Jurisprudence : Logiciel
Tribunal de commerce de Toulon 6ème chambre Jugement du 27 juillet 2005
Pascal F. / DMI Systèmes et autres
code source - contrefaçon - logiciel - progiciel
FAITS, MOYENS ET DEMANDES DES PARTIES
Attendu que par acte en date du 12 mai 2003 de la SCP Berton, huissiers de justice associés à Bandol, Pascal F. exploitant sous l’enseigne Kaléidoscope a assigné avec dénonce de procès verbal de saisie contrefaçon la société DMI Systèmes, la société JB Informatique et la société Asap Ingénierie à l’audience publique du 2 juin 2003 aux fins de :
Vu les articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles L 331-1 et suivants du même code,
Vu le procès verbal de saisie contrefaçon de logiciel du 28 avril 2003, dressé par Me Berton, huissier de justice à Bandol,
– Dire et juger Pascal F. recevable et bien fondé en sa demande,
– Constater que le logiciel Orcadia constitue une contrefaçon du logiciel Self-Card,
– Valider la saisie contrefaçon à laquelle il a été procédé à la requête de Pascal F., en date du 28 avril 2003 dans les locaux des sociétés DMI Systèmes, JB Informatique et Asap Ingénierie,
– Dire et juger que les sociétés susnommées se sont livrées à des actes de contrefaçon du logiciel Self Card et de concurrence déloyale,
En conséquence,
– Faire interdiction aux sociétés susnommées, sous astreinte de 3000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement, de reproduire et/ou de commercialiser le logiciel Orcadia,
– Ordonner la confiscation du logiciel Orcadia en vue de sa destruction, en présence d’un huissier de justice, aux frais des défenderesses,
– Commettre tel expert qu’il plaira au tribunal de nommer, aux frais des sociétés requises afin d’évaluer l’entier préjudice subi par Pascal F.,
Et dès à présent,
– Condamner solidairement les sociétés requises à payer à Pascal F. la somme provisionnelle de 1 524 500 € à titre de dommages-intérêts à valoir sur son préjudice,
– Ordonner la publication de la décision à intervenir, dans deux journaux, au choix de Pascal F., aux frais des demanderesses.
– Prononcer l’exécution de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution,
– Condamner solidairement les requises à payer à Pascal F. la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du ncpc,
– Condamner solidairement les requises aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de saisie.
Attendu que par voie d’assignation le requérant expose :
– Attendu que Kaléidoscope, entreprise ayant pour objet la conception de logiciels informatiques, a créé et développé, au cours de l’année 1988, un progiciel (programme + logiciel) dénommé Self Card, qui permet à tout établissement scolaire de gérer notamment l’accès aux restaurants collectifs des élèves.
– Attendu que ce progiciel, dont est propriétaire Kaléidoscope, constitue une œuvre originale, et bénéficie à ce titre de la protection instituée par les dispositions des articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
– Attendu qu’au surplus, la marque Self Card a été enregistrée à l’Inpi le 27 octobre 1995 : qu’ainsi les droits de propriété de Kaléidoscope, tant sur le contenu informationnel dudit logiciel, en qualité d’auteur, que sur la marque, sont indiscutables.
– Attendu qu’un contrat de commercialisation, avec exclusivité de la distribution, a été conclu le 28 décembre 1988 avec la société DMI Systèmes, dont le gérant est François B., avec interdiction pour cette dernière de développer des produits similaires.
– Attendu que courant 1995, suite à la démission de Emmanuel G., salarié de l’entreprise Kaléidoscope, immédiatement réembauché par la société DMI Systèmes, Pascal F. a constaté des faits anti-concurrentiels de la part de cette dernière, à savoir la distribution de contrefaçons du logiciel créé par le requérant, soit en copie servile sous le nom de Self Card pour le logiciel en version MS Dos, soit sous le nom Multiservices pour la version Windows.
– Attendu que Pascal F., après avoir tenté de transiger avec les contrefaisants, non sans avoir préalablement fait effectuer des saisies contrefaçons et pris soin de résilier le contrat de distribution exclusive qui le liait à DMI Systèmes, a déposé plainte avec constitution de partie civile le 17 avril 1997, à l’encontre de François B. et Emmanuel G.
– Attendu qu’un arrêt de la cour d’appel de Nancy du 12 septembre 2002, a déclaré François B. coupable de contrefaçon, et Emmanuel G., coupable de vol et de complicité de contrefaçon.
– Attendu qu’un pourvoi en cassation a été formé par les susnommés.
– Attendu que le requérant a été informé fin 2002 et début 2003 que DMI Systèmes faisait publicité d’un logiciel aux fonctionnalités identiques au logiciel Self Card sous le nom de « Orcadia – le nouveau Multiservices de société DMI Systèmes ».
– Attendu qu’en effet, dans sa publicité, DMI Systèmes se prévalant de quinze ans l’expérience dans le milieu scolaire, fait valoir que ce nouveau logiciel Orcadia assure :
la gestion des absences (journées, semaines, trimestres, années)
la gestion des flux de passage,
la gestion des entrées et sorties,
la gestion des retards.
– Attendu qu’en outre, DMI Systèmes se propose de mettre gratuitement en place le logiciel Orcadia chez les clients qui utilisent le logiciel Self Card, ainsi qu’il résulte notamment d’un courrier adressé au Lycée de Coulanges à Massy (91) en date du 7 janvier 2003.
– Attendu qu’enfin, le délai anormalement court pendant lequel DMI Systèmes aurait mis au point un nouveau logiciel, laisse présumer à lui seul que le « logiciel Orcadia – le nouveau Multiservices » est une nouvelle contrefaçon du logiciel Self Card, comme l’était anciennement le logiciel « Multiservices ».
– Attendu que dans ces conditions, le requérant a présenté au président du tribunal de grande instance de Toulon, une requête aux fins de saisie contrefaçon de logiciel, le 1er avril 2003.
– Attendu qu’une ordonnance a été rendue le 2 avril 2003 et un procès verbal de saisie contrefaçon de logiciel a été dressé par Me Agnès Berton, huissier de justice à Bandol, le 28 avril suivant.
– Attendu que parallèlement un procès verbal de saisie-contrefaçon a été dressé par Me Verdeaux-Manginot, huissier, les 28 et 29 avril 2003, au domicile de Emmanuel G.
– Attendu que le procès verbal de contrefaçon, dressé par Me Berton, huissier à Bandol, fait apparaître que les sociétés requises sont détentrices de logiciels dans le domaine de la restauration scolaire.
– Qu’il est clairement établi qu’Orcadia contient les protocoles confidentiels du logiciel Self Card ; que les badges utilisés sous Orcadia sont absolument identiques à ceux de Self Card ; qu’Orcadia a des écrans identiques à ceux de logiciel Self Card ;
– Attendu que les sociétés requises ne sauraient contester qu’Orcadia n’est pas un nouveau logiciel, dès lors qu’on y retrouve les mots Self Card, les termes Multiservices, ainsi que des copyright de 1995.
– Attendu qu’il apparaît clairement qu’Orcadia utilise les mêmes modules logiciels que Multiservices.
– Attendu qu’en conséquence, Orcadia n’est qu’une copie servile du logiciel Multiservices, ce dernier étant lui-même une contrefaçon de Self Card, ainsi que l’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 12 septembre 2002, l’a mise en évidence.
– Attendu que sans l’autorisation de Kaléidoscope, les sociétés requises reproduisent le logiciel dont la distribution lui avait été initialement confiée, et distribue des copies illicites du logiciel Self Card, sous l’appellation Orcadia.
– Attendu que de tels agissements constituent des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, d’autant que comme il a été rappelé ci avant, les sociétés requises se proposent de mettre gratuitement en place le logiciel Orcadia chez les clients qui utilisent le logiciel Self Card.
– Attendu que le préjudice financier est important pour Kaléidoscope ; que d’après les publicités Orcadia, les requises envisagent de contacter 500 clients… ; que la mise à jour du logiciel Self Card dont est équipé cette clientèle représente un chiffre d’affaire estimé à 1 500 000 € (pris moyen d’une mise à jour 3000 €) ; qu’enfin il est indéniable que les pratiques déloyales et contrefaisantes des requises portent atteinte à l’image de Kaléidoscope, d’autant que Self Card est un logiciel de gestion de restauration scolaire qui est diffusé auprès d’un public très spécifique.
– Attendu qu’une juste réparation doit être ordonnée ; que le requérant s’estime bien fondé à solliciter du tribunal la condamnation solidaire des requises à lui payer la somme provisionnelle de 1 524 500 €, en réparation du préjudice subi, sous réserve d’expertise.
– Qu’il apparaît qu’une publication, aux frais des sociétés requises, serait de nature à rétablir la vérité.
– Qu’enfin, il est inéquitable de laisser à la charge du requérant les frais qu’il a dû exposer pour la défense de ses droits, en ce compris les frais de saisie.
Attendu qu’après plusieurs renvois, cette affaire a été fixée à l’audience du 6 avril 2005.
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Attendu que Me Gilbert Bontemps, avocat au Barreau de Paris, pour et au nom de la société Acsati, exerçant sous le nom commercial Division Micro Informatique Systèmes (DMI Systèmes), la société JB Informatique et la société Asap Ingénierie, répond par voie de conclusions :
Pascal F. a assigné la société Acsati, la société JB Informatique et la société Asap Ingénierie devant le tribunal de commerce de Toulon aux fins de :
Vu les articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles L 331-1 et suivants du même code,
Vu le procès verbal de saisie contrefaçon de logiciel du 28 avril 2003, dressé par Me Berton, huissier de justice à Bandol,
– Dire et juger Pascal F. recevable et bien fondé en sa demande,
– Constater que le logiciel Orcadia constitue une contrefaçon du logiciel Self-Card,
– Valider la saisie contrefaçon à laquelle il a été procédé à la requête de Pascal F., en date du 28 avril 2003 dans les locaux des sociétés DMI Systèmes, JB Informatique et Asap Ingénierie,
– Dire et juger que les sociétés susnommées se sont livrées à des actes de contrefaçon du logiciel Self Card et de concurrence déloyale,
En conséquence,
– Faire interdiction aux sociétés susnommées, sous astreinte de 3000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement, de reproduire et/ou de commercialiser le logiciel Orcadia,
– Ordonner la confiscation du logiciel Orcadia en vue de sa destruction, en présence d’un huissier de justice, aux frais des défenderesses,
– Commettre tel expert qu’il plaira au tribunal de nommer, aux frais des sociétés requises afin d’évaluer l’entier préjudice subi par Pascal F.,
Et dès à présent,
– Condamner solidairement les sociétés requises à payer à Pascal F. la somme provisionnelle de 1 524 500 € à titre de dommages-intérêts à valoir sur son préjudice,
– Ordonner la publication de la décision à intervenir, dans deux journaux, au choix de Pascal F., aux frais des défenderesses.
– Prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution,
– Condamner solidairement les requises à payer à Pascal F. la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du ncpc,
– Condamner solidairement les requises aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de saisie.
Ces demandes devront être rejetées comme non fondées.
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I. Présentation des parties
La société Acsati qui exerce sous le nom commercial « Division Micro Informatique Systèmes » (DMI) est une Sarl au capital de 38 112 € qui a pour activité la conception, le développement et la distribution d’ensembles informatiques et de logiciels permettant de gérer et contrôler les accès principalement dans les administrations, établissements scolaires et grandes entreprises. Elle emploie 12 personnes.
Ces systèmes permettent notamment de gérer les accès dans les lycées, dans les réfectoires de ceux-ci tout en en gérant la comptabilité et, entre autre, de gérer les prêts de livres dans les bibliothèques, les bourses, les absences, etc.
A ce titre, la clientèle de la société Acsati est principalement composée de plusieurs centaines de lycées et établissements scolaires répartis sur le territoire français dans lesquels, après avoir installé les systèmes informatisés, elle continue de fournir la maintenance, la mise à jour des logiciels, ainsi que les badges magnétiques qui sont distribués aux personnes autorisés.
Pascal F., qui exerce le commerce sous l’enseigne « Kaléidoscope », a pour activité principale la conception et la vente de logiciels et la prestation de services informatiques, notamment des logiciels de contrôle d’accès, et est à ce titre un concurrent direct de la société Acsati.
La société JB Informatique est une société de commercialisation de produits informatiques et mobiliers destinés aux laboratoires multimédia et aux laboratoires de langues. Cette société emploie 10 personnes.
La société Asap Ingénierie qui est composée d’ingénieurs de haut niveau est une société de conseil et d’ingénierie dans les technologies avancées (clients : Dassault, Sagem, Thales, Avera, etc.). Elle emploie environ 15 personnes.
Ces deux dernières sociétés n’ont pour point commun avec la société Acsati que d’avoir des bureaux à la même adresse que la société Acsati et d’avoir pour dirigeant François B., gérant de Acsati.
Elles n’ont rien à voir avec le litige en cours.
II. Faits et procédure
Procédure antérieure
Depuis plusieurs années, l’entreprise Kaléidoscope dirigée par Pascal F. et la société Acsati, dont le gérant est François B. sont en conflit au sujet d’un logiciel dénommé « DMI Multiservices », Pascal F. soutenant que le logiciel de la société Acsati est une contrefaçon de son logiciel dénommé Self Card.
Une saisie contrefaçon a été effectuée courant 1996 à la requête de Pascal F. lequel s’est, par la suite constitué partie civile.
Par jugement rendu par le tribunal correctionnel de Nancy, sous la présidence de Mme Sudre, le 18 décembre 2000, il a été déclaré que le logiciel de la société Acsati n’était pas une contrefaçon du logiciel de Pascal F.
Contre toute attente, par un arrêt en date du 12 septembre 2002, la cour d’appel de Nancy, a déclaré que ce logiciel était une contrefaçon.
Situation actuelle
Compte tenu de cette procédure pénale, et notamment du fait qu’en l’état, le logiciel DMI Multiservices (devenu Orcadia) de la société Acsati avait été qualifié de contrefaçon, cette dernière a cessé de commercialiser ce logiciel et a pris la décision, afin de pérenniser sa clientèle qui lui est demeurée fidèle, de développer un nouveau logiciel.
Afin d’éviter tout nouveau problème, elle a élaboré un cahier des charges, engagé du personnel spécialisé supplémentaire et travaillé sous le contrôle d’un expert près la cour d’appel de Paris, M. Zimeray.
Il est bien évident, que dans un tel contexte, la société Acsati s’est entourée des plus grandes précautions et a pris grand soin d’éviter toute similitude, tant visuelle que structurelle, avec le logiciel de l’entreprise Kaléidoscope, tout en respectant les exigences de l’Education nationale qui sont impératives.
Elle a, de surcroît, développé ce logiciel selon une technologie et une architecture totalement différente.
Le cahier des charges ainsi que les différentes versions du nouveau logiciel de la société Acsati sont régulièrement déposées à l’Agence pour la Protection des Programmes.
Nouvelle saisie contrefaçon
Pour obtenir une ordonnance de monsieur le Président du tribunal de grande instance, Pascal F. a dû employer des arguments fallacieux.
Bien que Pascal F. ne connaissait pas le nouveau logiciel dénommé « Orcadia CS » dont il n’a pu, au jour de la saisi, voir que la publicité, ce dernier n’a pas hésité, se fondant sur les faits antérieurs qu’il détourne, à faire procéder à des saisies contrefaçons du logiciel dénommé « Orcadia C/S ».
Pour fonder sa requête, Pascal F. a affirmé :
« Qu’il avait été informé que la société Acsati faisait publicité d’un logiciel aux fonctionnalités identiques au logiciel Self Card »
alors qu’il savait pertinemment que tous les logiciels développés par des sociétés concurrentes fournissant l’Education Nationale ont strictement les mêmes fonctionnalités, devant répondre aux mêmes exigences de comptabilité publique et devant faire fonctionner les mêmes appareils.
« Que la société Acsati n’avait pas eu le temps d’élaborer ce logiciel »
alors qu’au contraire ce dernier est développé par du nouveau personnel spécialisé spécialement engagé à cet effet et ce, depuis de nombreux mois.
« Que la société Acsati proposait une installation gratuite du nouveau logiciel aux clients utilisant le logiciel de Pascal F. »
cette affirmation de Pascal F. est radicalement fausse, la société Acsati ayant proposé une nouvelle installation à ses propres clients utilisant le précédent logiciel litigieux, ce qui est le cas du Lycée Fustel de Coulanges auquel se réfère Pascal F. et qui est un client de la société Acsati.
Véritable objectif de Pascal F.
Pascal F. sait parfaitement que tous les logiciels de cette catégorie développés par les sociétés concurrentes, y compris par certaines qui en ont développé avant lui, ont les mêmes fonctionnalités.
Ces sociétés ayant le même client « l’Education Nationale » les besoins sont inévitablement les mêmes.
Le véritable objectif de Pascal F. n’est pas d’établir l’existence d’une contrefaçon, mais plutôt de gêner les ventes de la société Acsati dont il est un concurrent direct et dont il a déjà tenté de s’accaparer la clientèle en proposant de remplacer le logiciel de la société Acsati par le sien, constituant ainsi un acte de concurrence déloyale.
III. Expertise judiciaire
Afin d’éviter cette dérive de procédure, la jurisprudence n’autorisant pas, en l’état, la rétractation d’ordonnance autorisant la saisie contrefaçon, et, en tous cas, afin d’établir sa bonne foi et l’absence de contrefaçon, la société Acsati a pris l’initiative de demander la nomination d’un expert judiciaire :
C’est ainsi que par ordonnance en date du 13 mai 2003, monsieur le Président du tribunal de grande instance de Nancy a désigné M. Hubert Bitan, expert près la Cour de cassation, avec pour mission :
– D’entendre les parties en leurs explications, ainsi que tous sachants,
– De se faire remettre tous documents utiles à sa mission, même détenus par des tiers,
– De se faire remettre les logiciels sources de Kaléidoscope dénommés Self Card sous Dos et Winkodbar dont Pascal F. prétend qu’ils seraient contrefaits, ainsi que la documentation s’y rapportant,
– De se faire remettre le logiciel Orcadia Architecture Client Serveur développé et commercialisé par la société Acsati ainsi que les logiciels DMI Multiservices et Orcadia en version source ainsi que la documentation s’y rapportant,
– Se faire remettre le cahier des charges du logiciel Orcadia Architecture Client Serveur établi par la société Acsati ainsi que les différentes versions qui ont été déposées à l’Agence pour la Protection des Programmes,
– De dire si la société Acsati a disposé d’une équipe suffisante en nombre et en compétence pour développer le logiciel Orcadia Architecture Client Serveur dans les délais dont elle a disposé,
– Examiner, analyser et comparer ces deux logiciels,
– En examiner les fonctionnalités et de les comparer aux fonctionnalités annoncées par les sociétés concurrentes,
– Rechercher quelles versions des logiciels de Kaléidoscope ont été remises à la société Acsati,
– De répondre à tous dires et réquisitions des parties,
– Fournir au tribunal tous éléments lui permettant de dire si le logiciel Orcadia développé et commercialisé par la société Acsati peut constituer une contrefaçon du logiciel Self Card ou Winkodbar de Kaléidoscope
Par ordonnance en date du 30 mars 2004, le tribunal de grande instance de Nancy a confié une mission complémentaire à M. Hubert Bitan, ainsi libellée :
– Se faire remettre la dernière version du logiciel Orcadia Architecture Client Serveur version 2.0 de la société Acsati,
– Fournir au tribunal tous éléments lui permettant de dire si le logiciel Orcadia Architecture Client Serveur version 2.0 développé et commercialisé par la société Acsati peut constituer une contrefaçon du logiciel Self Card ou Winkodbar de Kaléidoscope
IV. Le rapport de l’expert
Compte tenu de la complexité de la tâche et de la précision des investigations, l’expert n’a déposé son rapport que le 17 juin 2004.
A titre liminaire, il est important de préciser que ces dernières années, la société Acsati a édité trois logiciels différents, à savoir :
– Orcadia qui est le logiciel visé dans l’assignation de Pascal F. et qui est une version plus récente du logiciel Multiservices DMI : ce dernier logiciel ayant été déclaré contrefait par la cour d’appel de Nancy. La commercialisation du logiciel Orcadia a cessé lorsque la cour d’appel a prononcé son arrêt.
– Orcadia Client Serveur version 1.0 (dénommé plus loin Orcadia C/S 1)
– Orcadia Client Serveur version 2.0 (dénommé plus loin Orcadia C/S 2)
Le logiciel Orcadia (anciennement Multiservices DMI) est le seul logiciel dont Pascal F. connaissait l’existence et c’est ce logiciel qui est visé dans l’assignation.
Le logiciel Orcadia Architecture Client serveur version 1.0 est un logiciel entièrement nouveau.
Le logiciel Orcadia Architecture Client serveur version 2.0 est un logiciel issu du précédent comportant diverses améliorations et totalement expurgé de quelques ressemblances relevées par l’expert (sans pour autant que ce dernier ait conclu que ces ressemblances étaient susceptibles de constituer des éléments de contrefaçon).
Les réponses de l’expert
Mission : de dire si la société Acsati a disposé d’une équipe suffisante en nombre et en compétence pour développer le logiciel Orcadia dans les délais dont elle a disposé.
a) Multiservices DMI et Orcadia
Bien que cela ne fût pas dans sa mission, l’expert a également répondu à cette question pour ce qui concerne le logiciel Multiservices DMI qui est devenu logiciel Orcadia (rapport p.26).
Sa réponse a été la suivante :
Il ressort de ce schéma que quatre personnes seulement sont intervenues durant la phase de développement du logiciel, c’est-à-dire en début de cycle de vie du logiciel. Or sur ces quatre intervenants, François B. et Emmanuel G. ne semble pas avoir pris part aux opérations de développement, eu égard à leur poste dans la société DMI Systèmes.
Dès lors, l’adéquation entre la taille de l’équipe de développement et le travail effectué est sujette à caution.
Toutefois, les compétences des intervenants dans le développement du logiciel Multiservices DMI semblent être, dans l’ensemble, en adéquation avec la mission qui leur incombait.
Mais en l’absence de plus amples précisions sur le planning de développement du logiciel, il n’est pas possible d’évaluer l’adéquation entre le nombre d’intervenants, le temps de développement et la taille du logiciel.
En conséquence, l’expert constate son impossibilité à se prononcer sur le point de savoir si la société Acsati a disposé d’une équipe suffisante en nombre et en compétence pour développer le logiciel Multiservices DMI dans le délai dont elle a disposé.
Sur ce point l’expert n’a pu formuler aucune réponse, faute d’avoir eu entre les mains les travaux préparatoires justifiant d’un planning de travail.
Cependant, il est important de préciser que le coût du développement de ce logiciel s’est élevé pour la société Acsati à une somme de plus de 2 millions de francs. Somme importante pour un contrefacteur, un contrefacteur ayant en général pour objectif de réaliser une économie.
b) Orcadia C/S 1
La réponse de l’expert à la question relative aux compétences est la suivante :
L’expert constate que le nombre de lignes de codes rédigé par jour et par développeur correspond à une vitesse de développement moyen normal au regard du langage de programmation utilisé et du niveau de compétence des intervenants.
Enfin, il ressort des pièces communiquées que le développement du logiciel ainsi que la phase de tests ont fait l’objet de réunions régulières attestant d’un suivi de projet rigoureux.
En conséquence, l’expert constate que la société Acsati a bénéficié d’une équipe suffisante en compétence et en nombre pour développer le logiciel Orcadia C/S dans le délai dont elle a disposé, étant entendu que les programmes annexes au logiciel, tels scanning, duplex ou gconv ne sont pas compris dans l’analyse du temps de développement.
Cette réponse est parfaitement claire et non ambiguë, l’expert ayant pu constater la précision et la rigueur dans les travaux ainsi que la compétence et le nombre des intervenant.
Le tribunal conviendra que ce premier élément n’est pas, au contraire, de nature à établir une contrefaçon.
c) Orcadia C/S 2
L’expert n’a pas eu à répondre à la même question pour ce qui concerne Orcadia C/S 2, ce dernier logiciel étant une version améliorée du précédent.
Conclusions de l’expert
Mission : Fournir au tribunal tous éléments lui permettant de dire si le logiciel Orcadia développé et commercialisé par la société Acsati peut constituer une contrefaçon du logiciel Self Card ou Winkodbar de Kaléidoscope
Il ressort de l’analyse effectuée qu’il existe un certain nombre de ressemblances significatives entre le logiciel Orcadia et les logiciels Self Card et Winkodbar, en particulier :
– La quasi identité des fonctionnalités, bien que celle-ci résulte de la nécessaire adéquation du logiciel avec les besoins, notamment comptables, des établissements scolaires, dans le cadre du respect des demandes de l’Education Nationale,
– L’identité de la structure du code barre,
– L’identité des éléments composants le processus combinatoire permettant adéquation des droits d’accès, bien que les mêmes éléments semblent composer les processus combinatoires des logiciels concurrents,
– Enfin, l’analyse des programmes Duplex et Scanning, qui font partie du logiciel Orcadia a mis en évidence la présence répétée du terme « Selfcard » dans leur exécutable et dans leurs sources, bien que ces éléments ne soient pas visibles lors de l’exécution des programmes Scanning et Duplex. Or, l’utilisation du terme « Selfcard » fait débat dans la mesure où le terme « Selfcard » a été déposé à titre de marque par la société DMI Systèmes le 20/10/1995 et le terme « Self Card » a été déposé à titre de marque par Pascal F. le 27/10/1995.
Or, dans son dire daté du 22 avril 2004, Pascal F. affirme que par une transaction conclue entre les parties en 1996, la société DMI Systèmes s’était engagé à ne plus utiliser le terme Selfcard.
Telles sont les conclusions de l’Expert.
Le tribunal constatera à l’évidence que si l’expert a relevé des ressemblances, celui-ci n’a relevé aucun caractère choquant à ces ressemblances et n’a aucunement relevé un quelconque point lui permettant de se prononcer sur l’éventualité d’une contrefaçon.
La quasi identité des fonctionnalités, bien que celle-ci résulte de la nécessaire adéquation du logiciel avec les besoins, notamment comptables, des établissements scolaires, dans le cadre du respect des demandes de l’Education Nationale.
Les fonctionnalités de nature comptable résultent d’impératifs de comptabilité publique imposés par l’Education Nationale.
Les autres fonctionnalités en matière de gestion des différents services résultent des besoins de l’Education Nationale et c’est la raison pour laquelle l’ensemble des sociétés concurrentes ont mis au point (et parfois avant Pascal F.) des logiciels ayant des fonctionnalités quasi identiques.
Cette constatation n’a rien de surprenant, les besoins pratiques exprimés par les intendants des établissements scolaires étant les mêmes pour chacun de ces établissements.
Il a été fourni à l’expert, une lettre adressé à DMI le 16 janvier 1992 par l’intendant du Lycée Eugène Delacroix de Maisons Alfort, dans laquelle il est précisément écrit : « Afin d’avoir des éditions de documents conformes aux règlements comptables en vigueur en matière de gestion…, veuillez modifier le logiciel afin de pouvoir obtenir les états suivants ». Suivent les modifications demandées.
Il a été également fourni une lettre de Mme Y. Meissel, agent comptable du Lycée Périer de Marseille qui explique dans quelles conditions les logiciels doivent répondre aux règles comptables et qui conclue « de toute façon, aucune société ne peut traduire des règles comptables différentes de celles qui nous sont imposées ».
Il existe donc une contrainte imposée par les besoins des établissements scolaires et des exigences de la comptabilité publique dans le choix des fonctionnalités fournies.
La similitude des fonctionnalités résulte donc bien en l’espèce de l’application d’une demande contraignante qui, de ce fait, prive de tout caractère créatif le choix des fonctionnalités et ne saurait faire de ces similitudes un élément de contrefaçon.
Les nombreux logiciels de comptabilité privée largement édités et commercialisés se ressemblent tous et ont tous quasiment les mêmes fonctionnalités qui résultent du plan comptable national.
Les ressemblances et même les quasi identités relevées ne sauraient donc être qualifiées de contrefaites, résultant soit d’impératifs, soit de besoins exprimés par les clients.
L’identité des éléments composant le processus combinatoire permettant la détermination des droits d’accès, bien que les mêmes éléments semblent composer les processus combinatoires des logiciels concurrents.
Ici encore, les processus combinatoires, c’est-à-dire les paramètres à prendre en compte pour les autorisations d’entrée, le tri, les heures de repas des élèves etc., sont les mêmes dans tous les lycées, raisons pour lesquelles ces paramètres sont les mêmes.
Cet élément ne saurait donc constituer un élément de contrefaçon, surtout qu’en l’espèce rien ne laisse place à la créativité de l’auteur et ne permet aucune originalité.
Concernant le logiciel Orcadia C/S 2
La conclusion de l’expert concernant le logiciel Orcadia C/S version 2 est encore plus nette que la précédente puisqu’il écrit :
En conséquence, à l’issue des opérations d’expertise, l’expert n’a pas relevé d’éléments de ressemblance entre le logiciel Orcadia C/S version 2 et les logiciels de Kaléidoscope.
A ce jour, les demandes de Pascal F. sont devenues sans objet.
En effet, le logiciel Orcadia n’est plus commercialisé depuis 2002 et, de surcroît, n’a plus lieu de l’être s’agissant d’un logiciel aujourd’hui obsolète.
Le logiciel Orcadia C/S 1 ne constitue pas une contrefaçon et n’est plus commercialisé, en outre, il n’est pas visé dans l’assignation de Pascal F.
Le logiciel Orcadia C/S 2, seul commercialisé à ce jour, ne peut en aucune façon être considéré comme une contrefaçon et n’est pas non plus visé dans l’assignation de Pascal F.
V. Mise hors de cause des sociétés JB Informatique et Asap Ingénierie
Ainsi qu’il a été précisé plus haut, les sociétés JB Informatique et Asap Ingénierie ont des activités indépendantes et radicalement différentes de celle de la société Acsati.
Elles n’ont pour seule relation avec cette dernière que d’avoir le même dirigeant et des bureaux à la même adresse.
La procédure, en tant que dirigée contre celles-ci, qui ne sont nullement concernées par le présent litige, n’a pour objet que de permettre à Pascal F. d’accomplir son travail de dénigrement.
Elles devront être mises hors de cause.
Par ces motifs
Rejeter toutes les demandes de Pascal F. comme non fondées.
Mettre hors de cause les sociétés JB Informatique et Asap Ingénierie
Condamner Pascal F. à payer à chacune des demanderesses une somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc.
Le condamner aux dépens qui comprendront les frais de l’expertise de M. Bitan.
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Attendu que Me Françoise Duvillard, avocat au barreau de Toulon, pour et au nom de Pascal F., réplique par voie de conclusions :
Rappel des faits et de la procédure
Les faits
Kaléidoscope, entreprise ayant pour objet la conception de logiciels informatiques, a créé et développé, au cours de l’année 1988, un progiciel (programme + logiciel) dénommé Self Card, qui permet à tout établissement scolaire de gérer notamment l’accès aux restaurants collectifs des élèves.
Ce progiciel, dont est propriétaire Kaléidoscope constitue une oeuvre originale, et bénéficie à ce titre de la protection institué par les dispositions des articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
Au surplus, la marque Self Card a été enregistrée à l’Inpi le 27 octobre 1995 ; qu’ainsi les droits de propriété de Kaléidoscope, tant sur le contenu informationnel dudit logiciel, en qualité d’auteur, que sur la marque, sont indiscutables.
Un contrat de commercialisation, avec exclusivité de la distribution, a été conclu le 28 décembre 1988 avec la société DMI Systèmes, dont le gérant est François B., avec interdiction pour cette dernière de développer des produits similaires.
Courant 1995, suite à la démission de Emmanuel G., salarié de l’entreprise Kaléidoscope, immédiatement réembauché par la société DMI Systèmes, Pascal F. a constaté des faits anti-concurrentiels de la part de cette dernière, à savoir la distribution de contrefaçon du logiciel crée par le requérant, soit en copie servile sous le nom de Self Card pour le logiciel en version MS Dos, soit sous le nom de Multiservices pour la version Windows.
Pascal F., après avoir tenté de transiger avec les contrefaisants, non sans avoir préalablement fait effectuer des saisies contrefaçons et pris soin de résilier le contrat de distribution exclusive qui le liait à DMI Systèmes, a déposé plainte avec constitution de partie civile le 17 avril 1997, à l’encontre de François B. et Emmanuel G.
Un arrêt de la cour d’appel de Nancy du 12 septembre 2002 a déclaré François B. coupable de contrefaçon, et Emmanuel G., coupable de vol et de complicité de contrefaçon.
Par arrêt en date du 9 septembre 2003, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par les susnommés.
Le requérant a été informé fin 2002 et début 2003 que DMI Systèmes faisait publicité d’un logiciel aux fonctionnalités identiques au logiciel Self Card, sous le nom de « Orcadia – Le nouveau Multiservices de DMI Systèmes ».
En effet, dans sa publicité, DMI Systèmes, se prévalant de quinze ans d’expérience dans le milieu scolaire, a fait valoir que ce nouveau logiciel Orcadia assurait :
la gestion des absences (journées, semaines, trimestres, années)
la gestion des flux de passage,
la gestion des entrées et sorties,
la gestion des retards.
En outre, DMI Systèmes s’est proposée de mettre gratuitement en place le logiciel Orcadia chez les clients qui utilisent le logiciel Self Card, ainsi qu’il résulte notamment, d’un courrier adressé au Lycée de Coulanges à Massy (91) en date du 7 janvier 2003.
Enfin, le délai anormalement court pendant lequel DMI Systèmes aurait mis au point un nouveau logiciel, laisse présumer à lui seul que le logiciel « Orcadia – le nouveau Multiservices » est une nouvelle contrefaçon du logiciel Self Card, comme l’était anciennement le logiciel « Multiservices ».
La procédure
C’est dans ces conditions que le requérant a présenté au président du tribunal de grande instance de Toulon, une requête aux fins de saisie contrefaçon de logiciel, le 1er avril 2003.
Une ordonnance de référé a été rendue le 2 avril 2003 et un procès verbal de saisie contrefaçon de logiciel a été dressé par Me Agnès Berton, huissier de justice à Bandol, le 28 avril suivant.
Parallèlement un procès verbal de saisie contrefaçon a été dressé par Me Verdeaux-Manginot, huissier, les 28 et 29 avril 2003, au domicile de Emmanuel G.
Le procès verbal de contrefaçon, dressé par Me Berton, huissier à Bandol, fait apparaître que les sociétés requises sont détentrices de logiciels dans le domaine de la restauration scolaire.
Considérant :
– Qu’il est clairement établi qu’Orcadia contient les protocoles confidentiels du logiciel Self Card ; que les badges utilisés sous Orcadia sont absolument identiques à ceux de Self Card ; qu’Orcadia a des écrans identiques à ceux de Self Card ;
– Que les sociétés requises ne sauraient contester qu’Orcadia n’est pas un nouveau logiciel, dès lors qu’on y retrouve les mots Self Card, les termes Multiservices, ainsi que des copyright de 1995.
– Qu’il apparaît clairement qu’Orcadia utilise les mêmes modules logiciels que Multiservices.
– Qu’en conséquence, Orcadia n’est qu’une copie servile du logiciel Multiservices, ce dernier étant lui-même une contrefaçon de Self Card, ainsi que l’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 12 septembre 2002, l’a mise en évidence.
– Que sans l’autorisation de Kaléidoscope, les sociétés requises reproduisent le logiciel dont la distribution lui avait été initialement confiée, et distribue des copies illicites du logiciel Self Card, sous l’appellation Orcadia.
– Que de tels agissements constituent des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, d’autant que comme il a été rappelé ci avant, les sociétés requises se proposent de mettre gratuitement en place le logiciel Orcadia chez les clients qui utilisent le logiciel Self Card.
Pascal F. a, par exploit du 12 mai 2003, dénoncé le procès verbal de saisie contrefaçon et assigné les sociétés susnommées devant le tribunal de commerce de Toulon, aux fins d’entendre :
Vu les articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles L 331-1 et suivants du même code,
Vu le procès verbal de saisie contrefaçon de logiciel du 28 avril 2003, dressé par Me Berton, huissier de justice à Bandol,
– Dire et juger Pascal F. recevable et bien fondé en sa demande,
– Constater que le logiciel Orcadia constitue une contrefaçon du logiciel Self-Card,
– Valider la saisie contrefaçon à laquelle il a été procédé à la requête de Pascal F., en date du 28 avril 2003 dans les locaux des sociétés DMI Systèmes, JB Informatique et Asap Ingénierie,
– Dire et juger que les sociétés susnommées se sont livrées à des actes de contrefaçon du logiciel Self Card et de concurrence déloyale,
En conséquence,
– Faire interdiction aux sociétés susnommées, sous astreinte de 3000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement, de reproduire et/ou de commercialiser le logiciel Orcadia,
– Ordonner la confiscation du logiciel Orcadia en vue de sa destruction, en présence d’un huissier de justice, aux frais des défenderesses,
– Commettre tel expert qu’il plaira au tribunal de nommer, aux frais des sociétés requises afin d’évaluer l’entier préjudice subi par Pascal F.,
Et dès à présent,
– Condamner solidairement les sociétés requises à payer à Pascal F. la somme provisionnelle de 1 524 500 € à titre de dommages-intérêts à valoir sur son préjudice,
– Ordonner la publication de la décision à intervenir, dans deux journaux, au choix de Pascal F., aux frais des défenderesses.
– Prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution,
– Condamner solidairement les requises à payer à Pascal F. la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du ncpc,
– Condamner solidairement les requises aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de saisie.
Par exploit du même jour, les sociétés Acsati, JB Informatique et Asap Ingénierie ont fait délivrer à Pascal F., assignation en référé d’heure à heure devant monsieur le président du tribunal de Nancy, aux fins de voir ordonner une expertise informatique, aux frais avancés de la société Acsati.
Par ordonnance en date du 13 mai 2003, le président du tribunal de grande instance de Nancy a ordonné une expertise confiée à M. Hubert Bitan, avec pour mission :
– D’entendre les parties en leurs explications, ainsi que tous sachants,
– De se faire remettre tous documents utiles à sa mission, même détenus par des tiers,
– De se faire remettre les logiciels sources de Kaléidoscope dénommés Self Card sous Dos et Winkodbar dont Pascal F. prétend qu’ils seraient contrefaits, ainsi que la documentation s’y rapportant,
– De se faire remettre le logiciel Orcadia Architecture Client Serveur développé et commercialisé par la société Acsati ainsi que les logiciels DMI Multiservices et Orcadia en version source ainsi que la documentation s’y rapportant,
– Se faire remettre le cahier des charges du logiciel Orcadia Architecture Client Serveur établi par la société Acsati ainsi que les différentes versions qui ont été déposées à l’Agence pour la Protection des Programmes,
– De dire si la société Acsati a disposé d’une équipe suffisante en nombre et en compétence pour développer le logiciel Orcadia Architecture Client Serveur dans les délais dont elle a disposé,
– Examiner, analyser et comparer ces logiciels,
– En examiner les fonctionnalités et de les comparer aux fonctionnalités annoncées par les sociétés concurrentes,
– Rechercher quelles versions des logiciels de Kaléidoscope ont été remises à la société Acsati,
– De répondre aux dires et réquisitions des parties,
– Fournir au tribunal tous éléments lui permettant de dire si le logiciel Orcadia développé et commercialisé par la société Acsati peut constituer une contrefaçon du logiciel Self Card ou Winkodbar de Kaléidoscope.
L’expert a déposé son rapport le 17 juin 2004.
Les sociétés Acsati, JB Informatique et Asap Ingénierie ont conclu au rejet des demandes formées par Pascal F. et à la mise hors de cause des sociétés JB Informatique et Asap Ingénierie, sollicitant par ailleurs, la condamnation de Pascal F. à payer à chacune d’elle la somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc.
Les prétentions de ces dernières ne sauraient prospérer.
Discussion
Dans son rapport du 17 juin 2004, l’expert conclut :
« A l’issue de l’analyse des logiciels, des pièces communiquées et des opérations d’expertise réalisées, l’expert constate les points suivants :
Concernant l’équipe ayant participé au développement des logiciels :
Pour le logiciel Multiservices DMI :
N’ayant pas disposé des documents qui lui aurait permis de se prononcer avec précision sur ce point, l’expert constate son impossibilité à se prononcer sur le point de savoir si la société Acsati a disposé d’une équipe suffisante en nombre et en compétence pour développer le logiciel Multiservices DMI dans le délai dont elle a disposé.
Pour le logiciel Orcadia C/S
– Les compétences des intervenants sont en adéquation avec le projet de développement du logiciel Orcadia C/S, la société Asap Ingénierie, à laquelle le développement a été en grande partie délégué, étant une société spécialisée dans l’informatique technique et industrielle et dans les systèmes temps réels, et les salariés de DMI Systèmes ayant développé une forte compétence dans le domaine des logiciels d’accès.
– Le nombre de lignes de codes rédigées par jour et par développeur correspond à une vitesse de développement moyen normal au regard du langage de programmation utilisé et du niveau de compétence des intervenants.
– En conséquence, l’expert constate que la société Acsati a bénéficié d’une équipe suffisante en compétence et en nombre pour développer le logiciel Orcadia C/S dans le délai dont elle a disposé, étant entendu que les programmes annexes au logiciel, tels scanning, duplex ou gconv ne sont pas compris dans l’analyse du temps de développement.
Concernant la comparaison des logiciels Multiservices DMI, Orcadia et Orcadia C/S avec les logiciel Self Card et Winkodbar :
– En premier lieu l’expert constate que le logiciel Orcadia est en réalité le même logiciel que DMI Multiservices, dont le nom sous lequel il était commercialisé a été modifié.
– L’expert constate, d’une part que les deux programmes Duplex et Scanning sont partie intégrante des logiciels Multiservices DMI et du logiciel Orcadia C/S (un logiciel étant défini comme « l’ensemble des programmes, procédés et règles, et éventuellement de la documentation, relatifs au fonctionnement d’un ensemble de traitement de données), et d’autre part, que les différentes versions de ces deux programmes reprennent à de très nombreuses reprises le terme « Selfcard » et la mention « © 1995 R.Tache » dans leur code, bien que ces éléments ne soient pas visibles lors de l’exécution des programmes.
La présence du terme « Selfcard » et la mention « © 1995 R.Tache » dans le code des programmes Scanning et Duplex pour Orcadia C/S impliquent que le logiciel Orcadia C/S reprend les éléments du logiciel DMI Multiservices, et n’est dès lors pas une création totalement nouvelle. De même, la numérotation des versions implique qu’il existe une continuité entre les différentes versions des programmes, ce qui exclut une totale nouveauté des dernières versions des programmes.
Par ailleurs, la reprise du terme « Selfcard » fait débat dans la mesure où le terme « Selfcard » a été déposé à titre de marque par la société DMI Systèmes le 20/10/1995 et le terme « Self-Card » a été déposé à titre de marque par Pascal F. le 27/10/1995.
Or, dans son dire daté du 22 avril 2004, Pascal F. affirme que par une transaction conclue entre les parties en 1996, la société DMI Systèmes s’était engagée à ne plus utiliser le terme Selfcard.
– Par ailleurs, l’expert constate que les logiciels Multiservices DMI et Orcadia C/S utilisent la même technique d’encodage de code barre que les logiciels Self Card et Wincodbar ;
D’une part la société Acsati utilise pour ce logiciel la même norme de codage dite « 2 parmi 5, ce qui ne constitue pas d’un impératif technique, mais présente une importance pratique selon la société Acsati dans la mesure où, selon elle, un changement de norme aurait impliqué la reprogrammation des périphériques vendus par la société Acsati depuis 1992. Cependant, nous constatons que, conformément à ce qu’implique Pascal F. dans son dire daté du 22 avril 2004, les périphériques lisant les codes barres sont en mesure de lire les codes les plus répandus, notamment le code 39.
D’autre part, la structure de code barre est identique. Toutefois, nous notons que le modulo servant au calcul du code barre pour les logiciels d’Acsati n’est pas le même que celui utilisé par Kaléidoscope.
Enfin, les badges techniques du logiciel Orcadia C/S utilisent une codification identique à celle des logiciels de Kaléidoscope, ce qui ne relève d’aucun impératif technique ou pratique.
– En outre, l’expert constate qu’il existe une identité dans les éléments pris en compte par le processus combinatoire permettant la détermination des droits d’accès. L’expert note cependant que le fonctionnement du processus combinatoire du logiciel Orcadia C/S diffère de celui de Self Card puisque les « limitations » ou « autorisations » sont directement définies dans la fiche individuelle de l’élève alors que le fonctionnement du logiciel Self Card impliquait de créer préalablement un type de passage spécifique, lequel était ensuite inscrit dans la fiche individuelle.
– Sur la base des pièces produites par Acsati et non contestées par Kaléidoscope; il apparaît que les éléments pris en compte par les processus combinatoires des logiciels concurrents présentent de très fortes similitudes avec ceux utilisés par les logiciels Self Card et Orcadia C/S.
– Enfin, l’expert constate que la société Acsati a eu connaissance de la structure de données du logiciel Self Card, ce qui a permis de mettre en œuvre la migration des données des clients de Self Card vers ses propres logiciels, grâce à l’outil « gconv.exe » pour une migration vers le logiciel Multiservices DMI, et grâce aux outils « gconv.exe » et « conversion.exe » pour une migration vers Orcadia C/S.
L’expert constate toutefois que ces connaissances ne faisaient pas l’objet d’une protection particulière dans les versions antérieurs à la version 4.13 E du logiciel Self Card, ce qui rendait facilement accessible grâce à l’outil HFD (Hyper File Debugger); fourni à cet effet, et installé sur le poste de chaque utilisateur.
En outre, la société Acsati affirme, dans le courrier de son conseil du 10 mai 2004 que Kaléidoscope et DMI s’étaient réciproquement engagé à se rendre accessibles les données appartenant au client en cas de changement de logiciel.
Concernant les fonctionnalités des logiciels Self Card, Winkodbar, DMI Multiservices et Orcadia C/S, comparées avec les fonctionnalités des autres logiciels concurrents :
– l’expert constate la très forte similitude, voir l’identité dans les fonctionnalités proposées par les logiciels des sociétés Acsati et Kaléidoscope tout en relevant que ces fonctionnalités se retrouvent aussi dans les logiciels concurrents. L’identité des fonctionnalités s’explique par la nécessaire adéquation du logiciel aux besoins, notamment comptables, des établissements scolaires, dans le cadre du respect des demandes de l’Education Nationale.
Concernant la version du logiciel Winkodbar qui a été remise à la société DMI Systèmes :
– Il a été déterminé au cours de la réunion d’expertise du 29 septembre 2003 que Pascal F. avait remis à la société DMI Systèmes la version bêta du logiciel Winkodbar 1995, sous forme de code source (lisible uniquement avec l’outil Windev) et d’exécutable.
Concernant les éléments permettant de dire si le logiciel Orcadia C/S peut constituer une contrefaçon du logiciel Self Card et Winkodbar :
– Il ressort de l’analyse effectuée qu’il existe un certain nombre de ressemblances significatives entre le logiciel Orcadia C/S et les logiciels Self Card et Winkodbar en particulier :
La quasi identité des fonctionnalités, bien que celle-ci résulte de la nécessaire adéquation du logiciel avec les besoins notamment comptables, des établissement scolaires, dans le cadre du respect des demandes de l’Education Nationale ;
L’identité de la structure du code barre ;
L’identité des éléments composant le processus combinatoire permettant la détermination des droits d’accès, bien que les mêmes éléments semblent composer les processus combinatoires des logiciels concurrents ;
Enfin l’analyse des programmes Duplex et Scanning, qui font partie du logiciel Orcadia C/S, a mis en évidence la présence répétée du terme « Selfcard » dans leur exécutable et dans leurs sources, bien que ces éléments ne soient pas visibles lors de l’exécution des programmes Scanning et Duplex. Or, l’utilisation du terme « Selfcard » fait débat dans la mesure où le terme « Selfcard » a été déposé à titre de marque par la société DMI Systèmes le 20/10/1995 et le terme « Self Card » a été déposé à titre de marque par Pascal F. le 27/10/1995.
Or, dans son dire daté du 22 avril 2004, Pascal F. affirme que par une transaction conclue entre les parties en 1996, la société DMI Systèmes s’était engagée à ne plus utiliser le terme Selfcard.
Il ressort des conclusions expertales, ci avant intégralement reproduites pour éviter tout non sens compte tenu de la complexité du sujet, que :
– pour « contourner » les conséquences de l’arrêt de la cour d’appel de Nancy du 12 septembre 2002 qui a notamment déclaré François B. coupable de contrefaçon, la société Acsati a décidé, fin 2002 début 2003, de commercialiser le logiciel contrefait « Multiservices » sous le nom de « Orcadia » ;
– Orcadia C/S reprend des éléments du logiciel contrefait « Multiservices » et la numérotation des versions implique qu’il existe une continuité entre les différentes versions des programmes ;
– il existe une très forte similitude voire l’identité dans les fonctionnalités proposées par les logiciels Acsati et Kaléidoscope ;
– les badges techniques du logiciel Orcadia C/S utilisent une codification identique à celle des logiciels de Kaléidoscope, ce qui ne relève d’aucun impératif technique ou pratique.
Les faits de contrefaçon sont avérés.
Les sociétés Acsati, JB Informatique et Asap Ingénierie tentent maladroitement de créer dans l’esprit du tribunal une confusion en indiquant que le logiciel dénommé Orcadia n’était plus commercialisé au jour de l’exploit introductif d’instance et qu’en conséquence la présente procédure serait sans objet.
Or, le tribunal examinera les pièces versées aux débats par le requérant, notamment la publicité adressée par DMI Systèmes à l’un des clients de Kaléidoscope. Il est bien écrit « Orcadia, le nouveau Multiservices de DMI Systèmes ».
Ce logiciel a bien été commercialisé par Acsati début 2003, créant ainsi un énorme préjudice à Kaléidoscope.
Le préjudice financier est important pour Kaléidoscope ; que d’après les publicités Orcadia, les requises envisagent de contacter 500 clients…; que la mise à jour du logiciel Self Card dont est équipé cette clientèle représente un chiffre d’affaire estimé à 1 500 000 € (prix moyen d’une mise à jour 3000 €) ; qu’enfin il est indéniable que les pratiques déloyales et contrefaisantes des requises portent atteinte à l’image de Kaléidoscope, d’autant que Self Card est un logiciel de gestion de restauration scolaire qui est diffusé auprès d’un public très spécifique.
Une juste réparation doit être ordonnée ; que le requérant s’estime bien fondé à solliciter du tribunal, la condamnation solidaire des requises à lui payer la somme provisionnelle de 1 524 000 € en réparation du préjudice subi, sous réserve d’expertise.
Il apparaît qu’une publication aux frais des sociétés requises, serait de nature à rétablir la vérité.
Enfin, il est inéquitable de laisser à la charge du requérant les frais qu’il a du exposer pour la défense de ses droits, en ce compris les frais de saisie.
Décision
Vu les articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles L 331-1 et suivants du même code,
Vu le procès verbal de saisie contrefaçon de logiciel du 28 avril 2003, dressé par Me Berton, huissier de justice à Bandol,
– Dire et juger Pascal F. recevable et bien fondé en sa demande,
– Constater que le logiciel Orcadia constitue une contrefaçon du logiciel Self-Card,
– Valider la saisie contrefaçon à laquelle il a été procédé à la requête de Pascal F., en date du 28 avril 2003 dans les locaux des sociétés DMI Systèmes, JB Informatique et Asap Ingénierie,
– Dire et juger que les sociétés susnommées se sont livrées à des actes de contrefaçon du logiciel Self Card et de concurrence déloyale,
En conséquence,
– Faire interdiction aux sociétés susnommées, sous astreinte de 3000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement, de reproduire et/ou de commercialiser le logiciel Orcadia,
– Ordonner la confiscation du logiciel Orcadia en vue de sa destruction, en présence d’un huissier de justice, aux frais des défenderesses,
– Commettre tel expert qu’il plaira au tribunal de nommer, aux frais des sociétés requises afin d’évaluer l’entier préjudice subi par Pascal F.,
Et dès à présent,
– Condamner solidairement les sociétés requises à payer à Pascal F. la somme provisionnelle de 1 524 500 € à titre de dommages-intérêts à valoir sur son préjudice,
– Ordonner la publication de la décision à intervenir, dans deux journaux, au choix de Pascal F., aux frais des demanderesses.
– Prononcer l’exécution de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution,
– Condamner solidairement les requises à payer à Pascal F. la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du ncpc,
– Condamner solidairement les requises aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de saisie.
DISCUSSION
Attendu que Pascal F. exploitant sous l’enseigne Kaléidoscope, a créé et développé, au cours de l’année 1988, un progiciel dénommé Self Card, qui permet à tout établissement scolaire de gérer notamment l’accès aux restaurant collectifs des élèves.
Attendu que ce logiciel est protégé par les dispositions des articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
Attendu qu’un contrat de commercialisation, avec exclusivité de la distribution, a été conclu le 28 décembre 1988 avec la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes, dont le gérant est François B., avec interdiction pour cette dernière de développer des produits similaires.
Attendu que courant 1995, suite à la démission de Emmanuel G., salarié de l’entreprise Kaléidoscope, immédiatement réembauché par la société Acsati, exerçant sous le nom commercial de DMI Systèmes, Pascal F. constate des faits anti-concurrentiels, à savoir la distribution de contrefaçon de logiciel.
Attendu que Pascal F. a résilié le contrat de distribution exclusive qui le liait à Acsati exerçant sous le nom commercial de DMI Systèmes, et a déposé plainte avec constitution de partie civile le 17 avril 1997 à l’encontre de François B. et Emmanuel G.
Attendu qu’en date du 12 septembre 2002, un arrêt de la cour d’appel de Nancy a déclaré François B. coupable de contrefaçon et Emmanuel G. coupable de vol et de complicité de contrefaçon.
Attendu qu’en date du 2 avril 2003, une ordonnance a été rendue suite à la requête de saisie contrefaçon de logiciel le 1er avril 2005, et un procès verbal de saisie contrefaçon de logiciel a été dressé par Me Agnès Berton, huissier de justice à Bandol.
Attendu que le procès verbal fait apparaître que les sociétés requises sont détentrices de logiciels dans le domaine de la restauration scolaire, d’où l’existence de similitude.
Attendu que devant la complexité de ce dossier, une ordonnance en date du 13 mai 2003 a été rendue par le Président du tribunal de grande instance de Nancy, ordonnant une expertise confiée à M. Hubert Bitan ayant pour mission :
– d’entendre les parties en leurs explications, ainsi que tous sachants,
– de se faire remettre tous documents utiles à sa mission, même détenus par des tiers,
– de se faire remettre les logiciels sources de Kaléidoscope dénommés logiciel Self Card sous Dos et Winkodbar dont Pascal F. prétend qu’ils seraient contrefaits, ainsi que la documentation s’y rapportant,
– de se faire remettre le logiciel Orcadia Architecture Client Serveur développé et commercialisé par la société Acsati ainsi que les logiciels DMI Multiservices et Orcadia en version source ainsi que la documentation s’y rapportant,
– de se faire remettre le cahier des charges du logiciel Orcadia Architecture Client Serveur établi par la société Acsati ainsi que les différentes versions qui ont été déposées à l’Agence pour la Protection des Programmes,
aux fins de :
– de dire si la société Acsati a disposé d’une équipe suffisante en nombre et en compétence pour développer le logiciel Orcadia Architecture Client Serveur dans les délais dont elle a disposé,
– examiner, analyser et comparer ces deux logiciels,
– en examiner les fonctionnalités et de les comparer aux fonctionnalités annoncées par les sociétés concurrentes,
– rechercher quelles versions des logiciels de Kaléidoscope ont été remises à la société Acsati,
– répondre à tous dires et réquisitions des parties,
– fournir au tribunal tous éléments lui permettant de dire si le logiciel Orcadia développé et commercialisé par la société Acsati peut constituer une contrefaçon du logiciel Self Card ou Winkodbar de Kaléidoscope
Attendu que le rapport d’expertise a été rendu le 17 juin 2004, ce rapport précisant :
– que la société Acsati a bénéficié d’une équipe suffisante en compétence et en nombre pour développer le logiciel Orcadia dans le délai dont elle disposait.
Attendu que concernant les comparaisons des logiciels DMI Multiservices et Orcadia et Orcadia Architecture Client Serveur avec les logiciels Self Card et Winkodbar, l’expert constate que le logiciel Orcadia est en réalité le même logiciel que Multiservices DMI, dont le nom sous lequel il était commercialisé a été modifié.
Attendu que le badge technique du logiciel Orcadia Architecture Client Serveur utilisait une codification identique à celle des logiciels Kaléidoscope, ce qui ne relève d’aucun impératif technique ou pratique.
Attendu que l’expert constate que la société Acsati a eu connaissance de la structure de données du logiciel Self Card, ce qui a permis de mettre en œuvre la migration des données des clients de logiciel Self Card vers ses propres logiciels grâce à l’outil « gconv.exe » pour une migration vers le logiciel Multiservices DMI, et grâce aux outils « gconv.exe » et « conversion.exe » pour une migration vers Orcadia C/S.
Attendu qu’il ressort donc du rapport d’expertise de nombreuses similitudes entre les deux programmes.
Attendu que ce préjudice date de l’année 1995, date de la démission de Emmanuel G.
Attendu que le logiciel Orcadia a cessé d’être commercialisé en 2002.
Attendu que depuis il y a eu d’autres logiciels qui ne font pas l’objet de ce dossier et qui sont hors de cause.
Attendu qu’il en est de même pour les sociétés JB Informatique et Asap Ingénierie qui ont des activités indépendantes et radicalement différentes de celle de la société Acsati.
Attendu que Pascal F. a subi un préjudice du au départ de Emmanuel G. et au transfert de différentes informations de son programme informatique.
Attendu qu’il y a lieu de recevoir Pascal F. en sa demande et de la déclarer bien fondée.
Attendu qu’il convient de constater que le logiciel Orcadia constitue une contrefaçon du logiciel Self Card.
Attendu qu’il y a lieu de condamner la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes, à payer à Pascal F. la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts.
Attendu qu’il y a lieu d’ordonner la récupération du logiciel Orcadia en vue de sa destruction en présence d’un huissier de justice aux frais de la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes.
Attendu que l’exécution provisoire du présent jugement sera ordonnée vu sa nécessité et sa compatibilité avec la nature de l’affaire.
Attendu qu’il y a lieu de condamner la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes, à payer à Pascal F. la somme ramenée à 3000 € au titre de l’article 700 du ncpc.
Attendu qu’il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes.
Attendu qu’il y a lieu de condamner la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes, aux entiers dépens.
DECISION
Le tribunal,
. Reçoit Pascal F. en sa demande et le déclare bien fondé,
. Constate que le logiciel Orcadia constitue une contrefaçon du logiciel Self Card,
. Condamne la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes, à payer à Pascal F. la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts,
. Ordonne la récupération du logiciel Orcadia en vue de sa destruction en présence d’un huissier de justice aux frais de la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes,
. Met hors de cause la société JB Informatique et la société Asap Ingénierie,
. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant l’exercice de toutes voies de recours et sans caution,
. Condamne la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes, à payer à Pascal F. la somme de 3000 € en application de l’article 700 du ncpc,
. Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
. Condamne la société Acsati, exerçant sous le nom commercial DMI Systèmes, aux entiers dépens.
Le tribunal : M. Bidot (président), MM. Verdier et Sonegou (juges)
Avocats : Me Françoise Duvillard, Me Gilbert Bontemps
Voir les décisions de Cour d’appel du 12/09/2002 et de [Cour de cassation du 09/09/2003->?page=jurisprudence-decision&id_article=1482]
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.