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Jurisprudence : Contenus illicites

lundi 03 juillet 2006
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Cour d’appel de Paris 18ème chambre C Arrêt du 15 juin 2006

Fédération CGT des sociétés d'études / TNS Secodip

confidentialité - contenus illicites - liberté d'expression - site internet - syndicat

FAITS ET PRETENTION

Statuant sur l’appel formé par la Fédération CGT des sociétés d’études d’un jugement rendu le 11 janvier 2005 par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a :
– ordonné la suppression sur le site internet ouvert par la Fédération CGT des sociétés d’études, dénommée « http://cgt.secodip.free.fr » des documents figurant dans les rubriques suivantes :
• rubrique « Syndicat »
• rubrique « Rentabilité de Secodip »
• rubrique « Les Négociations »
• rubriques « Le Comité d’entreprise » et « Les délégués du personnel »,

dans le délai de huit jours du prononcé du jugement, sous astreinte de 600 € par jour de retard

– rejeté la demande en ce qui concerne la suppression des rubriques « Travail de nuit » et « Accord sur les 35 heures »,
– condamné la Fédération CGT des sociétés d’études à verser à la société TNS Secodip la somme de 6000 € à titre de dommages-intérêts,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné la Fédération CGT des sociétés d’études au paiement de la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du ncpc ainsi qu’aux dépens ;

Vu les conclusions signifiées le 26 mai 2005 par la Fédération CGT des sociétés d’études qui demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de la société TNS Secodip en ce qui concerne la suppression des rubriques « Travail de nuit » et « Accord sur les 35 heures » de débouter la société TNS Secodip de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de la condamner au paiement de la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du ncpc ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SCP Bommart-Foster, avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du ncpc ;

Vu les conclusions signifiées le 14 septembre 2005 par la société TNS Secodip qui demande à la cour de :
Vu les dispositions de l’article 1382 du code civil et en tant que de besoin 809 et 811 du ncpc,
– dire et juger que la Fédération CGT des sociétés d’études a violé les règles tant légales que contractuelles de publications des informations à
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la Fédération CGT des sociétés d’études devait supprimer de son site internet intitulé « http://cgt.secodip.free.fr » les rubriques suivantes :
* « Syndicat » pour violation de l’article L 412-8 du code du travail,
* « Rentabilité de Secodip » pour violation des articles L 434-6, L 434-4 et R 434-1 du code du travail,
* « Les Négociations » pour violation de l’article L 132-27 du code du travail,
* « Le Comité d’entreprise » et « Les délégués du personnel » pour violation des articles L 434-4 et R 434-1 du code du travail,

dans le délai de huit jours du prononcé du jugement, sous astreinte de 600 € par jour de retard,

– infirmer le jugement en ce qui concerne les rubriques « Travail de nuit » et « Accord sur les 35 heures »,
– ordonner leur suppression pour violation de l’article L 132-10 du code du travail,
– confirmer le jugement du chef des condamnations prononcées à titre de dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du ncpc,
– condamner la Fédération CGT des sociétés d’études au paiement de la somme de 4500 € pour frais irrépétibles supplémentaires d’appel en application de l’article 700 du ncpc ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel avec faculté de recouvrement en faveur de la SCP Gaultier Kistner, avoué, en application de l’article 699 du ncpc ;

Vu les observations du ministère public ;

DISCUSSION

La société TNS Secodip a pour activité les études, recherches et réalisations économiques concernant la publicité, la consommation et la distribution.

La convention collective applicable est celle des bureaux d’études Syntec.

La Fédération CGT des sociétés d’études a ouvert un site internet dénommé « http://cgt.secodip.free.fr »

Le litige soumis à la cour ne concerne ni l’information de salariés par intranet ni la mise en ligne d’un site dont l’accessibilité serait limitée à certains salariés.

Il est relatif au contenu d’un site dénommé http://cgt.secodip.fr ouvert en 2004 par la Fédération CGT des sociétés d’études.

La société TNS Secodip ne revendique pas la fermeture du site mais la suppression de cinq des neuf rubriques figurant sur le site.

La Fédération CGT des sociétés d’études fait valoir en premier lieu que la liberté d’expression des syndicats, liberté publique, ne peut être limitée que dans des cas extrêmes.

En second lieu, elle expose que l’obligation de discrétion qui ne s’impose pas en tant que telle à un syndicat doit répondre à une double condition :
– l’information doit présenter objectivement ou légalement un caractère confidentiel,
– l’employeur doit déclarer que l’information est confidentielle.

Elle soutient qu’en l’espèce, la société TNS Secodip a abusé de son droit de donner comme confidentielles certaines informations.

La société TNS Secodip qui ne conteste pas la liberté de la Fédération CGT des sociétés d’études de porter une appréciation personnelle sur son fonctionnement estime que cette dernière a porté atteinte à ses intérêts aux termes de cinq rubriques dès lors que :
– contrairement à un site intranet réservé au personnel de l’entreprise, un site internet est accessible à l’ensemble du public, notamment externe à l’entreprise, concurrents et clients,
– aux termes de cinq rubriques elle viole les règles légales de la confidentialité et de la diffusion de certains documents que les entreprises concurrentes ne pourraient normalement se procurer.

Un syndicat comme tout citoyen a toute latitude pour créer un site internet pour l’exercice de son droit d’expression directe et collective.

Aucune restriction n’est apportée à l’exercice de ce droit et aucune obligation légale de discrétion ou confidentialité ne pèse sur ses membres à l’instar de celle pesant, en vertu de l’article L 432-7 alinéa 2 du code du travail, sur les membres du comité d’entreprise et représentants syndicaux, quand bien même il peut y avoir identité de personnes entre eux.

Si l’obligation de confidentialité s’étend également aux experts et techniciens mandatés par le comité d’entreprise, force est de constater qu’aucune disposition ne permet en revanche de l’étendre à un syndicat de surcroît, comme en l’espèce, syndicat de branche n’ayant aucun lien direct avec l’entreprise, et ce, alors même que la diffusion contestée s’effectue en dehors de la société.

Il convient, par conséquent, d’infirmer le jugement entrepris et de débouter la société TNS Secodip de l’intégralité de ses demandes. L’équité commande qu’il soit fait application de l’article 700 du ncpc.

DECISION

. Infirme le jugement entrepris,

. Déboute la société TNS Secodip de l’intégralité de ses demandes,

. Condamne la société TNS Secodip à payer à la Fédération CGT des sociétés d’études la somme de 2000 € en application de l’article 700 du ncpc,

. Condamne la société TNS Secodip aux dépens de première instance et d’appel.

La cour : Mme Catherine Taillandier (président), Mmes Catherine Métadieu et Marie José Thévenot

Avocats : Me Sylvie Le Toquin, Me Pierre Callet

Notre présentation de la décision

Voir décision de Cour de cassation du 05/03/08

 
 

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