Jurisprudence : Responsabilité
Tribunal de commerce de Paris Affaires contentieuses, 2ème chambre Jugement du 18 février 2003
Sodexi Informatique, Banque Finaref / IBM France, IBM France Financement
contrat - résiliation - responsabilité
FAITS ET PROCEDURE
Le tribunal, qui se réfère pour un plus ample énoncé des faits, à son jugement du 4 décembre 2000, se bornera à rappeler que :
1 . Sodexi, société informatique a conclu le 21 juin 1996 un « contrat de partenaire commercial IBM grossiste », avec la compagnie IBM France, ci-après « IBM France », contrat aux termes duquel, la société Sodexi se voit confier, sans exclusivité, la commercialisation en Europe des matériels de réseaux d’IBM.
Entre la fin de l’année 1997 et, le début de 1998, les terminaux points de vente et les imprimantes IBM viennent compléter la gamme des produits dont la commercialisation est confiée à Sodexi.
En mars 1999, Sodexi et la société IBM France Financement, ci-après « IBM Financement », signent une convention cadre d’ouverture d’une facilité de crédit, pour le financement des produits facturés par IBM dans le cadre de l’accord du 21 juin 1996.
2 . Le 31 août 1999, les sociétés IBM Corp. USA et Cisco Systèmes Inc., numéro un mondial des produits réseaux, annoncent par voie de presse qu’elles ont conclu, sous réserve de l’autorisation des autorités américaines, un accord technologique d’un montant de 2 milliards de dollars, ci-après « l’accord Cisco », portant sur :
– l’offre d’une gamme de services notamment dans le domaine des réseaux,
– l’acquisition par la société Cisco des droits de propriété intellectuelle de la division des produits réseaux d’IBM en matière de routage et de commutation et, le développement en commun d’offres permettant aux clients un passage à la mise en œuvre de solutions réseaux Cisco,
– l’engagement de Cisco d’acquérir dans les 5 années à venir, des technologies et des produits IBM.
3 . Par ailleurs, en septembre 1999, le contrat entre Sodexi et IBM France se poursuit par tacite reconduction.
4 . Pour Sodexi, la pérennité de son activité,
essentiellement centrée sur la commercialisation des produits réseaux IBM est gravement menacée par l’accord intervenu entre IBM USA et la société Cisco, accord qui revient pour le groupe IBM, à se séparer de sa division réseaux, par cession à Cisco de cette activité.
5 . Sodexi dit ne pas avoir obtenu de son partenaire IBM France les réponses satisfaisantes sur le devenir de l’activité réseaux. Devant ce qu’elle considère comme une dégradation constante de ses relations avec IBM France et de son chiffre d’affaires, et après un contact infructueux avec Cisco à qui elle propose de commercialiser les produits de cette marque dans le cadre d’un contrat de grossiste agréé, prend contact avec d’autres fournisseurs pour tenter, en vain, de compenser la chute de son activité, chute qui est selon elle, la conséquence de l’accord IBM-Cisco.
6 . Par jugement du 4 décembre 2000, ce tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort et avant dire droit, a nommé M. Stéphane L., en qualité d’expert, avec la mission de :
1) Déterminer dans les chiffres d’affaires en France des années 1995 à 1998 :
. la part des produits « non-réseaux » et « réseaux » IBM,
. la part des produits acquis par Sodexi auprès d’IBM France, et celle des produits IBM et non-IBM, acquis auprès d’autres fournisseurs qu’IBM France et dans ce dernier cas vérifier dans quelle mesure IBM avait été informé de ces achats,
. la part des produits concernés par l’accord Cisco et celle des produits non concernés par l’accord Cisco,
2) Déterminer dans les chiffres d’affaires trimestriels en France de l’année 1999 :
. la part des produits « non-réseaux » et « réseaux » IBM,
. la part des produits acquis par Sodexi auprès d’IBM France, et celle des produits IBM et non-IBM, acquis auprès d’autres fournisseurs qu’IBM France et dans ce dernier cas vérifier dans quelle mesure IBM avait été informé de ces achats,
. la part des produits concernés par l’accord Cisco et celle des produits non concernés par l’accord Cisco,
Procédure dans le dernier état.
1 . M. L., expert désigné par le tribunal a déposé son rapport le 26 février 2002.
2 . Par conclusions récapitulatives du 19 septembre 2002, la société Sodexi réitère ses précédentes écritures en y ajoutant que la condamnation d’IBM France à la reprise des stocks restant à la charge de Sodexi, soit assortie d’une astreinte de 15 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et que la condamnation d’IBM France au titre de dommages-intérêts soit de 10 463 338 € à titre provisionnel et pour le surplus qu’une expertise judiciaire soit ordonnée aux frais avancés d’IBM France afin d’estimer le préjudice de Sodexi, la condamnation d’IBM France et de IBM Financement au titre de l’article 700 du ncpc soit portée à 50 000 € et enfin que les dépens auxquels seront condamnés in solidum les sociétés IBM France et IBM Financement, comprennent les frais et honoraires d’expertise de M. L.
3 . Par conclusions du 17 octobre 2002, les sociétés IBM France et IBM Financement confirment leurs précédentes écritures et la société IBM Financement demande que la société Sodexi soit condamnée reconventionnellement, à lui payer la somme de 1 975 941,58 € au titre des sommes dues au 19 septembre 2002, outre les intérêts au taux conventionnel, sous réserve des mouvements intervenus depuis lors et à leur payer la somme de 10 000 € chacune au titre de l’article 700 du ncpc, ainsi qu’aux dépens incluant les frais et honoraires d’expertise.
4 . Par conclusions récapitulatives du 17 octobre 2002, la société Sodexi réitère ses précédentes écritures et demande que la condamnation d’IBM France au titre des dommages-intérêts soit à titre provisionnel, portée à 18 293 882 €.
5 . Par conclusions du 17 octobre 2002, confirmées par ses écritures du 12 décembre 2002, la banque Finaref-ABN Amro, intervenant volontaire, demande au tribunal :
Vu les articles 15, 328 et suivants du ncpc,
Vu les articles 1134, 1147, 2011 et 2036 du code civil,
Vu les articles 9 et 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986,
Constater, au besoin prononcer, la résiliation de toutes les conventions liant Sodexi à IBM, qu’il s’agisse de celles conclues avec la compagnie IBM France ou avec la société IBM Financement, notamment l’acte de crédit fournisseur du 20 mars 1999, aux torts et griefs exclusifs de ces dernières.
Condamner la société IBM France à payer à la société Sodexi les dommages-intérêts réclamés par cette dernière.
Constater que la société IBM Financement ne se prétend créancière de la banque Finaref-ABN Amro au titre d’une subrogation dans les droits de la société IBM France, prévue par l’article 5 de l’acte de crédit fournisseur du 20 mars 1999.
Constater, au besoin ordonner, la compensation entre les créances des sociétés IBM France et IBM Financement sur la société Sodexi d’une part et la créance de dommages-intérêts de cette dernière sur les premières d’autre part.
Dire et juger qu’au terme de cette compensation, la société IBM Financement ne détient plus aucune créance sur la société Sodexi et, partant, sur la banque Finaref-ABN Amro.
Condamner la société IBM Financement au paiement des dépens et à verser à la banque Finaref-ABN Amro une somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du ncpc.
6 . Par conclusions en réponse à la demande reconventionnelle de la société IBM France, la société Sodexi demande au tribunal de lui adjuger les fins et moyens de ses précédentes écritures et de déclarer irrecevables et en tout cas mal fondées les sociétés IBM France et IBM Financement en leurs demandes à toutes fins qu’elles comportent.
A l’issue de l’audience du 12 décembre 2002, au cours de laquelle les parties, régulièrement convoquées, se présentent par leurs conseils et sont entendues en leur plaidoirie, le tribunal a prononcé la clôture des débats.
Attendu qu’à la demande du tribunal, la société Sodexi a adressé une note en délibéré qui, outre les informations concernant l’évolution des ventes Sodexi de matériel réseau IBM, contient des pièces dont la teneur et l’importance dépasse la question posée par le tribunal ;
Attendu que c’est à juste titre, que par courrier du 14 janvier adressé au tribunal, la société IBM France fait remarquer qu’outre la réponse à la question posée par le tribunal, la société ajoute des commentaires qui dépassent la seule question posée ;
Attendu qu’après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note si ce n’est notamment, en l’espèce, à la demande du tribunal ;
Attendu que pour le respect du contradictoire et par application des dispositions de l’article 445 du ncpc, le tribunal rejettera les deux notes adressées par les parties qui en conséquence ne seront pas prises en considération.
LA DISCUSSION
Il convient ici de rappeler les moyens développés par les parties avant le jugement du 4 décembre 2000 et ceux qui ont fait l’objet des conclusions déposées après ledit jugement.
A l’appui de ses demandes, la société Sodexi soutient :
Vu l’article 1134 du code civil, art 8 et 36 de l’ordonnance du 1er décembre 1986,
Vu la loi Galland du 1er juillet 1996,
Vu l’article L 420-2 et L 442-6 du code du commerce d’une part,
que de 1995 à 1998 son chiffre d’affaires, qui pour cette dernière année a été réalisé à hauteur de 90%, par des produits réseaux d’IBM, a été antérieurement augmenté de près de 50% entre 1996 et 1998, passant de 76 millions de francs à 166 millions, son résultat net progressant de plus de 215% entre 1996 et 1997,
qu’elle s’apprêtait au début de l’année 1999, à inscrire ses actions à la côte du second marché,
qu’elle a pour ce faire investi en personnel et consenti des efforts de promotions en participant aux salons dédiés à ces produits,
d’autre part,
que la nouvelle de l’accord intervenu entre IBM Corp. et Cisco, annoncée le 31 août 1999, l’a d’autant plus prise au dépourvu, que le 5 août 1999, IBM France lui adressait les objectifs à réaliser pour le troisième trimestre 1999,
que le marché a commencé à s’effondrer dès l’annonce de cet accord, du fait du désengagement des acheteurs et de l’importance des annulations de commandes, chiffrées à plus de deux millions de francs pour la seule période de septembre à mi-novembre 1999, annulations provoquées notamment par les retards que lui a fait subir IBM France, dans les livraisons, au prétexte de problèmes de règlements,
qu’elle n’a pu obtenir aucune réponse aux questions posées à IBM France sur le devenir de leurs relations,
notamment sur le maintien des orientations commerciales et des plans marketing, sur l’orientation des programmes de promotion, sur la garantie des produits NHD, le stock de pièces affectées à cette garantie, le support technique, les disponibilités et délais de livraison des commandes,
par ailleurs
que depuis la fin de l’année 1998, IBM France a multiplié les tracasseries administratives concernant des problèmes de factures prétendument impayées,
qu’IBM France laisse, en septembre 1999, le contrat avec Sodexi se poursuivre par tacite reconduction et demande en décembre 1999 que Sodexi lui communique ses prévisions d’achat pour les trois mois suivants,
Au total, explique Sodexi, le résultat de cette situation créée par IBM France, est une chute sensible des chiffres d’affaires annuels qui passent de 166 millions en 1998 à 162 millions en 1999 et qui plus est, des chiffres d’affaires mensuels, puisque pour une moyenne mensuelle d’environ 14 millions de francs de chiffre d’affaires entre janvier et octobre 1999, le chiffre d’affaires passe ensuite à 8,9 millions de francs en novembre et 7,9 millions en décembre de cette même année,
que le chiffre d’affaires des produits réseaux est de 2,6 millions de francs en décembre 1999 et 300 000 francs en février 2000, contre 10 millions en décembre 1998,
que pour ce qui concerne les filiales de Sodexi en Italie et en Allemagne, le chiffre d’affaires de la première a chuté de sept milliards de lires en janvier 1999, à environ 160 000 lires en janvier 2000 et la seconde a cessé toute activité en décembre 1999,
que de plus, IBM France refuse de faire bénéficier Sodexi des clauses contractuelles de reprise des stocks invendus, le stock total des produits IBM France supporté par Sodexi s’élevant à présent à environ 13 millions de francs, dont 60 à 80% seront probablement invendus,
qu’enfin Sodexi a été contraint, du fait de la baisse d’activité, de procéder à plusieurs licenciements et a enregistré la démission de trois de ses collaborateurs dont celle de son directeur commercial,
En conséquence, Sodexi reproche à IBM France de s’être rendu coupable d’une rupture brutale de la relation contractuelle établie entre elles depuis de nombreuses années, rupture par ailleurs constitutive d’un abus de dépendance économique au sens de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986.
Dans ses nouvelles écritures, la Sodexi rappelle,
qu’en 1997, dans le cadre d’un accord, dit accord « First » elle a mis en place le règlement de la première tranche de 45 millions de francs, sur un engagement total de 160 millions de francs, plus grosse commande jamais signée par la division NHD – division de produits réseaux d’IBM – dans le monde,
que les autres programmes ouverts aux autres grossistes ne conduisaient pas à des engagements aussi importants,
qu’une convention cadre d’ouverture d’une facilité de crédit a été signée en mars 1999,
que depuis 1996 elle a consenti à de gros efforts en location de nouveaux locaux adaptés à une augmentation de son chiffre d’affaires, à la valorisation et la promotion des produits IBM et, en recrutement et formation de personnel, passé de 23 à 42 salariés,
que l’accord conclu entre IBM et Cisco a vidé de leur substance les relations contractuelles entretenues depuis plusieurs années avec Sodexi et a entraîné un désengagement massif des acheteurs de produits IBM,
qu’IBM s’est ainsi rendue coupable d’une rupture brutale de ses relations avec Sodexi qui ne disposait d’aucune solution alternative, rupture qui engage sa responsabilité dans les conditions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986,
Pour s’opposer aux arguments de Sodexi, les défenderesses répliquent :
Sur le contrat de partenaire commercial conclu avec la société Sodexi, que,
ce contrat ne comporte aucune exclusivité réciproque, comme cela est le cas avec tous les partenaires commerciaux d’IBM France, ce contrat a été conclu avec Sodexi, pour une période de deux ans et renouvelé par actes des 26 et 29 septembre 1999,
depuis 1998, la progression constante du chiffre d’affaires de Sodexi, due notamment au soutien qu’IBM France a apporté à ses grossistes, s’est faite parallèlement à une décroissance progressive de la part des produits réseaux, compensée par l’augmentation du chiffre d’affaires sur les autres produits IBM, imprimantes et terminaux de vente,
depuis 1998, de nombreux incidents ont émaillé les relations avec Sodexi qui ne respectait pas les conditions auxquelles étaient soumis tous les autres grossistes, partenaires d’IBM France, notamment lorsque Sodexi a tenté de faire reprendre par IBM France, un stock acquis auprès d’entreprises tierces,
la facilité de crédit court terme, accordée à Sodexi à hauteur de 20 millions de francs par IBM Financement en mars 1999, était subordonnée à la fourniture d’une garantie bancaire de 5 millions de francs dont IBM Financement n’a jamais reçu l’original fourni par la Banque Générale de Commerce, garantie qui fait l’objet aujourd’hui d’une procédure contentieuse ;
Sur l’accord Cisco,
– que compte tenu de la législation américaine en matière de délit d’initié, les négociations et accords entre IBM Corp., société de droit américain n’ayant aucun lien contractuel avec la société Sodexi, et la société Cisco Systems, leader mondial réseaux, la plus grande confidentialité a dû être respectée jusqu’à l’annonce publique desdits accords devant la presse,
– qu’après cette annonce, IBM France, par ailleurs étrangère au contrat conclu entre IBM Corp. et Cisco, a rappelé à tous ses partenaires réseaux,
– que les contrats de distribution conclus avec eux, n’étaient pas remis en cause par l’accord avec Cisco,
– qu’IBM continuerait, « pendant un certain temps », à commercialiser les produits IBM de réseaux, couverts par l’accord Cisco et d’en assurer la maintenance dans les conditions contractuelles,
– qu’en acceptant de renouveler le contrat de distribution, Sodexi a manifesté sa volonté de poursuivre sa relation, alors qu’elle soutenait que ledit accord Cisco la privait de l’essentiel de son activité,
– que surtout, ni IBM France, ni IBM Financement, n’ont rompu brutalement, même partiellement, leurs relations commerciales avec Sodexi, qu’au contraire, le contrat objet de ces relations, a été pour IBM France, renouvelé le 26 septembre 1999, c’est-à-dire à une date où était connu l’accord IBM Corp./Cisco,
– qu’en conséquence, IBM France s’est engagée, pour au moins douze mois, à commercialiser l’ensemble de ses produits réseaux, sauf ceux qu’aux termes de l’article 3-6 du contrat de partenaire commercial, IBM France « peut retirer avec un préavis de six mois d’un type de partenariat ou d’un mode de distribution ou de commercialisation à tout moment » et sachant que les produits SNA et Tokenring ne sont pas concernés par l’accord conclu avec Cisco,
Pour ce qui concerne l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986
qu’il ne saurait s’appliquer en l’espèce puisque :
– Sodexi indiquait en septembre 1999 dans une requête à fin de constat et sommation interpellative, que son chiffre d’affaires était réalisé à hauteur de 60% grâce aux ventes des matériels de réseaux IBM France et non 90% comme indiqué dans son assignation,
– 80% dudit chiffre d’affaires sont réalisés avec des produits IBM non concernés par l’accord Cisco, produits Tokering, SNA et produits non-réseaux, notamment les terminaux de vente et les imprimantes,
– la baisse du chiffre d’affaires subie par Sodexi, plus importante que celle constatée chez les autres distributeurs d’IBM France, s’explique plus largement par le désengagement de Sodexi qui a procédé depuis plusieurs mois au licenciement de plusieurs collaborateurs,
– deux tiers des 1,5 millions de francs d’annulation de commandes, sur les 2 millions annoncés pour la seule période du 2 septembre au 18 novembre ne portent pas sur des produits réseaux et n’ont donc aucun rapport avec l’accord Cisco,
Au total, le taux d’annulation des commandes est proche de celui existant antérieurement ;
Sur la situation de dépendance économique
qu’il est inexact de dire que Sodexi n’a pas d’autre solution puisqu’elle est aussi grossiste d’autres produits IBM que ceux concernés par l’accord Cisco et qui plus est, même ces produits continuent d’être commercialisés par IBM France,
que le fait que Sodexi n’a toujours pas pu établir de nouvelles relations commerciales avec d’autres fournisseurs, n’est pas démonstratif de l’impossibilité absolue de trouver un fournisseur de produits équivalents,
Sur la reprise des stocks valorisés à 13 millions de francs et dont 10 millions seraient invendables
que ces stocks sont retombés à 10,1 millions en avril 2000,
que le contrat de distribution ne comporte aucune disposition mettant à la charge d’IBM France l’obligation de racheter les stocks, devenus propriété de Sodexi,
qu’en revanche,
– Sodexi a déjà bénéficié des conditions de l’article 3 du contrat de partenaire, qui lui a permis de retourner certains produits qui lui ont été remboursés et des opérations promotionnelles qui lui ont permis des rotations de stocks en fin de trimestre,
– IBM France dispose, aux termes de l’article 16 de ce contrat, d’une option pour acheter tout ou partie dudit stock à sa valeur d’acquisition,
– par courrier du 30 mars 2000, IBM France a offert à Sodexi deux options cumulables de rotation de stocks, sous réserve de nouvelles commandes de montant équivalent,
Sur la demande de résiliation formulée par Sodexi
que les procédés utilisés par Sodexi sont incompatibles avec la relation de confiance nécessaire à la poursuite d’accords commerciaux et que les parties pouvant d’un commun accord dénouer le contrat qu’elles ont conclu,
– IBM France demande qu’acte lui soit donné de son accord pour qu’il soit mis fin au contrat, à charge pour Sodexi d’en supporter les conséquences,
– IBM Financement demande au tribunal de prononcer la résiliation de la convention qui l’unit à Sodexi, aux torts de cette dernière, puisque d’une part, Sodexi reste lui devoir la somme de 7 095 961,10 francs, restée impayée et d’autre part, que Sodexi ayant rendu à la Banque Générale de Commerce, l’original de la garantie émise en faveur de IBM Financement, cette banque se considère libérée de toute obligation à l’égard d’IBM Financement.
Dans leurs nouvelles écritures, IBM France et IBM Financement, soulignent,
notamment, qu’elles ne sont pas intervenues dans l’accord Cisco conclu entre Cisco et IBM Corp. et, en conséquence que la demanderesse ne pourra qu’être déboutée de ses demandes sur le fondement de l’article 442-6 du code de commerce,
La banque Finaref-ABN Amro, intervenant volontaire,
anciennement dénommée « Banque Générale du Commerce », ci-après aussi appelée, la « Banque » rappelle :
que par acte du 8 juin 2000, IBM Financement l’a assignée devant ce tribunal pour la voir condamnée, ès-qualités de caution personnelle et solidaire de Sodexi, à lui verser la somme de 5 millions de francs, plus intérêts au taux légal,
que l’action engagée par IBM Financement à son encontre a fait l’objet d’un jugement de sursis à statuer dans l’attente de la décision devant intervenir dans la présente instance,
que compte tenu des faits exposés dans ses écritures, le cautionnement de la banque ne s’applique qu’aux sommes éventuellement dues par Sodexi au titre d’un contrat de crédit fournisseur conclu entre cette dernière et IBM Financement le 20 mars 1999,
mais en application des dispositions de l’article 2011 du code civil, l’engagement de caution n’est que l’accessoire de l’obligation de Sodexi envers la société IBM Financement,
que si la demande de Sodexi de voir prononcer la résiliation des conventions la liant aux sociétés IBM France et IBM Financement prospérait, une compensation interviendrait entre les deux parties au profit de la société Sodexi,
qu’alors la banque serait fondée à invoquer l’exception de compensation conformément aux dispositions de l’article 2036 du code civil,
qu’elle est, en conséquence, bien fondée à intervenir volontairement dans la présente instance pour les demandes exprimées dans ses écritures et notamment pour demander que le tribunal ordonne aux parties de lui communiquer toute pièce qu’elles entendent invoquer dans la présente instance ;
Sur ce le tribunal
Sur le rapport de l’expert
Attendu qu’il convient dès à présent de relever que c’est par erreur qu’il y est indiqué que l’accord Cisco a été conclu le 26 juin 1996, date qui correspond, en réalité, à celle de l’accord signé entre IBM et Sodexi ;
l’accord Cisco étant de mars 1999 ;
Attendu que l’existence du préjudice allégué par Sodexi, serait liée à la résiliation des contrats liant les parties, résiliation qu’il conviendra, à leur demande, de constater ou de prononcer ;
Attendu que pour établir l’existence éventuelle dudit dommage, il convient d’apprécier :
. la part des produits non-réseaux et réseaux d’IBM dans le chiffre d’affaires réalisé par la société Sodexi et,
. la part des produits concernés et celle des produits non concernés par l’accord Cisco,
pour apprécier l’impact éventuel de l’accord Cisco sur la pérennité des relations commerciales entre Sodexi et IBM France ;
Attendu que la mission confiée à M. L., expert, par jugement de ce tribunal du 4 décembre 2000, répondait pour l’essentiel, à cette double recherche ;
il convient, dès à présent d’analyser les conclusions dudit rapport et le cas échéant les appréciations portées par les parties ;
Attendu, sur le rapport de M. L., expert, qu’il ressort :
1 . Sur la part des produits réseaux IBM dans le chiffre d’affaires de la société Sodexi, étant entendu qu’il importe peu à ce stade, de faire référence dans la présentation des chiffres d’affaires, à l’origine des achats par Sodexi ;
que le choix des produits selon qu’ils entrent ou non, dans la catégorie des produits réseaux IBM, finalement arrêtée par l’expert, n’a pas fait l’objet de contestations de la part des parties en présence, excepté les observations formulées par Sodexi quant au contrôleur 5494 ;
que pour les raisons développées par l’expert, nous ne retiendrons pas l’année 1995 ;
que pour les années 1996 à 1999, et exprimés en prix de vente, les chiffres d’affaires s’établissent comme suit :
que ces chiffres d’affaires ne sont pas contestés par IBM France qui, par ailleurs ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’a pas été en mesure de vérifier les tableaux de synthèse des chiffres d’affaires trimestriels présentés par Sodexi, à qui il lui suffisait d’opposer ses propres données, ce qu’elle s’est abstenue de faire ;
que l’expert relève que la société IBM France « n’a pas contredit la répartition réseaux/non réseaux effectuée par Sodexi » ;
que l’évolution des parts respectives des produits réseaux IBM et des produits non réseaux IBM dans le total du chiffre d’affaires, pendant les quatre trimestres de l’année 1999, se présente comme suit :
(*) incluant les chiffres d’affaires réalisés en produits achetés hors IBM.
que l’évolution résumée par les deux tableaux et graphique ci-dessus, confirme la baisse en 1999, en valeurs absolue et relative, de la part des produits réseaux IBM dans le chiffre d’affaires réalisé par Sodexi par rapport à la croissance continue et forte de ce même chiffre d’affaires au cours des années précédentes ;
qu’il apparaît que ce retournement de tendance prend naissance au cours du troisième trimestre de l’année 1999 qui marque un recul sensible de la part « produit réseau IBM » dans le chiffre d’affaires de Sodexi ;
2 . Sur la part des produits IBM achetés par Sodexi auprès d’IBM France,
que la société IBM n’a pas contesté les chiffres d’affaires présentés par Sodexi ;
que comme le montre le tableau ci-après, la part des produits achetés par Sodexi auprès d’IBM France, est, à partir de 1997 supérieure à 90% pour décliner sensiblement en 1999, année de l’accord Cisco ;
qu’il est à noter, que jusqu’en 1998, les achats faits par la société Sodexi auprès d’autres fournisseurs qu’IBM, ne concernent pas les produits IBM ;
3 . Sur la part des produits concernés par l’accord Cisco
que comme l’expert le rappelle à juste titre, seuls les produits réseaux IBM sont concernés par l’accord Cisco ;
qu’a contrario, en sont exclus les produits non réseau IBM et tous les produits, réseau ou non réseau acquis auprès de fournisseurs autres qu’IBM ;
qu’après avoir analysé les divergences de point de vue sur la nature et le type des produits à retenir ou à retrancher pour la détermination des parts relatives des produits concernés ou non par l’accord Cisco, notamment sur le désaccord exprimé par Sodexi pour ce qui concerne le contrôleur 5494, l’expert présente au tribunal sa propre appréciation, que le tribunal retient comme suit (voir tableau page 15).
Attendu qu’il apparaît, à l’évidence, au vu des chiffres d’affaires retenus par l’expert, et qui « ne sont contestés par aucune des deux parties », que même si l’on admet notamment, que la « survenance de l’accord Cisco est (…) sans effet sur la distribution » des contrôleurs 5394/5494, que le pourcentage des produits concernés par l’accord Cisco, dont la tendance indiscutable était à la croissance, de 4,46% à 33,71% et 49,84% de 1996 à 1998 inclus, connaît une baisse significative au cours de l’année 1999 pour retomber à 28,38% au profit des produits non concernés par ledit accords ;
Le tribunal dit :
qu’il ne peut être raisonnablement soutenu que l’accord Cisco n’ait eu aucune incidence sur le volume et la répartition du chiffre d’affaires de Sodexi et ce, dès la fin du troisième trimestre 1999, tel que cela ressort de l’examen des chiffres d’affaires et tableaux retenus par l’expert ;
En conséquence,
Sur les demandes en principal,
Sur la résiliation des conventions liant Sodexi à IBM France et IBM Financement,
Attendu que les défenderesses ont, à titre reconventionnel, demander au tribunal qu’acte leur soit donné de ce qu’elles sont d’accord pour que soient résiliées les conventions intervenues entre les parties et en conséquence que soit constatée cette résiliation à la date du dépôt des présentes ;
Mais attendu que les sociétés IBM France et IBM Financement demandent que ces résiliations soient prononcées aux torts de Sodexi ;
Il convient en conséquence, d’analyser si les circonstances créées par l’accord conclu entre IBM Corp. USA et Cisco Systèmes Inc, ont entraîné de jure ou de facto, la résiliation de toutes les conventions liant Sodexi d’une part à IBM France et IBM Financement d’autre part et, dans le cas contraire, il y aura lieu, à la demande des parties de prononcer cette résiliation ;
dans les deux cas le tribunal devra dire aux torts de quelle partie en présence, les résiliations constatées ou prononcées, seront intervenues ;
Attendu qu’il ressort des pièces produites et des débats :
que les sociétés IBM France, fabricant, et Sodexi, distributeur, ont entretenu des relations commerciales depuis 1990, renforcées par la signature le 19 juillet 1993 d’un « contrat de grossiste agréé IBM pour les produits option », le 13 octobre 1995 par la signature d’un contrat de distribution OEM et le 17 septembre 1997 par celle d’un « contrat de partenaire commercial IBM », par la suite renouvelé annuellement ;
qu’en juin 1996, ces deux sociétés ont également conclu une « convention de signature unique et d’agrément, contrat de partenaire commercial IBM grossiste » ;
Attendu qu’aux termes de ce contrat :
. la société IBM France, confie à la société Sodexi, en qualité de « partenaire commercial grossiste ayant les capacités logistiques, commerciales et techniques nécessaires », la commercialisation en Europe, auprès des revendeurs agréés, détaillants ou grossistes, des produits IBM figurant en annexe dudit contrat et notamment des matériels de réseaux et ce, sans exclusivité,
. que son article 6 intitulé « Durée du contrat » stipule :
– que le contrat conclu pour un an, est, renouvelable par période d’une année, par accord mutuel,
– que les circonstances ou les événements peuvent changer et, nécessiter que l’un des deux signataires désire mettre fin à un agrément par produit ou au contrat lui-même,
– avec un préavis de trois mois si Sodexi souhaite appliquer cette possibilité de résiliation pour un produit,
– à tout moment si IBM souhaite retirer des produits de la commercialisation,
– avec un préavis d’un an si IBM souhaite retirer l’agrément de Sodexi pour un produit sans pour autant le retirer de la commercialisation mais, à tout moment en cas de non respect par Sodexi des dispositions du contrat,
. que les dispositions de l’article 7, « Résiliation », donnent la possibilité aux deux parties de résilier le contrat, à tout moment sans justificatif, avec un préavis de trois mois, sauf en cas de non respect par l’un ou par l’autre des signataires, des dispositions du contrat ;
Mais attendu par ailleurs,
que par lettre du 20 juin 1996, la société IBM France confirme à son nouveau partenaire commercial grossiste pour « les produits réseaux », « sa volonté » de développer avec le dirigeant de la Sodexi et la société Sodexi, « une relation étroite, positive et constructive » et exprime le souhait que « le partenariat que nous démarrons soit positif pour nos deux entreprises » ;
que par lettre du 13 juin 1997, émanant de la société IBM Eurocoordination, sous la signature du « Général manager-IBM EMEA Networking Systeme Europe », ce dernier fixe l’objectif de Sodexi pour la période du 13 juin au 31 décembre 1997 à la somme de 151 millions de francs HT, condition pour l’obtention de conditions tarifaires favorables ;
Attendu que par courrier qu’elle adresse à son client le 16 octobre 1997, la société IBM France se « félicite » de la croissance très soutenue de l’activité de grossiste réseaux de la société Sodexi et l’encourage à augmenter ses encours auprès d’IBM, déjà à leur « maximum » ;
Attendu que dans la lettre que lui adresse la société IBM United Kingdom Ltd, cette dernière précise au dirigeant de la société Sodexi, que le programme de stimulation pour les nouveaux « partenaires agréés depuis 1997 » est un programme mis en place à l’échelle mondiale et qu’il espère être témoin, pour les prochains mois, de la croissance continue et du développement des affaires de Sodexi avec IBM ;
Attendu que par courrier du 4 mai 1998, la société IBM manifeste à nouveau sa volonté de « renforcer … de manière durable » son partenariat avec la société Sodexi ;
Attendu que le 5 août 1999, c’est-à-dire, après la signature de l’accord IBM-Cisco, la société IBM France, continue de fixer les objectifs de la société Sodexi pour le troisième trimestre 1999 ;
Attendu que par lettre du 15 novembre 1999, IBM France informait son distributeur de sa décision de suspendre « l’enregistrement des commandes de produits réseaux à compter du 12 novembre », dans l’attente du retour des deux exemplaires de la page de signature unique du contrat, sans aucune référence ou allusion à l’accord Cisco et à ses conséquences, laissant supposer que, sous réserve de cette régularisation, toute chose reste égale par ailleurs ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante qu’un concessionnaire peut obtenir réparation du préjudice subi du fait du comportement du concédant, qui lui a fait croire à une reconduction du contrat pour une période à tout le moins égale à celle du contrat précédent ;
que ce principe trouve application en l’espèce quant aux relations entre le fournisseur IBM France et son distributeur Sodexi ;
Attendu qu’il ressort de ce qui précède :
. que la société IBM France a manifesté à l’égard de son distributeur, tout au long de leurs relations, les plus vifs encouragements sur l’avenir de leurs relations commerciales et les plus grands espoirs dans la croissance continue et le développement des affaires de Sodexi avec IBM,
. que rien dans l’attitude de la société IBM France ne pouvait laisser supposer à son distributeur, qu’une partie des produits IBM, liés à la division NHD – division matériels réseaux IBM -, échapperait un jour, prochain ou éloigné, à ces relations, même si contractuellement le retrait de la commercialisation de tel ou tel produit était possible,
. que la satisfaction exprimée par IBM France, devant « la croissance très soutenue de l’activité de grossiste réseaux » de la société Sodexi et les encouragements prodigués à augmenter ses encours auprès d’IBM, étaient connus et partagés, au moins par les instances européennes du groupe IBM, comme en témoignent les courriers du « Général manager-IBM EMEA Networking Systeme Europe » et de la société IBM United Kingdom Ltd ;
Attendu par ailleurs, que si comme les dirigeants de IBM France l’ont confirmé, l’accord Cisco ne devait pas conduire à la cessation des activités réseaux du groupe, en réalité, cette activité était dorénavant essentiellement concentrée sinon réduite à la production de cartes Ethernet, de « solutions SNA » et de produits « Token Ring » ;
Attendu que les responsables de IBM France n’ont cependant pas caché, qu’à l’issue de l’année pendant laquelle le groupe IBM et donc IBM France, s’engageaient à fournir les pièces nécessaires à la maintenance des réseaux équipés en matériels IBM, les volumes d’affaires de leurs partenaires diminueraient du fait de la cessation des ventes de matériels de réseaux, et ce, notamment pour les distributeurs ou revendeurs majoritairement ou exclusivement mono produit IBM ;
Attendu qu’il ne peut être raisonnablement soutenu, dans ces conditions, que compte tenu de la menace que l’accord Cisco faisait peser sur le devenir de la distribution des produits réseau IBM, la clientèle équipée de ces matériels, resterait fidèle à la marque pour ces types d’équipements et d’une façon plus générale, pour l’ensemble des produits IBM destinés aux entreprises dont on pourrait comprendre, après l’accord Cisco, la méfiance à s’engager dans des plans d’investissement en matériels réseaux de cette marque ;
Attendu qu’il ne peut être ainsi contesté que l’accord signé entre IBM Corp. USA et Cisco Inc. et la vente des technologies de la division NHD par IBM, devaient à court et moyen terme, avoir pour effet de diriger vers la marque Cisco, la clientèle d’équipements réseaux d’IBM et notamment la clientèle d’IBM Europe et IBM France, c’est à dire celle de ses distributeurs, conséquence dont s’est largement fait l’écho la presse spécialisée, non démentie par les parties à l’accord Cisco ;
Attendu qu’il n’est dans ces circonstances pas contestable que l’accord IBM/Cisco, conduit l’ensemble du groupe IBM et, notamment sa filiale française, et donc ses distributeurs, à se retirer à un terme court et moyen, du marché de la vente des matériels réseaux, rendant aléatoire la poursuite de l’activité de la société Sodexi, dans les conditions développées et encouragées par IBM France, depuis plusieurs années ;
Attendu que la garantie donnée par IBM France à ses distributeurs, que pendant « un certain temps », c’est à dire dans les faits, pour l’année suivant l’accord Cisco, elle s’engageait à fournir les pièces nécessaires à la maintenance des réseaux équipés en matériels IBM, confirment, a contrario, la fin de ces fournitures au-delà de cette période de transition, comme le confirme les termes du courrier du 16 novembre 1999 adressé par IBM Royaume Uni à son distributeur ;
Attendu par ailleurs, que si à juste titre, la société IBM France soutient que l’accord Cisco auquel elle n’était pas partie, a été conduit dans la discrétion d’usage en la matière, on comprend mal que, tant les dirigeants d’IBM France que les signataires des courriers cités supra, à savoir le « Général manager-IBM EMEA Networking Systeme Europe » et la société IBM United Kingdom Ltd, aient déployés autant d’efforts et d’encouragements pour pousser la société Sodexi à faire toujours plus, notamment pour les objectifs fixés pour le troisième trimestre de l’année 1999, soit après la signature dudit accord ;
Attendu qu’il ne serait pas sérieux de prétendre que les dirigeants européens d’IBM, n’étaient pas informés des négociations menées et qui ont abouties à l’accord Cisco ;
Attendu que s’il est admis et, en l’espèce contractuellement prévu, que chacune des parties peut, en diverses hypothèses, mettre fin au contrat ou à une de ses parties, la jurisprudence réserve cependant le cas de l’abus de droit ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que le non-renouvellement d’un contrat de concession venu à expiration, comme la résiliation d’un contrat de concession à durée indéterminée, est un droit pour le concédant qui n’engage sa responsabilité qu’en cas d’abus dans l’exercice de ce droit ;
Attendu que par extension de ce principe affirmé par la jurisprudence, un constructeur ou fabricant, peut avoir engagé sa responsabilité contractuelle si la façon dont il a mis fin aux conventions qui le liaient à l’un de ses distributeurs, ou dont ces conventions se sont trouvées résiliées de facto, s’est avérée constituer un abus de son droit de rompre et a engendré un préjudice ;
Attendu qu’étant parfaitement informée des projets de réalisation d’importants investissements notamment en locaux, la société IBM France n’a pas jugé utile, sans trahir le secret des négociations ou des plans stratégiques de sa maison mère, quelques mois avant que ne soit dévoilé l’accord Cisco, d’alerter son distributeur sur les dangers d’un changement toujours possible de stratégie industrielle de son groupe, le privant ainsi de toutes possibilités d’amortissement risquant de compromettre son équilibre économique ;
Attendu que de jurisprudence constante, commet une faute le fournisseur qui empêche la reconversion de l’entreprise de son distributeur ;
Attendu qu’il ne semble pas que l’accord Cisco ait été suivi des mesures annoncées pour faciliter la migration des partenaires-distributeurs d’IBM à l’exception des mesures décrites dans la lettre adressée le 16 novembre 1999 à Sodexi par le « Director of EMEA Sales and Marketing, NHD » de IBM Royaume Uni et qui limite son propos à la fin de l’année 1999 et l’année 2000 ;
Attendu en l’espèce, la faute d’IBM France n’est pas de ne pas avoir informé son distributeur des négociations, que sans en être obligatoirement partie, elle ou ses dirigeants européens, ne pouvaient ignorer, mais d’avoir, au contraire, par ses agissements, pu laisser croire à la pérennité de sa collaboration avec Sodexi notamment en matière de produits réseaux IBM ;
Attendu qu’il n’est pas sérieux de soutenir, comme le fait IBM France, qu’elle « mettait parallèlement en œuvre un important programme de communication auprès de ses partenaires (…et) rappelait notamment que les contrats de distribution conclus avec elle n’étaient pas remis en cause » ;
Attendu au surplus, qu’en l’espèce, en permettant le renouvellement, le 26 septembre 1999, de son contrat de distribution, c’est à dire à une date où était connu l’accord IBM Corp./Cisco, IBM France n’a pas respecté son obligation générale de loyauté édictée par l’article 1134 du code civil ;
Attendu en conséquence, que le tribunal dira :
que l’application de l’accord Cisco a conduit à la résiliation de facto par IBM France des conventions liant les deux sociétés IBM France et Sodexi et dont la poursuite était rendue difficile à court et moyen terme du fait du caractère monomarque IBM et notamment réseau IBM, de l’activité développée par Sodexi et, constate cette dernière résiliation aux torts d’IBM France ;
que cette résiliation est pour l’essentiel à l’origine de la baisse d’activité de la société Sodexi mesurée par celle de son chiffre d’affaires, notamment à compter des mois de novembre et décembre 1999 ;
Sur la demande de Sodexi de voir IBM France condamnée à payer à Sodexi la somme de 18 293 882 € à titre de dommages-intérêts provisionnels et ordonner, pour le surplus, une expertise judiciaire aux frais avancés d’IBM France afin d’estimation du préjudice de Sodexi ;
Pour évaluer son préjudice, la société Sodexi s’appuie sur une « première estimation » faite par un expert désigné par elle ;
Et soutient que sur la somme de 18 293 882 €, montant de cette première estimation, plus de 13 millions d’euros représentent la seule marge perdue sur les gains manqués pendant la durée du contrat reconduit jusqu’à septembre 2003 ;
Pour sa part, IBM France, réplique :
que si la rupture de la relation commerciale devait lui être imputée, « il va de soi que le dommage réparable serait fonction de l’insuffisance du préavis dont aurait alors bénéficié Sodexi »,
qu’en tout état de cause, aux termes du contrat, sa responsabilité est limitée à 500 000 F ou au prix des produits et services à l’origine des dommages, la plus élevée des deux sommes étant retenue,
Sur ce le tribunal
Sur la faute d’IBM France
Attendu que sur la base des dispositions des articles 36(5) et 36(4) de l’ordonnance du 1er décembre 1986, il y a rupture brutale d’une relation commerciale établie, lorsque cette rupture est faite sans préavis écrit et sans tenir compte des relations antérieures, ou des usages reconnus par les accords interprofessionnels ;
Attendu qu’une telle rupture engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé ;
Attendu que sans méconnaître le droit du fournisseur de modifier ou de mettre un terme à ses relations commerciales avec son distributeur, dans le respect d’un préavis suffisant et à condition de satisfaire au formalisme prévu contractuellement ou imposé par la loi, la bonne foi, qui doit régir la conduite des affaires, et la jurisprudence, commandent que l’ancienneté des relations et la nature des conventions signées, imposent que soit recherchée, « une solution adaptée à l’intérêt des deux parties » et « de fixer en plein accord » avec le distributeur les modalités d’adaptation de leurs relations commerciales à la situation nouvelle créée, en l’espèce, par l’accord Cisco ;
En conséquence, le tribunal dit que les circonstances de la résiliation de facto, des conventions liant IBM France et son distributeur sont à l’origine du préjudice allégué par ce dernier et qu’IBM France sera tenue à réparer le préjudice causé à son cocontractant, par le versement de dommages-intérêts du montant de la perte qu’il a faite ou du gain dont il est privé, conformément à l’article 1149 du code civil ;
Sur le préjudice allégué et son quantum
Il convient dès à présent et, avant d’examiner le quantum du préjudice évalué par Sodexi de préciser que cette dernière ne pourra obtenir réparation que du préjudice subi du fait des circonstances de la résiliation de facto des conventions existantes entre elle et IBM France et non de cette résiliation elle-même, par ailleurs contractuellement prévue ;
qu’en effet dans leur détermination du préjudice, les experts choisis par Sodexi, ne distinguent pas la part du préjudice allégué qui correspond aux conséquences de la rupture des relations et celle qui mériterait réparation du fait des circonstances de cette rupture, laissant supposer que le fait que cette rupture ait été brutale ou au contraire dans le respect d’un préavis, n’en n’aurait pas modifié le montant ;
qu’en conséquence, il y aura lieu d’écarter du montant éventuellement attribué, le préjudice lié au seul fait de la résiliation de facto des conventions existantes entre les deux sociétés, pour ne retenir que le préjudice du fait des circonstances de cette résiliation ;
Attendu par ailleurs, qu’après la publication de l’accord Cisco, les parties sont convenues du renouvellement de leurs conventions ;
Attendu que si l’on peut admettre que, surprise par la nouvelle de cet accord, la société Sodexi n’ait pas eu d’autre choix que celui de prolonger jusqu’en septembre 2001 ses relations avec son fournisseur, il ne peut être sérieusement soutenu que deux ans après la révélation dudit accord, la société Sodexi ait été « contrainte », sauf à faire un choix délibéré dont elle ne peut qu’assumer seule la responsabilité, d’accepter la poursuite de ses relations contractuelles avec IBM France et qu’il lui appartenait dès la fin de l’année 1999, de se prémunir du risque de rupture des conventions de distribution qui la liaient à IBM France par des clauses particulières qui font défaut dans les conventions litigieuses ;
Attendu en conséquence, qu’il conviendra d’exclure de l’appréciation de l’indemnité réclamée, toute référence à la période postérieure à septembre 2001 ;
Attendu que l’examen des comptes sociaux publiés de la société Sodexi entre 1997 et 2000, confirme de façon évidente, l’évolution négative des chiffres d’affaires et des résultats de cette société qui passent respectivement :
. pour le chiffre d’affaires :
– de 32,3 millions d’euros au 31 décembre 1999,
– à 9,9 millions d’euros au 31 décembre 2000,
. pour le résultat :
– de 1,32% du chiffre d’affaires au 31 décembre 1999, soit 894 K€,
– à -25,04% du chiffre d’affaires au 31 décembre 2000, soit -2478 €
Attendu que la société Sodexi calcule son préjudice sur la base d’une étude prospective, réalisée sur des projections d’activité et des résultats hypothétiques allant de 2001 à 2003, prévoyant une progression sensible de son chiffre d’affaires, alors même que l’activité réalisée au dernier trimestre 1999 est déjà en retrait par rapport aux trimestres précédents ;
Attendu au surplus, que l’analyse de l’expert désigné par Sodexi et produite aux débats ne présente aucun élément chiffré justifiant du montant de l’indemnité retenue et ne procède que par simple affirmation ;
Qu’en conséquence, le tribunal ne pourra que l’écarter ;
Attendu qu’en l’absence des chiffres d’affaires de 2001, inconnus à ce stade de l’analyse, il est toujours hasardeux de se livrer à des projections, par hypothèses même optimistes, et que celles proposées par la Sodexi ne peuvent être en conséquence retenues, dans un marché qui de surcroît n’a pas fait preuve d’une grande stabilité au cours des dernières années dans un contexte économique difficile ;
Le tribunal dira qu’il n’est pas inéquitable de baser le calcul du préjudice subi par Sodexi dans les limites définies supra, à deux années de résultat net en prenant comme résultat de référence la moyenne des deux derniers exercices au 31 décembre 1998 et 1999, soit respectivement 762 K€ et 894 K€ ;
Attendu par ailleurs que si le tribunal a suivi les conclusions de l’expert quant à la part des produits directement concernés par l’accord Cisco, il ressort des documents et analyses présentés, qu’en tout état de cause, à compter de 1997, les achats de Sodexi auprès d’IBM France représentaient plus de 90% du chiffre d’affaires, part qui décroît en 1999 pour les raisons exposées par les parties ;
(rappel du tableau sur la part des achats auprès d’IBM)
Attendu que Sodexi ne conteste pas que la part de ses ventes de matériels IBM concernant l’activité réseau, c’est à dire, hors l’impact de la montée en puissance des ventes TPV (terminaux points de vente) et imprimantes, est passé, du fait de la concurrence de nouveaux acteurs, de plus de 90% en 1998 à environ 60% avant l’accord Cisco ;
Le tribunal, pour déterminer forfaitairement la part de la perte subie par Sodexi du fait de la résiliation de facto des conventions la liant à IBM France, retiendra ce pourcentage ;
Attendu par ailleurs, que pour l’indemnisation du préjudice né de cette résiliation de facto, il convient de prendre en considération la marge brute bénéficiaire pour la réparation du dommage causé par ladite résiliation, seule base d’appréciation qui permet de compenser la charge des frais généraux de l’entreprise, qui ont continué de courir sans que la société, du fait des conséquences de la résiliation, trouve les ressources nécessaires à leur amortissement ;
En conséquence, le tribunal, vu les éléments d’appréciation qui lui ont été fournis par les parties, dit qu’il n’est pas inéquitable de fixer à la somme arrondie à 4 900 000 €, l’indemnité forfaitaire due par la société IBM France à la Sodexi, pour tous chefs de demandes au titre des dommages-intérêts provisionnels sollicités, déboutant pour le surplus y compris pour la demande de voir désigner un expert à ce titre ;
Sur la demande de Sodexi de voir IBM France condamnée à la reprise des stocks restant à la charge de Sodexi, assortie d’une astreinte de 15 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.
La société Sodexi soutient que la société IBM France lui refuse le bénéfice des clauses contractuelles de reprise des stocks auquel doit s’ajouter le stock lié aux annulations de commandes,
qu’au total elle est obligée de supporter un stock de produits IBM de 130 000 € HT pour les imprimantes et les TPV, et de 1 611 000 € HT de produits réseaux définitivement invendables,
La société IBM France, s’oppose à cette demande de son distributeur en faisant valoir,
qu’en l’absence de disposition contractuelle contraire, ce qui est le cas en l’espèce, le distributeur est responsable de la commercialisation des stocks qu’il a constitués et de l’échec de celle-ci,
qu’au surplus, le grossiste bénéficie, pendant la vie du contrat, de mécanisme d’ajustement de stock et, à l’expiration de ce contrat, IBM France dispose d’une option de rachat de tout ou partie de ce stock au prix d’acquisition,
Sur ce le tribunal
Attendu que s’il est exact qu’aucune obligation de reprise des stocks ne s’impose à IBM France aux termes du contrat signé entre les parties, il n’est pas déraisonnable de penser que l’importance des stocks de produits réseaux est directement liée aux conséquences de l’accord Cisco et comme indiqué supra, à la difficulté de convaincre les clients de Sodexi de poursuivre, dès l’annonce par voie de presse de cet accord, leur investissement dans les produits réseaux de cette marque, quel que soit le temps dont a pu disposer Sodexi pour cette commercialisation, compte tenu de la spécificité du matériel concerné ;
Attendu qu’en l’espèce, la décision d’un arrêt de commercialisation ou de fabrication d’un matériel informatique et, notamment dans le domaine des produits réseaux, condamne ce même matériel à la non vente quasi définitive, les investisseurs en matériels informatiques et notamment en produits réseaux ne voulant pas assumer le risque de non compatibilité entre des produits retirés de toute commercialisation et ceux disponibles sur le marché, nouveaux ou existants ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que la reprise des stocks constitue une question de fait et non une question de droit et qu’elle relève, en conséquence, de l’appréciation souveraine des juges du fond ;
Attendu qu’au surplus, que si aucune clause du contrat n’impose la reprise des stocks par le fournisseur, en revanche aucune clause ne l’exclut expressément ;
Mais attendu que Sodexi ne peut raisonnablement prétendre à la reprise par IBM France,
– des produits achetés auprès d’IBM France après la date du 31 décembre 2000,
– ni des produits réseaux de marques IBM, achetés auprès d’autres fournisseurs,
– ni des imprimantes et TPV dont on peut penser que Sodexi a eu le temps d’assurer la commercialisation ;
Le tribunal dira que la société IBM France devra reprendre à leur prix d’achat, les produits réseaux détenus en stock par Sodexi sous réserve :
. qu’ils aient été achetés auprès d’IBM France avant le 31 décembre 2000,
. et d’un inventaire de ces seuls produits, dressé par un expert désigné par le tribunal et aux frais avancés par Sodexi ;
qu’en l’espèce, le tribunal désignera M. L., expert, avec mission de réaliser cet inventaire, dans les conditions ci-après définies.
Sur la demande reconventionnelle formulée par la société IBM Financement que la société Sodexi soit condamnée reconventionnellement, à payer à IBM Financement la somme de 1 875 941,58 € au titre des sommes dues au 19 septembre 2002, outre les intérêts au taux conventionnel, sous réserve des mouvements intervenus depuis lors :
La société IBM Financement rappelle,
qu’elle avait été obligée de prononcer la déchéance du terme de la facilité accordée à Sodexi et de réclamer en conséquence le règlement de la somme de 14 643 459,99 F, somme ramenée le 15 mai 2000 à 7 095 961,10 F et qui correspond aux factures de produits et services, crédits à déduire et factures d’intérêts de retard,
que deux notes de crédits, normalement émises par le fournisseur en faveur de son client distributeur ou grossiste, font difficulté, dont l’une de 2 737 063,99 F a été déjà déduite sur un règlement imputé à Sodexi et qu’elle ne peut en conséquence faire l’objet d’une deuxième déduction,
que par ailleurs, un accord est effectivement intervenu entre les parties quant à l’encours de 656 905,19 € au titre des achats par Sodexi des matériels TPV et imprimantes, mais que cet accord ne concerne pas les autres sommes restant dues par Sodexi et qu’il n’est toujours pas respecté par Sodexi,
Pour sa part, Sodexi réplique
que sur la somme totale réclamée par IBM Financement, 810 482 € représentent les CNI (crédits non imputés) et que la différence a fait l’objet de l’accord évoqué par IBM Financement et respecté par Sodexi,
que les intérêts de retard, dont le détail n’a jamais été expliqué par IBM Financement, ont été écartés par l’expertise amiable diligentée à la demande des parties,
Sur ce le tribunal
Attendu que cette demande qui tend à faire constater l’existence de droits distincts, revêt de ce fait un caractère autonome et, la rend recevable, conformément aux dispositions de l’article 64 du ncpc qui dispose que « constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un autre avantage que le simple rejet de la prétention de son adversaire »,
Attendu que IBM Financement produit aux débats un courrier du 9 octobre 2001, sur papier à en-tête de IBM Global Financing, qui confirme à M. P., expert amiable nommé par IBM France et Sodexi, l’accord sur le projet de rapprochement entre les comptes Sodexi et IBM Financement ;
Mais attendu que ce même courrier insiste sur la nécessité que le rapport final inclut « l’effet des CNI » ;
Attendu que par courrier du 9 novembre 1999, postérieur à celui adressé à l’expert amiable, la société IBM Global Financing rejette l’offre de règlement de Sodexi fondée, selon IBM, sur une double déduction au titre des CNI ;
Attendu que par courrier du 15 décembre 1999, la société IBM Global Financing, mettait Sodexi en demeure de lui régler les sommes restant dues selon elle ;
Attenduque danscesconditions et enprésence d’un désaccordévident entre lesparties, le tribunal ne dispose pas des élémentslui permettant de connaître les sommesréellement dues entre les parties ;
Attendu qu’au surplus, il ressort d’un courrier adressé le 2 octobre 1998 à Sodexi que les sommes réclamées par IBM Financement à Sodexi, sont liées à des factures affacturées par IBM France à IBM Financement, informations que les parties n’ont pas jugé utile de préciser dans leurs écritures et pour lequel le tribunal ne dispose d’aucun élément d’appréciation ;
En conséquence, le tribunal dit la IBM Financement recevable en sa demande mais, sur son bien fondé, dit qu’il y a lieu d’ordonner sur ce point une mesure d’expertise afin de faire les comptes entre les parties et désignera M. L. avec mission, dans les conditions ci-après définies, de faire les comptes entre les parties,
et sursoit à statuer sur la demande reconventionnelle formulée par la société IBM Financement et ce dans l’attente du rapport d’expertise qui sera déposé par M. L., expert désigné ;
Mais attendu qu’au vu des éléments d’appréciation qui lui ont été fournis par les parties, le tribunal a dit qu’il n’était pas inéquitable de fixer à la somme arrondie de 4 900 000 € l’indemnité forfaitaire due par la société IBM France à la société Sodexi, pour tous chefs de demandes au titre des dommages-intérêts provisionnels sollicités ;
Attendu que sur la demande reconventionnelle formulée par IBM Financement le tribunal sursoit à statuer sur dans l’attente du rapport d’expertise qui sera déposé par l’expert désigné ;
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que les difficultés rencontrées par le tribunal pour liquider la créance opposée reconventionnellement par le défendeur ne sauraient différer trop longtemps le jugement de la demande principale ;
En conséquence, il sera alloué à la société Sodexi une provision égale à la différence entre :
– le montant de dommages-intérêts auquel il a fixé l’indemnité forfaitaire due par la société IBM France à la Sodexi, pour tous chefs de demandes au titre des dommages-intérêts provisionnels sollicités et,
– le montant de la créance alléguée par IBM Financement à l’encontre de Sodexi,
soit la somme arrondie de 3 000 000 € ;
Sur les demandes de la banque Finaref-ABN Amro, ci-après la Bfaa, intervenant volontaire,
* de voir constater, au besoin prononcer la résiliation de toutes les conventions liant Sodexi à IBM qu’il s’agisse de celles conclues avec la compagnie IBM France ou avec la société IBM Financement, notamment l’acte de crédit fournisseur du 20 mars 1999, aux torts et griefs exclusifs de ces dernières et voir condamner la société IBM France à payer à la société Sodexi les dommages-intérêts réclamés par cette dernière.
La Bfaa rappelle que par acte du 8 juin 2000, la société IBM Financement l’a assigné devant ce tribunal pour la voir condamner, ès-qualités de caution personnelle et solidaire de Sodexi, à lui verser la somme de 5 millions de francs outre intérêts au taux légal,
que par jugement du 24 juin 2002, le tribunal a sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir dans le présent litige,
et soutient,
qu’à la demande de sa cliente, la société Sodexi, elle a émis une caution de 5 millions de francs en faveur de IBM Financement pour garantir cette dernière, des sommes dues par Sodexi dans le cadre du crédit fournisseur qui lui a été consenti,
que le 31 août 1999, Sodexi lui a restitué l’original de l’acte de caution en l’informant que la garantie n’était plus nécessaire,
que le 4 janvier 2000, IBM Financement l’a néanmoins mise en demeure de lui verser la somme de 5 millions de francs, au titre de sa caution,
que l’engagement de caution n’est que l’accessoire de l’obligation de Sodexi envers IBM Financement dans le cadre du crédit fournisseur,
que si dans l’instance qui oppose Sodexi à IBM France et IBM Financement, ces dernières étaient condamnées à verser à Sodexi, les sommes qu’elle réclame, il y aurait compensation entre les sommes dues réciproquement par toutes les parties au litige et que Sodexi se trouverait être créancière des défenderesses,
que par application des dispositions de l’article 2036 du code civil, la Bfaa pourra invoquer l’exception de compensation,
Sur ce le tribunal
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 2036 du code civil, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui comme la compensation, sont inhérentes à la dette ;
Attendu que de jurisprudence constante elle a la faculté de demander la résolution du contrat principal ;
Le tribunal dira la Bfaa recevable en sa demande ;
Mais attendu que le tribunal a dit la société Sodexi bien fondée en sa demande de voir constater la résiliation aux torts d’IBM France des conventions liant les deux parties et condamnera la société IBM France à verser à la société Sodexi les dommages-intérêts fixés par lui ;
En conséquence, dit qu’il n’y a lieu d’examiner plus avant les demandes de ces titres formulées par la Bfaa ;
* de voir le tribunal constater qu’IBM Financement ne se prétend créancière de la Bfaa qu’au titre d’une subrogation dans les droits de la société IBM France, prévue par l’article 5 de l’acte de crédit fournisseur du 20 mars 1999.
Attendu que dans ses écritures, la Bfaa « précise » que « la société IBM Financement ne se prétend créancière à son égard qu’en qualité de subrogée dans les droits de la société IBM France » ;
Attendu que la production aux débats de la « convention-cadre d’ouverture d’une facilité de crédit » consenti par IBM Financement à Sodexi, qui indique en son paragraphe 5 que le paiement par le préteur – IBM Financement – à IBM France, entraînera le transfert au préteur des créances d’IBM France sur l’emprunteur, ne suffit pas à établir que l’ensemble des sommes réclamées par IBM Financement dans la présente instance soit le résultat de cette seule subrogation ;
Le tribunal déboutera la Bfaa de sa demande de ce chef ;
* de constater, au besoin, ordonner, la compensation entre les créances des sociétés IBM et IBM Financement sur la société Sodexi d’une part et la créance de dommages-intérêts de cette dernière sur les premières d’autre part.
Attendu que le tribunal a jugé nécessaire une mesure d’instruction pour faire les comptes entre les parties ;
Qu’en conséquence, le montant des créances alléguées par IBM France et IBM Financement n’est à ce jour pas déterminé ;
Le tribunal dit qu’il y aura lieu de surseoir à statuer sur la demande de compensation formulée par Bfaa et qu’en conséquence il n’y a lieu d’examiner plus avant la demande subséquente de la Bfaa ;
Sur les autres demandes
Sur les dépens et l’article 700 du ncpc
Attendu que Sodexi demande la condamnation d’IBM France et de IBM Financement au titre de l’article 700 du ncpc à 50 000 €.
Attendu par ailleurs qu’IBM France et IBM Financement demandent que Sodexi soit condamnée à leur payer la somme de 10 000 € chacune au titre de l’article 700 du ncpc, ainsi qu’aux dépens incluant les frais et honoraires d’expertise.
Attendu que le présent jugement est partiellement un jugement avant dire droit,
Le tribunal estimera qu’il n’y a lieu quant à présent de faire application des dispositions de l’article 700 du ncpc et réserve les dépens ;
Sur l’exécution provisoire
Attendu que le tribunal estime l’exécution provisoire compatible avec la nature de l’affaire et son ancienneté, elle sera ordonnée par application des articles 515 et suivants du ncpc, avec constitution de garantie dans les termes ci-après ;
LA DECISION
Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort ;
. Dit la Sodexi Informatique recevable et partiellement bien fondée en ses demandes,
. Donne acte à la compagnie IBM France et la Sa IBM Financement de leur accord pour qu’il soit mis fin aux conventions les liant à Sodexi,
. Dit que l’application de l’accord Cisco a conduit à la résiliation de facto par IBM France des conventions liant les deux sociétés IBM France et Sodexi et constate cette résiliation aux torts d’IBM France,
. Que cette résiliation est pour l’essentiel à l’origine de la baisse d’activité de la Sodexi,
. Dit que les circonstances de la résiliation de facto, des conventions liant IBM France et son distributeur sont à l’origine du préjudice allégué par ce dernier et que IBM France sera tenue à réparer le préjudice causé à son cocontractant, par le versement de dommages-intérêts du montant de la perte qu’il a faite ou du gain dont il est privé, conformément à l’article 149 du code civil ;
. Dit qu’il n’est pas inéquitable de fixer à la somme arrondie de 4 900 000 € l’indemnité forfaitaire due par IBM France à Sodexi, pour tous chefs de demandes au titre des dommages-intérêts sollicités, déboutant pour le surplus,
. Condamner IBM France à verser à titre de provision à Sodexi la somme de 3 000 000 €,
. Dit que IBM France devra reprendre à leur prix d’achat, les produits réseaux détenus en stock par Sodexi et sous réserve :
– qu’ils aient été achetés auprès d’IBM France avant le 31 décembre 2000,
– et d’un inventaire dressé par un expert désigné par le tribunal et aux frais avancés par Sodexi ;
. Dit IBM Financement recevable en sa demande reconventionnelle, et avant dire droit, sur son fondement,
. Désigne M. L. en qualité d’expert, avec les missions précisées ci-après :
A )
A1 – Réaliser l’inventaire exhaustif des stocks de produits réseaux IBM détenus en stock par Sodexi et achetés auprès d’IBM France et achetés avant le 31 décembre 2000 ;
A2 – Se faire communiquer tous les documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;
A3 – Exécuter sa mission à l’aide des documents et pièces remis par les parties,
A4 – Entendre tous sachant, dans la mesure où il l’estimera utile ;
A5 – Mener contradictoirement ses opérations d’expertises et dans la mesure où il l’estimerait nécessaire, faire connaître aux parties son avis, oralement ou par écrit, en vue de recueillir leurs dernières observations, avant le dépôt de son rapport,
. Fixe à 2000 € le montant de la provision à consigner par Sodexi, avant le 31 mars 2003, au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l’article 269 modifié du ncpc,
B) Dans le cadre des contrats liant les sociétés Sodexi d’une part et, IBM France et IBM Financement d’autre part,
B1 – Faire les comptes entre les sociétés Sodexi d’une part et, IBM France et IBM Financement d’autre part, en prenant notamment en comptes les crédits non imputés (CNI) ;
B2 – Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;
B3 – Exécuter sa mission à l’aide des documents et pièces remis par les parties et notamment le rapport établi par M. P. ;
B4 – Donner son avis sur les comptes présentés par les parties ;
B5 – Entendre tous sachant, dans la mesure où il l’estimera utile ;
. Fixe à 2000 € le montant de la provision à consigner par IBM France, avant le 31 mars 2003, au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l’article 269 modifié du ncpc,
Pour l’ensemble de la mission :
. Mener contradictoirement ses opérations d’expertise et dans la mesure où il l’estimerait nécessaire, faire connaître aux parties son avis, oralement ou par écrit, en vue de recueillir leurs dernières observations, avant le dépôt de son rapport,
. Dit que l’expertise sera mise en œuvre et que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du ncpc et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat du greffe de ce tribunal dans les trois mois de sa saisine,
. Dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert sera caduque en application de l’article 271 modifié du ncpc et l’instance poursuivie,
. Dit que l’expert, s’il estime la provision insuffisante, présentera dans un délai de deux mois à compter de la consignation, une estimation de ses frais et rémunération, qu’il devra communiquer aux conseils des parties ou aux parties elles-mêmes, s’il y a lieu, étant précisé qu’elles disposeront de trois semaines pour faire valoir leurs observations ; ladite estimation permettant au tribunal d’ordonner éventuellement le versement d’une provision complémentaire et de proroger le délai,
Qu’à défaut d’une telle indication, le tribunal pourra être amené à considérer que le montant de la consignation initiale devra constituer la rémunération définitive de l’expert,
. Dit que, si les parties ne viennent à composition entre elles, le rapport de l’expert devra être déposé au greffe dans un délai de quatre mois à compter de la consignation de la provision et, dans l’attente de ce dépôt, inscrit la cause au rôle des mesures d’instruction,
. Dit que le magistrat chargé du contrôle des mesures d’instruction suivra l’exécution de la présente expertise,
. Sursoit à statuer sur la demande reconventionnelle formulée par IBM France Financement et ce dans l’attente du rapport d’expertise qui sera déposé par l’expert désigné ;
. Sursoit à statuer sur la demande de compensation formulée par Bfaa ;
. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement à charge pour la Sodexi de fournir une caution bancaire couvrant en cas d’exigibilité de leur remboursement éventuel toutes les sommes versées en exécution du présent jugement plus les intérêts éventuellement courus sur ces sommes ;
. Dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif du présent jugement,
. Réserve l’article 700 du ncpc, et les dépens.
Le tribunal : M. de Roffignac (président), MM. Atlan, Chatin, Dufoix, Darmon (juges) Mmes Maurice-Regniez et Merle (juges)
Avocats : Mes Alterman – Benezra – Leclercq – Ramos, Me Harbonn, SCP Lyonnet Bigot et Associés
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.