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Jurisprudence : Droit d'auteur

vendredi 23 janvier 2009
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Tribunal de grande instance de Nanterre 1ère Chambre Ordonnance du 18 Décembre 2008

Frédéric C. / Delifrance

droit d'auteur

FAITS ET PROCEDURE

Par acte en date du 17 juillet 2008, Frédéric C. a fait assigner la société Delifrance devant ce Tribunal aux fins qu’il soit dit et jugé qu’il est bien fondé à demander la révision pour imprévision de la rémunération perçue dans le cadre de la proposition commerciale D 004G 1 du 19/02/1999 signée avec la société Delifrance et concernant « l’étude et la réalisation de trois APS pour trois nouveaux sites ». En conséquence il sollicite la condamnation de la société Delifrance à lui payer la somme de 225 000 € au titre de l’ajustement de rémunération prévue par la proposition commerciale du 19/02/99.

Il demande qu’il soit dit et jugé que la société Delifrance a commis des actes de contrefaçon de ses créations et a violé son droit moral et patrimonial, et qu’en conséquence, qu’elle soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :
– 70 000 € au titre du défaut de respect au droit au nom et de respect de l’œuvre ;
– 100 000 € en réparation du préjudice patrimonial résultant de la reproduction du logo « Delifrance » entièrement revu par lui sans qu’il en soit informé et rémunéré et 50 000 € en réparation de son préjudice moral en conséquence de la violation de son droit au nom sur ce logo ;
– 50 000 € en réparation de son préjudice au titre de l’exploitation contrefaisante de ses droits sur l’étude détaillée ainsi que pour l’exploitation non autorisée de cette étude outre une rémunération égale à 5 % HT du montant du marché passé par Delifrance pour réaliser les travaux d’installation de chaque point de vente Delifrance dans une station service ou égale à 3 % HT du montant du droit d’entrée payé par partenaire commercial de la défenderesse ;
– au titre de la création du meuble « Bake-off » et de la refonte du logo de l’enseigne « Et voilà » le paiement d’une somme égale à 2 % HT du droit d’entrée des franchisés de la marque « Et voilà » et à défaut de droit d’entrée une indemnisation forfaitaire de 50 000 € au titre de la contrefaçon des éléments de création figurant dans l’étude selon devis D 021 ;
– 50 000 € au titre de la refonte totale du logo « Delifrance » outre 20 000 € en réparation de la reproduction sans que son nom n’apparaisse et sans son accord de ce logo sur les emballages, vêtements du personnel, et autres supports utilisés ;
– 5000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Suivant conclusions du 20 novembre 2008, la société Delifrance soulève l’incompétence de la présente juridiction au profit du Tribunal de Grande Instance de Créteil, subsidiairement, elle demande que soit constatée la prescription, l’irrecevabilité pour défaut de qualité et que Frédéric C. soit condamné à lui payer la somme de 8000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle allègue :
– que son siège est situé à Ivry Sur Seine, dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de Créteil ;
– que l’ensemble des faits litigieux s’est produit à l’étranger ; que l’examen du constat internet concerne des pages des sites portugais et belge ; que le procès-verbal de constat du 6 juillet 2007 a été établi à Paris ;
– qu’aucun des lieux de livraison ou d’exécution des prestations n’est de nature à rendre le présent tribunal territorialement compétent ;
– que la demande de Frédéric C. au titre des dispositions de l’article L. 131-5 du Code de la Propriété Intellectuelle est prescrite, le point de départ de la prescription étant la date du contrat, le 11 février 1999 ;
– que M. C. n’a pas qualité à agir, les contrats sur lesquels il se fonde ont été signés avec une entreprise désignée comme « C. Design » ; qu’est indiqué le nom de M. Olivier F. en plus de celui du demandeur ;
– que le constat internet a été établi par le demandeur conjointement avec M. S. « afin de préserver leurs droits et de sauvegarder leur intérêts » ; que MM S. et C. travaillent ensemble dans une entreprise dénommée Together ;

Dans ses conclusions du 2 décembre 2008, Frédéric C. sollicite que le présent tribunal se déclare compétent, qu’il soit déclaré bien fondé à agir et recevable en son action ; que cette action soit déclarée non prescrite et que Delifrance soit renvoyée à conclure au fond, déboutée de ses demandes, et que les dépens soient réservés.

Il allègue :
– que l’acte de transfert de siège a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Créteil le 21 juillet 2008 ; qu’il n’y avait donc pas, à la date de l’assignation, de motifs de saisir ce tribunal de grande instance si tant est que le siège social de la société défenderesse ait été le critère retenu pour la détermination du tribunal compétent, ce qui n’est pas le cas, en l’espèce ;
– que la découverte et la démonstration des faits litigieux ouvrant droit à dédommagement résultent notamment d’un procès-verbal de constat sur internet effectué par des constatations sur les sites delifrance.fr et delifrance.com, notamment ; que le préjudice a bien été commis à partir d’infractions sur l’ensemble du territoire français constatées par l’huissier par le «canal» du site internet delifrance.fr ;
– que c’est bien à partir de son site français et en langue française que la société Delifrance présente son système de franchise ; que la société est mal fondée à soutenir qu’il n’existerait pas de lien suffisant entre les actes de contrefaçon commis à son préjudice et le territoire français alors que toutes les relations commerciales qui se sont nouées l’ont été à partir d’échange entre la société à l’époque « des produits surgelés » dont le siège était en France au moyen d’un engagement signé en France ;
– que la saisine de tout tribunal dans le ressort duquel le site est accessible et l’infraction aux droits de l’auteur, commise n’est nullement exclue ; que n’importe quel internaute peut avoir accès en se connectant sur ce site de n’importe quel point du territoire, y compris à partir d’une connexion située dans le ressort du tribunal de céans ;
– que, sur le fondement d’une prévision insuffisante, la prescription ne court pas à compter de la date du contrat, mais à compter de la date à laquelle il est possible pour l’auteur de caractériser l’insuffisance des prévisions, soit en l’espèce, à la date du procès verbal de constat du 6 juillet 2007 ; que la société Delifrance inverse la charge de la preuve en faisant valoir qu’il lui incombait de s’informer de la stratégie de développement à l’étranger ;
– que la mention «C. Design » ne modifie en rien sa qualité de travailleur indépendant ; que c’est en son nom propre qu’il a créé pour Delifrance et encaissé des paiements à ce titre et c’est sous son nom que ses créations ont été divulguées et pour certaines déposées à l’Inpi comme « dessins et modèles » ; que c’est pour des raisons purement techniques qu’il s’est rendu chez l’huissier accompagné de M. S. ; qu’en 1999, il est exerçait seul son activité.

DISCUSSION

Sur la compétence

L’article 42 du Code de procédure civile dispose :
« La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur (…) ».

Aux termes de l’article 46 du même code : « Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
– en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;
– en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; (…) »

Il est constant qu’à la date de l’assignation, le 17 juillet 2008, le siège social de la société Delifrance était situé non à Landevant (56 690) mais à Ivry sur Seine soit dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de Créteil à la suite d’un transfert intervenu le 19 juin 2008.

En tout état de cause, Frédéric C. fait valoir qu’il a choisi d’assigner la défenderesse devant le présent tribunal sur le fondement des dispositions de l’article 46 du même code, eu égard au lieu du fait dommageable.

Il soutient que le dommage a été subi sur l’ensemble du territoire français notamment par le « canal » du site internet delifrance.fr, ce qui lui offre la possibilité de saisir la juridiction de son choix sur le territoire français et donc le présent tribunal.

Frédéric C. fait état non seulement des sites portugais et belge mais aussi d’un site français, en ce que ce dernier explique le fonctionnement de la franchise et reproduirait illicitement, selon ses allégations, ses créations.

Il justifie, à ce titre, d’un lien suffisant entre les faits reprochés et le territoire français.

En revanche, le procès-verbal produit aux débats, daté du 6 juillet 2007 et sur lequel se fonde le demandeur pour établir les agissements allégués, a été établi non dans le ressort du présent tribunal, mais à Paris, par Maître Boudot, huissier de justice.

L’existence d’un fait dommageable quelconque dans le ressort de la présente juridiction n’est donc nullement démontrée par ledit procès-verbal.

Aucune livraison ou exécution de la prestation de service résultant du contrat du 11 février 1999 n’est établie dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de Nanterre ; la société Delifrance relevant que la charte graphique, objet de la prestation, était destinée à lui être remise à son siège social.

Le tribunal se déclarera donc incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de Créteil, juridiction du lieu du siège social de la défenderesse telle que désignée par la société Delifrance conformément aux dispositions de l’article 75 du code de procédure civile.

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens

Il n’y a pas lieu, en l’état, à condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Les dépens seront réservés.

DECISION

Le Juge de la mise en état statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,

Vu les articles 42, 47 et 97 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

. Dit que l’examen de la présente affaire ne relève pas de la compétence territoriale du Tribunal de Grande Instance de Nanterre ;

. Ordonne en conséquence le renvoi de l’affaire devant le Tribunal de Grande Instance de Créteil ;

. Dit le dossier sera transmis au greffe de la juridiction dans les conditions de l’article 97 du Code de procédure civile ;

. Réserve les dépens ;

Le tribunal : M. Laurent Najem (juge de la mise en état)

Avocats : Me Durand, Me Alain Clery

 
 

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