Jurisprudence : Responsabilité
Cour d’appel de Paris 13ème chambre, section A Arrêt du 27 mai 2008
DNF / Jean-Paul K. et autres
condamnation - contenus illicites - indemnisation - publicité - sites
PROCÉDURE
La prévention
K. Jean-Paul :
est poursuivi pour avoir à Paris, depuis le 3 avril 2003 et courant 2003, effectué de la propagande et de la publicité en faveur du tabac sur le site internet “L’Amateur de Cigare” en diffusant des messages valorisant et facilitant la consommation de cigares
M. Francis :
est poursuivi pour avoir à Paris, depuis le 3 avril 2003 et courant 2003, effectué de la propagande et de la publicité en faveur du tabac sur le site internet “Boutique 22” en diffusant des messages valorisant et facilitant la consommation de cigares
P. Esther divorcée non précisé :
est poursuivie pour avoir à Paris, depuis le 3 avril 2003 et courant 2003, effectué de la propagande et de la publicité en faveur du tabac sur le site internet “La Cape d’Epicure” en diffusant des messages valorisant et facilitant la consommation de cigares
Le jugement
Le tribunal, par jugement contradictoire,
a relaxé K. Jean-Paul des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de publicité directe ou propagande en faveur du tabac ou de ses produits, faits commis depuis le 3 avril 2003 et courant 2003, à Paris, infraction prévue par les articles L.3512-2 al.1, L.3511-3, L.3511-1 du Code de la santé publique et réprimée par l’article L.3512-2 al.1, al.3 du Code de la santé publique
a déclaré
M. Francis
coupable de publicité directe ou propagande en faveur du tabac ou de ses produits, faits commis depuis le 3 avril 2003 et courant 2003, à Paris, infraction prévue par les articles L.3512-2 al.1, L.3511-3, L.3511-1 du Code de la santé publique et réprimée par l’article L.3512-2 al. 1, al.3 du Code de la santé publique
P. Esther
coupable de publicité directe ou propagande en faveur du tabac ou de ses produits, faits commis depuis le 3 avril 2003 et courant 2003, à Paris, infraction prévue par les articles L.3512-2 al.1, L.3511-3, L.3511-1 du Code de la santé publique et réprimée par l’article L.3512-2 al.1, al.3 du Code de la santé publique
Et par application de ces articles, a condamné :
M. Francis à une amende délictuelle de 2000 € avec sursis
a dit qu’il ne sera pas fait mention au bulletin n° 2 de son casier judiciaire de la condamnation qui vient d’être prononcée
P. Esther à une amende délictuelle de 2000 € avec sursis
a condamné Esther P. à payer à l’association « Les droits des non fumeurs », la somme de un euro à titre de dommages et intérêts
a condamné Francis M. à payer à l’association « Les droits des non fumeurs » la somme de un euro à titre de dommages intérêts
a condamné Ester P., Francis M. à payer à l’association « Les droits des non fumeurs » la somme de 1500 € chacun au titre de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale
a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 90 € dont est redevable chaque condamné.
[…]
RAPPEL DES FAITS ET DEMANDES
Le 18 juin 2004, l’Association ”Les droits des non fumeurs“ déposait plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ; elle produisait un constat d huissier du 03 avril 2003 constatant la présence de documents pouvant constituer de la publicité illicite en faveur du tabac et plus précisément du cigare, sur trois sites internet, « amateurdecigare.com”, “boutique22.fr” et “capedepicure.net“ ; il était possible d’accéder ces sites, soit directement, soit grâce à des liens existant sur des sites tels que “seniorplanet.fr” ou « restoland.com” ; une information était ouverte, à I‘issue de laquelle, par ordonnance du 29 septembre 2006, les trois responsables de ces sites, à savoir Jean-Paul K. pour ”l’Amateur de cigare”, Francis M. pour “Boutique 22” et Esther P. pour “la Cape d’Epicure”, étaient renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris, du chef de publicité directe ou indirecte en faveur du tabac par diffusion de messages valorisant et facilitant la consommation de cigares, en infraction aux dispositions des articles L.3511-3, L.3511-4 et L.3512-2 du code de la santé publique ; préalablement, par arrêt du 17 janvier 2006, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi formé par Jean-Paul K. invoquant la prescription de l’action publique.
Par jugement du 27 juin 2007 dont appel, le tribunal a relaxé Jean-Paul K. des fins de la poursuite et est entré en voie de condamnation à l’encontre de Francis M. et d’Esther P. en prononçant à leur encontre une peine d’amende avec sursis et en les condamnant, chacun, à verser à I’Association ”Les droits des non fumeurs” la somme de 1 € de dommages et intérêts et la somme de 1500 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Ce jugement est devenu définitif sur l’action publique à I’égard de Jean-Paul K. en I’absence d’appel du Parquet, et à I‘égard de Esther P. qui n’a pas formé appel de la décision de condamnation à son encontre ; en revanche la Cour est saisie de I’action publique concernant Francis M., sur appel principal de celui-ci et appel incident du ministère public ; en outre, par suite de l’appel de l’Association « Les droits des non fumeurs“, la Cour est saisie de I’action civile dirigée contre les trois mis en cause et leurs civilement responsable.
Devant la Cour
L’Association « Les droits des non fumeurs“ fait notamment valoir :
– que I’élément matériel du délit des articles L.3511-3, L.3511-4 et suivants du code de la santé publique, est caractérisé à l’encontre de Jean-Paul K., de Francis M. et d’Esther P. ;
elle rappelle que la publicité au sens de l’article L.3511-3 du code de la santé publique, est tout acte quelle qu’en soit la finalité ayant pour effet de rappeler les produits du tabac ou leurs marques ;
que le site “I’Amateur de cigare” dont Jean-Paul K. est responsable, fait état de cigares, de marques, de qualités, qu’il comprend des incitations à consommer le cigare, qu’il comprend une sélection d’adresse permettant aux internautes d’augmenter leur consommation de cigare et mieux, de s’initier ;
que le site “Boutique 22” dont Francis M. est responsable, établit des liens vers des restaurants qu’il recommande et surtout comporte une base de donnée de cigares, permettant la recherche par marque, module, arôme, puissance et prix et présentant l’état des stocks de la boutique assorti du prix de chaque référence ;
elle soutient que, contrairement à ce que disent les prévenus, il ne s’agit pas d’information, mais que le but poursuivi est de pousser les internautes et donc une clientèle potentielle à consommer du tabac et plus spécifiquement des cigares dont ils font de manière incontestable la promotion ;
– sur l’élément moral : que seul compte le message diffusé et que l’impact sur le public du message ayant pour objet ou pour effet la promotion du tabac est le même,
que le diffuseur ait eu ou non la volonté délibérée de promouvoir une marque ou un produit du tabac ; que c’est la notion même d’incitation qui est incriminée, peu important qu’elle revête un caractère excessif ou non ; que la diffusion du message sur un site internet témoigne de la volonté de toucher un large public et s’oppose à la dimension épicurienne revendiquée de ne toucher que des personnes averties ;
que Jean-Paul K., en tant que directeur de publication du site « Amateur de cigare”, contrôler toutes les pages du site, y compris le blog ; qu’il en va de même pour Esther P. directrice du site la “Cape d’Epicure” et pour Francis M. pour “Boutique 22 », lequel a en outre été informé depuis le mois d’avril 2000, de l’illégalité de son site.
– sur le préjudice de I’association : que le quantum des dommages et intérêts que Francis M. et Esther P. ont été condamnés à lui verser est insuffisant ; que le préjudice fondamental de l’association est d’ordre moral ; que pour l’évaluation des dommages et intérêts il convient de retenir comme critères, la nature du risque encouru qui est en I’espèce est très importante s’agissant d’une question de santé publique, et la représentativité de l’association ; que “Les droits des non fumeurs » qui existe depuis 32 ans a un rôle fondamental d’information auprès du public ; qu’en la contraignant à consacrer l’essentiel de ses maigres ressources à une prolongation anormale de ses actions en justice, on lui impose de sacrifier ses objectifs premiers d’assistance et de prévention ; qu’il convient de stopper l’émergence des sites internet par I’octroi de dommages et intérêts conséquents.
En conséquence, elle demande à la Cour :
– de condamner solidairement Jean-Paul K. et la société “L’Amateur de Cigare” à lui verser la somme de 50 000 € de dommages et intérêts, et 5000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
– de condamner Francis M. à lui verser la somme de 50 000 € de dommages et intérêts, et 5000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
– de condamner solidairement Esther P. et l’association “La Cape d’ Epicure” à lui verser la somme de 50 000 € de dommages et intérêts, et 5000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Madame I’Avocat général rappelle que le jugement est définitif sur l’action publique concernant Jean-Paul K. et Esther P. et que le parquet n’a fait qu’un appel incident sur l’appel principal de Francis M. ; à son égard elle requiert la confirmation du jugement sur la déclaration de culpabilité et sa réformation en répression ; eu égard aux enjeux de santé publique concernés, elle requiert le prononcé d’une amende de 3000 €, sans sursis.
Jean-Paul K. et la société “L’Amateur de cigare” intervenante volontaire eu qualité de civilement responsable, soutiennent à titre principal que l’infraction n’est pas caractérisée à I’encontre de Jean-Paul K., I’élément matériel et l’élément intentionnel du délit faisant défaut ; ils font valoir :
– que le site “L’Amateur de cigare” est conçu comme une somme d’informations de nature encyclopédique et de nature critique (gastronomique et oenologique) ; qu’il n’est constitué que d’informations factuelles sur le cigare, destinées à des gens déjà intéressés par ce sujet et probablement fumeurs de cigares ; qu’il n’est pas préjudiciable aux non fumeurs puisqu’il conseille aux fumeurs de cigare des lieux spécialisés et qui leur sont réservés afin de ne pas importuner les non-fumeurs ; qu’il ne comporte de référence à aucun slogan, aucun logo de fabricants de cigares ; qu’il ne reçoit aucune recette publicitaire et n’est conçu que comme un ouvrage de référence sur la culture, la fabrication, la conservation, des cigares ;
– que Jean-Paul K. bien que directeur de la publication du site, n’est pas pour autant responsable de toutes les informations y figurant dans la mesure où pour certaines pages (le blog), il n’assure qu’un rôle d’hébergeur des informations mises en ligue par les internautes sous leur seule responsabilité ; que conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004, il n’est pas responsable pénalement des informations figurant sur le blog, s’agissant d’un forum sur lequel les internautes s’expriment sans que les responsables du site n’interviennent, ni comme organisateur ni comme modérateur, ni préalablement ni postérieurement à la mise en ligne des messages ; qu’en outre “L’Amateur de Cigare” a aujourd’hui supprimé cette rubrique ;
– que le site a pour seul objet le cigare et se veut être une somme érudite de référence sur l’histoire, la géographie, le terroir du cigare ; qu’il ne fait aucune allusion ou association attrayante avec des produits luxueux, ou avec des valeurs que le cigare serait supposé véhiculer dans la société ; qu’il ne commercialise aucun espace publicitaire ; que son accès suppose une démarche active de I’internaute nécessairement déjà intéressé par le cigare et n’est consulté que par les amateurs de cigares déjà initiés ; que la rubrique intitulée “tous les cigares au banc d’essai” ne saurait relever de la publicité puisqu’il s’agit pour les critiques de juger des qualités et des défauts des différents cigares ; que s’agissant de la liste des clubs où les fumeurs de cigares peuvent se retrouver entre eux, le site ne perçoit aucune recette publicitaire, leur référence n’ayant pour objet que de permettre aux fumeurs de cigare de fumer dans des lieux spécialisés sans risque d’importuner les non fumeurs ;
A titre très subsidiaire, sur les demandes de I’ADNF : ils font valoir que l’ADNF n’apporte pas la preuve d’un préjudice direct et certain lié aux pages incriminées du site ; que depuis le jugement, le site dispose désormais d’un système de filtre qui oblige les visiteurs désireux d’y accéder à s’inscrire préalablement auprès de ses administrateurs ; que d’autre part toutes les citations de marques de cigares ont été supprimées et des messages d’avertissement sanitaire concernant les risques liés à la consommation excessive de cigares ont été ajoutés ; ils demandent en conséquence de dire que les dommages et intérêts sollicités par I’ADNF sont manifestement excessifs ; en tout état de cause, de mettre à la charge de ”L’Amateur de Cigare” en sa qualité de civilement responsable, toute condamnation que la Cour serait susceptible de prononcer à I’encontre de Jean-Paul K.
Jean-Paul K. sollicite la condamnation de I’ADNF à lui verser la somme de 1000 € de dommages et intérêts au titre de l’article 472 du code de procédure pénale.
Francis M. demande à titre principal sa relaxe, en faisant valoir :
– qu’après sa mise en examen le 13 juin 2006 dans la présente procédure, il a procédé sans attendre à la suppression des rubriques qui, aux yeux de la partie civile, semblaient être en infraction avec la loi Evin ;
– sur l’absence de preuve matérielle de l’infraction : qu’aucune copie de la “base de données de cigares” évoquée dans le réquisitoire définitif, n’est versée au dossier ; qu’au demeurant, aurait-il crée une base de donnée informative pour classer les cigares qu’il vend dans sa boutique et permettre à sa clientèle de se renseigner sur l’état de son stock, ce fait ne saurait être suffisant pour caractériser le délit ; que le seul nom des cigares, sans aucun avis ou commentaire, ne saurait être considéré comme une propagande ou une publicité en faveur du tabac ;
– sur l’absence d’élément intentionnel de I’infraction : qu il y a lieu de relever I’erreur de droit ; qu’il pensait en toute bonne foi que son site internet n’était pas en infraction avec les dispositions de la loi Evin, puisqu’il avait été autorisé à en poursuivre l’exploitation par l’administration des douanes ; qu’en avril 2000, il avait en effet, conformément à la demande de la Direction Régionale des Douanes de Paris, supprimé sur le site internet “Boutique 22” toute notion de vente concernant les produits de tabac et cessé l’utilisation du logo “Davidoff”, à la suite de quoi les Douanes avaient classé sans suite I’ enquête le concernant ; qu’au surplus il n’avait pas la volonté d’effectuer de la publicité en faveur du tabac, son site étant destiné aux seuls clients de son débit de tabac, déjà fumeurs, et n’ avait pas pour objet de les pousser à la consommation ; qu’il ne présente que des caves à cigare, des briquets, des cendriers, des gaines d’allumettes, des étuis et des coupe cigares, ce que la loi Evin n’interdit pas puisqu’il ne s’agit pas de produits du tabac.
A titre subsidiaire, il demande à être dispensé de peine, puisque depuis sa mise en examen il a veillé à ce qu’il n’y ait plus aucun élément susceptible d’être incriminé en tenant compte des griefs de la partie civile, que la mention de cette décision soit exclue du casier judiciaire et que la partie civile soit déboutée de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire, il sollicite une réduction du montant de I’amende avec sursis prononcée qui ne pourra être supérieure à la somme de 1000 € et le maintien de I’absence de mention au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, ainsi que le maintien à 1 € du montant des dommages et intérêts alloués à la partie civile et le débouté de ses autres demandes.
Esther P. et I’association “La Cape d’Epicure” intervenante volontaire en qualité de civilement responsable, rappellent que le site “capedepicure.net” est un site associatif artisanal dont le seul but est de tenir les membres informés des prochains dîners ; elles font valoir que les sommes réclamées par I’ADNF au titre de son préjudice ne sont corroborées par aucune pièce comptable et sont excessives ;
En conséquence elles demandent à la Cour de confirmer la décision du tribunal quant à I‘évaluation des dommages et intérêts de la partie civile, de débouter l’ADNF de ses demandes, et en tout état de cause de mettre à la charge de l’association “La Cape d’Epicure” en sa qualité de civilement responsable, toute condamnation que la Cour serait susceptible de prononcer à I’encontre d’ Esther P.
DISCUSSION
Sur l’action publique concernant Francis M.
Considérant qu’il résulte du constat d’huissier du 03 avril 2003, que sur la page d’accueil du site “Boutique 22” (annexe 18 du constat d’huissier) figurent notamment les rubriques suivantes : “les nouveautés : “Base de donnée cigares : découvrez tous les cigares analysés et classés par marque, module, arôme puissance et prix…”, ”initiation : synthèse, dernier article de notre série permettant de découvrir par thèmes les plaisirs du cigare“, ou encore “les cigares du mois : Ramon Allones Corona Cabinet 50, San Luis Rey Double Carottas cabinet 50, 2 nouveaux coffrets anniversaire Cohiba….” ; que les contenus de ces rubriques annoncées ne sont pas annexés au constat ; qu’en tout état de cause, comme I’ajustement relevé le tribunal, la Cour observe que s’agissant de la rubrique “les cigares du mois“, la seule énumération de cigares désignés par leur marque, qui plus est avec une mention qui permet de penser qu’ils ont été sélectionnés pour leurs qualités particulières ou pour leur prix spécial, suffit à caractériser l’élément matériel du délit de publicité illicite au sens de l’article L.3511-3 du code de la santé publique.
Considérant que Francis M. n’est pas fondé à invoquer à son bénéfice l’erreur de droit ; qu’en effet le classement sans suite des poursuites de l’administration des douanes intervenu le 21 avril 2000 sur I’objet spécifique de l’enquête, ne pouvait I’autoriser d’une manière globale â toute autre publicité pour des produits différents ; qu’au contraire il y a lieu de considérer qu’il avait été mis en garde, non seulement sur les prescriptions du code de la santé publique en matière de publicité pour le tabac qu’au demeurant il ne pouvait ignorer en sa qualité de débitant de tabac, mais surtout sur le contrôle nécessaire des informations sur son établissement mises en ligne et diffusées sur internet ; que sciemment, il n’en a pas tenu compte ; que I’infraction est donc caractérisée en tous ses éléments.
Considérant qu’en conséquence la Cour confirmera le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité de Francis M., ainsi que sur la peine d’amende avec sursis prononcée, sanction appropriée au cas d’espèce, et enfin sur la non-inscription de la présente condamnation au bulletin n°2 de son casier judiciaire.
Sur l’action civile
– concernant Jean-Paul K.
Considérant, comme rappelé plus haut, que la relaxe prononcée au bénéfice de Jean-Paul K. est définitive ; que cependant, pour se prononcer sur les demandes civiles de I’Association ”Les droits des non fumeurs“ qui a régulièrement formé appel de la décision rendue sur son action civile, il appartient à la Cour de rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent, à I’égard de Jean-Paul K., une infraction pénale.
Considérant que dans les annexes du constat d’huissier servant de base aux poursuites, 24 pages sont des copies d’écran du site “L’Amateur de Cigare” ; que les 10 pages consacrées à la rubrique “le Cigare – Qu’est-ce qu’un cigare ? “, sont, comme I’a noté le tribunal, une somme érudite sur le cigare, son histoire, sa fabrication, les différents types, les terroirs de référence et comprennent un lexique, toutes ces données étant purement informatives, sans mise en valeur notable du produit ; qu’il en va de même de la sélection d’adresse de clubs d’amateurs de cigares ; qu’en revanche la copie des pages consacrées à la rubrique “Comment” et plus particulièrement “comment allumer son cigare ?“, « comment déguster son cigare ? “, « comment se constituer une cave ? “, et ”comment éduquer son goût ?”, outre qu’elles sont illustrées de photos d’un homme en train de fumer, comprennent des mentions constitutives de publicité illicite en faveur du tabac ; qu’en effet d’une part les commentaires sont conçus de manière à assimiler le fait de fumer le cigare (la “dégustation”) à un art ou à une cérémonie balisée d’étapes, ce qui incontestablement valorisant pour le consommateur, donc incitatif ;
qu’à cet égard, il n’est pas soutenu utilement que le message ne s’adresserait qu’à des “initiés”, alors que le site est accessible à partir d’autres sites visant un public plus large ; qu’en outre les conseils donnés “pour éviter les principaux faux pas” tendent à inciter à une plus grande consommation (il est par exemple préconisé d’acheter les vitoles par deux, de multiplier sans cesse les expériences afin de découvrir de nouvelles saveurs) ; qu’enfin la sous-rubrique “comment éduquer son goût” cite plusieurs marques de cigares ( Hoyo de Monterey, Partagas, Romeo y Juilieta, Cohiba) ;
que ces mentions valorisantes et incitatives, suffisent à caractériser la publicité illicite en faveur du tabac, même en I’absence de lien de nature commercial avec tel ou tel fabricant, seul le message diffusé étant à prendre en compte en la matière.
Considérant que Jean-Paul K. qui, en tant que gérant d’une société nommée ”l’Amateur de cigare » responsable d’un site consacré exclusivement à ce produit, ne saurait ignorer les dispositions de la loi Evin, a fait preuve en l’espèce d’une particulière négligence en ne vérifiant pas la conformité des messages délivrés sur ce site avec les dispositions du code de la santé publique relatives au tabac et à sa publicité, ce qui caractérise I’élément intentionnel de l’infraction relevée à son encontre ; qu’il sera donc déclaré responsable des conséquences civiles de ces faits.
Sur l’action civile
Considérant que l’association ”Les droits des non fumeurs » qui a notamment pour objet le respect de la réglementation en matière de lutte contre le tabagisme, a subi un préjudice direct et certain du fait de la diffusion de publicités pour le cigare sur internet, donc pour un public très vaste ; que le tribunal a fait une appréciation trop restrictive en l’espèce de ce préjudice ; qu’au vu des éléments soumis à son appréciation, la Cour fixera à 5000 € la somme que chacun des responsables sera condamné à verser à la partie civile, solidairement avec la société ‘L’amateur de Cigare” en ce qui concerne Jean-Paul K. et solidairement avec I’Association “La Cape d’ Epicure” en ce qui concerne Esther P. ;
qu’en outre ils seront condamnés, chacun, à verser la somme de 2500 € à I’association “Les droits des non fumeurs“ au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
DECISION
La cour, statuant publiquement et contradictoirement ;
. Reçoit les appels de l’association ”Les droits des non fumeurs“, du prévenu Francis M. et du ministère public à l’encontre de Francis M. ;
. Confirme le jugement entrepris sur l’action publique concernant Francis M. ;
. Infirme le jugement entrepris sur l’action civile ;
. Condamne solidairement Jean-Paul K. et la société ”L’amateur de Cigare” à verser à l’association ”Les droits des non fumeurs“, la somme de 5000 € de dommages et intérêts et la somme de 2500 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
. Condamne Francis M. à verser à l’association ”Les droits des non fumeurs“, la somme de 5000 € de dommages et intérêts et la somme de 2500 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
. Condamne solidairement Esther P. et I’association “La Cape d’Epicure” à verser à I’association ”Les droits des non fumeur“, la somme de 5000 € de dommages et intérêts et la somme de 2500 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
. Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
La cour : M. Guilbaud (président), Mmes Sem et Geraud-Charvet (conseillers)
Avocats : Me Pierre Louis Dauzier, Me Pierre Mairat
Voir décision de Cour de cassation
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