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Jurisprudence : Logiciel

mardi 06 mai 2014
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Cour d’appel de Montpellier, 2ème Chambre, arrêt du 6 mai 2014

Alix / Codix

apport - définition - droit d'auteur - originalité - preuve - protection

Décisions déférées à la Cour : Jugement du 09 JUIN 2009

Tribunal de grande instance de Grasse – Arrêt du 11 mai 2011 Cour d’appel d’Aix en Provence – Arrêt du 17 octobre 2012 Cour de cassation

ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Hervé Chassery, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, et par Madame Sylvie Sabaton, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE ‘ MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Un contrat intitulé « location de licence de progiciel, de vente de services et de logiciels » daté du 11 décembre 1992, a été signé les 21 et 25 janvier 1993 entre la société Cofief, et la société Mnemo devenue la société Applications et logistiques sur informatique expert (la société Alix), prestataire de services informatiques, fondée par les huissiers de justice associés de la SCP Houy-Tosello-Van Sant.

Les 18 et 23 décembre 1998, ce contrat a été annulé et remplacé à compter du 1er janvier 1999, par un contrat de vente des licences du logiciel HX/CRX et de service global (maintenance et adaptation du progiciel) nº 06008S, conclu entre la société Cofief (éditeur du progiciel), la société Compagnie de distribution informatique expert (la société Codix) et la société Alix.

Le 8 février 1999, la société Alix a conclu un contrat de prestations informatiques avec la SCP d’huissier de justice Tosello-Van Sant-Lilamand-Tosello (devenue SCP Tosello et Lilamand), dans lequel il est précisé que « la société Alix bénéficiaire d’une licence d’utilisation d’un logiciel dit « expert » permettant le traitement informatique de divers procédés de recouvrement de créances diligentés par les huissiers de justice ou certaines entreprises spécialisées dans le recouvrement, concédée le 23 décembre1998, par la société Cofief, éditeur du logiciel, a acquis de la société Codix divers matériels et systèmes nécessaires à l’exploitation de celui-ci ». La société Alix s’est engagée à assurer la logistique complète du système d’informations mis à la disposition du client et à assurer les traitements, la gestion et les mises à jour des informations enregistrées pour le compte de la SCP d’huissiers.

En décembre 1999, maître Van Sant a quitté la SCP et la profession d’huissier de justice pour reprendre seul le capital social de la société Alix.

Le 3 juillet 2000, la société Cofief a facturé à la société Codix le logiciel CRX/IMX/HX (« codes sources pratiquement non documentés ») avec toute la propriété y compris intellectuelle et marque’, au prix de 4 900 000 francs HT. Une autre facture éditée le 30 novembre 2000 porte sur un autre logiciel dénommé « Java Ed », au prix de 1 020 000 francs HT.

Le fonds de commerce de la société Alix a été donné en location-gérance avec promesse de vente à la société Portalis Gestion, en cours d’immatriculation, par acte sous seing privé du 30 août 2000 stipulant, notamment, que la première société « étaitliée par divers contrats avec les sociétés Codix et Cofief, en l’occurrence un contrat de vente de licence de logiciels et de services ainsi qu’un contrat de maintenance, faisant l’objet d’une résiliation unilatérale judiciairement contestée par la société Alix ».

Le 5 septembre 2000, la société Codix a conclu avec la société Portalis Gestion, en cours d’immatriculation, représentée par M. Hot, un contrat dit de ventes de licences et de services nº 06010, portant sur le logiciel CRX/HX, précisant que la société Cofief est en cours d’absorption par la société Codix.

Le 7 septembre 2000, les sociétés Codix et Portalis Gestion ont signé une annexe intitulée « contrat de service global (assistance et maintenance).

Le 7 septembre 2000, un protocole d’accord amiable et transactionnel a été signé entre la SCP Houy-Tosello-Lilamand-Tosello, les sociétés Codix, Cofief et la société Portalis Gestion, en cours d’immatriculation, aux termes duquel les sociétés Codix et Cofief se sont engagées, suite à la résiliation du contrat de maintenance Alix/Codix-Cofief consécutive à la location gérance du fonds de commerce, à signer un nouveau contrat (en annexe), avec la société Portalis Gestion « constituant la prolongation logique du contrat qui les liait à la société Alix », et la société Portalis Gestion s’est engagée à poursuivre les contrats en cours liant la société Alix à la SCP d’huissiers de justice. Celle-ci a déclaré renoncer à poursuivre les procédures judiciaires en cours « à condition que le problème dit de « l’écart comptable » généré par le logiciel HX soit résolu avant le 15 octobre 2000 ».

La société Portalis gestion, devenue en 2001 la société Alix services et développement a acquis, par acte sous seing privé du 20 décembre 2001, le fonds de commerce de la société Alix. Il est notamment stipulé dans cet acte que la résiliation du contrat de vente de licences conclu le 18 décembre 1998 entre la société Alix et les sociétés Cofief et Codix fait l’objet d’un contentieux judiciaire et qu’un contrat de même nature a été signé le 5 septembre 2000 avec la société Alix services et développement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mai 2006, la société Codix a demandé à la société Alix Services et développement de lui payer les droits d’utilisation du logiciel IMX, en précisant qu’elle venait de constater que cette dernière l’exploitait, sans licence d’utilisation.
Par lettre du 21 juillet 2006, la société Codix a mis en demeure la SCP Houy-Tosello-Lilamand de justifier l’acquisition de licences d’utilisation du logiciel IMX.
Autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Grasse du 11 juillet 2007, la société Codix a fait pratiquer le 17 juillet 2007 une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Alix services et développement et ceux de la SCP Tosello-Lilamand.

Se prévalant des droits d’auteur sur le logiciel dénommé CRX/HX puis IMX, et considérant que la société Alix services et développement exploitait ledit logiciel sans son autorisation, la société Codix l’a faite assigner en contrefaçon aux côtés de la SCP Tosello-Lilamand, selon exploit du 30 juillet 2007 et en paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 9 juin 2009, le tribunal a notamment :
– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture du 19 janvier 2009 ;
– déclaré recevables les conclusions signifiées le 3 février 2009 par la SCP Tosello-Lilamand ;
– fixé la nouvelle clôture à la date de l’audience de plaidoiries avant débats ;
Vu les articles L. 122-6 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Vu l’article 9 du code de procédure civile et l’article 1315 du code civil ;
– déclaré la société Alix services et développement responsable de contrefaçon sur le ogiciel IMX au préjudice de la société Codix ;
– déclaré la SCP Tosello-Lilamand, responsable de contrefaçon sur le logiciel IMX au préjudice de la société Codix ;
– débouté la société Codix de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
– ordonné à la société Alix services développement et à la SCP Tosello-Lilamand, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter pour la première, du lendemain de la mise à disposition au greffe de la présente décision et pour la seconde, à l’issue d’un délai de 30 jours de :
*cesser toute utilisation du logiciel IMX,
*supprimer de tous leurs ordinateurs le logiciel IMX,
*remettre à la société Codix toute documentation afférente au logiciel IMX tant en original qu’en copie ;
– débouté la société Codix de sa demande tendant à la publication du jugement, sous astreinte, dans des revues spécialisées nationale et régionale ;
– débouté la société Alix services et développement de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
– dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande reconventionnelle de la société Tosello-Lilamand tendant à être relevée et garantie par la société Alix des condamnations prononcées à son encontre ;
– débouté la société Tosello-Lilamand de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamné la société Alix services et développement et la société Tosello-Lilamand à verser chacune à la société Codix la somme de 4 000 euros, sur le fondement de ‘article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les sociétés défenderesses de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté le surplus des demandes ;
– condamné la société Alix services et développement et la société Tosello-Lilamandaux dépens de l’instance.
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La société Alix services et développement a interjeté appel du jugement le 22 juillet 2009 et la société Codix, le 20 août 2009.
Suivant arrêt en date du 11 mai 2011, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé le jugement en ce qu’il a débouté la société Codix de sa demande en paiement de dommages et intérêts et en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de la SCP Tosello-Lilamand, tendant à être relevée et garantie par la société Alix, et l’a confirmé pour le surplus. Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, la cour d’appel a condamné in solidum les sociétés Alix services et développement et la SCP Tosello-Lilamand à payer à la société Codix, la somme de 20 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon ainsi qu’une indemnité de procédure de 5 000 euros. La société Alix services et développement a été condamnée à relever et garantir la SCP Tosello-Lilamand de toutes condamnations.
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La société Alix services et développement a formé un pourvoi en cassation.

La première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 11 mai 2011, entre les parties par la cour d’appel d’Aix-en-Provence et remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le dit arrêt, aux motifs que :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 112-1 et L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Compagnie de distribution informatique expert (Codix) affirmant être titulaire des droits d’auteur sur un logiciel dénommé CRX/HX, puis IMX, et soutenant que la société Alix services et développement, venant aux droits de la société Alix, à laquelle elle avait initialement consenti une licence d’utilisation de ce logiciel, exploitait celui-ci sans son autorisation, l’a fait assigner en contrefaçon aux côtés de la société d’huissiers de justice Tosello et Lilamand, liée à cette dernière par un contrat de prestations informatiques ;

Attendu que pour retenir le grief de contrefaçon, l’arrêt énonce que le logiciel en cause est original « car apportant une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice » ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher en quoi les choix opérés témoignaient d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui avait élaboré le logiciel litigieux, seuls de nature à lui conférer le caractère d’une oeuvre originale protégée, comme telle, par le droit d’auteur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; (‘).

Désignée comme juridiction de renvoi, la cour d’appel de ce siège a été saisie par la déclaration remise au greffe de la cour par le conseil de la société Alix Services et développement le 8 février 2013.
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La société Alix services et développement a conclu à l’infirmation du jugement, sauf en ce qu’il a débouté la société Codix de ses demandes indemnitaires. Elle invoque le défaut de droit d’agir de la société Codix et l’irrecevabilité des pièces non communiquées simultanément avec les premières conclusions du 3 avril 2013 (pièces nº1 à 32). Elle sollicite l’annulation de la saisie contrefaçon pratiquée le 17 juillet 2007 et demande que les procès-verbaux y afférents soient écartés des débats (pièces nº12 et 19 de la société Codix). En tout état de cause, elle demande que la société Codix soit déboutée de ses demandes et qu’elle soit condamnée à lui payer la somme de 750 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice commercial et moral subi du fait de l’action engagée à son encontre, outre une somme de 55 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :
-la société Codix qui ne justifie pas de la réalisation effective de la fusion- absorption avec la société Cofief ni de la reprise des éléments d’actif de cette société comprenant les prétendus droits sur la solution logicielle HX/CRX, est dépourvue du droit d’agir en contrefaçon ;
-la société Codix ne rapporte pas la preuve lui incombant de l’originalité du logiciel IMX et de ses éléments ni que l’architecture de celui-ci est celle du logiciel HX/CRX prétendument développé par la société Cofief, 15 ans avant la saisie-contrefaçon ;
-la société Codix ne fournit aucune décomposition du logiciel de l’époque en identifiant les éléments originaux, c’est-à-dire ceux qui ne correspondent pas à des normes contraignantes ou de des passages obligés en matière de programmation ;
-le caractère innovant du logiciel qui aurait été développé par la société Cofief, outre le fait qu’il n’est pas démontré, est, en tout état de cause, indifférent puisque le critère de nouveauté ne se confond pas avec le critère d’originalité ;
-si la cour considère que le logiciel HX/CRX renommé IMX (version 2000) est protégeable par le droit d’auteur, la société Codix n’en est ni titulaire ab initio ni cessionnaire ; la présomption qu’en sa qualité d’exploitante du logiciel, elle en serait l’auteur doit être renversée car celui-ci aurait été conçu et édité par la société Cofief en 1992, alors que la société Codix n’a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés que le 14 octobre 1993, le dépôt en 2003, non justifié, auprès de l’agence pour la protection des programmes (APP), n’est pas constitutif de droit ;
-la société Codix ne peut donc pas fonder son action sur l’article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que le droit d’exploitation appartient à l’auteur d’un logiciel ni sur l’article L.131-3 du même code qui ne s’applique pas aux contrats de licences ( dont la preuve relève du régime de droit commun) et qui ne bénéficie qu’aux personnes physiques au titre des seuls contrats consentis par l’auteur dans l’exercice de son droit d’exploitation et non aux contrats que peuvent conclure les cessionnaires avec les sous-exploitants ;
-de plus, le litige concerne une concession de licence d’exploitation et non la cession de droits d’auteur ;
-les opérations de saisie-contrefaçon qui se sont déroulées de manière irrégulière doivent être sanctionnées par la nullité, étant rappelé que ne s’agissant pas d’une exception de procédure, au sens de l’article 73 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de justifier d’un grief et de l’invoquer avant toute défense au fond ;
-l’huissier instrumentaire n’a pas signifié la minute de l’autorisation de saisie-contrefaçon mais une copie, ce qui vicie la procédure comme n’étant pas conforme aux articles 495 et 503 du code de procédure civile ; il ne lui a pas laissé un temps suffisant avant le début des opérations pour prendre connaissance de la requête et de l’ordonnance et était accompagné d’un prétendu expert, qui ne figure sur aucune liste d’experts ;
-à défaut de prouver le moindre acte de contrefaçon, compte tenu de la nullité des opérations de saisie contrefaçon, la société Codix sera déboutée de ses demandes ;
-la teneur du protocole d’accord du 7 septembre 2000 démontre que la société Codix savait que la société Alix services et développement et la SCP Tosello-Lilamand utilisaient le logiciel en cause puisqu’elle s’est engagée à signer un nouveau contrat
venant en prolongation logique du contrat qui la liait avec la société Cofief à la société Alix et que M. Hot, représentant la société Portalis Gestion, s’est engagé à poursuivre les contrats en cours liant la société Alix à la SCP d’huissiers ;
-la version du logiciel IMX installée dans les ordinateurs a été fournie et installée par la société Codix, en exécution du contrat nº 06010 du 5 septembre 2000 ;
-les conditions générales de ce contrat prévoient une obligation à la charge de la société Alix de laisser la société Codix installer les nouvelles versions du logiciel et précisent que les logiciels restent la propriété des éditeurs, le contrat n’entraînant qu’un droit d’utilisation personnel et non cessible ;
-le contrat de maintenance conclu avec la société Codix s’applique nécessairement au logiciel puisque cette société n’a pas fourni de matériel ;
-ce contrat qui n’est pas limité à la fourniture de services de maintenance lui a accordé gratuitement une licence d’exploitation et d’utilisation du logiciel ainsi que l’établit la facture d’ajout de licence du 21 juin 2001 et aussi l’article 4 du contrat qui prévoit que « le logiciel CRX/HX et les fonctionnalités spécifiques donnés en licence, sont la propriété de la société Cofief en sa qualité d’éditeur, l’absorption de Cofief par Codix étant en cours » ;
-la concession d’une licence sur le logiciel de la société Cofief est confirmée par l’une des missions de la société Codix composant le contrat annuel de service global HX, soit « la livraison de nouvelles versions du logiciel HX de Cofief » ;
-les facturations émises entre le 12 septembre 2000 et le 7 août 2007 sont libellées ainsi : « facturation selon contrat en référence (06010) : maintenance et suivi dev ersions » ;
-l’installation de la nouvelle version du logiciel (IMX) lui a transmis un droit d’utilisation ;
-la société Codix ose soutenir qu’elle ignorait que la société Alix Services développement utilisait le logiciel IMX entre 2001 et 2006, alors que dans la même période elle en a assuré la maintenance ;
-la société Codix ne peut pas invoquer valablement qu’elle croyait que la société Alix Services développement avait acquis la licence de la société Alix, alors qu’elle rappelle que ses licences ne confèrent qu’un droit d’utilisation personnelle et ne sont pas cessibles ;
-le tribunal ne pouvait pas constater l’existence de prestations de maintenance du logiciel et d’implémentation de nouvelles versions, confirmées par les libellés « suivi des versions » et « évolution des programmes », exécutées par la société Codix et nier l’existence d’un droit d’usage sur le logiciel ;
-le tribunal a commis deux erreurs en déduisant l’absence d’autorisation d’exploiter le logiciel de l’absence d’écrit et de paiement d’une licence ;
-la société Codix n’a subi aucun préjudice, étant précisé qu’elle a été rémunérée pour la maintenance du logiciel et la mise à disposition de nouvelles versions ;
– la procédure initiée par cette société est abusive, car elle a conduit la société Tosello-Lilamand à rompre le contrat de prestations informatiques qu’elle avait conclu avec cette société, d’où une diminution conséquente du chiffre d’affaires, évaluée à 150 000 euros par an ; son préjudice commercial représente une somme de 750 000 euros.
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La société Compagnie de distribution informatique expert (Codix) a conclu à l’irrecevabilité des conclusions transmises respectivement par la société Alix Services et développement et la société Tosello-Lilamand, les 26 février et 4 mars 2014, à la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré ces sociétés responsables de contrefaçon sur le logiciel IMX à son profit et à sa réformation pour le surplus. Elle demande à la cour de condamner la société Alix Services et développement à lui payer la somme de 75 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour non-paiement des licences d’utilisation du logiciel IMX, la somme de 75 000 euros, au titre de la perte du chiffre d’affaires réalisé par l’exploitation du logiciel contrefait et 25 000 euros, au titre de son préjudice moral. Elle sollicite la condamnation de la SCP Tosello-Lilamand à lui payer la somme de 75 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour non-paiement du prix des licences d’utilisation du logiciel IMX, la somme de 350 000 euros, au titre de l’exploitation du logiciel contrefait et 150 000 euros, en réparation de son préjudice moral. Les deux sociétés seront déclarées solidaires du paiement des condamnations, compte tenu de leur complicité et de leur proximité. Elle demande que la cour ordonne, sous astreinte, la publication de la décision dans une revue juridique régionale et nationale et dans une revue informatique nationale, de son choix, et elle réclame le paiement d’une somme de 49 703,79 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :
-les dernières conclusions des intimées sont tardives et doivent être déclarées irrecevables, en application de l’article 15 du code de procédure civile ;
-le fait qu’elle n’ait pas communiqué ses pièces simultanément avec ses premières conclusions est sans incidence puisque l’article 906 du code de procédure civile ne prévoit aucune sanction et surtout ces dispositions ne sont pas applicables à la procédure de renvoi après cassation ; le principe du contradictoire a été respecté puisque les pièces ont été transmises, en temps utile, le 6 mai 2013 ;
-l’exception de nullité des saisies-contrefaçons soulevée 6 ans après le début de la procédure, constitue une prétention nouvelle irrecevable devant la cour de renvoi, d’autant que la procédure de saisie-contrefaçon en matière de propriété intellectuelle a subi une importante réforme et que la jurisprudence de 2013 ne saurait s’appliquer à des saisies pratiquées en 2007 ;
-de plus, aucune demande de mainlevée des saisies-contrefaçons, n’a été présentée sur le fondement des articles L. 332-2 et R. 332-3 du code de la propriété intellectuelle ; la forclusion est encourue ;
-à titre subsidiaire, l’exception de nullité aurait dû être soulevée avant toute défense au fond et il n’est justifié d’aucun grief ;
-les saisies-contrefaçons sont régulières ;
-en tout état de cause, les sociétés Alix services développement et Tosello-Lilamand n’ont jamais contesté l’utilisation du logiciel pendant plusieurs années puisqu’elles la revendiquent et essaient de la légitimer, ce qui rend sans effet l’éventuelle nullité des saisies-contrefaçons ;
-en première instance, sa qualité de titulaire de droits d’auteur sur le logiciel IMX n’a pas été remise en cause puisque dans des conclusions du 28 octobre 2008, la société Alix services et développement a expressément reconnu que cette qualité d’auteur n’était pas contestée ; ce n’est qu’en appel, que celle-ci a contesté un tel droit et son caractère protégeable ;
-la société Alix services et développement est d’autant plus incohérente qu’elle a reconnu dans ses écritures du 23 mai 2013, que son directeur, M. Hot (ancien directeur de la société Alix), par le passé directeur général unique de la société Cofief, avait participé à la conception du logiciel HX/CRX (devenu IMX) ; M. Hot a été en contact avec la société Codix jusqu’en 2007 ;
-si elle n’était pas titulaire des droits d’auteur sur le logiciel IMX, elle n’aurait pas pu, comme il est prétendu, concéder des licences d’utilisation ;
-il résulte des articles L. 111-1, 113-1 et 113-5 du code de la propriété intellectuelle et de la jurisprudence que l’exploitation paisible et non équivoque, sous le nom d’une personne morale, présume la titularité des droits patrimoniaux d’une oeuvre à l’égard des tiers recherchés en contrefaçon ;
-le logiciel IMX a été conçu, développé et commercialisé par les sociétés Cofief puis Codix, sans équivoque (cf. contrat de 1992 et protocole d’accord du 7 septembre 2000) ;
-la société Codix détenait 99,90 % des parts de la société Cofief au 31 décembre 2000 et du fait de la reprise des éléments d’actif de cette société, elle est titulaire des droits de cette dernière sur la solution logicielle HX/CRX/IMX ; la vente du fonds de commerce de la société Cofief à la société Codix a été dûment publiée et elle a acquis la propriété du logiciel, comme en atteste la facture du 3 juillet 2000 ;
-elle a déposé en 2003 auprès de l’agence pour la protection des programmes (APP) la version du logiciel IMX, nouvelle dénomination du logiciel HX/CRX, dont une licence avait été octroyée à la société Alix et elle n’a jamais cessé de développer et d’améliorer cette solution logicielle, afin de l’adapter aux besoins du marché, la commercialisant dans le monde entier ;
-ses demandes en contrefaçon sont recevables ;
-le logiciel IMX est éligible à la protection par le droit d’auteur, en vertu de l’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
-l’originalité est présumée en matière de logiciel et il appartient au défendeur à l’action en contrefaçon, qui entend contester l’éligibilité de démontrer l’absence d’originalité ;
-le logiciel a été élaboré dans le but de proposer une solution informatique adaptable, utilisant et intégrant les connaissances de divers domaines d’activité afin d’automatiser à terme son fonctionnement ; l’objectif était de donner à des utilisateurs non spécialistes du développement informatique ou des langages de programmation, la possibilité de configurer le logiciel à leur convenance, de manière à l’adapter au plus près à leur corps de métier ; ce logiciel est actuellement présent dans des domaines divers tels l’indemnisation, le recouvrement, le factoring et la vente en ligne ;
-la société Cofief puis elle-même ont ainsi développé une solution complète et innovante qui a fait l’objet d’une valorisation importante témoignant de sa compétitivité et de l’originalité de la gestion et du traitement mis en place lors de son développement ;
-elle justifie « d’un effort personnalisé » dépassant largement la réponse à de simples contraintes techniques (cf. le système expert offrant une gestion simplifiée sur la base d’un langage propriétaire) et d’un apport intellectuel par les réels choix stratégiques opérés au niveau de son développement et de ses modalités opérationnelles (fonctionnement par modules en temps réel permettant une adaptabilité inégalée) ; le caractère original du logiciel est justifié et fonde l’éligibilité au droit d’auteur ainsi que la protection ;
-la société Alix, seule détentrice des licences d’utilisation du logiciel, ne pouvait les céder ni les concéder aux sociétés Alix services développement et Tosello-Lilamand, ce que savaient pertinemment ces dernières; ces sociétés ont utilisé le logiciel pendant plus de 6 ans, sans pour autant avoir acquis ou souscrit les licences nécessaires à son utilisation ;
-le détenteur des droits sur un logiciel jouit d’un véritable monopole d’exploitation et la concession des droits ne se présume pas;
-le logiciel visé par les saisies-contrefaçons est le même que celui qu’elle a déposé à l’A.P.P.;
-le contrat de 1998 entre elle et la société Alix stipule expressément qu’il entraîne un droit d’utilisation personnel et non cessible; le contrat de location-gérance de 2000 entre cette société et la société Portalis Gestion, de même que la cession du fonds de commerce entre ces 2 sociétés du 20 décembre 2001 rappellent l’incessibilité des licences ;
-le contrat entre la société Alix et la SCP Tosello-Lilamand a été résilié en 2000, ce qui fait que la seconde ne disposait plus des droits nécessaires ;
-les sociétés Alix Services et développement et Tosello-Lilamand ne lui ont pas commandé de licences, acte qui doit être écrit, et qu’invoque, sans preuve, la première société ; seul un contrat de maintenance a été conclu ; le protocole de septembre 2000 n’a pas opéré expressément une quelconque concession de licence, ce qui fait que la cession ultérieure de 2001 n’a pu emporter aucune transmission des droits de la société Alix ; le contrat conclu entre la société Alix services et développement et elle-même ne contient aucun bon de commande relatif aux licences, correspondant à celles précédemment acquises par la société Alix ;
– le contrat de prestations de 1999 entre cette société et la SCP Tosello-Lilamand était clairement incessible, ce que ne pouvait ignorer la seconde, et ne comportait pas de bon de commande de licence ; il s’agissait de simples prestations informatiques ;
-de par leurs qualités de professionnelles, ni la société Alix services et développement ni la SCP Tosello-Lilamand, ne pouvaient ignorer contrevenir à ses droits ; la contrefaçon existe indépendamment de toute faute ou mauvaise foi ; la seconde société s’est abstenue d’acheter une nouvelle licence tout en plaçant le logiciel IMX au c’ur de son activité ; une société d’huissiers de justice a une parfaite connaissance des engagements qu’elle souscrit et a une obligation particulière de vigilance quant au respect des droits des tiers ; la première société a commandé uniquement des services de maintenance et non des licences ; ces 2 sociétés ont opposé le mutisme le plus absolu quand elle les a mises en demeure de justifier des licences d’utilisation ou de régulariser leur situation ;
-elle a subi un préjudice économique par comparaison avec le chiffre d’affaires indûment réalisé d’où un manque à gagner ; les sociétés Alix services et développement et Tosello-Lilamand ont exploité pendant des années le logiciel IMX sans payer les licences d’utilisation, dont le prix représente une somme de 75 000 euros HT ;
-elles ont tiré profit de l’exploitation du logiciel contrefait puisque la société Alix services développement argue d’un préjudice de 750 000 euros, au titre de la perte des prestations informatiques réalisées au profit de la société Tosello-Lilamand ; son préjudice doit être évalué à 10 % des chiffres d’affaires réalisés par les deux sociétés grâce à cette exploitation ;
-elle a également subi un préjudice moral compte tenu du nombre d’années de collaboration (7 ans) et des liens privilégiés entretenus avec les deux sociétés qui ont utilisé le logiciel, en sachant qu’elles ne disposaient d’aucun droit ;
-les demandes reconventionnelles sont d’autant plus injustifiées que c’est la société Alix services et développement qui a pris l’initiative de la rupture du contrat la liant à la SCP Tosello-Lilamand puisque dépourvue de droits sur le logiciel IMX, elle ne pouvait plus en assurer la maintenance et qu’on ne peut pas lui reprocher d’avoir agi abusivement en contrefaçon.
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* *
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La SCP Tosello-Lilamand a conclu à la réformation du jugement et à l’irrecevabilité des demandes de la société Codix faute pour elle de démontrer préalablement sa qualité d’auteur du logiciel HX/CRX rebaptisé IMX et/ou de titulaire et/ou de cessionnaire des droits d’auteur et de rapporter la preuve de l’originalité dudit logiciel. Elle demande à la cour de débouter la société Codix de ses demandes et de tirer toutes conséquences de droit de la nullité de la saisie-contrefaçon pratiquée le 17 juillet 2007. A titre subsidiaire, elle sollicite le rejet des demandes, à défaut de justifier d’une utilisation frauduleuse du logiciel IMX et des préjudices allégués. A titre très subsidiaire, elle demande à être relevée et garantie par la société Alix services et développement des condamnations éventuellement prononcées à son encontre. En tout état de cause, elle réclame le paiement d’une somme de 30 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, en application de l’article 32-1 du code de procédure civile et la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que :
-les faits en cause remontent à 1992 et concernent l’installation informatique de l’étude d’huissiers confiée à la société Alix, laquelle a eu recours à deux professionnels, la société Cofief pour les licences et le progiciel et la société Telebig, pour l’installation du matériel ;
-l’installation s’étant avérée défectueuse, un expert judiciaire a été sollicité et a préconisé une solution temporaire aux difficultés rencontrées, le 2 décembre 1995 ;
-par la suite, elle a conclu avec la société Alix un contrat de prestations de services informatiques, le 8 février 1999, permettant le traitement de divers procédés de recouvrement de créances diligentés par les huissiers de justice ou les entreprises spécialisées dans le recouvrement ; la société Alix bénéficiait d’une licence d’utilisation d’un logiciel dit expert concédé par la société Cofief (éditeur) et de matériels et systèmes acquis auprès de la société Codix ;
-à partir de l’année 2000, suite à des contentieux divers entre la société Alix et la société Codix, elle va se retrouver l’otage de son prestataire de services et des contractants de celle-ci, ce qui a engendré la paralysie de son étude puisque la maintenance du système utilisé n’a plus été assurée ; elle a mis en oeuvre des procédures de référé contre les sociétés Alix, Cofief et Codix afin que son système de gestion informatique soit rétabli et notamment, qu’il soit remédié au problème persistant de « l’écart comptable » ;
-un protocole d’accord a mis fin à ce contentieux le 7 septembre 2000 et, par la suite, la société Alix Portalis lui a notifié la poursuite du contrat la liant à la société Alix dans le cadre de la location gérance puis la cession à son profit du fonds de commerce de cette société, intervenue le 20 décembre 2011 ;
-elle a donc payé les factures à la société Alix services et développement qui était toujours en relation avec la société Codix (cf. les multiples échanges de courriels) ;
-faisant totalement abstraction des relations existant depuis 14 ans, la société Codix lui a dénoncé une saisie-contrefaçon, le 17 juillet 2007 et l’a fait assigner en contrefaçon ;
-la société Codix ne peut pas se prévaloir de la protection de droit d’auteur dans la mesure où elle ne prouve pas l’originalité du logiciel IMX, en l’occurrence, des apports personnalisés sur les éléments de programmations, les codes ou l’organigramme ou la marque d’un apport intellectuel, étant rappelé que la nouveauté et le caractère innovant d’un programme ne se substituent pas aux critères d’originalité ;
-il n’est pas démontré que l’architecture du logiciel IMX était celle du logiciel HX/CRX conçu 15 ans avant la saisie-contrefaçon ;
-la société Codix n’est pas titulaire ni cessionnaire des prétendus droits d’auteur du logiciel HX/CRX devenu IMX ; en tout état de cause, elle n’a pas acquis les droits de la société Cofief qui ne font pas partie des éléments d’actif cédés, ce qui n’est pas conforme au formalisme prescrit en la matière (exigence d’un écrit) ;
-l’action de la société Codix est donc irrecevable et pour le moins infondée ;
-les dispositions de l’article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas applicables ;
-elle n’utilise pas le logiciel IMX sans autorisation au regard du contrat du 8 février 1999 et du protocole du 7 septembre 2000, comportant en annexe un formulaire d’acquisition des licences HX et non la simple maintenance ;
-le logiciel n’a été enregistré auprès de l’A.P.P. qu’en 2003 ;
-le logiciel IMX n’a semble-t-il été utilisé qu’à partir de 2005 voire 2006, ce qui ne correspond pas aux périodes d’utilisation dont se prévaut la société Codix (cf. courrier du 8 juin 2005 promouvant la nouvelle version IMX) ;
-en outre, la société Codix a facturé à la société Portalis Gestion (devenue Alix services et développement), des prestations de maintenance et de suivi des versions du logiciel ;
-il ressort des premières écritures de la société Codix en première instance que ce n’est qu’à partir du moment où la société Alix lui a demandé le remboursement des licences détenues pour l’utilisation du logiciel IMX, qu’elle a décidé d’agir en contrefaçon ; les sociétés Codix et Cofief ont d’ailleurs été solidairement condamnées par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 11 septembre 2009, à payer à la société Alix la somme de 300 016 euros, à titre de dommages et intérêts outre celle de 30 000 euros pour rupture abusive du contrat ;
-dès lors, si la société Codix ne s’est pas rendue compte que la société Alix services et développement n’était pas cessionnaire des droits d’exploitation du logiciel, on ne voit pas comment elle-même aurait pu savoir, eu égard au contrat de prestations de services qui la liait à cette société, la prétendue limite des droits de cette dernière ;
-sa bonne foi ne peut être mise en doute alors même que la société Codix ne l’a pas remise en cause dans un courrier adressé à la société Alix services et développement le 22 mars 2007 et qu’elle a réglé de 2000 à 2007 des factures représentant des dépenses importantes, qui ont d’ailleurs fortement diminué depuis qu’elle a mis en place, en 2008, un système de location longue durée du matériel et des progiciels correspondants;
-les opérations de saisie-contrefaçon sont nulles et de nul effet ; de plus le procès-verbal de saisie-contrefaçon ne mentionne pas le logiciel IMX, ce qui ne permet pas d’établir la réalité de la contrefaçon alléguée ;
-les préjudices invoqués dont les montants sont fantaisistes ne sont pas justifiés, étant observé que la société Codix sollicite deux fois la réparation du même préjudice au titre du non-paiement des licences d’utilisation ;
-à titre infiniment subsidiaire, la société Alix services et développement doit la garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre dans la mesure où l’utilisation du logiciel litigieux découle du contrat de prestations informatiques dans lequel celle-ci a affirmé être bénéficiaire de la licence d’exploitation depuis le 23 décembre 1998.
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C’est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 6 mars 2014.

Avant l’ouverture des débats, le conseil de la société Codix a renoncé à la demande de rejet des dernières conclusions avant clôture transmises par la société Alix services et développement et la SCP Tosello-Lilamand.

DISCUSSION

Sur la recevabilité des conclusions post-clôture et la recevabilité des pièces communiquées par la société Codix*

A défaut de justifier d’une cause grave, il n’y a pas lieu à révocation de l’ordonnance de clôture et il s’ensuit que les conclusions transmises par voie électronique par la société Alix, le 11 mars 2014, sont irrecevables.

En vertu des dispositions de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître, en temps utile, les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent.

La société Codix qui a transmis, par voie électronique, ses premières conclusions le 3 avril 2013 puis communiqué ses pièces le 6 mai suivant, soit 10 mois avant la clôture de l’instruction, a manifestement respecté le principe du contradictoire.
Les pièces communiquées par la société Codix, en temps utile, ne seront donc pas écartées des débats.

Sur la recevabilité de l’action en contrefaçon

*Sur la qualité à agir

Il ressort du contrat de cession du 3 juillet 2000, conforté par une facture du même jour, que la société Codix a acquis la pleine propriété du logiciel CRX/IMX/HX, en code sources ainsi que tous les droits y afférents, moyennant le prix de 4 900 000 francs HT.
En sa qualité de cessionnaire du logiciel litigieux, la société Codix a donc qualité et intérêt à agir en contrefaçon.

*Sur l’éligibilité au droit d’auteur

Il résulte des articles L. 112-1 et L. 112-2 (13º) du code de la propriété intellectuelle qu’un logiciel, y compris le matériel de conception préparatoire, est protégeable par le droit d’auteur à condition d’être original.

Il est de principe qu’un logiciel est original si les choix opérés par son auteur révèlent un apport intellectuel propre et un effort personnalisé.

Il est non moins constant que lorsque la protection est contestée, celui qui invoque l’éligibilité au droit d’auteur du logiciel doit établir l’originalité de celui-ci.

La société Codix fonde sa demande en contrefaçon sur les droits d’auteur dont elle se prétend investie sur le logiciel HX/CRX devenue IMX.

Les intimés soutiennent que le logiciel IMX ne présente pas l’originalité requise pour bénéficier de la protection au droit d’auteur et qu’au surplus, il n’est pas établi que l’architecture de celui-ci est celle du logiciel HX/CRX, conçu par la société Cofief.

La société Codix produit un document intitulé « Dossier événementiel du logiciel Cofief de 1987 à 1990 », un rapport d’évaluation financière du progiciel CRX du 30 novembre 1999 et un extrait de son site internet outre la justification du dépôt de la licence IMX, enregistré auprès de l’APP, le 3 juin 2003 et de l’octroi à la société Cofief d’un crédit d’impôt recherche pour les années 1988 à 1990.

Le premier document énumère les phases de développement d’un système d’informations dénommé « expert » destiné à optimiser la gestion des études d’huissiers afin de limiter les interventions humaines et de permettre une rentrée des données par des utilisateurs « lambda ». S’il est fait état de la volonté de la société Cofief de créer un logiciel spécifique « huissiers de justice » suite à la demande et au besoin d’un groupe de professionnels huissiers, constitué de modules différents, facilement adaptable, modifiable, et extensible à d’autres professions, il apparaît, au demeurant, que l’élaboration du langage de programmation (code source) n’est pas explicitée et les choix techniques opérés ne révèlent aucun effort créatif portant l’empreinte de la personnalité du concepteur.

Le rapport établi le 30 novembre 1999 au titre de la valorisation du progiciel « CRX version 5 » à destination des cabinets de recouvrement et des services contentieux des entreprises importantes et d’établissements financiers, qui mentionne les évolutions techniques, précise qu’au vu d’une étude de concurrence confidentielle (non annexée), le logiciel aurait le même niveau que celui développé par une autre société et serait supérieur aux autres concurrents. La fourchette de valorisation entre 2,7 millions de francs et 4,9 millions de francs n’est pas de nature à démontrer l’originalité alors même qu’il est fait état de progiciels du même type exploités par d’autres sociétés concurrentes.

L’extrait du site internet de la société Codix assurant la publicité du logiciel IMX met en exergue la richesse des fonctionnalités, l’optimisation de la gestion de tous types de dossiers avec des outils adaptés aux besoins des clients et une architecture de type « client léger ». Cette présentation ainsi que la justification de l’octroi de crédits d’impôt recherche et le dépôt enregistré à l’APP en juin 2003, ne démontrent pas l’originalité des composantes du logiciel, telles que les lignes de programmation, les codes ou le matériel de conception préparatoire.

La cour rappelle que les fonctionnalités et le choix de langage de programmation ne sont pas protégés par le droit d’auteur et que le caractère prétendument innovant du logiciel n’est pas en soi suffisant à caractériser la condition d’originalité.

En conséquence, et eu égard aux éléments acquis aux débats, la société Codix s’avère défaillante à rapporter la preuve qui lui incombe du caractère original et donc protégeable au titre du droit d’auteur du logiciel CMX/HX devenu IMX.

En conséquence, la société Codix est irrecevable à agir en contrefaçon à l’encontre de la société Alix services et développement et de la SCP Tosello-Lilamand.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes de dommages et intérêts des intimées pour procédure abusive

La société Alix services et développement et la SCP Tosello-Lilamand sollicitent l’indemnisation de leurs préjudices respectifs occasionnés par l’action de la société Codix qu’elles qualifient d’abusive.

Or, l’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant ouvrir droit à dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol.

La société Alix services et développement et la SCP Tosello-Lilamand ne rapportent pas la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société Codix, qui a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits à leur encontre et n’établissent pas, en tout état de cause, l’existence d’un préjudice en lien avec l’action engagée.

Leurs demandes respectives de dommages et intérêts seront rejetées.

Sur les autres demandes

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société Codix sera condamnée à payer à chacune des intimées, la somme de 6 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande, de ce chef, rejetée et supportera les dépens de première instance et d’appel ainsi que ceux de l’arrêt cassé.

DECISION

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Rejette la demande tendant au rejet des pièces nº1 à 32 communiquées par la société Codix ;

Dit que les conclusions transmises le 11 mars 2014 par la société Alix services et développement, postérieurement à la clôture de l’instruction sont irrecevables ;

Infirme le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau ;

Dit que la société Codix ne justifie pas du caractère original et donc protégeable au titre du droit d’auteur du logiciel dénommé HX/CRX puis IMX ;

Dit que la société Codix est irrecevable à agir en contrefaçon, à l’encontre de la société Alix services et développement et de la SCP Tosello-Lilamand ;

Déboute la société Alix services et développement et la SCP Tosello-Lilamand de leurs demandes respectives de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Codix à payer à chacune des intimées la somme de 6 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Codix aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’aux dépens de l’arrêt cassé, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La Cour : Mme Brigitte Olive (conseiller), M. Hervé Chassery (conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence), M. Jean-Luc Prouzat (conseiller), Mme Brigitte Olive (conseiller), Mme Sylvie Sabaton (greffier)

Avocats : Me Jean Michel Casanova, Me Jean Christophe Guerrini, Me Gilles Argellies, Me Isabelle Filipetti, Me Joséphine Hammar, Me Estelle Ciussi

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.