Jurisprudence : Marques
Cour d’appel de Paris, 8ème chambre, section B Arrêt du 3 mai 2001
Sarl Freiberger France, Société Freiberger Lebensmittel GMBH et Cie / Société Roberto, Mac Spag
Les sociétés Freiberger France et Freiberger Lebensmittel GMBH et Cie sont appelantes d’un jugement du juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 26 juin 2000 qui a :
– condamné la société Freiberger Lebensmittel GMBH et Cie à verser aux sociétés Roberto et Mag Spag in solidum la somme de 10 000 F au titre d’une astreinte,
– dit que l’interdiction prononcée à l’encontre de la société Freiberger Lebensmittel sera assortie d’une astreinte provisoire de 5000 F par infraction constatée et par jour à compter du 10ème jour suivant la notification ou la signification du jugement,
– condamné la société Freiberger Lebensmittel à payer à chacune des sociétés demanderesses la somme de 3000 F en application de l’article 700 du ncpc, et aux dépens, outre le coût du procès-verbal en date du 22 février 2000 ;
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 27 novembre 2000, les sociétés appelantes sollicitent l’infirmation du jugement déféré, et la condamnation des sociétés Roberto et Mag Spag à verser la somme de 20 000 F à chacune, ainsi qu’aux dépens, exposant que la décision méconnaît le principe de territorialité des voies d’exécution, puisqu’elle a étendu l’interdiction prononcée par les juridictions françaises aux actes d’une société étrangère effectués à l’étranger, en considérant que le fait qu’un internaute situé en France puisse avoir accès au site constituait une infraction, alors que le site litigieux est situé en Allemagne ; en tout état de cause, les concluantes sollicitent qu’il soit fait application de l’article 36 de la loi du 9 juillet 1991, en raison de la bonne foi dont elles ont fait preuve ; qu’en effet, elles ont cessé toute commercialisation des pâtes Alberto sur le territoire français, n’ont effectué aucune publicité d’aucune sorte en France, et ont modifié leur site internet ; qu’en outre elles se sont heurtées à des difficultés d’exécution, car le site est accessible au monde entier, et qu’il est malaisé d’organiser un filtrage, tout en laissant aux internautes français l’accès à la publicité autorisée faite pour les autres produits commercialisés par les sociétés allemandes ; qu’en fait l’action des intimées procède de l’intention de nuire, car elles ne subissent aucun préjudice, étant observé qu’aucune confusion ne peut être introduite dans l’esprit du public, puisque le site incriminé n’est accessible qu’en tapant le nom de la société Freiberger, qui est inconnue du public ;
Par conclusions signifiées le 8 janvier 2001 les sociétés Roberto et Roberto de droit helvetique (anciennement Mag Spag) sollicitent de :
– confirmer le jugement sur le principe de la liquidation de l’astreinte,
– l’infirmer sur le montant, et porter celui-ci à la somme de 18 000 F, pour 18 infractions,
– condamner les sociétés appelantes à verser la somme de 20 000 F au titre de l’article 700 du ncpc, et aux dépens de première instance et d’appel ;
Les sociétés Roberto font valoir qu’en dépit de l’interdiction judiciaire, la société Freiberger Lebensmittel fait figurer sur les différentes pages de son site internet (2,4,5 et 9) des mentions en français, allemand, et anglais qui constituent une publicité pour les pâtes Alberto, alors que ce site internet est accessible depuis la France, les sociétés allemandes étant bien en infraction, ainsi que l’a constaté l’huissier à 18 reprises, aucune raison n’existant de modérer l’astreinte ;
La discussion
Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991, l’astreinte est indépendante des dommages-intérêts ; qu’elle sanctionne la faute consistant en l’inexécution de la décision du juge, sans réparer le préjudice dont cette faute peut être la cause ; que selon l’article 36, le montant de l’astreinte est liquidé en tenant compte seulement du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée, et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter, l’astreinte pouvant être supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution provient d’une cause étrangère ;
Considérant que la société de droit allemand Freiberger Lebensmittel spécialisée dans la commercialisation de plats cuisinés à base de pâtes alimentaires, et détentrice de la marque française « Alberto’s », a souhaité commercialiser des pizzas, pâtes et plats cuisinés par l’intermédiaire de sa filiale française Freiberger France, sous la marque « Alberto » ; que, sur la demande des sociétés Roberto et Mac Spag, alléguant des contrefaçons par imitation de leur marque, par arrêt en date du 25 mars 1999, la cour d’appel de Lyon, statuant en appel d’une ordonnance de référé en date du 17 mars 1998 a fait interdiction aux sociétés Freiberger Lebensmittel et Freiberger France de faire toute publicité ou de mettre en vente des pâtes fraîches ou cuisinées sous la dénomination « Alberto », sur le territoire français, dès la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 1000 F français par infraction constatée ; que la société Freiberger est propriétaire d’un site internet www.freiberger.de sur lequel Me Pascal Robert, huissier de justice s’est connecté le 22 février 2000, et a constaté qu’une publicité était effectuée pour la vente des pâtes Alberto, entremêlée avec la publicité relative à d’autres produits autorisés, les mentions étant les suivantes :
– histoire d’une réussite … 1997 Nouveau produit : Pasta Alberto (page 2),
– Toujours en avance d’une innovation … les spécialités de pâtes italiennes « Alberto » (page 4),
– Des originaux très originaux … Alberto plaît aux petits et aux grands, la carte est variée avec … différentes pâtes (page 5),
– Pour tous les goûts et toutes les faims … les pâtes …Alberto (page 5),
– Une photographie représentant une lasagne bolognaise « Alberto » (page 5),
Qu’en page 7, il est mentionné que l’entreprise berlinoise Freiberger est le sponsor d’une grande manifestation sportive « L’Alberto Berlin-Matathon », à l’occasion duquel elle organise une grande « pasta party », que cette association des mots « pasta » et « Alberto » constitue également une mention publicitaire ;
Que cette version française existe également sur le site en langue allemande et anglaise ; que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a estimé que les infractions étaient constituées, peu important que le site soit localisé en Allemagne, dès lors que l’internet est accessible à tous, quels que soient la zone, le site, et le nom du domaine ; que la société Freiberger Lebensmittel ne justifie d’aucune cause étrangère permettant de supprimer l’astreinte, ni d’aucune difficulté d’exécution, puisque, la vente des pâtes Alberto étant interdite en France, il suffisait de supprimer les mentions publicitaires sur la version française, et, dans les versions prévues pour l’Allemagne et l’Angleterre où la vente est permise, de neutraliser la publicité en précisant que la vente du produit est interdite en France ; qu’aucune bonne foi ne justifie une modération de l’astreinte, dès lors qu’une intervention du juge de l’exécution a été nécessaire pour obtenir que la société Freiberger respecte ses obligations ; que cette dernière y ayant contrevenu 18 fois, l’astreinte sera liquidée à la somme de 18 000 F ; qu’il n’est pas nécessaire d’augmenter l’astreinte pour l’avenir, la société allemande justifiant avoir modifié son site internet en se conformant aux décisions de justice ;
Considérant que les sociétés Freiberger Lebensmittel et Freiberger France, qui succombent, seront condamnées en tous les dépens de première instance et d’appel ; qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des parties adverses leurs frais irrépétibles d’appel, à hauteur de 20 000 F, qui s’ajouteront à ceux qui ont été équitablement accordés en première instance ;
La décision
et ceux non contraires du premier juge
Infirmant partiellement le jugement déféré,
. Condamne la société Freiberger Lebensmittel GMBH et Cie à verser aux sociétés Roberto et Roberto de droit suisse la somme de 18 000 F au titre de l’astreinte,
. Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pour le surplus,
Y ajoutant,
. Condamne in solidum les sociétés Freiberger Lebensmittel GMBH et Cie et Freiberger France à verser aux sociétés Roberto et Roberto de droit helvetique la somme de 20 000 F en application de l’article 700 du ncpc,
. Condamne in solidum les sociétés Freiberger Lebensmittel GMBH et Cie et Freiberger France aux dépens d’appel.
La cour : M. Anquetil (président), Mmes Baland et Borel-Petot (conseillers)
Avocats : Me Chemla, Me Frey
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