Jurisprudence : E-commerce
Juridiction de proximité de Dijon Jugement du 10 novembre 2005
UFC Que Choisir Cote d'Or / Free
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
Par déclaration au greffe en date du 4 mars 2005, l’Union Fédérale des Consommateurs de la Cote d’Or en abrégé UFC 21 a saisi la Juridiction de proximité de Dijon d’une demande à l’encontre de la société Free pour obtenir le paiement :
– de la somme de 46 € au titre du remboursement de factures indûment prélevées sur son compte sur la période du 23 novembre 2004 au 6 janvier 2005,
– de la somme de 240 € en remboursement de frais annexes (appels téléphoniques, frais postaux…),
– de la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts,
– ainsi que la somme de 250 € en application de l’article 700 du ncpc.
A l’audience du 15 septembre 2005 l’UFC 21 fait valoir :
– qu’en juin 2004 elle a souscrit auprès de la société Free un « forfait Free haut débit » lui permettant l’accès à internet en ADSL contre règlement d’une somme de 29,99 € par mois,
– que pour s’affranchir du paiement de l’abonnement téléphonique auprès de France Télécom elle a demandé le 14 septembre 2004 à Free de bénéficier du dégroupage total de sa ligne téléphonique portant le n° 03.80.43.84.56,
– que le 23 novembre 2004 elle a perdu toute connexion,
– que ce problème a été signalé à Free par mail les 23 novembre et 2 décembre 2004, lettre simple le 6 décembre 2004, lettre recommandée avec accusé de réception le 23 décembre 2004,
– que France Télécom continuait à lui prélever les frais de communications téléphoniques et d’abonnement,
– qu’il n’a été remédié à la situation que le 19 août 2005,
– qu’en conséquence, il maintient ses demandes consignées dans sa déclaration au greffe actualisant toutefois ses réclamations comme suit :
Factures France Télécom du 1er octobre au 31 août : 1243,94 €
Facture de dégroupage total : 134,67 €
Frais de lettre recommandée : 4,33 €
Frais d’opposition à prélèvement : 12 €
Soit au total : 1394,94 €
Dommages-intérêts : 300 €
L’article 700 du ncpc : 500 €
– et sollicite la résiliation du contrat conclu avec Free.
Pour sa défense la société Free expose à l’audience :
– que suite à souscription d’abonnement en juin 2004 par l’UFC 21 un dégroupage partiel a été effectué le 22 juin 2004,
– que suite à demande de l’UFC 21 de dégroupage total pour s’exonérer du paiement de son abonnement téléphonique celui-ci a été effectué le 29 septembre 2004,
– que si la ligne de France Télécom a continué à fonctionner ce problème ne relève que de France Télécom,
– que la connexion a été suspendue en janvier 2005 pour défaut de paiement,
– que Free demande en conséquence que l’UFC 21 soit débouté de toutes ses demandes et que l’autorisation de prélèvement soit rétablie.
DISCUSSION
Attendu qu’aux termes de l’article 467 du ncpc toutes les parties comparaissant en personne ou étant présentées, le jugement sera rendu contradictoirement.
Sur la perte de connexion :
Attendu qu’aux termes de l’article 1134 du code civil « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ;
Aux termes de l’article L 121-20-3 du code de la consommation « Le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Toutefois, il peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est impartie, soit au consommateur, soit au fait imprévisible et insurmontable, d’un tiers au contrat, soit en cas de force majeure ».
Attendu qu’il n’est pas contesté :
– que l’UFC 21 a souscrit, début juin 2004, auprès de la société Free un « forfait Free haut débit » destiné à accéder à internet en ADSL contre règlement d’une somme de 29,99 € par mois,
– que le 14 septembre 2004, UFC 21 a demandé à passer en dégroupage total afin de s’exonérer du paiement de l’abonnement de France Télécom,
Que UFC 21 établit que par courrier simple du 6 décembre 2004 et par courrier recommandé avec accusé réception, il a confirmé à Free ne plus avoir de connexion et ne pouvoir accéder à la plateforme technique téléphonique compte tenu de la charge de celle-ci,
Que UFC 21 justifie donc avoir loyalement porté à la connaissance de la société Free ses difficultés de connexion,
Que Free de son coté n’a eu aucune réaction,
Que cependant France Télécom continuait à prélever le coût mensuel de son abonnement,
Que de son coté Free opérait ses prélèvements comme si le service était rendu,
Que la preuve du défaut de fourniture du service par un professionnel engageant sa responsabilité de plein droit est dont rapportée ;
Attendu que la société Free, qui invoque le fait d’un autre fournisseur d’accès, ne rapporte pas la preuve du fait imprévisible et irrésistible, la perte de connexion découlant d’un défaut de câblage ou d’une autre manipulation, n’étant nullement une circonstance imprévisible, mais au contraire parfaitement connue du fournisseur d’accès dont il lui appartient de prévenir les conséquences dans ses relations avec ses clients ;
Qu’en conséquence, la société Free n’est pas fondée à s’exonérer de sa responsabilité en se retranchant derrière des problèmes techniques découlant de ses relations avec France Télécom pour justifier le fait qu’elle n’a pas fourni le service comme elle s’y était engagé par contrat ; qu’en effet UFC 21 n’a pas à supporter les conséquences de difficultés découlant de relations qui lui sont étrangères ;
Qu’en conséquence, faute de rapporter la preuve d’une cause étrangère la société Free doit être déclarée seule et entièrement responsable de la perte de connexion ;
Sur la résiliation du contrat et les dommages-intérêts
Attendu qu’aux termes de l’article 1184 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, a le choix de demander à l’autre l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages-intérêts ;
Que selon une jurisprudence constante lorsqu’un contrat est résolu les choses doivent êtres remises au même état que si les obligations nées du contrat n’avaient jamais existées ;
Qu’en l’espèce, il ressort des motifs qui précèdent que la société Free n’a pas rempli ses obligations contractuelles contractées envers UFC 21 ; qu’il y a lieu en conséquence de prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société Free ;
Que M. G. est fondé à réclamer le paiement de dommages-intérêts en compensation du préjudice découlant de l’absence de service pendant près de neuf mois ;
Ce préjudice s’analyse comme suit :
– prélèvement effectué sans contrepartie de service du 23 novembre 2004 date de la perte de connexion au 6 janvier 2005 date de l’opposition aux paiements, sur la base de 29,99 € par mois, 44 €,
– frais annexes découlant des différentes formalités accomplies, courriers, lettre recommandée : 4,33 €,
– frais d’opposition à prélèvements : 12 €,
– frais de dégroupage réglé à Free en octobre 2004 : 134,67 €,
– communications et abonnement facturés par France Télécom pour le numéro dégroupé (03 80 43 84 56),
Qu’aucune facturation n’aurait dû intervenir si la prestation avait été fournie par Free ;
Que cette société doit donc en supporter la charge ;
Que la facture du 1er octobre au 30 novembre 2004 étant antérieure à la perte de connexion n’a pas à être prise en compte ;
Que concernant les factures du 1er décembre 2004 au 18 août 2005 date de reprise de la connexion la présente juridiction ne possède pas tous les éléments lui permettant de statuer ;
En effet,
– d’une part la réclamation initiale porte sur une facturation de communication d’un montant de 1243,94 € sans faire état des frais d’abonnement alors qu’une note d’UFC 21 fait état d’un chiffre de 443,38 € pour les communications du 1er octobre 2004 au 10 novembre 2005 et 82,50 € d’abonnement du 1er octobre 2004 au 31 novembre 2004,
– d’autre part les factures produites aux débats portent non seulement la facturation des communications émises depuis le numéro concerné par le dégroupage mais aussi depuis d’autres numéros.
Il y a donc lieu d’ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de donner toutes explications sur le quantum et le bien fondé de cette réclamation : dommages-intérêts pour absence partielle de service pendant près de neuf mois.
Ce poste de préjudice sera réparé par le versement d’une somme de 300 € ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu’il parait inéquitable de laisser à la charge de la requérante l’intégralité des sommes avancées par elle et non comprises dans les dépens ; que dès lors, il lui sera alloué 200 € en vertu de l’article 700 du ncpc ;
Sur les dépens :
Attendu que compte tenu de la réouverture des débats, il convient de réserver les dépens.
DECISION
Statuant, publiquement par jugement contradictoire et en dernier ressort,
. Déclare l’UFC de Côte d’Or recevable et bien fondée en sa demande,
. Ordonne la résolution du contrat souscrit entre la société Free et l’UFC de Côte d’Or,
. Condamne la société Free à payer à l’UFC de Côte d’Or la somme de 495 €,
. Sursoit à statuer sur la demande en remboursement des abonnements et communications téléphoniques facturées par France Télécom,
. Ordonne sur ce point, la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer,
. Renvoie à l’audience du 8 décembre 2005, Salle d’audience civile « C » du tribunal d’instance de Dijon,
. Condamne la société Free à verser à l’UFC de Côte d’Or la somme de 200 € en application de l’article 700 du ncpc,
. Réserve les dépens.
Le tribunal : M. Jean Marie Jacquemard (juge de proximité)
Avocats : Me Eric Ruther, Me Douchin
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