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Jurisprudence : Logiciel

jeudi 08 septembre 2005
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Cour d’appel de Nancy 4ème chambre 12 septembre 2002

Pascal F. - Ministère public / François B. - Emmanuel G.

logiciel- contrefaçon - progiciel- code source

FAITS ET PROCEDURE

Le jugement :

Le tribunal, par jugement du 18 décembre 2000 a :

. relaxé François B. de recel de bien provenant d’un délit puni d’une peine n’excédant pas 5 ans d’emprisonnement, depuis 1995, à sur le territoire national, infraction prévue par l’article 321-1 du code pénal et réprimée par les articles 321-1 alinéa 3, 321-3, 321-9, 321-10 du code pénal (recel de vol de données informatiques),

. l’a relaxé de contrefaçon résultant de la modification de l’adresse de l’éditeur sur la licence du logiciel Self-card sous dos dans quatre établissements scolaires, contrefaçon de logiciel win-kod-bar.

. l’a déclaré coupable de contrefaçon par diffusion ou représentation d’œuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, depuis septembre 1995, à sur le territoire national, infraction prévue par les articles L 335-3, L 335-2 alinéa 2, L 112-2, L 121-2 alinéa 1, L 122-2, L 122-4, L 122-6 du code de la propriété intellectuelle et réprimée par les articles L 335-2 alinéa 2, L 335-5 alinéa 1, L 335-6, L 335-7 du code de la propriété intellectuelle, contrefaçon résultant de l’installation sans autorisation de l’éditeur du logiciel Self-card sous dos dans dix établissements scolaires ne faisant pas partie de la transaction du 6 février 1996.

Emmanuel G.

. relaxé de vol, courant 1995, à sur le territoire national, infraction prévue par les articles 311-1, 311-3 du code pénal et réprimée par les articles 311-3, 311-14 1°, 2°, 3°, 4° du code pénal,

. relaxé de complicité de contrefaçon par diffusion ou représentation d’œuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, depuis le 3 juillet 1995, à sur le territoire national, infraction prévue par les articles L 335-3, L 335-2 alinéa 2, L 112-2, L 121-2 alinéa 1, L 122-2, L 122-4, L 122-6 du code de la propriété intellectuelle, du 121-6 et 121-7 du nouveau code pénal et réprimée par les articles L 335-2 alinéa 2, L 335-5 alinéa 1, L 335-6, L 335-7 du code de la propriété intellectuelle, L 121-6 et 121-7 du nouveau code pénal.

Et par application de ces articles, a condamné :

Sur l’action publique :

François B. à 3 mois d’emprisonnement avec sursis, 40 000 F d’amende, soit 6097,96 euros. Réparations civiles. Ordonne publication dans journaux. Déboute la partie civile de ses demandes sans lien avec l’infraction de M. B.

Sur l’action civile :

Reçoit M. F. en sa constitution de partie civile ;

Déclare François B. entièrement responsable du préjudice subi par la victime ;

Condamne François B. à lui payer :
– la somme de 120 000 F (18 293,88 euros) au titre du préjudice économique résultant de l’installation sans autorisation de dix logiciels Self-card sous dos,
– la somme de 100 000 F (15 244,90 euros) au titre du préjudice moral,
– la somme de 5000 F (762,25 euros) en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Ordonne la publication du jugement dans deux journaux spécialisés à titre de dommages-intérêts, Intendance et Snpden, dans la limite de 1500 F (228,67 euros) par revue ;

Déboute la partie civile du surplus de ses demandes en dommages-intérêts sans lien direct avec l’infraction dont François B. a été reconnu coupable.

LA DISCUSSION

En la forme :

Attendu que les appels de la partie civile et du ministère public, réguliers en la forme, ont été enregistrés dans les délais légaux ;
Qu’il y a lieu de les déclarer recevables ;

Au fond :

1° Sur les faits et leur qualification pénale :

Attendu qu’il est reproché à Emmanuel G. d’avoir, en 1995, frauduleusement soustrait des données informatiques constituant le contenu informationnel des logiciels Self-card sous versions dos et windows, durant le temps nécessaire à la reproduction des informations, et ce au préjudice de Pascal F. ; qu’il lui est également reproché de s’être rendu complice du délit de contrefaçon, commis par François B., en l’aidant ou l’assistant sciemment dans sa préparation ou sa consommation ;

Attendu qu’il est reproché à François B. d’avoir, depuis 1995, sciemment recélé des données informatiques provenant des logiciels Self-card sous versions dos et windows, au préjudice de Pascal F., produit du vol commis par Emmanuel G. ; qu’il lui est également reproché d’avoir, depuis septembre 1995, édité en entier ou en partie, reproduit ou diffusé le logiciel Self-card sous dos et sous windows, en violation des droits de Pascal F., son auteur ;

Attendu que, concernant l’exposé des faits, la cour adoptera l’examen complet et particulièrement précis qui en a été fait par le tribunal ;
Qu’il suffit de rappeler, en substance, que Pascal F., informaticien, dirigeant l’entreprise en nom personnel « Kaléidoscope », est l’auteur d’un logiciel informatique dénommé Self-card (en fait un progiciel-programme + logiciel), qui permet à tout établissement scolaire de gérer l’accès aux restaurants collectifs des élèves ; que ceux-ci sont munis d’une carte magnétique (badge) qui leur permet d’accéder au restaurant collectif et de payer leur repas ; que ce logiciel permet également la gestion des bourses d’études dont dispose l’élève, ainsi que l’accès aux centres de documentation, bibliothèques, etc … ;
Que ce logiciel, créé et développé dans les années 1988, l’a été sous « dos » (système traduisant à l’ordinateur le langage dans lequel Self-card a été écrit, afin qu’il exécute les instructions reçues de celui-ci) ;
Que Pascal F. fera enregistrer la marque Self-card à l’Inpi le 27 octobre 1995 ; que ses droits de propriété tant sur le contenu informationnel dudit logiciel, en qualité d’auteur, que sur la marque ne font pas discussion ;
Qu’un contrat de commercialisation, avec exclusivité de la distribution, sera conclu le 28 décembre 1988 avec la société DMI Système, dont le fondateur et gérant est François B. ;
Que 193 exemplaires de Self-card, au prix unitaire de 1829,39 € (12 000 F) HT, soit 353 071,92 € (2 316 000 F), seront vendus par Kaléidoscope à DMI, le contrat ayant été renouvelé pour une durée de cinq ans le 15 juin 1994, toujours en exclusivité avec l’interdiction pour DMI de développer des produits similaires ;
Qu’il convient d’indiquer que la maintenance du produit auprès des clients était assurée par DMI Système, mais qu’en réalité, c’était l’entreprise de M. F. (Kaléidoscope) qui sous-traitait ce service, confié exclusivement à Emmanuel G., l’un des trois salariés de l’entreprise ;
Qu’il ressort du dossier que, dans ce contexte commercial favorable aux deux parties, François B. va, pendant l’été 1995, et bien qu’il s’en défende, débaucher Emmanuel G. qui donnera sa démission au moment de la fermeture de l’entreprise de Pascal F. pour les congés d’été, le 13 juillet 1995 ;
Que Emmanuel G. pour sa part ne conteste pas que son contrat avec DMI Système a été signé, avant sa démission, le 3 juillet 1995, certes avec prise d’effet au 16 août 1995 (après une prétendue exécution du préavis chez Pascal F. du 14 juillet au 15 août 1995, alors que l’entreprise était fermée) ; que Emmanuel G. ne conteste pas non plus ne pas avoir informé Pascal F. du nom de son nouvel employeur, alors qu’il s’agissait tout de même du distributeur exclusif du logiciel de Pascal F. ;
Que l’absence de toute bonne foi dans l’exécution du contrat de distribution exclusive est d’autant plus caractérisée que dès le 6 septembre 1995, François B. adressait une lettre recommandée à Pascal F. dont la teneur est édifiante puisque François B. lui déclare que « le départ de M. G. de votre société nous a mis dans l’embarras et nous a contraint d’embaucher celui-ci pour assurer la hot-ligne des produits « Self-card » et « Cdi-card ». Nous avons donc adressé un mailing à l’ensemble de nos clients afin de les avertir que nous assurerions dorénavant la hot-ligne de ces produits dont nous avons l’exclusivité » ;
Qu’ainsi à partir du 6 septembre 1995, DMI Système qui est en mesure d’assurer elle-même la maintenance du produit par téléphone, grâce à l’arrivée de Emmanuel G., va lancer, en infraction avec le contrat d’exclusivité qui la liait à Pascal F. – Kaléidoscope, son propre logiciel, d’ailleurs sous le même nom de Self-card, avec un contenu argué de contrefaçon par Pascal F. ;
Qu’en conséquence, alors que Kaléidoscope avait vendu à DMI Système, de 1989 au 30 juin 1995, 193 exemplaires de son logiciel Self-card sous dos, plus aucun logiciel ne lui sera vendu après le départ de Emmanuel G. ;
Qu’enfin, en octobre et novembre 1995, Pascal F. constatait que son logiciel Self-card avait été installé, sans son autorisation et sans qu’aucune commande ne lui ait été passée, dans trois établissements ;
Qu’il constatait également que dans quatre établissements des modifications avaient été apportées à son insu à son logiciel, par modifications de fichiers ;
Qu’il constatait encore, en novembre 1995, que le logiciel installé par DMI Système à l’Ecole des Mines de Douai, et dénommé « Self-card sous windows », présentait d’étranges similitudes avec son propre logiciel sous windows ;
Qu’en effet pour s’adapter à l’évolution des techniques, Pascal F. avait fait évoluer son logiciel et avait créé, en 1994, un logiciel Self-card utilisant l’interface windows (le terme de système d’exploitation, à proprement parler, ne pouvant être utilisé pour windows dans sa première version utilisée en l’espèce) qu’il avait dénommé « win-kod-bar » et qu’il avait commencé à commercialiser en 1995 ;

Attendu que toutefois l’ensemble de ces faits donnaient lieu à une transaction, le 6 février 1996 ; que les parties convenaient de résilier le contrat de distribution exclusive, DMI Système reconnaissant notamment :
– avoir installé le logiciel Self-card sous dos sans autorisation de Pascal F. dans trois établissements scolaires,
– avoir procédé à des modifications de ce logiciel (par modifications des fichiers) dans quatre établissements scolaires,
– avoir installé des versions windows d’un logiciel de gestion de restauration scolaire sur 27 sites, en infraction avec le contrat de distribution exclusive, mais prétendait que ce logiciel nouveau et avait été développé par une société RMS et qu’il n’était en aucun cas une contrefaçon du logiciel win-kod-bar de Pascal F. (version windows de son logiciel Self-card) ;
Qu’en réparation du préjudice subi, la société DMI Système acceptait de verser à Pascal F. une somme de 200 000 F à titre transactionnel ;

Attendu que pourtant Pascal F. déposait une plainte avec constitution de partie civile le 17 avril 1997 au motif que la transaction convenue n’avait pas pris en compte l’ensemble des préjudices subis, en raison de la découverte, depuis la conclusion de la transaction, de l’étendue des agissements de François B. et Emmanuel G. ; qu’il soutenait à ce sujet que :
– DMI Système avait installé Self-card sous dos, sans son autorisation, dans treize établissements et non pas trois ;
– DMI Système avait procédé, dans quatre établissements, à la modification sans son autorisation du logiciel Self-card en substituant son nom et adresse à ceux de l’éditeur (Kaléidoscope) ;
– DMI Système avec le concours de Emmanuel G. lorsqu’il était chargé de la télémaintenance chez Kaléidoscope, avait dupliqué les programmes « sources » du logiciel Self-card sous dos et windows et qu’elle avait, contrairement à ses allégations, contrefait le logiciel Self-card ;

Sur l’installation sans autorisation de Pascal F. du logiciel Self-card sous dos dans dix établissements scolaires non visés dans la transaction du 6 février 1996 :
Par François B. :

Attendu que François B. ne conteste pas avoir installé sans l’autorisation de Pascal F. dix exemplaires de son logiciel Self-card sous dos dans divers établissements scolaires ;
Qu’il invoque pour sa défense être à l’origine de ce marché et avoir en 1988 apporté à Pascal F. un cahier des charges qu’il avait élaboré, comprenant l’ensemble des demandes des proviseurs et chefs d’établissements scolaires avec lesquels il était en relation d’affaires, en vue de l’élaboration d’un logiciel, en raison du fait que Pascal F. maîtrisait cette question pour être l’auteur d’un logiciel dénommé GTI-Resco ;
Qu’ultérieurement, en 1994, la demande de ses clients s’étant orientée vers un logiciel multi-services sous windows, il avait demandé à Pascal F. d’élaborer un tel logiciel, mais sans succès ;
Qu’il était alors entré en relation avec un informaticien, Didier de R., dans le but avéré de créer son propre logiciel multi-services ; que malgré le contrat d’exclusivité qui le liait à l’entreprise de Pascal F. pour l’approvisionnement en logiciels de cette nature, il n’a pu contester qu’il avait créé une société paravent dénommée RMS pour permettre à Didier de R. de lui fournir, avec le concours de Emmanuel G., à partir de septembre 1995, le logiciel multi-services sous windows capable de satisfaire sa clientèle ;
Que le temps de la mise au point de ce logiciel François B. reconnaît qu’il a installé, entre le 1er septembre 1995 et le 6 décembre 1996 (date du protocole), et sans l’autorisation de Pascal F., dix logiciels Self-card sous dos, dont il disposait seulement à titre de démonstration, afin de faire patienter ses clients dans l’attente de leur vendre son propre logiciel ; qu’il admet avoir « omis » de déclarer à Pascal F., dans le cadre de la transaction, l’existence de ces dix installations supplémentaires dans le but évident de réduire le coût de l’indemnisation de Pascal F. ;

Attendu que l’ensemble de ces éléments caractérisent le délit de contrefaçon reproché à François B., les dispositions de l’article L 122-6 du code de la propriété intellectuelle attribuant à Pascal F., auteur du logiciel Self-card (quelqu’en soit le système de dialogue avec la machine dos ou windows), le droit d’effectuer et d’autoriser :
1°/ la reproduction permanente ou provisoire du logiciel en tout ou en partie par tout moyen et sous quelque forme que ce soit,
2°/ La traduction, l’adaptation, l’aménagement ou toute autre modification du logiciel, ainsi que la reproduction du logiciel en résultant,
3°/ la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit y compris la location du ou des exemplaires du logiciel par tout procédé ;
Qu’il y a lieu en conséquence de retenir François B. dans les liens de la prévention et de confirmer le jugement de ce chef ;

Par Emmanuel G. :

Attendu que François B., qui admet ses torts dans cette opération, déclare en revanche que Emmanuel G. n’avait pas participé à l’installation de ces logiciels et qu’il s’agissait d’une pure opération commerciale à laquelle Emmanuel G. n’avait aucune raison de participer puisque son rôle dans la société DMI Système était d’assurer la maintenance technique du produit par téléphone ;

Attendu que malgré ces déclarations rassurantes de François B., on ne peut manquer d’être troublé par les déclarations de l’expert, qui déclare « qu’il est évident qu’il fallait connaître les procédures internes à l’entreprise Kaléidoscope pour procéder à ces installations … il suffisait pour cela de disposer de la clé du superviseur, qui était semble-t-il connu des installateurs » ;
Qu’à l’évidence seul Emmanuel G., employé par Kaléidoscope et de surcroît dans des fonctions techniques qui lui avaient donné une connaissance approfondie du logiciel de son employeur, pouvait détenir cette « clé superviseur » et qu’il ne peut qu’être soupçonné de l’avoir transmise à DMI Système ;
Que toutefois il est apparu du débat contradictoire à l’audience que Emmanuel G. n’était pas le seul à connaître cette clé, dans la mesure où la cour a cru comprendre qu’il s’agissait en réalité d’un « secret de polichinelle » ;

Attendu qu’il en ressort que, si Emmanuel G. par ses fonctions de télémaintenance du logiciel tant chez Kaléidoscope que chez DMI Système avait forcément connaissance de ces dix installations irrégulières, la preuve de sa participation active à l’infraction commise par François B. n’est pas suffisamment rapportée et qu’un doute subsiste sur sa culpabilité, dont il convient de lui accorder le bénéfice ;
Qu’il convient en conséquence de le relaxer de ce chef de prévention ;

Sur les modifications apportées au logiciel Self-card portant sur l’adresse de l’éditeur :

Attendu que Pascal F. soutient que DMI Système a procédé, dans quatre établissements, sans son autorisation à la modification du nom de l’éditeur dans le logiciel Self-card, puisque la mention « DMI Système BP n° 155 Luneville 54305 » avait fort curieusement remplacé le nom de son entreprise (Kaléidoscope), éditeur du logiciel ;

Attendu que cette modification est un fait avéré qui a été constaté par l’expert judiciaire ; que ce point n’est donc pas en discussion ;
Qu’ensuite et à l’évidence, François B. est bien le seul à avoir intérêt à voir figurer le nom de sa société sur les logiciels installés chez ses clients, au moment où, violant ses engagements contractuels, il se lance dans la promotion de son propre logiciel, sauf à être victime d’une manœuvre de Pascal F. pour l’accabler, ce qu’il hésite à soutenir, se contentant d’évoquer des soupçons à l’encontre de ce dernier ;

Attendu que pour identifier l’auteur des modifications, le mode technique d’intervention pour commettre l’infraction (établie dans son élément matériel), peut permettre d’en déterminer l’auteur, ce mode constituant en quelque sorte une signature informatique par les traces laissées lors de l’intrusion ;
Que sur ce point, l’expert déclare :
« La modification du contenu du texte de licence est un fait constaté. Il indique le remplacement du nom de l’éditeur (ce) qui est possible de deux façons :
– en modifiant le texte à partir de programme source et en le recompilant,
– mais aussi en ayant recours à sa modification directe à l’aide d’un utilitaire tel que PC Tools, sans avoir à disposer de la source. »,
Qu’il précise même que : « Ces opérations sont également possibles par télémaintenance, dans la mesure où l’opérateur distant dispose d’un logiciel approprié et d’une autorisation d’accès. Seul le moyen change, alors que l’intention reste la même. » ;

Attendu que, l’expert indique : « Monsieur B. admet qu’il y a eu des modifications effectuées dans une partie du programme non compilé en clair et disponible chez les clients et qu’il ne s’agit en aucun cas d’une contrefaçon établie à partir des sources compilées ;

Attendu que François B. ne conteste donc pas l’existence de modifications de l’adresse de l’éditeur, mais argumente sur le mode d’intervention, en prétendant que l’intervention frauduleuse s’est faite sur le programme non compilé, donc dans un langage « en clair » (alors que le compilé ne peut être lu par la machine) ;
Que concernant ce terme de programme « compilé » ou « non compilé », l’expert indique :
« Un programme d’ordinateur est un ensemble d’instructions qui doivent être comprises avant d’être exécutées par le processeur de l’unité centrale (de l’ordinateur). Ce dernier ne reconnaît que les suites d’instructions qui lui sont spécifiques, pour activer ses circuits… Il serait impossible aux programmeurs de réaliser des programmes dans de telles conditions. Aussi, ils ont la possibilité de recourir à un langage symbolique (Basic, Visual Basic, Cobol, Fortran, C++, Pascal) qui leur permet une programmation plus aisée, mais surtout d’être indépendants du processeur et donc de l’ordinateur qui constitue une plate forme de développement.
Le programme (source) qu’ils codent est sous forme d’un texte qu’ils peuvent visualiser et corriger, sans que la machine soit encore en mesure de l’exécuter. Pour cela, il est fait appel à un compilateur… chargé de traduire ce code du programme source en un « code objet » destiné au processeur cible.
Ainsi un compilateur dépend du langage (du programme) source et de la plate-forme de destination : système et processeur. Le résultat de cette opération de traduction nommée compilation, sera le programme compilé. » ;
Qu’à la lumière de cette explication technique, la déclaration de François B, selon laquelle :
« il y a eu des modifications effectuées dans une partie du programme non compilé en clair et disponible chez les clients… »
signifie bien qu’un programmateur est effectivement intervenu pour modifier l’adresse de l’éditeur, mais, selon François B., uniquement sur « le texte » en langage de programmation (programme non compilé = en clair) ;
Que toutefois, cette explication est peu convaincante car, outre qu’il est difficile de comprendre quel est l’intérêt d’intervenir sur le « texte », qui reste lettre morte s’il n’est pas compilé pour être compris de la machine, elle ne correspond pas à la réalité constatée par l’expert, puisque c’est bien un fichier du logiciel qui a été modifié et non un simple texte en clair non compilé ; que ce fichier ne pouvait être modifié que par un programme susceptible de donner des instructions au processeur cible, donc compilé ;

Attendu qu’il faut rappeler que l’expert a détecté sur les quatre logiciels modifiés, la présence de « programmes exécutables » dénommés : Licence.exe original et Licdmi.exe pour DMI qui ont été modifiés quant à l’adresse de l’éditeur ;

Attendu que l’expert précise encore qu’en règle générale il est nécessaire de disposer des (programmes) sources pour modifier un programme exécutable ;
Que devant la cour, le conseil de Pascal F. verse d’ailleurs, de façon contradictoire, une consultation d’un expert judiciaire en informatique, M. T., qui, même s’il n’a pas eu connaissance des scellés, affirme, après vérification auprès du fabricant (Microsoft) qu’un programme exécutable écrit dans le langage utilisé en l’espèce (Basic Pds 7.1) ne peut faire l’objet de modification sans être en possession des sources ;

Attendu qu’en conséquence la cour considère que la trace dans le logiciel Self-card de la présence d’un programme exécutable dénommé « Licdmi.exe pour DMI », c’est à dire « licence d’exploitation DMI », établit la preuve de la culpabilité de François B., qui est intervenu dans le logiciel de Pascal F., pour en modifier l’adresse de l’éditeur et accréditer ainsi auprès des quatre établissements qu’il s’agissait du logiciel multi-services de la société DMI Système ; qu’il convient en conséquence de retenir François B. dans les liens de la prévention et d’infirmer le jugement de ce chef ;

Attendu qu’aucune pièce du dossier n’établit en revanche que Emmanuel G. a participé à la modification du logiciel Self-card ; qu’il convient de le relaxer des fins de la poursuite le concernant du chef de complicité de contrefaçon par modification de l’adresse dudit logiciel ;

Sur la contrefaçon et la complicité de contrefaçon du logiciel Self-card sous windows par François B. et Emmanuel G. et le vol et recel de données informatiques :

Attendu que Pascal F. soutient que Emmanuel G., lorsqu’il était chargé de la télémaintenance dans son entreprise Kaléidoscope jusqu’en juillet 1995, date de sa démission, a dupliqué les programmes « sources » du logiciel Self-card sous dos et windows et qu’ainsi François B., par le biais de la société écran RMS, a pu contrefaire son logiciel Self-card sous windows dénommé win-kod-bar ;
Que pour leur part François B. et Emmanuel G. ont toujours contesté fermement, tant à l’instruction qu’au cours des débats devant le tribunal et la cour, que le logiciel multi-services développé sous windows par la société RMS était une contrefaçon du logiciel win-kod-bar de Pascal F., faisant valoir l’intervention d’un professionnel reconnu (M. de R.) le paiement de ses prestations, un langage de programmation différent et de nouveaux algorithmes et le fait que la nature des tâches à satisfaire explique l’identité des fonctionnalités des deux logiciels ;

Attendu que les griefs de Pascal F. portent sur le fait que :
– le logiciel RMS reprend les principes généraux, la structure des fichiers, l’ergonomie de son logiciel ;
– le logiciel RMS comporte des éléments de son logiciel (jusqu’à des erreurs reproduites à l’identique) ;

Attendu que pour fixer les règles et déterminer s’il existe un vol du contenu informationnel l’expert judiciaire déclare, en préambule de son rapport :
« Le constat de vol et recel du logiciel pourra se faire, directement, si des éléments saisis contiennent des parties de sources, et indirectement en référence à des éléments modifiés qui auraient absolument nécessité ces sources » ;

Et concernant la contrefaçon :
« Il faut prendre en compte les similitudes et non les dissemblances ; cette vérité doit être rappelée en informatique où, plus facilement qu’ailleurs, il est aisé de dissimuler des emprunts dans une construction refaite » ;

Sur le vol et le recel :

Attendu que l’expert a procédé à l’examen des deux scellés établis à l’issue de la perquisition opérée chez Emmanuel G. ;
Que si l’un des deux scellés s’est révélé inexploitable, en revanche l’autre a révélé l’existence de deux programmes sources en langage Basic (.bas), dont l’expert déclare que l’un, Nscvid.bas, date du 8 septembre 1993 à 16H54 et qu’il est totalement identique à celui présenté par Pascal F., y compris en ce qui concerne la date de création, ce qui désigne l’origine avec la mnémonique NSC qui signifie New Self Card ;
Que l’expert en conclut que :
« Même si on peut considérer que la présence de ce fichier ne représente pas un emprunt substantiel, elle démontre néanmoins que M. G. disposait au minimum de ce programme source. » ;
Que l’expert indique également à l’occasion de l’examen du scellé contenant le logiciel original Self-card sous dos (datant de 1995) et appartenant à Pascal F. :
« Il existe un fichier .BAS (Nscvid.bas) identique à celui saisi chez Emmanuel G. » ;
Que le fait pour Emmanuel G. d’avoir en sa possession, à son domicile, après avoir démissionné de son emploi pour rejoindre une entreprise concurrente, le contenu informationnel d’une disquette support du logiciel Self-card, sans pouvoir justifier d’une autorisation de reproduction et d’usage du légitime propriétaire, qui au contraire soutient que ce programme source lui a été dérobé, caractérise suffisamment la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui et la volonté de s’approprier les informations gravées sur le support matériel ;

Attendu que le délit de vol est donc constitué à l’encontre de Emmanuel G. et qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de le retenir dans les liens de la prévention ;

Attendu qu’en revanche il ne ressort ni de l’information, ni des débats que François B. ait recelé à un moment quelconque ce programme source Nscvid.bas ; qu’il y a donc lieu de le relaxer des fins de la poursuite de ce chef ;

Sur la contrefaçon et la complicité de contrefaçon :

Sur la présence de programmes sources win-kod-bar (Self-card sous windows élaboré par Pascal F. Kaléidoscope) :

Attendu qu’il ressort de l’expertise du scellé contenant une copie du logiciel multi-services DMI sous windows que :
« Il n’a pas été trouvé de trace de (programmes) sources émanant de Kaléidoscope dans le scellé. » ;
Qu’il est toutefois précisé par l’expert que, compte tenu de la date de l’expertise du logiciel (1999) : « Il est important de noter que peu de fichiers subsistent depuis 1995, la plupart datent de 1997 et certains même de 1998, ce qui rend difficile le suivi des traces, compte tenu du temps écoulé depuis 1995, notamment en présence de langages et d’outils de développement différents. » ;

Attendu que, concernant le logiciel installé en novembre 1995 par DMI Système à l’Ecole des Mines de Douai, dénommé « Self-card sous windows », qui, selon Pascal F., présentait d’étranges similitudes avec son propre logiciel sous windows et dont il a fait procéder à la saisie-contrefaçon par procès-verbal de Me Bernar, huissier de justice, en date du 21 novembre 1995, l’expert conclut que :
« Il n’a pas été trouvé de trace de sources émanant de Kaléidoscope dans le scellé, mais on constate l’utilisation des badges jetables avec un codage identique » ;

Attendu que dans ces conditions, il est établi qu’aucun des programmes sources appartenant à Pascal F. (Kaléidoscope) n’a été utilisé par François B. pour faire élaborer le logiciel « multi-services DMI sous windows » ;

Sur l’élaboration du logiciel « multi-services DMI sous windows » :

Attendu qu’il ressort tant de l’instruction que de l’expertise et des débats la chronologie suivante dans l’élaboration de ce logiciel, en rappelant que Emmanuel G. a quitté Kaléidoscope le 13 juillet 1995 et qu’aucun logicieln’aplusété acquis auprès de celle-ci par DMI Système à compter du 16 septembre 1995 :
– En mars ou avril 1995, François B. a fait appel à un analyste programmeur indépendant Didier de R., pour l’adaptation d’un logiciel concernant la modélisation de cartes plastifiées et un contrat sera passé ;
– En mai 1995, François B. indique clairement son intention de réaliser par ses propres moyens un logiciel Self-card sous windows, multi-services donc plus performant que la version d’essai (dite béta) que lui a remise Pascal F. ;
– Toujours en mai 1995, François B. charge de R. de cette mission mais les parties ne feront pas de contrat, en raison d’un manque de temps, mais créeront tout de même ensemble la société paravent RMS « pour se protéger de Pascal F. » ; d’ailleurs François B. ne fera qu’une présentation visuelle à de R. du logiciel qu’il convient de « faire en mieux » ; celui-ci soutiendra ne pas avoir eu en sa possession ce « logiciel prototype », qu’il n’aurait vu qu’une fois ;
– En une bonne semaine, selon ses termes, de R. va dresser une liste des fonctionnalités directrices ;
– Fin juin 1995, sans cahier des charges ni analyses, de R. déclare avoir réalisé un prototype avec les principales fonctions ;
– De début juillet 1995, et pour une période de deux mois au plus, il indique avoir travaillé seul à l’exception de l’aide procurée par Emmanuel G. qui l’a renseigné sur la structure des fichiers dos, « en détaillant la structure des données, les enregistrements et les champs », car celui-ci connaissait bien les logiciels dos et windows de son employeur, ce qui aurait permis de réaliser un logiciel de conversion pour reprendre les données ;
– En septembre et octobre 1995, de R. sera aidé pendant une quinzaine de jours par un autre programmateur, salarié de DMI et procédera à la conversion des données ; une version « non complète » sera livrée en septembre à l’Ecole des Mines de Douai ;
– En novembre et décembre 1995, de R. et DMI seront en mesure d’installer dans cette école une version utilisable du logiciel, dénommé « Selfcard pour windows », avec la restauration pour seul service ; par la suite d’autres services seront ajoutés tels que cafétéria, distributeur de boissons, photocopieur, parking et frais financiers ;

Attendu que l’ensemble de ces déclarations étonnantes contenues dans le procès verbal de déposition de témoin du 11 octobre 1999 de Didier de R. n’ont pas manqué d’amener l’expert judiciaire, dont il convient de souligner le travail considérable qui n’a fait l’objet de la moindre observation ou critique, à s’intéresser aux capacités exceptionnelles de Emmanuel G. capable, selon de R., d’apprendre par cœur toutes les informations concernant les logiciels (« M. G. m’a donné ses informations essentiellement par oral. Je ne sais pas s’il avait des notes. Il connaissait ces informations par cœur. ») et à celles toutes aussi exceptionnelles de R., capable sans cahier des charges d’écrire, de développer et de mettre au point un logiciel en peu de mois (six au plus) ;

Attendu que l’expert procède préalablement à quelques observations qui permettent de caractériser la mauvaise foi des participants à la prétendue création d’un logiciel concurrent :
– C’est un prétexte de prétendre que la version windows du logiciel de Kaléidoscope (win-kod-bar) n’était pas multi-services ; au contraire ce logiciel dispose même de plus de fonctions que celui de DMI ;
– Pour assurer la continuité des services et pour qu’il n’y ait pas de discontinuité dans l’esprit des clients, c’est le nom du logiciel Kaléidoscope (Self-card) qui a été utilisé de façon parasitaire ; « il y a accaparement du nom Self-card dans un premier temps » note l’expert ;
– Privée de Emmanuel G., qui n’a pas été scrupuleux sur le respect de son contrat de travail et particulièrement sur la clause du secret professionnel, Kaléidoscope aura du mal à rivaliser avec son partenaire commercial DMI devenu son concurrent ;
Que l’expert note ensuite concernant la codification des badges, une reprise à l’identique de l’existant Kaléidoscope ;
Qu’il note encore au sujet de la déclaration de Didier de R. selon laquelle : « C’était M. G. qui m’indiquait les caractéristiques que les fiches devaient avoir et également les opérations. M. G. connaissait très bien le logiciel, il savait ce qu’il voulait avoir dans celui sur lequel nous travaillions. Il ne pouvait pas faire abstraction de tout ce qu’il savait sur l’autre logiciel. », que « cette déclaration semble bien indiquer qu’il y aurait eu imitation » ;
Qu’en effet l’imitation est allée jusqu’à reproduire le nom d’un client de Kaléidoscope, mais en le traduisant par un nom commun (le client Applon de Kaléidoscope après conversion est devenu Aplomb chez DMI) ; que de même on retrouve la reprise de la présence du terme « fax » sur la fiche personnelle de l’élève, alors qu’il s’agissait d’une erreur ou encore la reprise de la déduction de la prime d’équipement, ce qui n’a aucun sens et encore quelques autres erreurs curieusement reprises sur le logiciel de DMI ;
Qu’au sujet de la production de 60 000 à 70 000 lignes de codes sur cinq mois, dont de R. dit lui-même que : « 500 lignes de codes par jour, cela me semble beaucoup », l’expert considère qu’il est admis une productivité d’à peine 50 lignes de code par jour et que « 500 lignes par jour n’est guère possible sans aide ou sans disposer formellement des algorithmes et méthodes de calcul, sinon les sources. » ;

Attendu que l’expert procède ensuite à la comparaison des logiciels, en notant que le logiciel de Pascal F., dans sa version windows (win-kod-bar), apparaît comme un progiciel dérivé, refondu et étendu, de la dernière version dos (Self-card 4) ;
Que cette information technique, particulièrement importante, s’explique facilement par le fait que si le système machine « dos » fonctionnait essentiellement en mode texte, « windows » -comme son nom l’indique (fenêtres)-, fonctionne en mode icônes, menus déroulant ou boîtes de dialogue, améliorant considérablement le dialogue entre la machine et l’utilisateur, mais ne constituant pas véritablement, dans les années 1990 (version windows 3.1), un système d’exploitation puisqu’il s’agissait en quelque sorte d’une « couche » graphique installée au-dessus du système dos (le même fabricant ayant conçu les deux produits) ; qu’ainsi l’examen de la contrefaçon du logiciel de Pascal F. ne peut pas être divisée en dos d’une part et windows d’autre part puisqu’il s’agit d’une architecture informatique qui a évolué sur l’ossature initiale ; qu’il n’est donc pas possible de soutenir, comme le font François B. et Emmanuel G. que le logiciel de Pascal F. sous dos n’était pratiquement d’aucune utilité pour écrire un progiciel sous windows ;

Attendu que l’expert conclut d’ailleurs :
« qu’il existe la présence d’une source dont la portée est limitée mais démonstrative et qu’il y a recours à des informations pour permettre la continuité et faciliter la production logicielle pour DMI », précisant que : « le progiciel nommé Selfcard pour windows, puis multiservices DMI…apparaît aussi dérivé des progiciels de Kaléidoscope, dans la mesure où il présente la même vocation, les mêmes services et une continuité, et entraîne la confusion auprès de la clientèle. A ceci s’ajoute qu’il a été rapidement conçu et développé par rapport à ses prédécesseurs, en s’appuyant sur les fondements d’un existant connu de Mrs B. et G., et sur des informations qui ont fortement aidé à son développement, sans cahier des charges et aucun document d’analyse » ;

Attendu qu’ainsi, en l’absence de copie servile et même si les structures des programmes et des données apparaissent comme globalement différentes, il n’en demeure pas moins que le logiciel Selfcard de la société DMI Système n’est qu’une copie dérivée, substantiellement similaire au logiciel Self-card appartenant à Pascal F. Kaléidoscope par les ressemblances qui existent en nombre suffisant entre ces deux logiciels (dénomination identique, traitement des fonctionnalités similaire, codage identique des badges, reprises massives de données existantes protégées, ergonomie), non seulement reproduite sans son accord mais encore dans le but de le spolier entièrement de sa création, dans le contexte d’une concurrence déloyale et parasitaire (jusqu’à l’accaparement du nom du produit pour créer la confusion auprès de la clientèle) ;
Que s’il existe des dissemblances dans la mesure des fichiers de programmes ou de données en raison de la différence de langage-machine utilisé, voire même d’une véritable amélioration du produit, il n’empêche que l’analyse initiale des fonctionnalités, leur réalisation et leur mise en œuvre sont l’œuvre de Pascal F. qui se trouve ainsi protégé, sans limite de temps, dans sa création intellectuelle ; qu’ainsi l’actuel logiciel dénommé par la société DMI Système « Multiservices pour windows » tel qu’il est défini par l’expertise technique de M. G., est une contrefaçon du logiciel Self-card sous dos et windows dont l’auteur est Pascal F. ;
Qu’enfin l’argument tiré de l’absence de création dans le logiciel de Pascal F. par défaut d’originalité, pour soutenir qu’il était en tout état de cause impossible de commettre le délit de contrefaçon, ne résiste pas à l’analyse ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle : « Sont considérées notamment comme des œuvres de l’esprit au sens du présent code…13° – les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire. » ;
Qu’il s’en déduit qu’à partir du moment où le logiciel a une existence physique, même au stade de l’écriture du « texte » en langage évolué, il bénéficie d’une protection légale dans la mesure où il s’agit d’une création de l’esprit présentant un caractère original ;

Attendu que l’appréciation des éléments du logiciel permet de déterminer le caractère original du logiciel contrefait ;
Qu’en l’espèce, il résulte de l’expertise judiciaire que le logiciel Self-card de Pascal F. n’est pas la simple mise en œuvre d’une logique préexistante de données déjà organisées ; que sa création a consisté à instaurer une logique à partir de tâches à accomplir, à traduire cette logique en données, à bâtir le traitement automatique de ces données et à ordonner cet ensemble dans une architecture ; qu’il s’agit là de choix créatifs caractéristiques de véritables programmes ; que l’on observera d’ailleurs que les prévenus se sont livrés à une critique en règle des choix de Pascal F., expliquant qu’ils avaient dû procéder dans l’urgence à l’élaboration du logiciel « Multiservices DMI sous windows » précisément en raison des défauts et des carences du logiciel de Pascal F. qui résultaient des choix de ce dernier, contestables selon eux ;

Attendu qu’il convient de rappeler que la discussion de l’originalité dans la créativité, à l’image d’une création littéraire ou picturale (interdiction de l’appréciation de la valeur esthétique), ne peut aller jusqu’à l’appréciation de la valeur du choix, de mauvais choix dans l’organisation du traitement des données pouvant néanmoins constituer un logiciel original donc protégé ;

Attendu que le caractère original du logiciel Self-card de Pascal F. est établi et que la preuve de la culpabilité de François B. de s’être rendu coupable du délit de contrefaçon, et celle d’Emmanuel G. de s’être rendu complice dudit délit de contrefaçon du logiciel Self-card appartenant à Pascal F., est suffisamment rapportée ;
Qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de retenir François B. et Emmanuel G. dans les liens de la prévention ;

2° Sur l’application de la peine :

Attendu qu’aucune mention de condamnation, au jour des faits, ne figure sur le casier judiciaire de François B. et sur celui de Emmanuel G. ;

Attendu qu’ils exercent l’un et l’autre une activité professionnelle régulière ;

Attendu que toutefois, compte tenu des circonstances dans lesquelles ils ont commis les agissements dont ils sont reconnus coupables et qui constituent un véritable pillage organisé des droits de propriété intellectuelle appartenant à la victime, il y a lieu de prononcer à l’encontre de chacun d’eux une peine de six mois d’emprisonnement, assortie du sursis simple, ainsi qu’une peine d’amande de 6000 € ;

Attendu qu’en conséquence le jugement sera infirmé sur les dispositions pénales ;

3° Sur les dispositions civiles :

Attendu qu’il y a lieu de déclarer les prévenus entièrement et solidairement responsables des préjudices subis par la victime, fixés ainsi qu’il suit :

Sur le préjudice résultant de la vente de logiciels sous dos :

Attendu que ce préjudice résulte du fait que 10 logiciels contrefaits ont été vendus, sans que Pascal F. n’en reçoive le prix de 1829,39 € (12 000 F) par unité ; qu’à ce titre les prévenus doivent être condamnés à lui payer la somme de 18 293,88 € (120 000 F), et non celle réclamée qui prétend retenir le montant de l’indemnité fixée dans le cadre de la transaction (divisée par le nombre de logiciels pour fixer le prix de chacun d’eux) alors que cette somme était déterminée, aux termes de l’article 7, à titre forfaitaire pour l’ensemble de l’accord et non seulement pour le prix des logiciels contrefaits ;

Sur le préjudice résultant de la vente de logiciels contrefaisants :

Attendu que ce préjudice est établi par la perte du chiffre d’affaires résultant directement des faits de contrefaçon ; que la société AGS, experts comptables, atteste d’un chiffre d’affaires en 1993-1994 de 546 000 F HT et de 623 080 F HT en 1994-1995, alors qu’il n’est plus en 1995-1996 que de 159 165 F et de 40 437 F en 1996-1997 ;

Attendu que toutefois le préjudice ne peut être équivalent au chiffre d’affaires lui-même, puisque pour réaliser des ventes à hauteurs de ces montants, il aurait fallu à Pascal F. mettre en œuvre des moyens d’exploitation, dont le coût n’a pas été, en grande partie, exposé en l’occurrence ;
Que par ailleurs, Pascal F. n’aurait pas vendu chaque logiciel au prix de 7546,23 €, qui est le prix payé par le client, mais à un prix nettement inférieur, s’agissant d’une vente à son distributeur exclusif ;
Qu’en conséquence la cour dispose des éléments pour fixer à 30 500 € le préjudice subi à ce titre ;

Sur le préjudice moral :

Attendu qu’il est incontestable que Pascal F. a subi un préjudice moral, en sa qualité d’auteur du logiciel Self-card, résultant directement des agissements des prévenus qu’il convient de fixer à la somme de 15 000 € ;

Sur la publication de l’arrêt :

Attendu que le préjudice moral sera complètement réparé par une publication intégrale du dispositif de l’arrêt, dans les revues Intendance et Snpeden, aux frais des condamnés dans la limite de 3000 € par insertion dans chacune des revues ;

Sur les frais irrépétibles (article 475-1 du code de procédure pénale) :

Attendu qu’il est équitable d’accorder à la victime la somme de 6500 € à ce titre compte tenu des interventions multiples de ses conseils pour faire reconnaître ses droits ;

Sur la restitution ou la destruction des clés et des logiciels Self-card toujours en possession de DMI ou de M. G. et la destruction des sources du logiciel DMI en interdiction d’utilisation des versions distribuées :

Attendu qu’aux termes de l’article 515 alinéa 3 du code de procédure pénale la partie civile ne peut, en cause d’appel, former aucune demande nouvelle, sauf à demander une augmentation des dommages-intérêts pour le préjudice souffert depuis la décision de première instance ;
Qu’en l’espèce il s’agit d’une double demande qui n’était pas formulée devant le tribunal correctionnel ; qu’il y a lieu en conséquence d’en débouter la partie civile ;

LA DECISION

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard de toutes les parties ;
Reçoit comme régulier en la forme les appels de la partie civile et du ministère public du jugement en date du 18 décembre 2000 du tribunal correctionnel de Nancy,

Au fond,

Sur l’action publique :

. Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

. Déclare François B. coupable de contrefaçon :
– pour l’installation sans autorisation de Pascal F. du logiciel Self-card sous dos dans dix établissements scolaires non visés dans la transaction du 6 février 1996.
– pour les modifications apportées au logiciel Self-card portant sur l’adresse de l’éditeur.
– du logiciel Self-card sous windows appartenant à Pascal F. et dénommé win-kod-bar.

. Relaxe François B. du délit de recel des données informatiques relatives au logiciel Self-card appartenant à Pascal F.

. Déclare Emmanuel G. coupable :
– de vol des données informatiques relatives au logiciel Self-card appartenant à Pascal F.
– de complicité de contrefaçon du logiciel Self-card sous windows appartenant à Pascal F. et dénommé win-kod-bar.

. Relaxe Emmanuel G. des fins de la poursuite de complicité de contrefaçon :
– pour l’installation sans autorisation de Pascal F. du logiciel Self-card sous dos dans dix établissements scolaires non visés dans la transaction du 6 février 1996.
– pour les modifications apportées au logiciel Self-card portant sur l’adresse de l’éditeur.

Sur les peines :

. Prononce à l’encontre de chacun d’eux une peine de six mois d’emprisonnement, ainsi qu’une peine d’amende de 6000 €.

. Dit qu’il sera sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement en application des articles 132-29 et suivants du code pénal ;

Monsieur le président a donné l’avertissement prévu par l’article 132-29 du code pénal ;

La présente décision est assujettie à un droit fixe de 120 € dont est redevable chaque condamné ;

. Dit que la contrainte par corps s’exécutera conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du code de procédure pénale.

Le tout par application des dispositions des articles susvisés, 515 du code de procédure pénale.

Sur l’action civile :

. Condamne in solidum les prévenus ;

Sur le préjudice résultant de la vente de logiciels sous dos :

. Condamne les prévenus à payer à la partie civile la somme de 18 293,88 € ;

Sur le préjudice résultant de la vente de logiciels contrefaisants :

. Condamner les prévenus à payer à la partie civile la somme de 30 500 € ;

Sur le préjudice moral :

. Condamne les prévenus à payer à la partie civile la somme de 15 000 € ;

Sur la publication de l’arrêt :

. Ordonne la publication intégrale du dispositif de l’arrêt, dans les revues Intendance et Snpeden, aux frais des condamnés, dans la limite de 3000 € par insertion dans chacune des revues ;

Sur les frais irrépétibles (article 475-1 du code de procédure pénale) :

. Condamne les prévenus à payer à la partie civile 6500 € ;

. Déboute pour le surplus des demandes ;

. Condamne les prévenus aux dépens.

La cour : M. Jurd (président); Mlle Muzzin et M. Delache (conseillers), Mme Munier (substitut général)

Avocats : Me Bontemps, Me Le Roy de la Chohiniere, Me Crouzier

Voir les décisions de Cour de cassation du 09/09/2003 et du [tribunal de commerce du 27/07/2005->?page=jurisprudence-decision&id_article=1481]

 
 

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