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Jurisprudence : Base de données

mercredi 27 mars 2002
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Cour d’appel de Paris 9ème chambre, section A 27 mars 2002

Christophe P. / Ministère public, Agence France Presse

accès non autorisé - bases de données

RAPPEL DE LA PROCEDURE

La prévention

Par exploit d’huissier, la AFP a fait citer directement devant le tribunal Christophe P. pour :

– accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, courant mars 2001 à Paris,

– tentative d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, courant mars 2001 à Paris, faits prévus par l’article 462-2 alinéa 1 et réprimés par les articles 462-2 alinéa 1 et 462-9 du code pénal et les articles 121-4 et 121-5 du code pénal en ce qui concerne la tentative.

Le jugement

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré Christophe P. :

– coupable d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, courant mars 2001 à Paris,

– coupable de tentative d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, faits commis courant mars 2001 à Paris

et l’a condamné à 5000 F d’amende, soit 762,25 €

Sur l’action civile :

Le tribunal a reçu la constitution de partie civile de l’AFP, partie civile et a condamné Christophe P. à payer à cette partie civile, la somme de 1 franc, soit 0,16 € à titre de dommages-intérêts et la somme de 3500 F, soit 533,58 €, au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est recevable le condamné.

Les appels

Appel a été interjeté par :

Christophe P., le 23 octobre 2001 sur les dispositions pénales et civiles du jugement.
M. le procureur de la République, le 23 octobre 2001 contre Christophe P..
L’AFP, le 5 novembre 2001 contre Christophe P.

LA DISCUSSION

La cour, après avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme

Considérant qu’au vu des énonciations qui précèdent et des pièces de la procédure les appels interjetés par Christophe P., prévenu, par le ministère public ainsi que par l’AFP, partie civile, sont intervenus dans les formes et délais prévus par la loi ; qu’ils seront donc déclarés recevables ;

Au fond

Considérant que les premiers juges, après rappel de la procédure et des termes de la prévention, ont exactement relaté les faits de la cause, qu’il convient de s’en rapporter sur tous ces points aux énonciations du jugement déféré ;

Considérant qu’il convient de rappeler que l’AFP a fait citer directement devant le tribunal correctionnel de Paris (31ème chambre), son ancien salarié, Christophe P., embauché en qualité de cadre commercial en vertu d’un contrat de travail du 14 avril 1994, pour le voir déclarer coupable du délit d’accès frauduleux et tentatives d’accès aux systèmes de traitement informatisé ;

qu’elle lui reproche, qu’après son départ de l’agence, le 16 février 2001, d’avoir à plusieurs reprises utilisé ou tenté d’utiliser les codes d’accès aux données de l’entreprise qui lui avait été remis, parmi lesquels un mot de passe et un nom de compte, dont il était le seul titulaire et l’autorisant à accéder, via l’adresse électronique www.afp-direct.com, aux bases de données rédactionnelles commerciales et administratives de l’agence ; les dites bases contenant les informations exclusives de presse rédigées par les mille deux cents journalistes et qui ne sont accessibles qu’aux personnes expressément autorisées. Le mot de passe et le nom de compte remis à Christophe P. étant strictement personnel à ce dernier et utilisables par lui que dans le cadre de ses fonctions au sein de l’AFP ;

qu’il est acquis à la procédure que :

– le 5 mars 2001, la société « Logilune », chargée d’héberger le site de l’AFP, alertait cette dernière qu’un ordinateur extérieur à ses services dont l’adresse est IP 194.98.20.5 et qui appartenait à la plage d’accès de l’agence Reuters, avait procédé à deux tentatives d’intrusion qui avaient été rejetées, l’une à 19h04, l’autre à 19h32, les dites tentatives portant sur la base réservée aux ordinateurs commerciaux de l’AFP ;

– le 6 mars trois autres tentatives ou faits d’intrusion intervenaient depuis le même ordinateur :

* la première à 15h26, sur la base de données réservée aux clients de l’AFP, sous le mot de passe et le nom de compte de Christophe P., la demande était rejetée, le code n’étant plus actif ;

* la seconde à 15h27 sur la même base de données, en utilisant cette fois le mot de passe et nom de compte de François B., embauché depuis peu comme cadre commercial à l’AFP, et qui s’était vu remettre les dits codes par le prévenu lors de son arrivée à l’agence en janvier 2001 ; les codes étant actifs, la demande était acceptée et permettait ainsi l’accès à la base de données ;

* la troisième tentative d’intrusion s’effectuait sur la base de données www.afp-direct.com/super, réservée aux commerciaux de l’AFP ;

Considérant que lesdites tentatives et intrusion étaient attestées par un procès verbal de constat, du 7 mars 2001, dressé par l’Agence pour la Protection de Programmes qui avait été alertée par l’AFP.

Considérant, par ailleurs, que l’agence Reuters répondait par courrier à l’AFP le 9 mars 2001, qu’une personne qui venait de rejoindre leur groupe s’était permise d’utiliser, à leur insu, leur matériel informatique, et qu’elle condamnait « ce comportement d’autant plus inacceptable qu’il va à l’encontre de tous les principes et règles que nous considérons comme l’essence même de nos métiers » ;

Considérant que le prévenu qui ne conteste pas la matérialité des faits, explique qu’il avait effectivement des disques et matériels appartenant à l’AFP ; qu’avant de les rendre il avait voulu nettoyer ses disquettes et avait effectué, à cette occasion, les cinq manœuvres litigieuses, en utilisant le matériel de l’agence Reuters qui l’avait embauché peu après son départ de l’AFP ;

que son conseil dans ses conclusions de relaxe fait valoir « qu’il n’a pas pénétré dans le système dans un souci malveillant de façon intentionnelle et pour nuire à son ancien employeur ou pour être à l’origine d’un acte de concurrence déloyale quelconque ; que rien dans le dossier ne permet d’apporter la signification de ce que pareille attitude aurait été celle de Christophe P. ; que l’élément de mauvaise foi, et l’intention frauduleuse ne sont ni rapportés par le ministère public, ni par la partie civile » ;

Qu’il fait encore valoir que cette plainte est intervenue dans un contexte particulier à la suite de la saisine par Christophe P. du conseil des prud’hommes et que c’était Christophe P. qui avait créé le code de M. B. au moment où celui-ci était en formation ;

Sur ce

Considérant que le prévenu ne peut prétendre être de bonne foi et soutenir avoir par inadvertance fait une mauvaise manipulation, ou par pure curiosité avoir voulu vérifier que son code était désactivé ; qu’il convient, en effet, de souligner que les intrusions et tentatives d’intrusion ont été renouvelées à cinq reprises dont l’une en utilisant le nom d’un tiers sans son autorisation ; qu’il ne pouvait ignorer, après avoir travaillé sept ans au sein de l’AFP, que les codes qui étaient confiés aux salariés de l’agence étaient strictement confidentiels et réservés à l’usage exclusif de leur activité professionnelle au sein de l’AFP ;

qu’en outre, il ne peut valablement prétendre que les informations qu’ils auraient ainsi pu recueillir en se connectant sur les bases de données de l’AFP ne lui auraient été d’aucun intérêt alors qu’il travaillait pour une société directement concurrente ;

Considérant dès lors que les délits tels que visés à la prévention sont établis en tous leurs éléments ;
Considérant que la cour estime que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la sanction pénale ;
qu’en conséquence le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions pénales ;

Sur l’action civile

Considérant que la partie civile sollicite oralement l’infirmation du jugement déféré et demande la condamnation de Christophe P. à lui verser les sommes de 15 244,90 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Considérant que compte tenu de la déclaration de culpabilité intervenue à l’encontre de Christophe P., la constitution de partie civile de l’AFP est recevable ;
Considérant que la cour estime que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice direct et actuel résultant pour la partie civile des agissements frauduleux du prévenu ; qu’en conséquence le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions civiles ;

LA DECISION

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort ;

En la forme

. Reçoit les appels du prévenu, du ministère public et de la partie civile ;

Au fond

. Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions pénales et civiles.

La cour : M. Morel (président), Mme Filippini et Jacomet (conseillers)

Avocats : Me Albert Bodereau, Me Patrick Dunaud

 
 

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