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Jurisprudence : Diffamation

jeudi 22 juillet 2004
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Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 9 juillet 2004

Groupama / Gérard D., Free

diffamation - hébergement - site - suspension

Vu l’autorisation d’assigner en référé à heure indiquée délivrée par ordonnance rendue sur requête par le magistrat délégué par le président de ce tribunal le 14 juin 2004 ;

Vu l’assignation qu’a fait délivrer, en suite de cette autorisation, par actes en date du 18 juin 2004, la société Groupama à Gérard D. et à la société Free, par laquelle il nous est demandé, au visa des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 et 809 du ncpc, de dire que les défendeurs sont coauteurs d’actes de diffamation visant la demanderesse, de leur ordonner sous astreinte de 5000 € par jour de retard de faire cesser la diffusion des contenus illicites du site accessible par les noms de domaine groupama.escroc.free.fr, groupama.pas.fiable.free.fr et groupama.vous.ruine.free.fr, d’ordonner, sous la même astreinte, à la société Free de supprimer ces trois adresses internet, de condamner solidairement les défendeurs à payer un euro au titre du préjudice subi, ainsi que la somme de 3500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc et aux dépens, incluant les frais et honoraires d’un constat d’huissier en date du 19 avril 2004 ;

Vu l’absence de comparution de Gérard D., cité à personne, et les dispositions de l’article 474 du ncpc ;

Vu les conclusions déposées à l’audience par la société Free, qui demande qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle était fondée à suspendre l’accès aux sites litigieux et qu’elle transformera cette suspension en fermeture définitive (ce qui entraîne la suppression des noms de domaine), si nous le décidons, et poursuit la condamnation de Gérard D. à lui payer la somme de 1200 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

Vu les observations orales du conseil de la société Groupama, qui indique, dans ces conditions, ne maintenir les demandes formées dans son assignation que contre Gérard D. ;

Après avoir entendu les conseils des parties représentées à l’audience du 5 juillet 2004 et les avoir avertis que la présente décision, mise en délibérée, serait rendue le vendredi 9 juillet suivant ;

DISCUSSION

Il résulte des termes de l’assignation et du constat d’huissier dressé le 19 avril 2004, qui lui est annexé, que les adresses internet mentionnées ci-dessus conduisent à une page unique, dont le contenu est reproduit, pour l’essentiel, dans l’acte introductif d’instance et, intégralement, dans le constat.

Ces propos, combinés avec les trois adresses sous lesquelles ils sont accessibles – et qui associent notamment le nom de la société demanderesse à l’auteur habituel d’une infraction pénale et à la ruine de ses adhérents – imputent à cette société la commission de nombreux délits (soustraction de preuves, faux et usage, violation du secret professionnel, corruption, y compris de magistrats) et de faits contraires à la morale des affaires comme à l’intérêt de ses sociétaires.

Ces imputations sont contraires à l’honneur et à la considération d’une société commerciale et constituent donc, comme le fait valoir à juste titre la société Groupama, une diffamation à son égard.

L’éditeur du service de communication en ligne accessible sous les trois adresses susvisées est Gérard D., dont il n’est pas prétendu qu’il éditerait ce service à titre professionnel et qui a, cependant, allant au delà des obligations qui lui étaient imposées par l’article 43-10 de la loi du 30 septembre 1986, alors applicable, fait figurer sur ses sites ses nom, prénom et domicile.

Il n’a, cependant, pas offert de prouver la vérité des faits diffamatoires, quoiqu’un délai compatible avec les règles de l’article 55 de la loi sur la liberté de la presse se soit écoulé entre la délivrance de l’assignation et l’audience, et ne fait pas davantage valoir sa bonne foi.

La société Groupama a retiré toutes ses demandes contre la société Free, hébergeur de ces sites, laquelle en a, en application des dispositions nouvelles de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, suspendu l’accès.

Il y a lieu, en raison de leur caractère globalement diffamatoire à l’encontre de la société Groupama, d’ordonner à Gérard D., contre qui seul les demandes sont encore formulées, de cesser la diffusion du contenu des sites accessibles par les adresses groupama.escroc.free.fr, groupama.pas.fiable.free.fr et groupama.vous.ruine.free.fr et de supprimer les dites adresses, elles-mêmes diffamatoires.

A titre provisionnel, Gérard D. sera condamné à payer à la société Groupama un euro à valoir sur le préjudice de cette dernière.

Il y a lieu, en équité, de condamner Gérard D., qui supportera seul les dépens, à payer à la société demanderesse la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles engagés par elle pour agir en justice.

La demande présentée par la société Free contre une partie non comparante, sans respecter les formes requises pour l’introduction de l’instance, est irrecevable en application des dispositions de l’article 68 du ncpc.

DECISION

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

. Donne acte à la société Free de ce qu’elle a suspendu l’accès aux sites et adresses groupama.escroc.free.fr, groupama.pas.fiable.free.fr et groupama.vous.ruine.free.fr et de ce qu’elle s’est déclarée prête à transformer cette suspension en fermeture ;

. Donnons acte à la société Groupama de son désistement à l’égard de la société Free ;

. Ordonnons à Gérard D. de faire cesser la diffusion des sites accessibles par les adresses groupama.escroc.free.fr, groupama.pas.fiable.free.fr et groupama.vous.ruine.free.fr et de supprimer les dites adresses ;

. Condamnons Gérard D. à payer à la société Groupama un euro à titre de provision à valoir sur son préjudice et la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

. Disons irrecevable la demande présentée par la société Free contre Gérard D. sur ce même fondement ;

. Condamnons Gérard D. aux dépens, lesquels comprendront les frais du constat d’huissier dressé le 19 avril 2004.

Le tribunal : M. Nicolas Bonnal (vice président)

Avocats : Me Olivier Iteanu, Me Yves Coursin

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.