Jurisprudence : Responsabilité
Cour d’appel de Paris 18ème chambre C Arrêt du 27 novembre 2008
France Télécom / Farid E., SNCGF-FT
responsabilité
PROCEDURE
Statuant sur l’appel formé par la société France Télécom à l’encontre d’une ordonnance de référé rendue le 28 mars 2008 par le conseil de prud’hommes de Bobigny qui dit n’y avoir lieu à référé tant sur la demande principale que sur la demande reconventionnelle, dans le litige l’opposant Farid E. ;
Vu les conclusions remises et soutenues à l’audience du 17 octobre 2008 de la société France Télécom, appelante, qui demande à la cour de constater la qualité à agir de France Télécom dans la présente instance et la compétence du juge des référés pour ordonner l’expertise sollicitée, d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau de :
– Désigner Maître Fabienne Allaire ou tout autre huissier de justice, lequel pourra se faire assister de toutes personnes, notamment de France Télécom, disposant de la compétence et des moyens techniques nécessaires, avec pour mission de prendre connaissance du contenu de l’ordinateur professionnel de Monsieur E. et de la carte SIM de son mobile professionnel et de faire toutes constatations utiles en lien avec l’exercice par l’intéressé d’une activité parallèle, Monsieur E. ayant été dûment convoqué ;
– Dire que ces constatations pourront porter sur tout le contenu de l’ordinateur à l’exception des éventuels éléments qui auraient trait à une activité syndicale ;
– Dire que faute pour Monsieur E. de communiquer les codes d’accès et mots de passe, l’huissier de justice pourra se faire assister par un informaticien de France Télécom pour passer outre les verrous informatiques d’accès à ces données ;
– Débouter Monsieur E. de toutes ses fins, demandes et prétentions ;
– Condamner Monsieur E. à payer à la société France Télécom la somme de 2000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
Vu les conclusions remises et soutenues à l’audience du 17 octobre 2008 de Farid E., intimé, qui demande à la Cour de confirmer l’ordonnance entreprise sur l’incompétence du juge des référés en ce qui concerne la demande de constat d’huissier, d’infirmer la même ordonnance en ce qu’elle a rejeté sa demande de réintégration et statuant à nouveau, d’ordonner sa réintégration dans ses fonctions de cadre, responsable de site, sous astreinte de 200 € par jour de retard et la restitution de ses outils professionnels initiaux sous la même astreinte et condamner la société France Télécom à lui payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;
Vu I‘absence de comparution à l’audience du Syndicat National CGC France Télécom pourtant régulièrement convoqué ;
DISCUSSION
Considérant qu’il est constant que Farid E. a été embauché par la société France Télécom selon contrat à durée indéterminée à compter du 2 juillet 2001 en qualité d’adjoint au responsable d’exploitation ; qu’il est délégué syndical CGC depuis janvier 2007 ;
que le 21 juin 2007, il a été mis à pied au motif qu’il était soupçonné d’avoir une activité professionnelle parallèle et que son ordinateur portable ainsi que son téléphone professionnel ont été saisi par un huissier mandaté par son employeur ; que suite à cette mise à pied, une procédure de licenciement a été mise en oeuvre et l’autorisation de l’inspecteur du travail sollicitée ; que celui-ci a, par décision du 9 octobre 2007 refusé cette autorisation ; que sur recours hiérarchique, le Ministre du travail a confirmé par décision du 7 avril 2008 pour d’autres motifs que ceux adoptés par l’inspecteur du travail, ce refus ; que le litige se trouve actuellement pendant devant le Tribunal administratif ;
Considérant que parallèlement, la société France Télécom présentait, les 25 et 27 juillet 2007 au président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny deux requêtes aux fins de désignation d’un huissier de justice avec mission de prendre connaissance du contenu de l’ordinateur portable professionnel et de la carte SIM du téléphone mobile professionnel de Farid E. ; qu’il a été fait droit les mêmes jours à ces deux requêtes ;
que Maître Allaire, huissier de justice a procédé à ces opérations et adressé deux procès-verbaux de constat en date des 23 et 31 août 2007 ; que sur demande de rétractation des ordonnances sus-visées de Farid E., le président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny a, par décision du 23 novembre 2007, rétracté celles-ci et ordonné la destruction des données recueillies aux termes des procès-verbaux de constat ; que cette destruction a eu lieu les 7 et 11 janvier 2008 ;
Considérant que par déclaration au greffe en date du 4 septembre 2007, l’appelant a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande tendant à voir ordonné à la société France Télécom qu’elle mette fin à la mesure de mise à pied et qu’elle procède à sa réintégration à son poste de travail ; que la société France Télécom a alors, formé une demande reconventionnelle tendant à voir désigner Maître Allaire aux fins de constat avec la même mission que celle précédemment sollicitée auprès du président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile que c’est dans ces conditions qu’est intervenue l’ordonnance entreprise ;
Sur la demande de réintégration
Considérant qu’il résulte des pièces produites au débat que l’appelant a été effectivement réintégré dans son emploi et que s’il soutient ne pas avoir récupéré l’ensemble de ses responsabilités, il n’en rapporte pas la preuve, ne versant aucun élément à l’appui de ses affirmations ; que par ailleurs, sa demande de restitution de ses outils d’origine, actuellement saisi, ne saurait prospérer dans le cadre de la présente procédure dans la mesure où il est établi et non contesté qu’il lui a été fourni un nouveau matériel et qu’il n’est pas démontré qu’il se trouve dans l’impossibilité de travailler avec celui-ci ;
Sur la demande de désignation d’un huissier de justice aux fins de constat
Considérant que la société France Télécom qui justifie de sa qualité à agir, invoque les dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile pour solliciter cette désignation ; qu’elle fait valoir que le juge des référés est bien compétent pour connaître d’une telle demande, ce que conteste l’appelant ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;
qu’il en résulte que la demande présentée par la société France Télécom dans le cadre de la présente procédure de référé est recevable et que le juge des référés est bien compétent pour en connaître ;
Considérant sur le bien fondé de la demande que la société France Télécom doit justifier que les conditions d’application de l’article 145 sus-visé sont réunies et qu’est démontré le motif légitime de la demande ;
qu’en l‘espèce, elle verse divers documents dont elle soutient qu’ils sont de nature à démontrer l‘activité parallèle de l’appelant et soutient que la mesure d’instruction sollicitée permettront de confirmer ces pièces et les griefs qu’elle invoque à I‘encontre de son salarié ;
Mais considérant qu’en premier lieu, force est de constater que la présente demande s’inscrit dans un contentieux dont est déjà saisi le Tribunal administratif la société France Télécom versant, elle-même, aux débats les mémoires échangés par les parties devant la juridiction administrative dans le cadre du recours à l’encontre de la décision du Ministre du travail ayant refusé le licenciement de l’appelant ; qu’il ne peut, dès lors, être considéré que la présente demande se situe avant tout procès ;
que par ailleurs, et surtout, il y a lieu de constater que si la demande pouvait présenter un intérêt légitime lors de la mise à pied de l’appelant et de la saisie de son matériel informatique et téléphonique, le 21 juin 2007, tel n’est plus le cas, à ce jour ;
Qu’en effet, depuis cette date, sont intervenues les ordonnances du président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny autorisant l’examen du contenu de ces matériels et l’exécution de celles-ci selon procès-verbaux de constat dressés par Maître Allaire ; que si les données recueillies à cette occasion ont fait l’objet d’une destruction postérieurement à la rétractation des ordonnances en cause, force est de constater que dans le cadre des opérations de l’huissier de justice, le matériel examiné a fait l’objet de manipulations qui sont susceptibles d’en modifier les contenus ;
que par ailleurs, aucune des pièces produites aux débats (notamment pas les actes par lesquels l’huissier de justice serait détenteur du matériel litigieux) ne vient démontrer que ces outils de travail sont à l’abri de tout accès étranger ; que dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les moyens tirés d’une possible violation de la vie privée et de l’atteinte portée au mandat syndical de Farid E., il convient de constater que la mesure de constat sollicitée est dépourvue d’intérêt dans la mesure où les informations obtenues ne constituent plus des moyens de preuve incontestables ;
Considérant que l’ordonnance sera, en conséquence, par substitution de motifs, confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que les circonstances de I’espèce ne conduisent pas à faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
que la société France Télécom qui succombe partiellement en ses prétentions, sera condamnée aux dépens ;
DECISION
Par ces motifs,
. Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;
. Déboute les parties de leurs demandes, tant principal que reconventionnelle ;
. Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
. Condamne France Télécom aux dépens.
La cour : Mme Catherine Taillandier (présidente), Mmes Catherine Métadieu et Catherine Bézio (conseillères)
Avocats : Me Philippe Montanier, Me Samira Denfer
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