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Jurisprudence : Responsabilité

jeudi 24 février 2011
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Tribunal de commerce de Paris 8ème chambre Jugement du 1er avril 2010

Moralotop / Uzik

responsabilité

FAITS

La société Moralotop a pour objet l’élaboration et l’exploitation d’une application sur internet relative à la psychologie personnelle.

Elle s’est rapprochée de la société Uzik, spécialisée dans création de sites internet.

Les deux parties ont signé un contrat le 19 avril 2009 pour la réalisation d’un site d’un montant total de 45 000 € HT, qui a donné lieu au paiement d’un premier montant de 6000 € HT par Uzik.

Après un début d’exécution du contrat, Uzik a adressé à Moralotop le 7 octobre 2008 une lettre où elle exprimait sa volonté de mettre fin à la relation contractuelle.

Par LAR en date du novembre 2008, Moralotop notifiait la résiliation du contrat et par la suite introduisait la présente instance.

PROCEDURE

Dans son assignation en date du 9 janvier 2009 Moralotop demande au Tribunal de :
– Dire que la société Uzik a manqué ses obligations telles qu’elles ressortent du contrat du 19 avril 2008 ;
– Condamner la société Uzik à rembourser la société Moralotop le montant de 6000 € HT, soit 7600 € TTC, consenti à titre d’avance par Moralotop lors de la conclusion du contrat ;
– Condamner la société Uzik à payer la société Moralotop une somme de 15 000 € au titre des violations de son obligation de confidentialité ;
– Condamner la société Uzik à payer à la société Moralotop une somme de 79 500 € au titre des préjudices subi par cette dernière au jour des présentes ;
– Condamner la société Uzik à payer la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir, sans constitution de garantie ;
– Condamner la société Uzik aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses conclusions en date du 30 septembre 2009 Uzik demande au Tribunal de :
– rejeter l’ensemble des demandes formées par la société Moralotop.com ;
– Constater l’absence de manquement contractuel imputable la société Uzik ;
– Constater la réalisation du document de spécifications techniques et fonctionnelles pour une durée de 20 jours hommes par la société Uzik ;
– Constater la remise du document de spécifications techniques et fonctionnelles par la société Uzik ;

A titre reconventionnel :
– Dire bien fondées les demandes formées par la société Uzik ;
– Condamner la société Moralotop.com au paiement de la somme de 6000 € HT au titre du reliquat restant dû à la société Uzik ;
– Condamner la société Moralotop.com au paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause :
– Assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire
– Condamner la société Moralotop.com au paiement de la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du Code Procédure civile.

Dans ses conclusions en date du 2 novembre 2009 Moralotop demande les intérêts de retard à compter du 23 avril 2008 pour la somme de 7600 € TTC, porte sa demande de dommages et intérêts au titre des préjudices subis à 95 400 € et reprend ses autres demandes.

L’ensemble de ces conclusions ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure.

A l’audience en date du 22 février 2010, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge rapporteur clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 1er avril.

MOYENS

Pour faire valoir ses droits Moralotop expose que :
– le contrat prévoit la réalisation d’un document de conception et la réalisation de la plateforme et n’est pas divisible
– ce contrat a été conclu pour la durée nécessaire à la mission
– Uzik a multiplié les manquements contractuels en :
* Rendant le document de conception avec retard, lequel document n’est pas conforme
* Transmettant des informations à des tiers alors que le contrat contient une clause de confidentialité qui résulte du caractère nouveau et exclusif du projet de Moralotop
* Faisant croire qu’il n’y avait pas de recours à la sous-traitance alors que celle-ci était déjà décidée
* Essayant de faire accepter une rallonge budgétaire scandaleuse
* abandonnant tout simplement le projet en cours de route
– le préjudice est la conséquence de la violation par Uzik de l’engagement de confidentialité et la perte de recette liée au retard pris du fait d’Uzik.

Pour sa défense Uzik expose que :
– Moralotop n’a eu de cesse de présenter des demandes supplémentaires, ce qui a retardé la livraison du document de conception
– Le contrat ne prévoyait pas de date butoir pour la livraison de la première phase
– Les exigences croissantes de Moralotop ont entrainé un dépassement considérable du temps de travail pour Uzik pour le document de conception
– Uzik a essayé de mettre en œuvre toutes les solutions possibles pour remplir ses obligations contractuelles à travers des sous-traitants ou un nouveau prestataire durant les mois de juillet et août 2008, ce qui montre qu’Uzik n’a pas cessé ses prestations – La violation de la clause de confidentialité n’est pas établie par Uzik qui doit être en mesure de prouver ce qu’il avance
– Uzik ayant délivré le document de conception, le solde du paiement est du
– Le comportement de Moralotop a obligé Uzik à travailler 35 jours au lieu de 20, ce qui justifie la demande de dommages et intérêts.

DISCUSSION

Sur les éventuels manquements contractuels d’Uzik

Attendu qu’il convient d’examiner les agissements de chacunes des parties à la lumière du préambule du contrat signé dans lequel on peut lire
– « Uzik est spécialisé dans le conseil en communication et la création de sites internet. »
– « Compte tenu de la technicité et du propre savoir-faire de Uzik, Moralotop décidé de confier à Uzik la réalisation de la mission définie à l’article 2. »

a) Sur le document de conception

Attendu que le contrat du 19 avril prévoit dans son article 2 la commande de deux prestations, la première étant intitulée :
« Réalisation d’un document de conception – cahier des spécifications techniques et fonctionnelles détaillées – (20 jours) pour un prix de : 12 000 € HT. » ;

Attendu que suivant l’article b du contrat, Moralotop a réglé l’acompte correspondant à 50% du coût du document de conception ;

Attendu qu’un document intitulé « Document de conception » été livré le 3 juillet ;

Attendu que la réalisation du document a donné lieu de nombreux allers et retours entre les parties et que le retard dans la livraison du document ne dépasse pas un écart raisonnable pour ce type de prestation ;

Mais attendu que le document visé avait vocation de servir de support la réalisation d’une plateforme dont le coût ne devait pas dépasser 33 000 € ;

Attendu que suite à la livraison de son document de conception Uzik faisait référence à une nouvelle enveloppe budgétaire qu’elle fixait à 147 000 € dans un courriel du 11 juillet 2008 ;

Attendu que les pièces versées aux débats ne montrent pas qu’il ait existé un accord oral sur un tel changement de budget ;

Attendu que lors de la signature du contrat Uzik disposait depuis plus d’un mois des éléments fournis par Moralotop pour établir le chiffrage de ses prestations ;

Attendu que le contrat prévoit dans son article 2 « Uzik ayant un rôle de conseil et de proposition en raison de son expérience du web et des techniques informatiques, les parties conviennent, que, dans la phase de rédaction des spécifications techniques et dans le cadre du budget imparti, tel ou tel point, telle ou telle fonctionnalité peut être modifié sur proposition de l’équipe Uzik …. » ;

Attendu que si Uzik a attiré l’attention de Moralotop sur dépassement de ses propres coûts, elle n’a pas signalé la certitude d’une dérive budgétaire pour la deuxième phase du contrat ;

Attendu qu’un document provoquant un tel écart budgétaire pour la deuxième partie du contrat ne peut être considéré comme correspondant à l’engagement contractuel ;

Que dans ces conditions le « Document de conception » doit être considéré comme n’ayant pas été livré ;

Le tribunal condamnera Uzik à rembourser à Moralotop la somme de 7600 € TTC.

b) Sur la rupture du contrat par Uzik

Attendu que dans la lettre du 7 octobre adressé par Uzik, celle-ci fait part à Moralotop de son intention de mettre fin à la relation contractuelle initiée par le contrat du 19 avril 2008 ;

Attendu qu’Uzik s’est présentée comme une spécialiste des problématiques internet pour emporter le marché ;

Attendu qu’Uzik avait suffisamment d’infirmations sur le projet lorsqu’il a accepté les termes du contrat ;

Attendu que le contrat portait clairement sur une prestation globale qu’Uzik se devait de mener à son terme ;

Attendu que le fait qu’Uzik ait recherché un autre prestataire, qu’il n’a d’ailleurs pas trouvé, ne l’exonère pas de ses engagements ;

Attendu qu’en refusant de poursuivre le contrat Uzik a commis une faute qui engage sa responsabilité.

c) Sur le préjudice de la rupture du contrat

Attendu qu’il n’est pas contestable que le projet de lancement de Moralotop a été retardé du fait d’Uzik ;

Attendu que les éléments du dossier permettent de fixer à 1 an le retard pris par le projet ;

Attendu que lors des débats Moralotop a déclaré que le site internet allait prochainement être lancé, ce qui montre que le projet n’a pas été « tué » par l’inexécution d’Uzik ;

Attendu néanmoins que Moralotop a du couvrir ses dépenses, sans bénéficier des recettes attendues ;

Attendu que si le calcul auquel se livre Moralotop peut être retenu, il ne prend en compte que le chiffre d’affaires sans évaluer les frais de lancement afférents ;

Attendu qu’en l’espèce on peut fixer les frais de lancement, notamment publicitaires à 50% du chiffre d’affaires retenu soit 47 700 € ;

Que dans ces conditions le préjudice s’élève à la marge brut perdue soit 47 700 € ;

Le tribunal condamnera Uzik à payer Moralotop la somme de 47 700 € à titre de dommages et intérêts.

d) Sur la violation de la clause de confidentialité

Attendu que Moralotop n’est pas en mesure de démontrer une violation de la clause de confidentialité du fait d’Uzik et un quelconque préjudice, elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes

Attendu que la défenderesse, qui succombe à l’instance, sera condamnée à supporter les dépens, et qu’il paraît équitable de mettre à sa charge, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, les frais non compris dans les dépens engagés par la défenderesse pour faire valoir ses droits, que les éléments du dossier permettent de fixer à 5000 € ;

Attendu que l’exécution provisoire est sollicitée, que le présent jugement concerne des sommes d’argent et ne contient aucune mesure irréversible, que vu l’ancienneté de sa créance, il convient que la demanderesse reçoive sans plus tarder ce qui lui est dû, l’exécution provisoire apparaît nécessaire et sera ordonnée ;

Uzik qui succombe sera condamnée aux dépens.

DECISION

Le Tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement contradictoire,
– condamne la société Uzik à payer à la société Moralotop la somme de 7600 € TTC augmenté des intérêts légaux à compter du 23 avril 2008
– condamne la société Uzik à payer à la société Moralotop la somme de 47 700 € à titre de dommages et intérêts
– déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
– condamne la société Uzik à payer à la société Moralotop la somme de 5000 € au titre de l’article 700
– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie
– condamne la société Uzik aux dépens.

Le tribunal : M. Jugieu (président)

Avocats : Me Staub, Me Weissberg

Voir décision de cour d’appel

 
 

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