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Jurisprudence : Contenus illicites

mercredi 05 janvier 2000
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Tribunal de Grande Instance de Paris, 17ème chambre, 3ème section, chambre de la presse Jugement du 5 janvier 2000

Arièle A. née R. / Tati SA

atteinte à la vie privée - contenus illicites - délit d'injure publique - droit à l'image

Faits et procédure

Par exploit du 18 septembre 1998, Madame Arièle A. a fait assigner devant ce tribunal la société Tati, pour avoir diffusé son image sans son autorisation, sur internet, et en lui attribuant le surnom de « Tata Tati », à des fins publicitaires.

Madame Arièle A. expose que la défenderesse a, certes, modifié son site, depuis le 28 juillet 1998, date de son assignation devant le juge des référés de ce tribunal.

Elle ajoute cependant que cette dénomination ridicule, ajoutée à la diffusion sur le net de son image animée faisant un clin d’œil racoleur, lui ont causé un préjudice professionnel important, dans le milieu fermé de la confection de robes de mariée auquel elle appartient depuis toujours.

Elle sollicite, dès lors, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de la société Tati à lui payer la somme de 300 000 F, à titre de dommages-intérêts, ainsi que la somme de 20 000 F sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Ncpc, et à payer les entiers dépens de l’instance avec application de l’article 699 du même code.

La société Tati fait valoir en défense que Madame Arièle A. a été embauchée, à compter du 4 mars 1997, en qualité d’acheteuse, et qu’elle a occupé en dernier lieu les fonctions de chef de produits pour les « articles mariées », en raison d’une solide expérience dans le domaine de la confection de la robe de mariée.

Elle ajoute que Madame Arièle A. a été approchée lors de la conception du site Tati sur internet et a, à cette occasion, volontairement remis une de ses photos, en vue d’illustrer et de personnaliser la rubrique « mariage » de ce site et plus particulière un texte intitulé « Conseils Tati mariage ».

La société Tati soutient, par ailleurs, que la désignation de la demanderesse sous le nom de « Tata Tati » ne pourrait en tout état de cause que constituer le délit d’injure publique envers un particulier prévu et réprimé par l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 et prétend ainsi que la citation délivrée par Madame Arièle A. est nulle.

Elle estime, en outre, que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil, dans la mesure où la demanderesse ne rapporte pas la preuve qu’elle est l’auteur de ce texte.

La défenderesse conclut ainsi au débouté des demandes de Madame Arièle A..

A titre subsidiaire, elle relève que la demande en dommages-intérêts est excessive et ne correspond pas à la réalité du préjudice.

La société Tati sollicite enfin la condamnation de Madame Arièle A. à lui verser la somme de 30 000 F au titre des dispositions de l’article 700 du Ncpc, et à payer les entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du même code.

Discussion

Sur l’atteinte au droit à l’image de Madame Arièle A.

Attendu que toute personne dispose sur son image d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à la publication de celle-ci sans son autorisation ;

Qu’en l’espèce, il est constant que la photographie litigieuse n’a pas été prise à l’insu de l’intéressée, qui a volontairement remis à son employeur une petite photo la représentant, en n’ignorant pas qu’elle serait utilisée en vue d’illustrer le nouveau site internet de la société Tati, ainsi qu’il appert des différentes attestations versées au dossier ;

Que Madame Arièle A. ne peut, dès lors, remettre en cause ni le principe même de l’utilisation de cette photo, ni le procédé de cadrage, qui réduit certes mais ne déforme aucunement ses traits ;

Que son consentement n’impliquait pas, cependant, l’autorisation de diffuser ce cliché, en animant son visage, par un procédé informatique, lui faisant faire des clins d’œil au-dessus d’un texte intitulé  » Les conseils d Tata Tati « , ainsi qu’il résulte des pièces régulièrement versées aux débats, et qui laisse clairement apparaître que son image a été travaillée, au moyen d’une technique de numérisation ;

Que la présence de ce clin d’œil autorise, dès lors, Madame Arièle A. à faire valoir que la société Tati a outrepassé son autorisation, en faisant d’elle un personnage aguicheur, étant observé que ce moyen n’appelle aucun commentaire de la part de la défenderesse dans ses écritures ;

Qu’en outre, l’association du sobriquet  » Tata Tati « , à l’animation incriminée, renforce le côté dévalorisant de la prestation de Madame Arièle A., sans pour autant être assimilable à une injure, ainsi que le prétend la société Tati ;

Qu’en outre, cette dernière ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’en est pas l’auteur, alors qu’elle produit aux débats une facture émanant de la société Mediaquest Multimedia établissant qu’elle est seule à l’origine de la conception et de la réalisation du site litigieux sur internet ;

Attendu que les fautes de la société Tati sont ainsi caractérisées et l’obligent à réparer l’atteinte au droit à l’image de la demanderesse ;

Sur le préjudice de Madame Arièle A.

Attendu que la photo de Madame Arièle A. été retirée du site de la société Tati, suite à la procédure de référé introduite par la demanderesse ;

Qu’il n’est pas contesté qu’environ 2 300 personnes ont pu consulter ce site avant sa modification ;

Qu’il est, par ailleurs, acquis aux débats que Madame Arièle A. appartient, ainsi que sa famille, au milieu de la confection spécialisée dans la robe de mariée et que c’est en raison de sa connaissance de ce milieu et des relations qu’elle a pu y entretenir que la société Tati lui a proposé de travailler pour elle ;

Que son apparition sur un site internet spécialisé dans la robe de mariée, sous le nom de  » Tata Tati  » et en faisant, de surcroît, des clins d’œil aux internautes, lui a donc causé un préjudice certain qui sera justement réparé à hauteur de 30 000 F ;

Sur l’exécution provisoire

Attendu que les circonstances de l’espèce commandent l’exécution provisoire de la présente décision qui n’est pas incompatible avec la nature du litige ;

Sur les frais irrépétibles

Attendu que les conditions d’application des dispositions de l’article 700 du Ncpc sont réunies en faveur de Madame Arièle A.;

Qu’il convient dès lors de condamner la société Tati à payer à la demanderesse la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Sur les dépens

Attendu que la société Tati succombant dans ses prétentions, elle sera condamnée aux entiers dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du Ncpc.

La décision

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire susceptible d’appel :

. condamne la société Tati à payer, en réparation de son préjudice à Madame Arièle A., la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts ;

. ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;

. condamne la société Tati à payer à Madame Arièle A. la somme de 10 000 F en application des dispositions de l’article 700 du Ncpc ;

. condamne la société Tati à supporter les entiers dépens.

Le tribunal : Mme Sauteraud (juge F.F. de président), Mmes Pulver et Mongarden (juges).

Avocats : Mes Jacques Schecroun et Stéphane Lilti.

 
 

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