Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande instance de Nanterre Ordonnance de référé du 20 juin 2000
Top Mega Boss Organisation / M. François F.
contrefaçon de marque - nom de domaine - transfert du nom de domaine
Rappel des Faits et de la procédure
La société TOP MEGA BOSS ORGANISATION a été créée en vue de l’édition d’un mensuel de presse intitulé « TOO MUCH BEAUTY » dont la mise en vente sur le marché se fera le 8 juin 2000 pour un tirage de 175 000 exemplaires distribué en France, Belgique et Suisse.
Le nom et le sigle du magazine ont été enregistrés à l’I.N.P.I. en date du 28 mars 2000 en classe 16 sous le numéro 003017481.
La société TOP MEGA BOSS ORGANISATION a mandaté des agents commerciaux afin de vendre auprès d’annonceurs les espaces publicitaires du magazine.
A cet égard, en date du 19 avril 2000, Mademoiselle Annabelle D., commerciale, s’est vue accordée un entretien par Monsieur François N., employé de la société BOUCHERON PARFUMS, dans les locaux de cette société, afin de lui présenter le contenu du magazine TOO MUCH BEAUTY, son plan média et sa stratégie de développement, notamment au travers de la création d’un site internet.
Par la suite, les dirigeants de la société éditrice se sont aperçus que, le jour même où Mademoiselle D. s’est vue accorder cet entretien avec Monsieur N., celui-ci a cru bon d’ouvrir, et donc de bloquer, des noms de domaine portant le nom du magazine TOO MUCH BEAUTY: toomuchbeauty.com, toomuchbeauty.net et toomuchbeauty.org.
Devant un tel comportement, parfaitement inadmissible, le conseil de la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION a mis en demeure Monsieur N., par lettre recommandée avec avis de réception en date du 10 mai 2000, doublée d’une lettre simple, de se manifester sous 48 heures afin d’avoir des explications et de déterminer les modalités de cessation de cette situation.
L’avis de réception n’a pas été retourné.
C’est dans ces conditions que la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION a décidé d’assigner devant le Juge des Référés Monsieur N..
Discussion
La présente action est fondée sur les dispositions des articles L 716-2 et L 716-6 du Code de la Propriété Intellectuelle et sur celles de l’article 1382 du Code Civil.
La jurisprudence relative à la protection des noms de domaine pour les marques déposées est aujourd’hui fournie.
Cf par ex :- TGI NANTERRE » SFR « , 18 janvier 1999, TGI LE MANS » Microcaz/Oceanet et SFDI « , 29 juin 1999, Ordonnance de Référé 14 juin 1999 TGI PARIS » SA Marc Laurent/Jonvel « , TGI NANTERRE, 20 mars 2000, » Sony/Alifax « .
L’ouverture des noms de domaines » toomuchbeauty.com « , » toomuchbeauty.net » et » toomuchbeauty.org » par Monsieur N. ne peut se définir que comme une contrefaçon et du parasitisme.
Dans le cadre des discussions sur l’achat éventuel d’espaces par la société BOUCHERON dans le magazine TOO MUCH BEAUTY, la commerciale de la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION avait fait une présentation détaillée à Monsieur N. du plan média du magazine, dont la marque a été déposée, et des rubriques du site en voie de création lequel site devait reprendre le concept du support papier.
Mademoiselle D. indiquait en effet que le concept du magazine, réalisé en totalité en à plat noir, avait été défini en raison de sa parfaite adaptation à un site internet.
L’ouverture du site, en partenariat avec la société de création EXAGON’LINE, était en outre prévue pour coïncider avec le lancement du journal le 8 juin 2000.
Monsieur N. ne pouvait donc ignorer l’importance que revêtait pour la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION la création d’un tel site.
Il est évident que c’est de manière délibérée, et avec une volonté de nuire ou d’en tirer un profit, qu’il bloque trois adresses de domaines portant le nom » toomuchbeauty » juste après la présentation qui lui a été faite du magazine.
La contrefaçon et le parasitisme sont d’autant plus graves qu’il sont réalisés dans le cadre de négociations contractuelles.
Au delà de ces qualifications juridiques, le comportement de Monsieur N. méprise les règles les plus élémentaires de loyauté dans les rapports commerciaux.
Le préjudice pour la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION est important.
A quelques semaines du lancement sur les marchés Français, Belge et Suisse de son mensuel, la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION est dans l’impossibilité d’ouvrir un site avec l’adresse » toomuchbeauty.com « , adresse stratégique.
Par ailleurs, l’image de la société éditrice est atteinte puisque le lecteur du magazine qui se connectera sur les noms de domaine ouverts par Monsieur N. trouvera un contenu qui ne correspondra pas au mensuel.
Enfin, en obtenant de la société BOUCHERON PARFUMS un entretien pour envisager l’éventualité d’achats d’espaces publicitaires, ce qui n’est jamais évident pour le premier numéro d’un magazine, la société éditrice pouvait se montrer satisfaite.
Elle subit aujourd’hui un préjudice moral réel en estimant avoir été flouée par l’employé d’un partenaire commercial qui lui a accordé sa confiance.
Pour l’ensemble de ces raisons et afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite, il est demandé à Monsieur le Président du Tribunal d’ordonner le transfert des noms de domaines ouverts par Monsieur N. au profit de la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION.
En réparation du préjudice subi, la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION demande que Monsieur N. soit condamné à lui payer la somme de 200 000 Francs à titre de provision sur dommages-intérêts.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION les frais irrépétibles qu’elle a dû engager dans le présente procédure.
Il est demandé la condamnation in solidum de Monsieur N. à payer à la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION la somme de 15 000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par ces motifs
Vu l’article 809 du NCPC,
Vu les articles L 716-2 et L 716-6 du Code de la Propriété Intellectuelle,
Vu l’article 1382 du Code Civil,
Il est demandé à Monsieur le Président de :
– Dire la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION recevable et bien fondée en ses prétentions,
– Dire que Monsieur N. s’est rendu coupable de contrefaçon et de parasitisme en achetant les noms de domaines » toomuchbeauty.com « , » toomuchbeauty.net » et » toomuchbeauty.org » alors qu’il était en relation commerciale avec la société éditrice du magazine » TOO MUCH BEAUTY « , marque déposée,
– Ordonner à Monsieur N. de procéder à ses frais au transfert des noms de domaines ouverts par lui comprenant l’intitulé » toomuchbeauty » au profit de la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 5000 francs par jour de retard,
– Dire que l’Internic (NSI) devra procéder au transfert de ces noms de domaine au profit de la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION,
– Condamner Monsieur N. à payer, à titre de provision pour l’indemnisation du préjudice subi, la somme de 200 000 francs à la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION,
– Ordonner la publication de la présente décision aux frais de Monsieur N. dans une revue au choix de la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION,
– Condamner Monsieur N. à payer à la société TOP MEGA BOSS ORGANISATION la somme de 15 000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
– Condamner le défendeur en tous les dépens,
Vu l’assignation en date des 6 et 8 juin 2000 délivrée à la requête de la société Top Mega Boss Organisation ;
Vu les conclusions en défense déposées par François N. le 13 juin 2000;
Décision
François N. accepte de satisfaire à la demande principale et de restituer les trois noms de domaine litigieux ,
Il convient de lui en donner acte sans assortir d’une astreinte l’obligation de restitution dont le délai dépend de celui mis par l’internic pour opérer les modifications nécessaires mais en lui donnant un délai pour saisir l’internic de la demande de modification ;
La société demanderesse ne justifie pas de la réalité du préjudice dont elle sollicite la réparation et devra être déboutée de ce chef , comme de celui tendant à obtenir la publication de la décision ;
En revanche, les conditions de l’application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile sont réunies au profit de la société demanderesse ,
Par ces motifs
.Donnons acte à François N. de ce qu’il s’engage à restituer, à ses frais, à la société Top Mega Boss Organisation, les noms de domaine « toomuchbeauty.com » « toomuchbeauty.net » « toomuchbeauty.org »
.Disons que François N. devra justifier de la demande de modification de l’attributaire des noms de domaine auprès de l’internic dans les 48 heures qui suivront la signification de la présente décision, sous astreinte de 1 000 francs par jour de retard passé ce délai ,
.Condamnons François N. à payer à la société demanderesse la somme de 6000 francs au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile Rejetons toute autre demande ;
.Condamnons François N. aux dépens
Le tribunal : X. Raguin (Vice-Président), A. Le Douche (Greffier)
Avocats : Me J.-M. Descoubes / Me F. Roussel
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