Jurisprudence : Droit d'auteur
Cour de cassation Chambre criminelle Arrêt du 19 octobre 2010
Willy L. / Mme T. et M. K.
droit d'auteur
Statuant sur le pourvoi formé par M. Willy L., contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 5-13, en date du 25 novembre 2009, qui, sur renvoi après cassation, l’a condamné, pour contrefaçon d’une œuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, à six mois d’emprisonnement avec sursis, 40 000 € d’amende, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire ampliatif et le mémoire personnel en défense produits ;
DISCUSSION
Sur la recevabilité du mémoire personnel produit en défense
Attendu que ce mémoire n’est pas signé par un avocat à la Cour de cassation ; que, dès lors, il est irrecevable, par application de l’article 585 du code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 112-2, L. 121-8, L. 122-3, L. 122-4, L. 122-6, L. 131-3, L. 335-2, L. 335-3, L. 335-5, L. 335-6 et L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle, 122-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. L. coupable de contrefaçon par édition ou reproduction d’une œuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur et l’a condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende d’un montant de 40 000 €, ordonné la confiscation de certains scellés et la restitution d’autres à leur propriétaire, enfin a statué sur les intérêts civils ;
“aux motifs propres qu’en ce qui concerne, tout d’abord, l’élément matériel de la contrefaçon, comme l’a souligné le tribunal dans le jugement déféré, M. L. n’a pas contesté avoir reproduit et mis en ligne sur le site www.agent-co.com sans leur consentement les créations graphiques de M. K. et les créations rédactionnelles de Mme T. ; qu’il a ainsi repris dans leur intégralité la charte graphique, le logo, la foire aux questions en étant conscient qu’il n’avait pas le droit de les utiliser ; qu’au demeurant les éléments d’information du dossier ainsi que les pièces produites par le conseil des parties civiles attestent de la matérialité de la reproduction à l’identique des créations ; que s’agissant, ensuite, de la situation de la société Data Direct, mise en liquidation judiciaire, et de l’absence de revendication des parties civiles dans le cadre de cette procédure, ces éléments sont sans conséquence sur les agissements personnels de M. L. dans la commission des faits qui ont porté atteinte aux droits de Mme T. et de M. K. ;
que concernant, enfin, le caractère créatif des œuvres portant l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs, il convient d’observer, notamment à partir des documents fournis par l’avocat des parties civiles et plus particulièrement des tirages papier du site internet que celui-ci contient un logo au graphisme caractéristique utilisant des couleurs spécifiques qui manifestement est le résultat d’un effort créatif de la part d’un artiste graphique ; qu’en ce qui concerne le contenu rédactionnel, la construction du portail, sa présentation sous forme de fiches graphiques, la foire aux questions, il s’agit également d’une œuvre personnelle faisant appel au service d’un « graphic designer » ;
qu’ainsi, le travail de Mme T. et M. K. revêt le caractère d’une œuvre originale protégée par le droit d’auteur ; que c’est en conséquence à bon droit et par une exacte analyse des faits que les premiers juges ont estimé que le délit de contrefaçon était caractérisé en tous ses éléments à l’encontre de M. L. ; qu’il convient de confirmer le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d’emprisonnement avec sursis ainsi que sur les mesures de confiscation et de restitution des scellés qui relèvent d’une juste application de la loi pénale ; qu’y ajoutant, il convient de condamner M. L. à une peine d’amende de 40 000 € compte tenu du fait que ses agissements ont porté une atteinte grave à l’ordre public économique ;
“et aux motifs des premiers juges que lors de sa garde à vue, M. L. a reconnu avoir fait appel à une société canadienne pour mettre en ligne un site internet «en continuant la partie du projet» qu’il avait obtenu de Mme T. ; qu’il a indiqué avoir utilisé le logo et la charte graphique créées par M. K., et la foire aux questions rédigée par Mme T. « sans le consentement de leur créateur » ; qu’il ressort des pièces du dossier et des déclarations du prévenu que le contrat dont les conditions d’exécution sont discutées par les parties liait d’une part, la société UP & Sales, représentée par Mme T., d’autre part, la société Data Direct, représentée par le prévenu ; qu’il apparaît qu’au moment de la mise en ligne du site, la société Data Direct, partie au contrat litigieux, faisait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, ouverte le 1er juin 2006 ; que, par la suite, M. L. a été désigné administrateur d’une personne morale distincte, la société Data Direct Indexagent, soumise au droit luxembourgeois, et sans lien juridique apparent avec la société Data Direct ; que M. L. ne démontre pas à quel titre il se trouve en mesure de se prévaloir d’engagements contractés au profit d’une personne morale qu’il s’est borné à représenter lors de la signature du contrat ; que, dans ces circonstances, il apparaît que M. L. a fait usage des créations visées par la prévention sans le consentement de leurs auteurs, sans pouvoir justifier de sa bonne foi ; qu’il sera donc déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés ;
“1°) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l’infraction qu’il réprime ; que commet un acte de contrefaçon celui qui édite ou reproduit une œuvre au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs ; que les auteurs bénéficient d’une protection au titre des faits de contrefaçon à la seule condition que leurs œuvres présentent un caractère original ; qu’une œuvre est originale uniquement lorsqu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur ; qu’en se bornant à affirmer, pour déclarer M. L. coupable des faits reprochés, que le site internet litigieux contenait un logo au graphisme caractéristique utilisant des couleurs spécifiques, et qu’en ce qui concerne le contenu rédactionnel, la construction du portail, sa présentation sous forme de fiches graphiques et la « foire aux questions », il s’agissait également d’une œuvre personnelle faisant appel au service d’un « graphic designer », motifs impropres à caractériser l’existence du caractère original de chacun des éléments du site en question et, par suite, la commission d’un acte de contrefaçon, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
“2°) alors que constitue une contrefaçon l’édition ou la reproduction d’œuvre au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs ; que la propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou les concepts ; qu’au demeurant, en reprochant ce faisant à M. L. d’avoir repris dans son intégralité la « foire aux questions », sans caractériser en quoi une telle « foire aux questions » aurait pu être l’objet d’une contrefaçon, ne consistant qu’en une idée dont la reproduction ne pouvait établir une contrefaçon, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
“3°) alors qu’est irrecevable à agir en contrefaçon, l’auteur d’une œuvre qui en a cédé la propriété sans restriction ; que, de même, en retenant que M. L. avait utilisé le logo, la charte graphique, et la « foire aux questions », créations de Mme T. et M. K., en étant conscient qu’il n’avait pas le droit de les utiliser, tout en relevant, par ailleurs, que l’intéressé avait procédé à un paiement au titre de ces créations, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
“4°) alors que n’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte incriminé ; qu’en toute hypothèse encore, en se déterminant de la sorte, après avoir constaté que M. L. avait effectué un paiement au titre des prestations de Mme T. et M. K., ce qui justifiait qu’il ait pu valablement croire qu’il pouvait légitimement utiliser les éléments du site internet dont il était devenu propriétaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
“5°) alors que lorsque l’auteur d’une œuvre n’a pas revendiqué les droits de propriété sur celle-ci dans le délai prévu par l’article 624-9 du code de commerce, ses droits de propriété sont inopposables à la procédure collective ; que, par suite, l’auteur est irrecevable à intenter une action en contrefaçon sur le fondement des droits dont il n’est plus propriétaire ; qu’en ajoutant, pour finir, que la circonstance que Mme T. et M. K. n’avaient pas exercé d’action en revendication dans le cadre de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société Data Direct était sans incidence sur leur action en contrefaçon, la cour d’appel a, en toute occurrence, violé les textes susvisés” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. L. a mis en ligne un site internet en reproduisant, sans autorisation, les créations graphiques et rédactionnelles respectivement réalisées par M. K. et par Mme T. qui avaient été chargés de la conception de ce site ; qu’il a été poursuivi pour contrefaçon par reproduction d’une œuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en statuant ainsi, par des motifs d’où il résulte que les œuvres présentaient un caractère d’originalité traduisant l’effort créatif de leurs auteurs et avaient été reproduites au mépris de leurs droits par le prévenu, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen, inopérant en ses quatrième et cinquième branches, doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
DECISION
Par ces motifs,
. Rejette le pourvoi.
La cour : M. Louvel (président), M. Nunez (conseiller rapporteur), M. Palisse (conseiller de la chambre) ;
Avocat : SCP Laugier et Caston
Voir décision de Cour de cassation
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