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Jurisprudence : Contenus illicites

mercredi 26 avril 2006
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Cour de cassation Chambre criminelle 29 mars 2006

Jean R. / Ministère public

contenus illicites - courrier électronique - détention - diffamation - diffusion - nom - pédophilie - peer to peer - pornographie - site internet

La Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique tenue au Palais de justice à Paris, le 29 mars 2006, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Jean R., contre l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 14 septembre 2005, qui, pour prise du nom d’un tiers dans des circonstances ayant pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales, détention de l’image pornographique d’un mineur et fixation de cette image, en vue de sa diffusion, au moyen d’un réseau de télécommunications, l’a condamné, pour le premier délit, à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et, pour les deux autres, à 18 mois d’emprisonnement dont 15 mois avec sursis et mise à l’épreuve ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 227-23, alinéas 1 et 4, 227-29, 227-31 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean R. coupable du chef de détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique et a condamné celui-ci à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement dont quinze mois avec sursis ;

« aux motifs que l’infraction de détention d’images ou de représentations de mineurs présentant un caractère pornographique est caractérisée ; que le prévenu a admis avoir régulièrement téléchargé des vidéos pédophiles sur internet à l’aide d’un logiciel fonctionnant selon le principe « peer to peer » ; que l’exploitation du disque dur de l’unité centrale de son ordinateur mettait en évidence 5769 images de mineurs nus, 75 vidéos de mineurs ayant des relations sexuelles entre eux ou avec des majeurs ; qu’il y a bien eu diffusion de telles images dans la mesure où il y avait possibilité d’accès libre sur internet ;

« et, aux motifs éventuellement adoptés du jugement entrepris qu’il apparaissait que Jean R. avait mis en ligne sur internet deux sites proposant des images de mineurs ; il niait cependant y avoir placé des modèles de mineurs et précisait que les photos mises en ligne étaient celles qu’il avait collectées sur les sites spécialisés sur internet ; que, par l’échange de telles images, et en donnant accès au téléchargement des vidéos contenues sur son ordinateur, Jean R. a exporté et diffusé des images ou des représentations de mineurs, ces faits étant aggravés par la mise en ligne de deux sites créés par le prévenu et présentant des images à caractère pédophile en accès libre ;

« 1°) alors que, la loi ne sanctionne que le fait de fixer ou d’enregistrer, en vue de sa diffusion, l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette présentation présente un caractère pornographique ; qu’en se bornant à affirmer que le délit de détention en vue de la diffusion de telles images était constitué à partir de la seule énonciation que Jean R. utilisait un ordinateur présentant une possibilité d’accès libre sur internet, l’arrêt attaqué n’a pas caractérisé les éléments légaux de l’infraction qu’il retient et n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« 2°) alors que, Jean R. avait contesté, par voie de conclusions en appel, toute diffusion d’images ou de représentations de mineurs présentant un caractère pornographique et avait invoqué le procès verbal d’expertise judiciaire dont le contenu indiquait que les deux sites qu’ils avaient créés sur internet avaient été fermés et que leur consultation n’était plus possible ; que, dès lors, l’arrêt attaqué ne pouvait faire siens les motifs de ce jugement retenant que Jean R. avait diffusé sur ces sites des images ou des représentations de mineurs présentant un caractère pornographique sans répondre aux dites conclusions et a, partant, entaché sa décision d’un défaut de motifs » ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 227, alinéas 1, 2, 3, 227-29, 227-31 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean R. coupable de diffusion de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique en utilisant un réseau de télécommunications depuis temps non prescrit jusqu’au 28 août 2003 ;

« aux motifs que le délit de diffusion d’images ou de représentations de mineurs présentant un caractère pornographique est caractérisé ; qu’en effet, le prévenu a admis avoir régulièrement téléchargé des vidéos pédophiles sur internet à l’aide d’un logiciel fonctionnant selon le principe « peer to peer » ; que l’exploitation du disque dur de l’unité centrale de son ordinateur mettait en évidence 5796 images de mineurs nus, 75 vidéos de mineurs ayant des relations sexuelles entre eux ou avec des majeurs ; qu’il y a bien eu diffusion de telles images dans la mesure où il y avait possibilité d’accès libre sur internet ;

« et, aux motifs éventuellement adoptés, des premiers juges que, par ailleurs, il apparaissait que Jean R. avait mis en ligne deux sites proposant des images de mineurs ; il niait, cependant, y avoir placé des modèles de mineurs et précisait que les photos mises en ligne étaient celles qu’il avait collectées sur les sites spécialisés sur internet ; que par l’échange de telles images et en donnant accès au téléchargement des vidéos contenues sur son ordinateur, Jean R. a exporté et diffusé des images ou des représentations de mineurs, ces faits étant aggravés par la mise en ligne des deux sites créés par le prévenu et présentant des images à caractère pédophile en accès libre ;

« 1°) alors que, les faits de diffusion d’images ou de représentation de mineurs présentant un caractère pornographique n’est pas caractérisé par la seule constatation que le prévenu disposait d’un ordinateur avec un accès libre sur internet ; qu’en statuant sur les faits de diffusion à partir de cette seule énonciation, l’arrêt attaqué n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« 2°) alors que, Jean R. soutenait, dans ses conclusions d’appel, que le procès verbal d’expertise judiciaire énonçait expressément que le contenu des deux sites créés par l’intéressé n’avait pas été retrouvé et que leur consultation sur internet n’était plus possible et que les premiers juges avaient prononcé sa condamnation à partir de simples suppositions ; que, faute de répondre à ce chef de conclusions péremptoires, l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motifs » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettant la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 434-23, alinéa 1, 434-44, alinéas 1 et 4 du code pénal, 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Jean R. coupable du chef de prise du nom d’un tiers pour déterminer des poursuites pénales contre lui et a prononcé contre lui une peine d’emprisonnement de trois mois avec sursis ;

« aux motifs que les premiers juges ont suffisamment décrit les circonstances dans lesquelles le message attribué à André D. et émanant en réalité de Jean R., a été adressé à d’autres ingénieurs ; qu’ils se sont également référé aux termes de ce message qui avaient un caractère diffamatoire envers André D. et qui, de ce fait même, auraient pu déterminer contre lui des poursuites pénales ; qu’en tout état de cause, le fait même que le prévenu d’avoir reconnu vouloir nuire à André D. par l’envoi de ce message établit l’intention délictueuse ; qu’entendu par les services de police, Jean R. expliquait avoir voulu nuire à André D. ; que, s’estimant harcelé par ce dernier depuis plusieurs années, il avait nourri une rancœur à son égard ; que, de plus, il le tenait responsable de ce qui était arrivé à Nathalie A. ; qu’il a pris le nom d’André D. dans des circonstances pouvant déterminer des poursuites pénales pour diffamation ;

« 1°) alors que, Jean R. ayant contesté par voie de conclusions le fait que la prise de fausse identité aurait déterminé ou était susceptible de déterminer l’inscription d’une condamnation au casier judiciaire d’un tiers réellement existant, la cour d’appel, qui a retenu que les termes du message électronique avaient un caractère diffamatoire envers André D. et auraient pu déterminer des poursuites pénales contre lui sans véritablement déterminer si ces poursuites étaient de nature à aboutir et à déterminer l’inscription d’une condamnation judiciaire à son casier judiciaire, n’a pas donné de base légale à sa décision ;

« 2°) alors que, les poursuites pour diffamation exigent que puisse être identifiée de manière précise la victime de la prétendue diffamation ; que, partant, les juges du fond, qui se sont abstenus de rechercher si le message électronique sous la signature d’André D. était susceptible de conduire à l’identification d’une personne précise, autre que sa propre personne, ont entaché leur décision d’un manque de base légale » ;

Vu l’article 434-23 du code pénal ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime ;

Attendu que, pour déclarer Jean R. coupable de prise du nom d’un tiers, l’arrêt attaqué relève que le prévenu a pris le nom d’André D. dans des circonstances pouvant déterminer des poursuites pénales pour diffamation ;

Mais attendu qu’en l’état de ces énonciations qui n’établissent pas que les affirmations contenues dans le message attribué à André D. contenaient des imputations portant atteinte à l’honneur ou à la considération de personnes nommément désignées, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le moyen relevé d’office, après avis donné à l’avocat, pris de la violation de l’article 434-23, alinéa 2, du code pénal ;

Attendu qu’aux termes de ce texte, les peines prononcées pour le délit de prise du nom d’un tiers se cumulent, sans possibilité de confusion, avec les seules peines prononcées pour l’infraction à l’occasion de laquelle l’usurpation a été commise ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le prévenu a été poursuivi, d’une part, pour prise du nom d’un tiers dans des circonstances ayant pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales du chef de diffamation et, d’autre part, à l’issue de vérifications opérées sur le disque dur de son ordinateur au cours d’une perquisition effectuée à son domicile, pour détention de l’image pornographique d’un mineur et fixation de ladite image au moyen d’un réseau de télécommunications ; qu’en application des dispositions de l’article 434-23, alinéa 2, du code pénal, la cour d’appel l’a condamné, pour la prise du nom d’un tiers, à trois mois d’emprisonnement avec sursis et, pour les autres infractions, à dix huit mois d’emprisonnement dont quinze mois avec sursis et mise à l’épreuve ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que l’usurpation n’avait pas été commise à l’occasion des deux dernières infractions, les juges ont méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D’où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;

DECISION

Par ces motifs ;

. Casse et annule, en ses seules dispositions ayant déclaré le prévenu coupable de prise du nom d’un tiers et l’ayant condamné de ce chef à trois mois d’emprisonnement avec sursis, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Colmar, en date du 14 septembre 2005 ;

. Dit n’y avoir lieu à renvoi ;

. Ordonne l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

La Cour : M. Cotte (président), Mme Koering-Joulin (conseiller rapporteur), MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, M. Corneloup (conseillers de la chambre), M. Sassoust, Mme Caron (conseillers référendaires) ;

Avocat général : M. Mouton

Avocat : SCP Laugier et Caston

 
 

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