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mardi 21 novembre 2017
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Le sabotage allégué des sources par un ex-salarié doit être prouvé par une expertise contradictoire

 

Même quand on pense qu’un ex-salarié est parti en rendant les sources des logiciels de l’entreprise inexploitables, l’expertise destinée à prouver les faits doit être contradictoire. Par un arrêt du 30 mars 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait constaté la nullité de l’expertise et avait prononcé la rétractation de l’ordonnance sur requête. Par un arrêt du 16 novembre suivant, la même cour d’appel a infirmé l’ordonnance de référé qui avait condamné l’ex-salarié à restituer les codes sources dont il était suspecté de les avoir rendu illisibles, ou faute d’en avoir une copie, à effectuer toute procédure utile pour les rendre lisibles. Par cette seconde décision, les juges d’appel ont également rejeté les éléments fournis dans un rapport d’expertise privée car ils n’avaient pas été établis au contradictoire de l’ex-salarié. Pour la cour, « les développements contradictoires des parties sur des faits faisant appel à des technologies complexes ne permettent pas au juge des référés, juge de l’évidence, de caractériser l’existence d’un trouble manifestement illicite, de sorte que M. X. ne peut être contraint à procéder à des opérations de “remise en état” des logiciels en cause. ».
Un ingénieur qui avait travaillé pour la société Kappa Engineering au développement de ses logiciels s’était vu reprocher, postérieurement à son licenciement, d’avoir saboté les codes sources. L’ingénieur qui lui avait succédé s’était rendues compte qu’une partie des sources manquait et que celles qui restaient avait été rendu, selon lui, illisibles par obfuscation ou obscurcissement. Kappa Engireeing qui projetait de commercialiser les logiciels litigieux s’était tourné vers le TGI de Grasse pour obtenir une ordonnance sur requête en vue de la désignation d’un expert, la procédure non contradictoire étant justifiée par l’urgence de la commercialisation des logiciels. La mission de l’expert était cantonnée aux locaux de l’entreprise et aux éléments techniques du dossier, en dehors de la présence de l’ex-salarié. La cour a cependant estimé que « l’ordonnance en date du 1er février 2016 rendue sur requête ne comporte aucun motif relatif à la nécessité impérative de recourir à expertise non contradictoire, sauf à devoir considérer que le risque imminent de mise en échec de la commercialisation de ces logiciels autorisait une dérogation au principe de la contradiction afin d’obtenir dans un délai rapide une expertise, alors que l’urgence n’est pas un critère suffisant pour contrevenir au principe fondamental de la contradiction ». Selon la cour, « la mission in fine était très orientée afin explicitement de recueillir des éléments à charge contre [le salarié], aurait pu entendre les propres commentaires techniques [de ce dernier] qui aurait pu répondre aux interrogations de l’expert ». La cour a donc annulé le rapport d’expertise judiciaire et a infirmé l’ordonnance de référé du 6 juillet 2016 qui avait refusé de prononcer la rétractation de l’ordonnance sur requête.
Par ailleurs, Kappa Engireeing avait assigné en référé son ex-salarié afin qu’il soit condamné à restituer les codes, sans obfuscation ou, à défaut d’avoir conservé une copie, de rendre lisibles les sources détenues par la société. Ce qui va être ordonné par le tribunal, malgré l’absence du développeur à l’audience. La cour a cependant estimé que les nouvelles pièces (constat d’huissier et rapport d’un consultant) produites par la société n’étaient de nature ni à établir un dommage imminent, d’autant que le salarié nie les faits reprochés, ni un trouble manifestement illicite justifiant la mesure d’intervention de ce dernier, vu que sa responsabilité n’est nullement démontrée. La cour constate en effet que les accusations à l’encontre de l’ex-salarié s’appuient sur un constat d’huissier portant sur les analyses effectuées le même jour par un expert privé. Pour la cour, son rapport ne peut pas avoir la valeur de celui d’une expertise contradictoire. En conséquence, elle infirme l’ordonnance de référé.