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Jurisprudence : Logiciel

mardi 23 septembre 2014
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Conseil des prud’hommes de Paris, jugement du 4 juin 2014

Monsieur X / Société Z

clause - contrat de travail - droit d'auteur - logiciel libre - modification - propriété - publication - salarié

PROCÉDURE

– Saisine du Conseil : 04 mars 2011

– Convocation de la partie défenderesse par lettres simple et recommandée dont l’accusé réception a été retourné au greffe avec signature en date du 18 mars 2011

– Audience de conciliation le 06 septembre 2011

– Bureau de jugement le 04 février 2013; partage de voix prononcé le 25 février 2013

– Débats à l’audience de départage du 06 mai 2014 à l’issue de laquelle les parties ont été avisées de la date et des modalités du prononcé.

DEMANDES PRÉSENTÉES AU DERNIER ETAT DE LA PROCÉDURE

– Reconnaissance de l’application de la clause selon laquelle les logiciels développés et visés
dans le contrat de travail (ou avenant) devaient être publiés sous licence libre
– Dommages et intérêts pour non respect de la clause . . . .5 000,00 €
– Prime(s) . . . . . 1 950,00 €
– Dommages et intérêts pour préjudice moral pour le non respect du versement de prime. . . . . . 1 000,00 €
– Article 700 du Code de Procédure Civile . . . . .2 000,00 €
– Exécution provisoire

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur X a été engagé par la société Y, devenue Z, selon contrat à durée indéterminée écrit du 28 juillet 2006 à effet du 11 septembre 2006, en qualité d’ingénieur informatique libre.
Par avenant du 1er avril 2009, il était prévu l’attribution d’une prime de performance trimestrielle, en fonction des résultats individuels évalués selon des critères déterminés à l’avenant.
Par avenant du 1er juin 2010, M. X a été promu chef de projet.
Il lui a été proposé au mois d’août 2010 un avenant annulant et remplaçant l’avenant n°1 du
1er avril 2009, prévoyant notamment que les droits sur les logiciels à la création desquels le salarié aura participé dans l’exercice de ses fonctions appartiennent à la société, qui pourra librement les exploiter, à sa seule discrétion, sous licence libre de type GPL ou autre.

M. X a refusé de signer cet avenant.
Il a saisi le conseil de prud’hommes le 4 mars 2011 en même temps que deux autres salariés de la société et par le même avocat.

Il a démissionné de son poste le 8 avril 2011.

La société Z a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 août 2011.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures communes à M. X et deux autres salariés en date du 6 mai 2014, visées par le greffe et réitérées à l’audience de départage avec des explications orales au soutien des demandes chiffrées ci-dessus pour les causes énoncées ;

Vu les conclusions écrites de la société Z représentée par M. XZ es qualités de liquidateur judiciaire de la société Z en date du 6 mai 2014, visées par le greffe à l’audience de départage et réitérées oralement, demandant le rejet de toutes les prétentions de M. X ;

Vu les conclusions écrites du CGEA Ile de France Ouest, unité déconcentrée de l’Unedic, rappelant les conditions et limites de sa garantie et faisant valoir que les demandes de M. X sont insuffisamment justifiées ;

DISCUSSION

sur la prime de résultat

L’article III de l’avenant n°1 du 1er avri12009 stipule que le salarié pourra percevoir, pour chaque période de trois mois (trimestre) une rémunération variable, selon les résultats de son travail. Ces résultats seront évalués en fonction de la réalisation des projets qui lui seront confiés, selon des modalités qui sont précisées ensuite dans l’article.

Il est constant que M. X a perçu ladite prime de résultat afférente aux 3ème trimestre 2009, 1ers trimestre 2010 et 2011.

Alors que la société Z ne démontre pas ni même n’allègue sérieusement que le salarié n’aurait pas atteint les résultats ouvrant droit au versement de la prime aux 2ème, 3eme et 4eme trimestre 2010, sachant qu’elle s’est abstenue de fixer les temps impartis à la réalisation des projets, élément déclencheur du versement de la prime, M. X a droit au paiement demandé.

En revanche, la demande en dommages et intérêts pour défaut de versement des primes, non justifiée au dossier, sera écartée.

sur la clause relative aux logiciels libres

L’avenant proposé à la signature de M. X au mois d’août 2010 n’ayant pas été signé, les relations entre les parties sont régies par l’article IV DROIT DE PROPRIÉTÉ (COPYRIGHT) ET LICENCES DE TYPE LIBRE de l’avenant du 1er avril 2009, qui a annulé et remplacé les articles XIV (DROIT DE PROPRIÉTÉ – COPYRIGHT – ET LICENCES DE TYPE LIBRE) et XV (DROIT DE PROPRIÉTÉ ET LICENCES PROPRIÉTAIRES) du contrat de travail initial.

Cet article stipule : « Les logiciels concernés par la présente clause sont exclusivement : ……, …….., …….,……. Il est entendu que les extensions « multisites » pour ces logiciels ne sont pas couvertes par la présente section, et que leur propriété intellectuelle en revient à ….. seule. Cette liste pourra être complétée dans le futur par la direction………
La société soutient le développement de logiciels de type libre. Par ce fait, Monsieur X sera amené à développer dans le cadre de son activité au sein de la société Z des logiciels de type libre dont le code source pourra être cosigné par le représentant légal de la société Z et par Monsieur X. Les cosignataires s’engagent à mettre à disposition le code source ainsi que le logiciel sous licence GPL v2 ou v3.
Conformément à l’article L.113-9 du Code de la propriété intellectuelle, a accordé à Monsieur X, si il/elle est amené(e) à modifier le code source, quand ces logiciels seront distribués sous licence GPL v2 ou v3, et à titre gracieux, la co-propriété du code, ainsi que la possibilité de co-signer le code source. « 

M. X prétend alors que la société Z n’aurait pas respecté cet article, ce qui est contesté en défense.

Or, l’affirmation du salarié quant à une violation par l’employeur de la clause n’est pas explicitée, ni argumentée ni étayée par des pièces probantes.

En effet, la seule pièce 14, courriel du dirigeant de la société Z du 3 juin 2011, au cours du préavis de démission de M. X intitulé « Recap des modules logiciels ….., qui demande de remplir un tableau destiné à « vérifier les types de licence OS(Open Source) » ne saurait constituer la démonstration du manquement allégué.

Il convient alors de relever que l’avenant refusé porte modification des droits de propriété, en ce que la société Z propose de reprendre seule les droits auparavant partagés : « les droits sur les logiciels à la création desquels le salarié aura participé dans l’exercice de ses fonctions ou selon les instructions de la société appartiennent à la société. Il est précisé que celle-ci pourra les exploiter, à sa seule discrétion, sous licence libre de type GPL ou autre ».

S’il apparaît que le projet de modification contractuelle porte atteinte aux droits de M. X, qui perdrait la co-propriété à titre gracieux du code source des logiciels libres qu’il serait amené à développer ainsi que la possibilité de le co-signer, il demeure, d’une part, que l’exploitation sous licence libre des logiciels développés par le salarié n’est pas exclue, et d’autre part, qu’il n’est pas établi au dossier de mise en application par la société Z de l’avenant non signé.

En particulier, M. X ne fait pas connaître quels sont les logiciels créés en exécution de la clause de l’avenant n°1 en vigueur, devant être publiés sous licence libre (GNU GPL v2 ou v3) et dont il aurait d’ores et déjà co-signé le code source avec l’employeur, mais dont la société aurait empêché la libre disposition.

Ainsi, faute de citer très précisément les logiciels concernés avec toute spécification utile, c’est-à-dire les logiciels libres créés dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, dont il est co-auteur et non publiés sous licence GNU GPL v2 ou v3, ou encore ceux développés par lui à compter du second semestre 2010 et dont la société se serait réservée la libre exploitation, en se bornant à mentionner son nom en qualité de contributeur, M. X n’établit pas la violation de l’engagement de publication alléguée.

Par voie de conséquence, la demande en dommages et intérêts pour préjudice moral sera rejetée.

DECISION

Le Conseil, présidé par le juge départiteur, statuant seul, en l’absence de tout conseiller, publiquement, contradictoirement et en premier ressort, par mise à disposition du jugement au greffe,

Fixe la créance de M. X sur la liquidation judiciaire de la société Z à la somme de 1 950 euros brut à titre de rappel de prime de résultat ;

Dit que cette créance est garantie par le CGEA Ile de France Ouest ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Déboute M. X du surplus de sa demande ;

Fixe la créance de M. X a sur la liquidation judiciaire de la société Z à la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société Z.

Le Tribunal : Mme Dezandre (président juge départiteur) assistée de Mme Gagnayre, Greffier

Avocats : Me Alexandre Merdassi et Me Olivier Hugot, Me Eric Lenard, Me Charlotte Castets substituant la Selarl Lafarge et associés

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.