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Jurisprudence : Base de données

mardi 16 octobre 2007
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Tribunal de commerce de Nanterre 3ème chambre Jugement du 02 octobre 2007

Editions Spéciales / Abo Presse

adresse IP - bases de données - constat - nullité - preuve - procédure

FAITS

Editions Spéciales exploite la base de données dénommée « Vigiecouv », laquelle est constituée de la totalité des parutions de la presse magazine parue depuis décembre 1997, et distribuée par les différentes messageries de presse.

Elle affirme s’être aperçue que certaines images de son site ont été reproduites sur le site d’Abo presse.

Par lettre RAR du 31/01/2006, Editions Spéciales a mis Abo presse en demeure de cesser ses agissements illicites et le même jour a commis Me Vitu, huissier de justice, aux fins de constater les violations reprochées à Abo presse sur le site de ce concurrent.

PROCEDURE

C’est dans ces circonstances que par acte d’huissier signifié le 07/04/2006 la société Editions Spéciales et Me Segard es qualités ont assigné Abo presse devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de :
– condamner Abo presse à lui payer :
• 18 000 € en réparation du préjudice résultant de la violation de ses droits de production, outre intérêts au taux légal à compter du 31/01/2006 ;
• 18 000 € au titre du préjudice causé par la banalisation et la dépréciation de la base de données Vigiecouv ;
• 5000 € au titre de l’usurpation de son enseigne commerciale ;
• 3000 € au titre de l’article 700 du ncpc ;
– ordonner la publication du jugement à intervenir sur les sites d’Editions Spéciales et d’Abo presse.

Par conclusions récapitulatives n°1 et 2 déposées aux audiences des 13/3/2006 et 21/11/2006, Abo presse demande au tribunal de :

A titre principal
– prononcer la nullité du procès verbal de Me Vitu pour défaut d’exécution personnelle de la mission, d’objectivité et d’impartialité,

A titre subsidiaire
– Dire que le procès verbal de Me Vitu est dépourvu de force probante,

A titre infiniment subsidiaire
– Constater que Editions Spéciales ne justifie ni de l’existence de la base de données qu’elle invoque, ni de la titularité des droits qu’elle prétend avoir, ni de leur protection par le droit de la propriété intellectuelle,
– La débouter de toutes ses demandes,
– La condamner à 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc, outre TVA, intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts,
– Ordonner l’exécution provisoire.

Par conclusions en réplique déposée à l’audience du 05/09/2006, la société d’Editions Spéciales et Me Segard, es qualités, réitèrent leurs précédentes écritures.

A l’audience du 10/07/2007, le juge rapporteur, après avoir entendu les parties, a clos les débats et mis le jugement en délibéré pour être prononcé le 02/10/2007.

DISCUSSION

La société d’Editions Spéciales et Me Segard, es qualités exposent que :

Contrairement à ce que soutient Abo presse, le procès verbal de constat du 13/01/2006 est parfaitement valable ;

Elle se fonde sur l’article 237 du ncpc qui ne concerne que l’administration judiciaire de la preuve et n’a pas vocation à s’appliquer aux huissiers de justice qui sont régis par l’ordonnance du 02/11/1945 selon laquelle ils peuvent procéder à des constatations à la requête de particuliers ;

Sur le fond :

La reproduction de ses images par Abo presse est établie par l’apposition en bas à droite des documents, de 3 points de couleur dégressive verte, signature d’Editions Spéciales ;

En sa qualité de producteur de base de données, elle est protégée au titre de l’article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle, et Abo presse a violé ses droits de reproduction sans autorisation sur ses propres images ;

Abo presse expose que :

Le procès verbal sur lequel se fonde Editions Spéciales est entaché d’irrégularité car :

L’huissier :
– N’a pas décrit le matériel informatique utilisé par M. Prévost pour se connecter sur le site Abo presse,
– N’a pas mentionné l’adresse IP de l’ordinateur ayant servi aux opérations de constat,
– N’a pas, préalablement à toute opération, vidé les caches,
– N’indique pas s’être assuré que l’ordinateur utilisé n’était pas connecté à un serveur proxy,

La demande d’Editions Spéciales reposant exclusivement sur un constat manifestement irrégulier sera purement et simplement rejetée au motif d’une absence de preuve de la contrefaçon alléguée ;

Sur ce,

Attendu que selon les dernières jurisprudences, les constats d’huissier sur internet sont dépourvus de valeur probante lorsqu’ils ne respectent pas les principales mesures suivantes :
– Description de la configuration technique de l’ordinateur,
– Mention de l’adresse IP identifiant le matériel sur le réseau internet et permettant de vérifier les pages réellement consultées,
– Vidage des caches,
– Non connexion à un serveur proxy ;

Attendu que le constat d’huissier dont se prévaut Editions Spéciales ne remplit pas ces critères et est dépourvu de toute valeur probante ;

Attendu que Editions Spéciales n’apporte au tribunal aucun autre élément de nature à prouver la violation des droits qu’elle invoque ;

Attendu que le tribunal déboutera Editions Spéciales et Me Segard, es qualités de toutes leurs demandes ;

Sur la demande au titre de l’article 700 du ncpc

Attendu que le demandeur succombe dans la présente instance ;

Attendu que le tribunal dira équitable de condamner la société Editions Spéciales et Me Segard, es qualités, à payer à Abo presse la somme de 1000 €, déboutant pour le surplus de la demande.

DECISION

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en 1er ressort,

. Déboute la société Editions Spéciales et Me Segard, es qualités d’administrateur judiciaire de la société Editions Spéciales, de toutes leurs demandes,

. Condamne la société Editions Spéciales et Me Segard, es qualités d’administrateur judiciaire de la société Editions Spéciales à payer à Abo presse la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du ncpc, déboutant pour le surplus ;

. Condamne la société Editions Spéciales et Me Segard, es qualités d’administrateur judiciaire de la société Editions Spéciales aux dépens ;

Le tribunal : M. Bourdeleau (président), Mme Rellier et M. Chouillou (juges)

Avocats : Me Bruno Sautelet, Me Grégoire Halpern, SCP Brodu Cicurel Meynard, Me Lilyane Anstett Gardea

 
 

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