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Jurisprudence : Diffamation

lundi 13 janvier 2003
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Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé du 13 janvier 2003

Association District Multiple 103 France du Lions International / MM. Alain V., Patrick P., Frédéric D.

diffamation - site

Nous Président,

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Vu l’assignation qu’a fait délivrer à heure indiquée l’association dite District Multiple 103 France du Lions International (autorisée à cette fin par ordonnance rendue le 25 novembre 2002 par le magistrat délégué par le président de ce tribunal), par acte en date des 27 et 28 novembre 2002, à MM. Alain V., connu sous le pseudonyme de Hugo N., Patrick P., assurant les fonctions de gérant de la société Les éditions Carnot, et Frédéric D., directeur de la publication de « amazon.fr », par laquelle il nous est demandé d’ordonner la cessation immédiate de la promotion du livre de M. N. « Lions Club : l’enquête interdite » paru aux éditions Carnot sur le site « amazon.fr » et la suppression des pages web correspondantes, sous astreinte de 1000 € par jour de retard, et de condamner in solidum les défendeurs à payer à l’association demanderesse la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

Vu les conclusions prises pour MM. V. et P. qui soulèvent l’irrecevabilité de l’action pour défaut de qualité à agir de l’association demanderesse, demandent leur mise hors de cause, et sollicitent, d’une part, pour ce qui concerne le seul M. V., la condamnation de l’association à lui payer une somme provisionnelle de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour avoir fait état d’une condamnation pénale amnistiée, et d’autre part, pour chacun des concluants, une condamnation au paiement d’une somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

Vu les conclusions prises par l’association demanderesse, qui, outre ses réclamations initiales, demande que soit ordonnée la cessation immédiate de la diffusion et de la vente du livre en tout lieu et par tout moyen, également sous astreinte de 1000 € par jour de retard, porte à 2000 € le montant de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc, et poursuit la condamnation in solidum des défendeurs à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts ;

Vu les termes de l’accord intervenu entre l’association demanderesse et M. D. ;

Après avoir entendu les parties en leurs explications, sur leurs demandes de renvoi, aux audiences des 2 et 9 décembre 2002, et sur le fond, à l’audience du 6 janvier 2003, la décision ayant été mise en délibéré à l’audience de ce jour.

La discussion

Sur les faits :

Des passages du livre de M. V. ont fondé une poursuite intentée par l’association demanderesse, qui a abouti à un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre en date du 5 mars 2002 condamnant pour diffamation publique MM. P. et V., en qualité respective d’auteur et de complice, ainsi que la société des éditions Carnot. Les prévenus et le civilement responsable étaient par ailleurs condamnés à verser à l’association partie civile des sommes à titre de dommages-intérêts et sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc. Cette condamnation a été, pour l’essentiel, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Versailles en date du 18 septembre 2002.

Cet arrêt est frappé de pourvoi.

Ce livre est proposé à la vente sur le site internet « amazon.fr ».

Sur la recevabilité de l’action :

Il résulte des pièces produites, et notamment des statuts de l’association demanderesse, que cette dernière, régulièrement déclarée en France, adopte l’objet social de l’Association internationale des Lions Clubs, assure la « gestion des œuvres et activités communes au district multiple 103 France » et englobe l’ensemble des « districts (du territoire métropolitain) français constitués en association ».

Dans ces conditions, l’intérêt de cette association à agir pour la défense des intérêts du Lions Club n’est pas sérieusement contesté par les défendeurs. La fin de non-recevoir soulevée par MM. P. et V. doit être rejetée.

Sur l’accord intervenu :

Il résulte des débats que l’association demanderesse et M. D. sont parvenus à un accord dont les conseils de ces deux parties ont exposé les stipulations dans des termes identiques : M. D. s’engage, en sa qualité de directeur de la publication d' »amazon.fr », à supprimer les commentaires des internautes relatifs au livre, ainsi que les sous-titres de cet ouvrage « malversations, sectarisme, pressions … » ; le Lions Club se réserve le droit, après l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, de demander le retrait pur et simple du livre du site « amazon.fr », cependant que M. D. se réserve le droit, dans l’hypothèse inverse, de reprendre la présentation du livre sur son site, telle qu’elle existait avant la présente ordonnance.

Dans ces conditions, l’association demanderesse renonce à ses prétentions visant M. D.

Il y a lieu de donner acte à ces parties de l’accord ainsi intervenu entre elles et à l’association demanderesse de ce qu’elle ne forme plus de demandes contre M. D.

Sur la demande de cessation immédiate de la diffusion du livre :

L’association demanderesse, qui accepte que la diffusion du livre incriminé se poursuive sur le site internet « amazon.fr », n’établit pas que la poursuite de la diffusion de cet ouvrage par d’autres moyens constituerait un trouble manifestement illicite que le juge des référés serait compétent pour faire cesser, en application des dispositions de l’article 809 du ncpc.

Par ailleurs, et en tout état de cause, l’éventuel caractère manifestement illicite de cette diffusion ne pourrait être lié qu’à l’existence d’une diffamation, qui n’a pas été constatée de façon définitive par le juge pénal, compte-tenu du pourvoi en cassation frappant l’arrêt de la cour d’appel de Versailles.

Dans ces conditions, il ne saurait y avoir lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande reconventionnelle formée par M. V. :

En application des dispositions de l’article 808 du ncpc, le juge des référés ne peut accorder de provision que si l’obligation n’est pas sérieusement contestable. M. V. n’établit cependant pas que la référence faite par l’association demanderesse à des condamnations pénales qu’il estime amnistiées mettrait à la charge de cette association une obligation à réparation présentant ce caractère.

Il doit, en effet, être relevé que, quoique rendu postérieurement à la publication de la loi du 6 août 2002 portant amnistie, l’arrêt de la cour d’appel de Versailles ne tire aucune conséquence de l’entrée en vigueur de ce texte, et qu’il est, de surcroît, frappé d’un pourvoi en cassation ; qu’en tout état de cause, l’association demanderesse est, au sens de l’article 133-10 du code pénal, un tiers aux droits duquel l’amnistie ne peut préjudicier.

Dans ces conditions, compte-tenu de ces contestations sérieuses, soulevées à juste titre par l’association demanderesse, il ne saurait non plus y avoir lieu à référé sur cette demande.

Sur les autres demandes :

L’association demanderesse fonde sur l’existence de propos diffamatoires sa réclamation au titre de dommages-intérêts, qui ne subsiste que contre MM. V. et P. Il a déjà été statué sur une demande similaire dans le jugement et l’arrêt rappelés ci-dessus. Il n’y a donc lieu à référé sur cette demande, l’obligation dont se prévaut l’association se heurtant, pour cette raison, à une contestation sérieuse.

Il n’y a lieu, en équité, à prononcer de condamnations sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc au profit de quiconque.

Chaque partie conservera la charge de ses dépens.

La décision

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

. Rejetons la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de l’association dite District Multiple 103 France du Lions International ;

. Disons recevable l’action de cette association ;

. Donnons acte à l’association dite District Multiple 103 France du Lions International et à M. D., directeur de la publication d' »amazon.fr », de l’accord intervenu entre eux aux termes duquel M. D. s’engage, en sa qualité de directeur de la publication d' »amazon.fr », à supprimer les commentaires des internautes relatifs au livre, ainsi que les sous-titres de cet ouvrage « malversations, sectarisme, pressions … », l’association dite District Multiple 103 France du Lions International se réserve le droit, après l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, de demander le retrait pur et simple du livre du site « amazon.fr », cependant que M. D. se réserve le droit, dans l’hypothèse inverse, de reprendre la présentation du livre sur son site, telle qu’elle existait avant la présente ordonnance ;

. Constatons que l’association dite District Multiple 103 France du Lions International ne forme plus de demandes contre M. D. ;

. Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes principales ou reconventionnelles ;

. Renvoyons les parties à se pourvoir au principal ;

. Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du ncpc au profit de quiconque ;

. Disons que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Le tribunal : M. Bonnal (vice président)

Avocats : SCPA Pericaud & Associés, Me Ludo, Me Lovells

 
 

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