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Jurisprudence : Vie privée

jeudi 20 décembre 2007
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Cour de cassation Chambre criminelle Arrêt du 06 novembre 2007

Manuel A. / Philippe V.

droit de réponse - vie privée

Statuant sur le pourvoi formé par :
– A. Manuel, partie civile, contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, 8ème chambre, en date du 4 mai 2006, qui, dans la procédure suivie contre Philippe V. du chef de refus d’insertion d’une réponse, a constaté l’extinction de l’action publique par la prescription et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 13 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, 6-IV et 6-V de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a constaté la prescription de l’action publique et a débouté Manuel A. de sa constitution de partie civile et de l’ensemble de ses demandes ;

“aux motifs que, sur l’exception de prescription soulevée par Philippe V., il résulte de l’article 6-IV de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique que la demande d’exercice du droit de réponse doit être faite auprès du directeur de la publication dans les trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant cette demande ; que les messages visés sont respectivement datés des 10 mars 2005, 2 avril 2005, 9 mai 2005 et 12 mai 2005 ; que les demandes de droit de réponse ont été adressées par lettres recommandées avec accusé de réception par Manuel A., député maire de la ville d’Asnières-sur-Seine, les 22 mars 2005, 15 avril 2005, 11 avril 2005, 18 mai 2005 et 19 mai 2005 ;
que les demandes de droits de réponse adressées par Manuel A. à Philippe V. en tant que directeur de la publication étaient recevables ; qu’aux termes de l’article 6-IV de la loi du 21 juin 2004, le refus d’insertion est caractérisé dans les trois jours de la réception des demandes restées sans suite ; qu’il résulte, en outre, de l’article 6-IV de la loi du 21 juin 2004 que l’action en justice exercée à la suite d’un refus d’insertion est soumise quant à elle au délai de prescription de trois mois prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 et court du jour où le refus d’insertion a été caractérisé ; que le décompte de la prescription de l’action publique doit prendre en compte comme premier terme celui du troisième jour suivant la demande d’insertion du droit de réponse et pour deuxième terme le délai de trois mois résultant des dispositions de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu’en effet, l’interprétation des dispositions de l’article 65 précité sont d’ordre public et d’interprétation stricte ; que, lors de la citation directe du 17 octobre 2005 délivrée par Manuel A., le délai de prescription de trois mois de l’article 65 précité était largement dépassé ; qu’il y a lieu de constater la prescription de l’action publique ;
“alors que l’action en justice exercée à la suite d’un refus d’insertion est soumise au délai de prescription de trois mois ; que Manuel A., exerçant son droit de réponse, a notifié à Philippe V., directeur de la publication du site “www.asnierois.org”, un droit de réponse les 11 avril 2005 et 18 mai 2005 ;
que le refus d’insertion de Philippe V. l’a conduit citer ce dernier devant le tribunal correctionnel de Nanterre par acte dénoncé au parquet et signifié en mairie le 5 juillet 2005, la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à Philippe V. par l’huissier instrumentaire le 6 juillet étant revenue avec la mention “non réclamée retour à l’envoyeur” le 28 juillet 2005 ; que, par jugement du 6 septembre 2006, le tribunal correctionnel a fixé une consignation régulièrement versée, Philippe V. ayant été cité à nouveau par acte du 17 octobre 2005 ; que, pour déclarer l’action prescrite, la cour a de fait ignoré la procédure antérieure à la signification du 17 octobre 2005, privant ainsi sa décision de base légale au regard des textes susvisés” ;

Vu les articles 13 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, les articles 6-IV et 6-V de la loi 2004-575 du 21 juin 2004, et l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d’une part, selon les premiers de ces textes, l’action publique et l’action civile résultant des infractions qu’ils prévoient se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour où ils ont été commis ou du jour du dernier acte de poursuite, s’il en a été fait ;

Attendu que, d’autre part, tout jugement ou arrêt doit être motivé et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, s’estimant visé par des textes mis en ligne les 10 et 19 mars 2005, le 2 avril 2005, et les 9 et 12 mai 2005 sur le site internet “www.asniérois.org”, Manuel A., député-maire d’Asnières-sur-Seine, qui n’avait pu exercer son droit de réponse malgré des lettres recommandées envoyées les 22 mars, 15 avril, 11 avril, 18 mai et 19 mai 2005 et présentées respectivement les 4, 20 et 14 avril 2005 et les 20 et 26 mai 2005, a, le 5 juillet 2005, fait citer Philippe V., responsable légal de ce site, à comparaître devant le tribunal correctionnel le 6 septembre suivant sur le fondement des articles 13 de la loi du 29 juillet 1881 et 6-IV de la loi du 21 juin 2004 ; qu’à cette audience, le tribunal a fixé la consignation, dont la partie civile a versé le montant dans les délais impartis, le 27 octobre 2005 ; que Philippe V., de nouveau cité par la partie civile le 17 octobre 2005 pour l’audience du 2 novembre suivant, a comparu à cette date devant le tribunal, qui, par jugement du 13 décembre 2005, a déclaré le prévenu coupable du délit poursuivi pour les seuls refus d’insertion des 11 avril et 18 mai 2005 ;

Attendu que, pour infirmer le jugement entrepris sur les appels du prévenu et du ministère public et constater la prescription de l’action publique, l’arrêt retient que, à la date de la citation délivrée le 17 octobre 2005, le délai de prescription de trois mois prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 était écoulé ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il lui appartenait de rechercher si la prescription n’avait pas été interrompue, antérieurement au 17 octobre 2005, par la citation du 5 juillet 2005, et par les actes subséquents, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

DECISION

Par ces motifs :

. Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Versailles, en date du 4 mai 2006, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

. Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

. Ordonne l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Versailles, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

. Dit n’y avoir lieu à application, au profit de Manuel A., des dispositions de l’article 61 8-1 du code de procédure pénale ;

La Cour : M. Cotte (président), Mme Guirimand (conseiller rapporteur), M. Joly (conseiller de la chambre)

Avocat : SCP Boutet

 
 

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