pouvoir exercer contre cette société tous les recours dont elle dispose et intenter des mesures judiciaires d’urgence devant les tribunaux,
– condamner la société Babelstore à lui verser une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du ncpc.

La société Babelstore s’est fait représenter et, après avoir développé le moyen de ses écritures, par conclusions motivées son conseil nous a demandé :
– dire qu’en raison des contestations sérieuses rappelées et de l’absence de trouble manifestement illicite au sens de la loi, il n’y a pas lieu à référé,

En conséquence,
– débouter la société Konami Digital Entertainment Paris Branch de toutes ses demandes, griefs et conclusions,

En tout état de cause,
– dire que la concluante n’a commis aucune faute en se refusant à faire droit, en l’état, à ses demandes qui ne s’inscrivent pas dans le champ d’application de la loi,
– faire application de l’article 700 du ncpc et condamner la société Konami Digital Entertainment Paris Branch à payer à ce titre, une somme de 3000 € HT.

DISCUSSION

Konami

Nous constatons que :
– Konami Digital Entertainment Paris Branch est l’éditeur et fournisseur de Pro Evolution Soccer, que celle-ci soutient que ce jeu est le plus grand succès actuel dans le secteur du jeu vidéo en Europe, les ventes dépassant en France le million d’exemplaires,
– celle-ci a, notamment, fixé au 26 octobre 2006 la date de sortie officielle de la version 6 de ce jeu et a diffusé un tarif par produit,
– elle précise avoir pris un soin particulier pour que cette sortie se passe dans les meilleures conditions de loyauté et de concurrence entre les différents distributeurs du produit et garantissant ainsi à l’ensemble des consommateurs les conditions d’approvisionnement normales,

Nous relevons que :

Konami Digital Entertainment Paris Branch
– justifie avoir constaté sur le site internet www.princeminister.com des offres de jeux, émanant de Mediaprice, dont elle prétend qu’elles ne respectent pas les dispositions impératives des articles L 442-2 et L 310-5 du code de commerce ni celles du code de la consommation relatives à la publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, pas plus qu’elles ne respecter la date de sortie officielle du produit, qu’en outre les coordonnées de l’annonceur n’apparaissent pas (identité, numéro Siret, adresse du siège social, adresse électronique et numéro de téléphone du vendeur) contrairement aux textes en vigueur destinés à protéger le consommateur ;
– précise que ces pratiques illicites particulièrement celles de non-respect du day one et de la revente à perte constituent un fléau car elles désorganisent profondément et durablement le marché de la distribution du jeu vidéo en France eu égard aux enjeux financiers en cause (une partie importante de ces 1 500 000 jeux vidéo étant susceptibles d’être vendus en Day one), certains distributeurs pouvant être contraints de s’aligner sur les prix de revente illicites de ces annonceurs par ailleurs non identifiés qui visent à détourner la clientèle à leur profit par des moyens déloyaux ;
– ajoute que la société Babelstore, éditeur du site internet Prince Minister et courtier ou mandataire en ligne n’a pas tenu compte de sa demande du 22 septembre 2006 de rendre inaccessibles les offres de ces revendeurs qui seraient illicites alors qu’elle lui a communiqué toutes les informations nécessaires pour les identifier ;
– soutient que ses demandes en référé sont avant tout justifiées, outre l’urgence et l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser, par la nécessité de prévenir un dommage imminent pour les enseignes de distribution du jeu vidéo.

Nous relevons aussi que :

La société Babelstore prétend en particulier que :
– Konami a éludé dans son exposé des faits la réponse circonstanciée qu’elle lui a faite le 28 septembre 2006 ;
– la responsabilité du site Princeminister, qu’elle exploite, ne peut être engagée qu’au regard de contenus pouvant être considérés comme manifestement illicites selon l’interprétation donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 juin 2006 et spécifiquement désignés auprès de ses services ;
– Konami n’a, à ce jour, relevé, sur le site, aucun contenu pouvant être qualifié d’illicite au sens retenu par le Conseil constitutionnel ;
– les divers griefs formulés par Konami à l’encontre de certaines offres de vente figurant sur le site sont contestables et contestés ;
– si elle peut comprendre l’objet ou l’enjeu économique ou marketing des demandes de Konami, les raisons précisées ci-dessus lui ont semblé, en droit, de nature à lui permettre d’empêcher de faire droit aux souhaits ou oukases du tiers qu’est Konami qui ne se situent pas dans le cadre législatif restrictif fixé par la loi ;
– Princeminister agit en qualité de tiers de confiance et permet d’assurer qu’aucune transaction ne sera consommée en cas de recours d’un acheteur, où elle intervient ;
– elle a suspendu l’accessibilité des annonces litigieuses figurant sur son site dans l’attente de l’ordonnance de référé.

Nous disons que :

Les mails émanant de Priceminister, objet des procès verbal de constat d’huissier versés aux débats, contiennent des offres commerciales qui apparaissent constituer un trouble manifestement illicite ; en effet :
– le mail daté du 29-9-2006 indique : l’article suivant (Pro Evolution Soccer 6 – jeu de Playstation 2) vient d’être mis en vente sur Priceminister … Vous pouvez … l’acheter s’il est toujours disponible, … Attention, ceci ne constitue pas une réservation … Tous les articles sont mis en vente sur le principe de « premier arrivé, premier servi » ; S’il n’y a plus d’annonce pour cet article quand vous vous connectez c’est que quelqu’un d’autre aura déjà acheté le nouveau venu ; et ce, alors qu’il n’est pas contesté que Konami Digital Entertainment Paris Branch, éditeur et distributeur du jeu, a fixé la date de sortie officielle, date de première mise sur le marché en France, au 26 octobre 2006 ;
– sur d’autres mails, les prix de vente du produit neuf Pro Evolution Soccer 6 -Pes 6, tels que mentionnés -, sont sensiblement inférieur au prix de vente de l’éditeur – et donc le prix de revient du revendeur -, compte tenu des informations sur ses tarifs que Konami Digital Entertainment Paris Branch a données ou versées aux débats, les % d’économie résultant de ces réductions ainsi offertes aux consommateurs, compris entre 12 et 19 % du prix d’origine, étant clairement soulignés dans le message diffusé,

Ces offres sont susceptibles de causer un dommage imminent aux acteurs intervenant sur le marché de ce jeu vidéo Pro Evolution Soccer 6 eu égard, à la fois :
– aux caractéristiques particulières de ce marché, tel le nombre considérable de produits susceptibles d’être vendu le jour de sa sortie officielle ou dans les jours qui le suivent immédiatement,
– aux réductions sensibles proposées aux consommateurs par rapport aux tarifs de l’éditeur et diffuseur du produit et donc extrêmement attractif pour ceux-ci,
– à la promotion de ces offres sur internet, ce qui leur donne une diffusion massive auprès des prospects,
– à l’afflux possible de clientèle vers ces offres, au détriment des revendeurs de ce jeu vidéo proposant des conditions conformes à celles définies par le concepteur et diffuseur de ce produit,
– à la désorganisation du marché que ne manquerait pas de provoquer la persistance de ce trouble manifestement illicite et ce au préjudice final de l’ensemble des divers intervenants,
– à l’absence de toute information permettant, en l’état, d’identifier les promoteurs de ces offres et donc, le cas échéant, de les faire cesser,
– en conséquence, vu l’article 873 alinéa 1 du ncpc.

Pour l’ensemble des motifs ci-indiqués, nous prendrons les décisions faisant l’objet du dispositif ci-après de notre ordonnance aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite et de prévenir le dommage imminent évoqué ci-dessus.

Nous dirons en outre que nous avons trouvé en l’espèce les éléments nous permettant, pour des raisons d’équité, de ne pas mettre en œuvre les dispositions de l’article 700 du ncpc et mettons les dépens à la charge de Babelstore.

DECISION

Par ces motifs,
Statuant publiquement par une ordonnance contradictoire en premier ressort,

. Donnons acte à la société Babelstore de ce qu’elle a momentanément suspendu l’accessibilité des annonces litigieuses sur le site Priceminister,

. Lui ordonnons de prendre toute mesure pour continuer de rendre totalement inaccessibles, dès le prononcé de la présente ordonnance, sur son site internet appelé Priceminister, les diverses offres de jeu Pro Evolution Soccer 6 permettant une vente aux consommateurs avant la date de sortie officielle du produit, soit le 26 octobre 2006 et/ou faites à un prix inférieur au prix d’achat effectif tel que déterminé par la loi,

. Ordonnons en outre à la société Babelstore de communiquer sans délai à la société Konami Digital Entertainment Paris Branch les coordonnées permettant d’identifier les annonceurs hébergés sur son site dont les offres de jeu Pro Evolution Soccer 6 présentent l’une ou les caractéristiques énoncées ci-dessus,

. Disons qu’il nous en sera référé en cas de difficulté,

. Disons qu’il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du ncpc,

. Disons n’y avoir lieu à référé pour toutes les demandes autres ou contraires à celles retenues dans le présent dispositif de notre ordonnance,

. Disons que les dépens seront supportés par la société Babelstore.

Le tribunal : M. D’Haultfoeuille (président)

Avocats : Me Gilles Buis, Me Marc Damelincourt

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.