Jurisprudence : Marques
Cour d’appel de Paris 14ème chambre A Arrêt du 1er mars 2000
Allaban Web Systems Sarl / Aragorn Sarl, "Les Aventuriers du Goût" Sarl, Bénédict B.
compétence territoriale - constat agent assermenté app - contrefaçon - service télématique
Bénédict B. et la société « Les Aventuriers du Goûts » exploitent depuis 1994 un périodique consacré à la gastronomie sous le titre » Miam-Miam « .
Ils diffusent également depuis le mois de décembre 1997 leur journal sur internet, dans un site dédié à la gastronomie ouvert sous le nom de domaine « Miam-Miam ». Ce site a été créé et est exploité par la société Aragorn.
Par acte du 1er avril 1999, Bénédict B., » Les aventuriers du Goût » et Aragorn ont fait assigner en référé devant le président du tribunal de grande instance de Paris la société Allaban Web Systems pour obtenir la cessation des actes de contrefaçon du titre et du nom de domaine » Miam-Miam » ainsi que du contenu du site du même nom, en reprochant à la société défenderesse d’avoir ouvert et d’exploiter depuis le mois de mars 1999 un site ayant le même nom et le même objet que le leur.
Allaban Web Systems a conclu à l’incompétence de la juridiction saisie.
Par ordonnance du 19 avril 1999, le président du tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré compétent pour connaître de la demande et a renvoyé à une audience ultérieure pour la suite des débats.
Allaban Web Systems a, dans un premier temps, contesté cette décision par voie de contredit.
Elle s’est désistée de cette voie de recours le 27 novembre 1999 et a été condamnée le 1er décembre 1999 par la cour d’appel à payer la somme de 10 000 F aux demandeurs, sur le fondement de l’article 700 du Ncpc.
Auparavant, le 29 octobre 1999, elle avait également interjeté appel de l’ordonnance du 19 avril 1999.
Par conclusions du 26 janvier 2000, Allaban Web Systems demande à la cour d’infirmer l’ordonnance, de renvoyer l’affaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre et de dire qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 568 du Ncpc.
Subsidiairement, elle demande à la cour de rejeter les prétentions des requérants, de rétracter la décision du 1er décembre 1999 l’ayant condamnée à payer la somme de 10 000 F au titre de l’article 700 du Ncpc et de condamner les intimés à lui payer sur ce fondement la somme de 20 000 F.
Par conclusions du 1er février 2000, Aragorn, » Les Aventuriers du Goût » et Bénédict B. demandent à la cour de confirmer l’ordonnance sur la compétence, d’évoquer l’affaire par application de l’article 568 du Ncpc et de prononcer les mesures ou condamnations suivantes à l’encontre de l’appelante :
– cessation des actes de contrefaçon du titre et du nom de domaine » Miam-Miam » ainsi que du contenu du site internet des concluants,
– cessation d’actes parasitaires et de concurrence déloyale,
– interdiction de reproduire et d’utiliser le nom » Miam-Miam « ,
– radiation auprès du fichier NIC France et de l’Internic du nom de domaine » Miam-Miam « ,
– publication de la décision à intervenir dans divers journaux et sur la page d’accueil du site internet d’Allaban Web Systems, avec mise en place d’un lien hypertexte entre cette page d’accueil et le site internet des concluants ;
– provision de 300 000 F à titre de dommages-intérêts,
– 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– 60 000 F par application de l’article 700 du Ncpc.
Discussion
Sur la compétence
Considérant que, pour contester la décision du premier juge ayant retenu sa compétence, Allaban Web Systems fait valoir qu’elle a son siège social dans le département des Hauts-de-Seine ; que le serveur internet qu’elle utilise se trouve dans le même département ; qu’en l’absence de texte particulier relatif à la compétence pour les litiges concernant le réseau internet, il convient d’appliquer la règle de droit commun attribuant compétence à la juridiction du lieu du domicile du défendeur ;
Considérant, cependant, que l’article 46 du Ncpc donne le droit au demandeur de saisir à son choix en matière délictuelle, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou encore celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
Considérant que lorsqu’une infraction aux droits de propriété industrielle ou un acte de concurrence déloyale a été commis par une diffusion sur le réseau internet, le fait dommageable se produit en tous lieux où les informations litigieuses ont été mises à la disposition des utilisateurs éventuels du site ; qu’en l’espèce, le constat de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) qui a révélé l’existence d’un site » Miam-Miam » susceptible de porter atteinte aux intérêts des intimés ayant été dressé à Paris, c’est à juste titre que le premier juge a retenu sa compétence ;
Considérant que, par cette décision, le président du tribunal de grande instance de Paris n’a pas mis fin à l’instance ni épuisé sa saisine ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutiennent les intimés, les conditions d’application de l’article 568 du Ncpc ne sont pas réunies ; qu’aucun autre texte n’oblige ou n’autorise la cour, lorsqu’elle confirme la décision d’un juge des référés ayant seulement rejeté une exception d’incompétence et renvoyé l’affaire à une audience ultérieure, à statuer sur les points non jugés de l’affaire ; que les parties doivent dès lors poursuivre l’instance devant le premier juge ;
Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés la totalité des frais non compris dans les dépens par eux exposés ;
Considérant qu’Allaban Web Systems, qui succombe en son appel, doit être condamnée aux dépens de cette procédure.
La décision
La cour, statuant contradictoirement, en audience publique :
. confirme la décision déférée ;
. constate que les conditions d’application de l’article 568 du Ncpc ne sont pas réunies ;
. renvoie en conséquence les parties à se pourvoir devant le premier juge pour la poursuite de l’instance ;
. condamne Allaban Web Systems à payer aux intimés, ensemble, la somme de 10 000 F au titre de l’article 700 du Ncpc ;
. condamne Allaban Web Systems aux dépens.
La cour : M. Lacabarats (président), Mme Charoy et M. Pellegrin (conseillers).
Avocats : Me Chaussauniere
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