Jurisprudence : Droit d'auteur
Cour de justice de l’Union européenne, 2ème ch., arrêt du 24 mars 2022
Austro-Mechana / Strato AG
cloud - directive europeenne - recours préjudiciel - redevance pour copie privée - rémunération pour copie privée
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Austro-Mechana Gesellschaft zur Wahrnehmung mechanisch-musikalischer Urheberrechte Gesellschaft mbH (ci-après « Austro-Mechana »), une société de gestion collective des droits d’auteur, à Strato AG, un fournisseur de service de stockage en nuage (cloud), au sujet de la rémunération due par ce dernier au titre du droit d’auteur pour la fourniture de ce service.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 2, 5, 21, 31, 35 et 38 de la directive 2001/29 énoncent :
« (2) Le Conseil européen de Corfou des 24 et 25 juin 1994 a souligné la nécessité de créer un cadre juridique général et souple au niveau de la Communauté pour favoriser le développement de la société de l’information en Europe. Cela suppose notamment l’existence d’un marché intérieur pour les nouveaux produits et services. D’importants actes législatifs communautaires visant à instaurer un tel cadre réglementaire ont déjà été adoptés ou sont en voie de l’être. Le droit d’auteur et les droits voisins jouent un rôle important dans ce contexte, car ils protègent et stimulent la mise au point et la commercialisation de nouveaux produits et services, ainsi que la création et l’exploitation de leur contenu créatif.
[…]
(5) L’évolution technologique a multiplié et diversifié les vecteurs de création, de production et d’exploitation. Si la protection de la propriété intellectuelle ne nécessite aucun concept nouveau, les règles actuelles en matière de droit d’auteur et de droits voisins devront être adaptées et complétées pour tenir dûment compte des réalités économiques telles que l’apparition de nouvelles formes d’exploitation.
[…]
(21) La présente directive doit définir le champ des actes couverts par le droit de reproduction en ce qui concerne les différents bénéficiaires, et ce conformément à l’acquis communautaire. Il convient de donner à ces actes une définition large pour assurer la sécurité juridique au sein du marché intérieur.
[…]
(31) Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu’entre celles-ci et les utilisateurs d’objets protégés. Les exceptions et limitations actuelles aux droits, telles que prévues par les États membres, doivent être réexaminées à la lumière du nouvel environnement électronique. Les disparités qui existent au niveau des exceptions et des limitations à certains actes soumis à restrictions ont une incidence négative directe sur le fonctionnement du marché intérieur dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins. Ces disparités pourraient s’accentuer avec le développement de l’exploitation des œuvres par-delà les frontières et des activités transfrontalières. Pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, ces exceptions et limitations doivent être définies de façon plus harmonieuse. Le degré d’harmonisation de ces exceptions doit être fonction de leur incidence sur le bon fonctionnement du marché intérieur.
[…]
(35) Dans le cas de certaines exceptions ou limitations, les titulaires de droits doivent recevoir une compensation équitable afin de les indemniser de manière adéquate pour l’utilisation faite de leurs œuvres ou autres objets protégés. Lors de la détermination de la forme, des modalités et du niveau éventuel d’une telle compensation équitable, il convient de tenir compte des circonstances propres à chaque cas. Pour évaluer ces circonstances, un critère utile serait le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits en raison de l’acte en question. Dans le cas où des titulaires de droits auraient déjà reçu un paiement sous une autre forme, par exemple en tant que partie d’une redevance de licence, un paiement spécifique ou séparé pourrait ne pas être dû. Le niveau de la compensation équitable doit prendre en compte le degré d’utilisation des mesures techniques de protection prévues à la présente directive. Certains cas où le préjudice au titulaire du droit serait minime pourraient ne pas donner naissance à une obligation de paiement.
[…]
(38) Les États membres doivent être autorisés à prévoir une exception ou une limitation au droit de reproduction pour certains types de reproduction de produits sonores, visuels et audiovisuels à usage privé, avec une compensation équitable. Une telle exception pourrait comporter l’introduction ou le maintien de systèmes de rémunération destinés à dédommager les titulaires de droits du préjudice subi. Même si les disparités existant entre ces systèmes de rémunération gênent le fonctionnement du marché intérieur, elles ne devraient pas, en ce qui concerne la reproduction privée sur support analogique, avoir une incidence significative sur le développement de la société de l’information. La confection de copies privées sur support numérique est susceptible d’être plus répandue et d’avoir une incidence économique plus grande. Il y a donc lieu de tenir dûment compte des différences existant entre copies privées numériques et analogiques et de faire une distinction entre elles à certains égards. »
4 L’article 2 de la directive 2001/29, intitulé « Droit de reproduction », dispose :
« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie :
a) pour les auteurs de leurs œuvres ;
b) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions ;
c) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes ;
d) pour les producteurs des premières fixations de films, de l’original et de copies de leurs films ;
e) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite. »
5 L’article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoit :
« Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. »
6 L’article 5 de ladite directive, intitulé « Exceptions et limitations », précise :
« 1. Les actes de reproduction provisoires visés à l’article 2, qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et dont l’unique finalité est de permettre :
a) une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire,
ou
b) une utilisation licite
d’une œuvre ou d’un objet protégé, et qui n’ont pas de signification économique indépendante, sont exemptés du droit de reproduction prévu à l’article 2.
2. Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 dans les cas suivants :
a) lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur papier ou sur support similaire au moyen de toute technique photographique ou de tout autre procédé ayant des effets similaires, à l’exception des partitions, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable ;
b) lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques visées à l’article 6 aux œuvres ou objets concernés ;
[…] »
Le droit autrichien
7 L’article 42b de l’Urheberrechtsgesetz (loi sur le droit d’auteur), du 9 avril 1936 (BGBl. 111/1936), dans sa version applicable au litige au principal, dispose :
« (1) Si, en raison de la nature d’une œuvre radiodiffusée, mise à la disposition du public ou fixée sur un support d’enregistrement produit à des fins commerciales, il faut s’attendre à ce que celle-ci soit […] reproduite, par fixation sur un support d’enregistrement, pour un usage personnel ou privé, alors, l’auteur a droit à une rémunération appropriée (rémunération au titre de supports d’enregistrement) lorsque des supports d’enregistrement de tout type, qui se prêtent à de telles reproductions, sont mis en circulation sur le territoire national à des fins commerciales.
[…]
(3) Les personnes ci-après sont tenues au paiement de la rémunération :
1. en ce qui concerne la rémunération au titre de supports d’enregistrement et d’appareils, la personne qui, depuis un lieu se situant sur le territoire national ou à l’étranger, procède, à des fins commerciales, à la première mise en circulation des supports d’enregistrement ou de l’appareil de reproduction […] ; est cependant exonérée de toute responsabilité la personne qui, au cours d’un semestre, acquiert des supports d’enregistrement avec une durée d’enregistrement n’excédant pas 10 000 heures ou qui est une petite entreprise […] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
8 Austro-Mechana est une société de gestion collective des droits d’auteur, qui, en nom propre, mais à titre fiduciaire dans l’intérêt et pour le compte des ayants droit, exerce notamment les droits légaux à la rémunération due en vertu de l’article 42b, paragraphe 1, de la loi sur le droit d’auteur, dans sa version applicable au litige au principal.
9 Austro-Mechana a saisi le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche) d’une demande de reddition de comptes ainsi que de paiement d’une rémunération au titre de « supports d’enregistrement de toute nature », au motif que Strato fournit à ses clients professionnels et privés un service, connu sous le nom de « HiDrive », par lequel elle met à leur disposition de l’espace de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage (cloud computing).
10 Strato a contesté les demandes formées, au motif qu’aucune rémunération ne serait due au titre des services d’informatique en nuage. Cette société a affirmé s’être déjà acquittée en Allemagne, État membre dans lequel ses serveurs sont hébergés, de la redevance imposée au titre du droit d’auteur, cette redevance ayant été intégrée au prix de ces serveurs par le fabricant ou l’importateur de ceux-ci. Elle a ajouté que les utilisateurs situés en Autriche s’étaient également déjà acquittés d’une redevance pour la réalisation de copies privées (ci-après la « redevance pour copie privée ») sur les appareils terminaux nécessaires pour charger des contenus dans le nuage.
11 Par jugement du 25 février 2020, le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne) a rejeté les demandes d’Austro-Mechana, cette juridiction considérant que Strato ne cède pas de supports d’enregistrement à ses clients, mais leur fournit un service de stockage en ligne.
12 Austro-Mechana a interjeté appel de ce jugement devant l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche), qui fait observer, en se référant à l’arrêt du 29 novembre 2017, VCAST (C‑265/16, EU:C:2017:913), que la question de savoir si le stockage de contenus dans le cadre de l’informatique en nuage relève de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 n’est pas dénuée d’incertitude.
13 Dans ces conditions, l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter l’expression “tout support” à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive [2001/29] en ce sens qu’en relèvent également des serveurs appartenant à des tiers, sur lesquels ceux-ci mettent de l’espace de stockage à la disposition de personnes physiques (clients) pour un usage privé (et non directement ou indirectement à des fins commerciales), espace que les clients utilisent pour réaliser des reproductions en procédant à une sauvegarde (“informatique en nuage”) ?
2) Dans l’affirmative, convient-il d’interpréter la disposition visée dans la première question en ce sens qu’elle s’applique à une réglementation nationale reconnaissant à l’auteur un droit à une rémunération appropriée (rémunération au titre de supports d’enregistrement)
– lorsque, en raison de la nature d’une œuvre (radiodiffusée, mise à la disposition du public ou fixée sur un support d’enregistrement produit à des fins commerciales), il faut s’attendre à ce que celle-ci soit reproduite, pour un usage personnel ou privé, par fixation sur un “support d’enregistrement de toute nature, qui se prête à une telle reproduction et est mis en circulation sur le territoire national à des fins commerciales”,
– et que la méthode de sauvegarde décrite dans la première question est utilisée ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
14 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que l’expression « reproductions effectuées sur tout support », visée à cette disposition, couvre la réalisation, à des fins privées, de copies de sauvegarde d’œuvres protégées par le droit d’auteur sur un serveur dans lequel un espace de stockage est mis à la disposition d’un utilisateur par le fournisseur d’un service d’informatique en nuage.
15 Il convient d’emblée de rappeler que, aux termes de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou des limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 de cette directive « lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable ».
16 S’agissant, en premier lieu, du point de savoir si la réalisation de copies de sauvegarde dans un espace de stockage dans le nuage constitue une « reproduction », au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, il convient de relever que la notion de « reproduction » doit être entendue au sens large, au regard tant de l’exigence exprimée au considérant 21 de cette directive que les actes couverts par le droit de reproduction bénéficient d’une définition large pour assurer la sécurité juridique au sein du marché intérieur, que du libellé de l’article 2 de ladite directive, qui emploie des expressions telles que « directe ou indirecte », « provisoire ou permanente », « par quelque moyen » et « sous quelque forme que ce soit ». En outre, l’étendue d’une telle protection des actes couverts par le droit de reproduction découle également de l’objectif principal de la même directive, qui est d’instaurer un niveau de protection élevé en faveur, notamment, des auteurs (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, Infopaq International, C‑5/08, EU:C:2009:465, points 40 à 43).
17 En l’occurrence, force est de constater que le téléversement (upload), depuis un terminal connecté d’un utilisateur, d’une œuvre dans un espace de stockage dans le nuage mis à la disposition de cet utilisateur dans le cadre d’un service d’informatique en nuage implique la réalisation d’une reproduction de cette œuvre, ce service consistant notamment à stocker dans le nuage une copie de celle-ci. Au demeurant, d’autres reproductions de cette œuvre sont également susceptibles d’être réalisées, notamment lorsque l’utilisateur accède, au moyen d’un terminal connecté, au nuage afin de télécharger (download), sur ce terminal, une œuvre préalablement téléversée dans le nuage.
18 Il s’ensuit que la réalisation d’une copie de sauvegarde d’une œuvre dans un espace de stockage mis à la disposition d’un utilisateur dans le cadre d’un service d’informatique en nuage constitue une reproduction de cette œuvre, au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29.
19 En second lieu, quant à la question de savoir si la notion de « tout support », visée à cette disposition, couvre un serveur dans lequel un espace de stockage est mis à la disposition d’un utilisateur par le fournisseur d’un service d’informatique en nuage pour la réalisation de copies de sauvegarde d’œuvres protégées par le droit d’auteur, il y a lieu de relever que cette notion n’est pas définie dans cette directive et ne comporte pas de renvoi au droit des États membres pour en définir la portée.
20 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il découle de l’exigence d’une application uniforme du droit de l’Union que, dans la mesure où une disposition de celui-ci ne renvoie pas au droit des États membres en ce qui concerne une notion particulière, cette dernière doit trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de la disposition concernée, mais également de son contexte et de l’objectif poursuivi par la réglementation dont cette disposition fait partie (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 20 et jurisprudence citée).
21 Premièrement, il convient de relever que, par leur acception large, les termes « tout support » visent l’ensemble des supports sur lesquels une œuvre protégée peut être reproduite, en ce compris des serveurs tels que ceux utilisés dans le cadre de l’informatique en nuage.
22 En effet, le libellé de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 ne précisant nullement les caractéristiques des dispositifs à partir ou à l’aide desquels les copies à usage privé sont réalisées, il y a lieu de considérer que le législateur de l’Union a estimé que celles-ci ne sont pas pertinentes au regard de l’objectif qu’il a poursuivi par son œuvre d’harmonisation partielle (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, points 86 et 88).
23 Ainsi, n’est pas déterminante, à cet égard, la circonstance que l’espace de stockage est mis à la disposition d’un utilisateur sur un serveur appartenant à un tiers (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, point 89). Il s’ensuit que l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 est également susceptible de s’appliquer à des reproductions effectuées par une personne physique à l’aide d’un dispositif qui appartient à un tiers.
24 Deuxièmement, cette interprétation large de la notion de « tout support » est corroborée par le contexte dans lequel cette disposition s’inscrit et, en particulier, par la comparaison de la rédaction de l’exception visée à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, qui ne précise nullement les caractéristiques des dispositifs à partir ou à l’aide desquels les copies à usage privé sont réalisées, avec celle de l’exception au droit de reproduction prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous a), de ladite directive. Alors que cette dernière s’applique aux « reproductions effectuées sur papier ou sur support similaire », l’exception pour copie privée est applicable aux « reproductions effectuées sur tout support » (voir, en ce sens, arrêts du 27 juin 2013, VG Wort e.a., C‑457/11 à C‑460/11, EU:C:2013:426, point 65, ainsi que du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, points 85 et 86).
25 Troisièmement, en ce qui concerne les objectifs de la réglementation en cause, il ressort des considérants 2 et 5 de la directive 2001/29 que celle-ci vise à créer un cadre général et souple au niveau de l’Union pour favoriser le développement de la société de l’information et à adapter et à compléter les règles actuelles en matière de droit d’auteur et de droits voisins pour tenir compte de l’évolution technologique, qui a fait apparaître de nouvelles formes d’exploitation des œuvres protégées (arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers, C‑263/18, EU:C:2019:1111, point 47 ainsi que jurisprudence citée).
26 À cet égard, la Cour a déjà souligné, au regard de l’exception obligatoire visée à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/29, que l’exemption prévue par cette disposition doit rendre possible et assurer le développement et le fonctionnement de nouvelles technologies, ainsi que maintenir un juste équilibre entre les droits et les intérêts de titulaires de droits et d’utilisateurs d’œuvres protégées qui souhaitent bénéficier de ces technologies (arrêt du 5 juin 2014, Public Relations Consultants Association, C‑360/13, EU:C:2014:1195, point 24 et jurisprudence citée).
27 Une telle interprétation, qui s’inscrit dans le respect du principe de neutralité technologique, en vertu duquel la loi doit énoncer les droits et les obligations des personnes de manière générique, afin de ne pas privilégier le recours à une technologie au détriment d’une autre (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, Eutelsat, C‑515/19, EU:C:2021:273, point 48), doit également être retenue au regard de l’exception facultative visée à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 36 de ses conclusions.
28 En effet, la réalisation de l’objectif, rappelé au point 25 du présent arrêt, d’éviter que la protection du droit d’auteur dans l’Union devienne dépassée ou obsolète en raison de l’évolution technologique et de l’apparition de nouvelles formes d’exploitation de contenu protégé par le droit d’auteur, qui découle du considérant 5 de la directive 2001/29, serait compromise si les exceptions et les limitations à la protection du droit d’auteur qui ont été, selon le considérant 31 de cette directive, adoptées à la lumière du nouvel environnement électronique, étaient interprétées de telle sorte qu’elles auraient pour effet d’exclure la prise en compte similaire de ces évolutions technologiques et de l’apparition notamment de médias numériques et de services d’informatique en nuage.
29 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu, d’un point de vue fonctionnel, de distinguer, aux fins de l’application de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, selon que la reproduction d’une œuvre protégée est effectuée sur un serveur dans lequel un espace de stockage est mis à la disposition d’un utilisateur par le fournisseur d’un service d’informatique en nuage ou qu’une telle reproduction est effectuée sur un support d’enregistrement physique appartenant à cet utilisateur.
30 Partant, il y a lieu de considérer que la notion de « tout support », visée à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, couvre un serveur dans lequel un espace de stockage est mis à la disposition d’un utilisateur par le fournisseur d’un service d’informatique en nuage.
31 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la Commission européenne selon lequel la réalisation d’une copie de sauvegarde dans le nuage n’est pas isolée d’éventuels actes de communication, de sorte qu’un tel acte, sur le fondement de la jurisprudence issue des arrêts du 29 novembre 2017, VCAST (C‑265/16, EU:C:2017:913), et du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers (C‑263/18, EU:C:2019:1111), devrait relever de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29. En effet, l’affaire au principal se distingue de celles ayant donné lieu aux arrêts sur lesquels la Commission s’appuie. D’une part, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 novembre 2017, VCAST (C‑265/16, EU:C:2017:913), concernait un service ayant une double fonctionnalité, à savoir non seulement une reproduction dans le nuage, mais également, simultanément ou quasi simultanément, une communication au public. D’autre part, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 décembre 2019, Nederlands Uitgeversverbond et Groep Algemene Uitgevers (C‑263/18, EU:C:2019:1111), concernait la fourniture par un club d’un service en ligne consistant en un marché virtuel de livres électroniques « d’occasion », dans le cadre duquel des œuvres protégées étaient mises à la disposition de toute personne qui s’enregistrait sur le site Internet de ce club, cette personne pouvant y avoir accès de l’endroit et au moment qu’elle choisissait individuellement, un tel service devant être considéré comme étant une communication au public, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.
32 En tout état de cause, toute communication qui résulterait du partage d’une œuvre par l’utilisateur d’un service de stockage en nuage constituerait un acte d’exploitation distinct de l’acte de reproduction visé à l’article 2, sous a), de la directive 2001/29, susceptible de relever de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, si les conditions d’application de cette disposition sont réunies.
33 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que l’expression « reproductions effectuées sur tout support », visée à cette disposition, couvre la réalisation, à des fins privées, de copies de sauvegarde d’œuvres protégées par le droit d’auteur sur un serveur dans lequel un espace de stockage est mis à la disposition d’un utilisateur par le fournisseur d’un service d’informatique en nuage.
Sur la seconde question
34 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, s’il ressort du libellé de la seconde question que celle-ci porte formellement sur le point de savoir si l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 « s’applique » à une réglementation nationale telle que celle au principal, force est de constater, au regard des motifs de la demande de décision préjudicielle, que la juridiction de renvoi cherche, en substance, à déterminer si cette disposition s’oppose à ce qu’une réglementation qui met en œuvre l’exception de copie privée visée à cette disposition, n’assujettisse pas les fournisseurs de services de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage au paiement d’une compensation équitable.
35 Ainsi, par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale ayant transposé l’exception visée à cette disposition, qui n’assujettit pas les fournisseurs de services de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage au paiement d’une compensation équitable, au titre de la réalisation sans autorisation de copies de sauvegarde d’œuvres protégées par le droit d’auteur par des personnes physiques, utilisatrices de ces services, pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales.
36 Il a été rappelé au point 15 du présent arrêt que, aux termes de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou des limitations au droit exclusif de reproduction prévu à l’article 2 de cette directive, dans le cas des reproductions effectuées sur tout support par des personnes physiques pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de ce droit exclusif reçoivent une compensation équitable prenant en compte les mesures techniques visées à l’article 6 de ladite directive.
37 Ainsi que cela ressort des considérants 35 et 38 de la directive 2001/29, l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 traduit la volonté du législateur de l’Union d’établir un système particulier de compensation dont la mise en œuvre est déclenchée par l’existence d’un préjudice causé aux titulaires de droits, lequel génère, en principe, l’obligation d’indemniser ou de dédommager ces derniers (arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 26 ainsi que jurisprudence citée).
38 Il s’ensuit que, lorsque les États membres décident de mettre en œuvre l’exception de copie privée prévue par ladite disposition dans leur droit interne, ils sont tenus, en particulier, de prévoir le versement d’une compensation équitable, au bénéfice des titulaires de droits (arrêt du 9 juin 2016, EGEDA e.a., C‑470/14, EU:C:2016:418, point 20 ainsi que jurisprudence citée). Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’État membre qui a introduit une telle exception dans son droit national a, à cet égard, une obligation de résultat, en ce sens que cet État est tenu d’assurer, conformément à sa compétence territoriale, une perception effective de la compensation équitable en dédommagement du préjudice subi par les titulaires du droit exclusif de reproduction en raison de la reproduction d’œuvres protégées réalisée par des utilisateurs finaux qui résident sur le territoire dudit État (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2016, Austro-Mechana, C‑572/14, EU:C:2016:286, point 20 et jurisprudence citée).
39 La réalisation d’une copie par une personne physique agissant à titre privé, sans solliciter l’autorisation préalable du titulaire du droit exclusif de reproduction d’une œuvre protégée, doit, en effet, être considérée comme un acte de nature à engendrer un préjudice pour ledit titulaire (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2011, Stichting de Thuiskopie, C‑462/09, EU:C:2011:397, point 26, et du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, point 22 ainsi que jurisprudence citée).
40 Ainsi, dans la mesure où, d’une part, ainsi qu’il résulte de la réponse à la première question, l’expression « reproductions effectuées sur tout support », visée à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, couvre la réalisation, à des fins privées, de copies de sauvegarde d’œuvres protégées par le droit d’auteur sur un serveur dans lequel un espace de stockage est mis à la disposition d’un utilisateur par le fournisseur d’un service d’informatique en nuage et, d’autre part, les reproductions en cause sont effectuées par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il y a lieu de considérer que les États membres qui mettent en œuvre l’exception visée à cette disposition sont tenus de prévoir un système de compensation équitable destiné à indemniser les titulaires de droits, conformément à ladite disposition.
41 Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans la mesure où les dispositions de la directive 2001/29 ne précisent pas davantage les différents éléments du système de compensation équitable, les États membres disposent d’une large marge d’appréciation pour les circonscrire. Il revient notamment aux États membres de déterminer les personnes qui doivent s’acquitter de cette compensation ainsi que de fixer la forme, les modalités et le niveau de ladite compensation (arrêts du 21 avril 2016, Austro-Mechana, C‑572/14, EU:C:2016:286, point 18, et du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 27 ainsi que jurisprudence citée).
42 Ainsi que le rappelle le considérant 35 de la directive 2001/29, il incombe aux États membres, lors de cette détermination, de tenir compte des circonstances propres à chaque cas (arrêt du 11 juillet 2013, Amazon.com International Sales e.a., C‑521/11, EU:C:2013:515, point 22).
43 En ce qui concerne, en premier lieu, le redevable de la compensation équitable, la Cour a déjà jugé que c’est en principe à la personne qui effectue la copie privée qu’il incombe de réparer le préjudice lié à cette reproduction, en finançant la compensation qui sera versée au titulaire du droit d’auteur (arrêts du 21 octobre 2010, Padawan, C‑467/08, EU:C:2010:620, point 45 ; du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, point 22, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 30). Ainsi, s’agissant de l’offre de services de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage, c’est, en principe, à l’utilisateur de ces services qu’il incombe de financer la compensation versée à ce titulaire.
44 La Cour a toutefois jugé que, compte tenu des difficultés pratiques pour identifier les utilisateurs privés ainsi que pour les obliger à indemniser les titulaires des droits du préjudice qu’ils leur causent et eu égard au fait que le préjudice qui peut découler de chaque utilisation privée, considérée individuellement, peut s’avérer minime et, dès lors, ne pas donner naissance à une obligation de paiement, il est loisible aux États membres d’instaurer, aux fins du financement de la compensation équitable, une redevance pour copie privée à la charge non pas des personnes privées concernées, mais de celles qui disposent d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction numérique et qui, à ce titre, en droit ou en fait, mettent ces équipements à la disposition de personnes privées ou rendent à ces dernières un service de reproduction. Dans le cadre d’un tel système, c’est aux personnes disposant desdits équipements qu’il incombe d’acquitter la redevance pour copie privée (voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2010, Padawan, C‑467/08, EU:C:2010:620, point 46 ; du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, point 23, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 31).
45 La Cour a précisé, à cet égard, que, dès lors que ledit système permet aux redevables de répercuter le montant de la redevance pour copie privée dans le prix de la mise à disposition de ces mêmes équipements, appareils et supports de reproduction ou dans le prix du service de reproduction rendu, la charge de la redevance est en définitive supportée par l’utilisateur privé qui acquitte ce prix, et cela conformément au « juste équilibre », visé au considérant 31 de la directive 2001/29, à trouver entre les intérêts des titulaires du droit exclusif de reproduction et ceux des utilisateurs d’objets protégés (arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 33).
46 Il s’ensuit que, en l’état actuel du droit de l’Union, l’instauration d’un système de compensation équitable dans lequel le producteur ou l’importateur des serveurs, au moyen desquels les services d’informatique en nuage sont proposés à des personnes privées, est tenu de s’acquitter de la redevance pour copie privée, cette redevance étant répercutée économiquement sur l’acheteur de tels serveurs, combinée à l’instauration d’une redevance pour copie privée sur les supports intégrés dans les dispositifs connectés qui permettent de réaliser des copies d’objets protégés dans un espace de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage, tels que les téléphones portables, les ordinateurs et les tablettes, relève de la large marge d’appréciation reconnue au législateur national pour circonscrire les différents éléments du système de compensation équitable, telle que rappelée au point 41 du présent arrêt.
47 Il incombe toutefois au juge national de s’assurer, conformément à la jurisprudence de la Cour, compte tenu des circonstances propres au système national et des limites imposées par la directive 2001/29, que la mise en place d’un tel système est justifiée par des difficultés pratiques tenant à l’identification des utilisateurs finaux ou à d’autres difficultés similaires et que les redevables disposent d’un droit au remboursement de cette redevance lorsque celle-ci n’est pas due (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, points 34 et 35 ainsi que jurisprudence citée).
48 S’agissant de la fourniture de services de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage, il y a lieu, à cet égard, de considérer, ainsi que l’a relevé en substance le gouvernement danois, que de telles difficultés peuvent découler de la nature dématérialisée de tels services, qui peuvent être proposés à partir d’États membres autres que celui concerné ou d’États tiers, lesquels incluent en général la possibilité, pour l’utilisateur, de modifier à son gré, de manière évolutive et dynamique, la taille de l’espace de stockage susceptible d’être utilisée pour la réalisation de copies privées.
49 En second lieu, en ce qui concerne la forme, les modalités et le niveau de la compensation équitable, la Cour a déjà jugé que cette compensation ainsi que, partant, le système sur lequel elle repose et le niveau de celle-ci doivent être liés au préjudice causé aux titulaires de droits en raison de la réalisation de copies privées (arrêts du 5 mars 2015, Copydan Båndkopi, C‑463/12, EU:C:2015:144, point 21, et du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 28 ainsi que jurisprudence citée).
50 En effet, toute compensation équitable qui ne serait pas liée au préjudice causé aux titulaires de droits en raison d’une telle réalisation ne serait pas compatible avec l’exigence, énoncée au considérant 31 de la directive 2001/29, selon laquelle il convient de maintenir un juste équilibre entre les titulaires de droits et les utilisateurs d’objets protégés (arrêts du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium, C‑572/13, EU:C:2015:750, point 86, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C‑110/15, EU:C:2016:717, point 54).
51 En l’occurrence, ainsi qu’il a été relevé au point 17 du présent arrêt, la copie d’œuvres protégées dans un espace de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage requiert la réalisation de plusieurs actes de reproduction, qui peuvent être réalisés à partir d’une multitude de terminaux connectés.
52 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a souligné au point 71 de ses conclusions, dans la mesure où la mise en ligne et le téléchargement de contenus protégés par le droit d’auteur lors de l’utilisation de services de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage peuvent être considérés comme un procédé unique aux fins de copies privées, il est loisible aux États membres, eu égard à la large marge d’appréciation dont ils disposent, rappelée aux points 41 et 46 du présent arrêt, de mettre en place un système dans lequel une compensation équitable n’est versée que pour les appareils et les supports qui constituent un élément nécessaire de ce procédé, pour autant qu’une telle compensation puisse raisonnablement être considérée comme correspondant au préjudice potentiel subi par le titulaire du droit d’auteur (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2013, VG Wort e.a., C‑457/11 à C‑460/11, EU:C:2013:426, point 78).
53 Dans ce contexte, s’il est loisible aux États membres de tenir compte, lors de la fixation de la redevance pour copie privée, de la circonstance que certains appareils et supports sont susceptibles d’être utilisés aux fins d’effectuer des copies privées dans le cadre de l’informatique en nuage, il leur faut s’assurer que la redevance ainsi versée, dans la mesure où elle frappe plusieurs appareils et supports dans le cadre dudit procédé unique, n’excède pas le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits en raison de l’acte en question, ainsi que le rappelle le considérant 35 de la directive 2001/29.
54 Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale ayant transposé l’exception visée à cette disposition, qui n’assujettit pas les fournisseurs de services de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage au paiement d’une compensation équitable, au titre de la réalisation sans autorisation de copies de sauvegarde d’œuvres protégées par le droit d’auteur par des personnes physiques, utilisatrices de ces services, pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, pour autant que cette réglementation prévoie le versement d’une compensation équitable au bénéfice des titulaires de droits.
Sur les dépens
55 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
DECISION
1) L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que l’expression « reproductions effectuées sur tout support », visée à cette disposition, couvre la réalisation, à des fins privées, de copies de sauvegarde d’œuvres protégées par le droit d’auteur sur un serveur dans lequel un espace de stockage est mis à la disposition d’un utilisateur par le fournisseur d’un service d’informatique en nuage.
2) L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale ayant transposé l’exception visée à cette disposition, qui n’assujettit pas les fournisseurs de services de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage au paiement d’une compensation équitable, au titre de la réalisation sans autorisation de copies de sauvegarde d’œuvres protégées par le droit d’auteur par des personnes physiques, utilisatrices de ces services, pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, pour autant que cette réglementation prévoie le versement d’une compensation équitable au bénéfice des titulaires de droits.
La Cour : A. Arabadjiev (président de la première chambre, faisant fonction de président de la deuxième chambre), I. Ziemele (rapporteure), T. von Danwitz, P. G. Xuereb et A. Kumin (juges), V. Giacobbo (greffier, administratrice)
Avocat général : M. G. Hogan
Avocats : Me M. Walter, Mes A. Anderl et B. Heinzl
Source : curia.europa.eu
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