Jurisprudence : Contenus illicites
Tribunal de grande instance de Nanterre Ordonnance de référé 02 mai 2005
AXA Banque / Google France
contenus illicites
FAITS ET PROCEDURE
Vu l’assignation introductive de la présent instance, en la forme des référés, délivrée le 18 avril 2005 à la société Google France, par laquelle la société Axa Banque nous demande au visa de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle de :
– dire que l’action au fond pour contrefaçon diligentée par la société Axa Banque a été engagée à bref délai et apparaît sérieuse,
– interdire en conséquence à la société Google France toute utilisation du terme Xaoua objet de la marque n°3309136 appartenant à la société Axa Banque sur quelque site que ce soit et notamment sur les sites google.com et google.fr et ce à quelque titre que ce soit, en particulier dans l’outil « générateur de mot clé » et en tant que terme vendu dans le cadre du service AdWords ou parmi les mots clés, metatags ou titres de la page, et ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
– ordonner à la société Google France de procéder dans les 24 heures de la signification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard passé ce délai, aux interventions nécessaires pour rendre impossible toute utilisation par un internaute client du système AdWords de la marque Xaoua n°339136 notamment pour déclencher l’apparition d’annonces publicitaires et supprimer toute suggestion de cette marque dans le cadre de l’outil générateur de mots clés du système AdWords,
– ordonner à la société Google France de fournir à la société Axa Banque sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance les informations suivantes :
• l’ensemble des annonces parues dans le cadre du système AdWords utilisant à titre de mot clé, metatags ou titres de pages, le terme Xaoua,
• le montant des recettes publicitaires produites à partir de la vente de ces termes aux différents annonceurs, en considération du « coût par clic » choisi par les annonceurs ou suggéré par Google et du taux de clic constaté;
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie,
– condamner la société Google Inc et la société Google France aux entiers dépens,
– condamner la société Google France à verser à la société Axa Banque la somme de 8000 € en application de l’article 700 du ncpc.
DISCUSSION
Attendu qu’à l’audience du 22 avril 2005, la société Google France n’a pas comparu bien que régulièrement assignée par acte de Me Saragoussi délivré le 18 avril 2005 à une personne habilitée dans les lieux de son siège social ;
Que la société Axa Banque a repris les demandes formulées dans son assignation, exposant en outre que sa marque Xaoua génère toujours des liens vers des sites proposant des produits et services protégés par la marque ;
Attendu que la société Axa Banque justifie qu’elle est titulaire de la marque Xaoua n°043309136, déposée le 19 août 2004 et régulièrement enregistrée à l’Inpi pour des produits et services des classes 9, 28, et 36 ainsi désignés :
« Logiciels de jeux, consoles de jeux, appareils pour jeux conçus pour être utilisés seulement avec un récepteur de télévision, dessins animés, cartouches de jeux vidéo, cassettes vidéo, films cinématographiques impressionnés, compact disques audio vidéo. Jeux, jouets, jeux automatiques autres que ceux conçus pour être utilisés seulement avec un récepteur de télévision, appareils de jeux électroniques autres que ceux conçus pour être utilisés seulement avec un récepteur de télévision. Assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières, services bancaires, service d’épargne, constitutions de capitaux et de fonds. »
Qu’elle a décidé d’utiliser cette marque pour présenter de nouveaux services bancaires et d’épargne à destination de la tranche d’âge 12-25 ans, notamment par le biais du réseau internet et de façon ludique au moyen de petits personnages de dessins animés appelés « Xaoua » ; qu’ainsi elle devait ouvrir un site promotionnel à l’adresse « www.xaoua.com » à compter du 18 avril 2005 ;
Que reprochant à la société Google France l’utilisation de sa marque Xaoua et de son nom de domaine xaoua.com dans le cadre de son service d’annonces publicitaires AdWords associé à son moteur de recherche sur le réseau internet, la société Axa Banque a adressé à celle-ci, les 8 et 11 avril 2005, des mises en demeure de cesser toute parution d’annonces à partir du terme Xaoua ; qu’elle a ensuite assigné la société Google France devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de faire juger qu’elle s’est rendue coupable de contrefaçon et de faire prononcer des mesures d’interdiction et de réparation ;
Attendu qu’aux termes de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, « lorsque le tribunal est saisi d’une action en contrefaçon, son président saisi et statuant en la forme des référés, peut interdire, à titre de provisoire, sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon […] La demande d’interdiction […] n’est admise que si l’action au fond apparaît sérieuse et a été engagée dans un bref délai à compter du jour où le propriétaire de la marque […] a eu connaissance des faits sur lesquels elle est fondée. Le juge peut subordonner l’interdiction à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée » ;
Qu’en l’espèce la société Axa Banque produit un constat d’huissier dressé le 11 avril 2005 en l’étude de Me Puaux, huissier à Paris, sur le site ww.google.fr donnant accès au moteur de recherche développé par la société Google Inc sur le réseau internet ; que ce constat montrait qu’en saisissant le terme « Xaoua » comme requête de recherche sur le web, s’affichaient avec les résultats de la recherche, sur le côté droit de la page, des liens commerciaux vers des sites proposant le téléchargement de DVD, ou de films, l’un des liens donnant accès à un site à caractère pornographique ;
Qu’il résulte d’un autre constat établi à Levallois Perret (Haut de Seine) le 12 avril 2005 par un agent assermenté de l’Agence pour la Protection des Programmes que la même recherche déclenche encore des annonces à caractère pornographique, tant à partir du site google.fr que du site google.com ;
Qu’un autre constat de l’Agence pour la Protection des Programmes du 21 avril 2005 montre à cette date l’apparition de cinq liens commerciaux sous les titres « films » et « DVD » ;
Attendu que la première des conditions exigées par l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle pour la demande d’interdiction provisoire est remplie, puisque la société Axa Banque indique avoir eu connaissance des faits qu’elle reproche à la société Google France au mois d’avril 2005, et qu’elle a assigné immédiatement après une mise en demeure infructueuse ;
Qu’en second lieu la mise en œuvre de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ne nécessite pas que la contrefaçon soit établie de façon incontestable, mais seulement qu’il existe des éléments permettant de penser que l’action au fond a des chances de prospérer ;
Attendu qu’il est constant que des liens commerciaux proviennent d’un service d’annonces publicitaires proposé par la société Google France sous le nom de « AdWords » ;
Que le système de référencement payant appelé « AdWords » proposé par la société Google France repose sur une corrélation étroite entre les mots clés choisis par un annonceur pour provoquer la parution de son annonce et la requête de l’utilisateur du moteur de recherche ; que d’ailleurs la société Google France propose aux annonceurs des listes de mots clés ;
Qu’ainsi dès lors qu’un lien commercial apparaît lors de la recherche d’un internaute sur la marque « Xaoua », cela implique que l’annonceur ait choisi comme mot clé le terme « xaoua » ;
Attendu que par conséquent l’emploi qui est fait par la société Google France de la marque d’autrui, à travers la requête de l’utilisateur, pour réaliser la promotion d’un produit concurrent, est susceptible de tomber sous le coup des interdictions posées par les articles L 713-2 et L 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu’à la date de l’audience de référé, la société Google France n’avait toujours pas remédié à la situation dénoncée, par la société Axa Banque ; que pour respecter la marque protégée, il convient donc de faire partiellement droit, dans l’attente du jugement sur le fond, aux mesures d’interdiction sollicitées, dans les conditions fixées au dispositif ci-après ;
Attendu que par contre les demandes de communication d’informations sur le volume d’annonces et les recettes publicitaires générées par la marque « Xaoua » seront rejetées ; qu’en effet elles ne figurent pas parmi les mesures envisagées par l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;
Que la partie perdante doit supporter les dépens par application de l’article 696 du ncpc ; qu’en outre il serait inéquitable de laisser les autres frais de l’instance intégralement à la charge de la demanderesse ;
Attendu qu’il y a urgence à faire cesser les actes argués de contrefaçon et qu’il convient donc d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire ;
DECISION
Nous, président, statuant en la forme des référés, publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,
. Interdisons à la société Google France d’afficher, sur les sites du moteur de recherche « Google » accessibles aux internautes français, des annonces publicitaires concernant des produits ou services identiques ou similaires à ceux protégés par la marque « Xaoua » n°043309136 de la société Axa Banque lors de la saisie sur le moteur de recherche d’une requête reproduisant la marque précitée, et ce sous peine d’astreinte de 1500 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
. Ordonnons à la société Google France de supprimer toute suggestion du terme « Xaoua » dans le cadre de l’outil « générateur de mot clé » du système AdWords, et ce sous peine d’astreinte de 1500 € par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;
. Disons que nous nous réservons le pouvoir de liquider les astreintes ;
. Ordonnons l’exécution provisoire ;
. Rejetons le surplus des demandes ;
. Condamnons la société Google France à payer à la société Axa Banque la somme de 3000 € en application de l’article 700 du ncpc ;
. Condamnons la société Google France aux dépens.
Le tribunal : Mme Hélène Joudier (président),
Avocats : Selarl Marchais de Cande
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.