Jurisprudence : E-commerce
Cour d’appel de Toulouse, 2ème ch., arrêt du 15 juin 2016
M. W. A. / Paypal
absence de versements - dysfonctionnement - erreur de saisie - paiement en ligne - réactivité du prestataire - responsabilité
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
-signé par G. Cousteaux, président, et par M. Marguerit, greffier de chambre.
FAITS et PROCEDURE
En décembre 2010, Monsieur A. confie à la société Editarea la création et la gestion d’un site internet intitulé Gothium City ayant pour objet la vente de produits gothiques.
Monsieur A. s’est déclaré auto-entrepreneur. Il choisit de proposer à ses nouveaux clients les solutions de paiement en ligne, utilisant le système Paypal, fin janvier 2011.
Mais rapidement, Monsieur A. se heurte à un problème de paiement de ses clients, leurs versements ne pouvant aboutir sur le compte Paypal de Gothium City.
Suite à différents échanges entre Monsieur A., Editarea et Paypal, Monsieur A. s’adresse en juin 2011 à un expert en informatique, expert auprès de la cour d’appel de Besancon, expert qui conclut à une erreur de l’adresse mail du site de paiement Paypal : gothium.cit@live.fr au lieu de gothium.city@live.fr, rapport d’expertise déposé le 3 août 2011.
Sur la base de ce rapport, Monsieur A. engage une action en référé le 24 août 2011 devant le président du tribunal de grande instance de Toulouse.
En septembre 2011, un technicien de Paypal prend contact avec Monsieur A. afin que celui-ci lui donne accès à l’interface de gestion de son site et constate que le dysfonctionnement provient du fait que l’adresse mail permettant de diriger les paiements issus des commandes vers le compte Paypal de monsieur A. est mal orthographiée.
Après correction, différents tests sont effectués démontrant que le système fonctionne.
Par ordonnance du 27 octobre 2011, Monsieur le président du tribunal de grande instance de Toulouse déclare les demandes de Monsieur A. irrecevables en ce qu’elles étaient dirigées à l’encontre de la société Paypal France (et non Paypal Europe) qui n’avait pas qualité à se défendre.
Monsieur A. introduit une action au fond devant le tribunal de grande instance qui par ordonnance du 29 avril 2013 fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par Paypal et renvoie l’affaire devant le tribunal de commerce de Toulouse.
Par jugement du 15 septembre 2014, le tribunal de commerce de Toulouse a :
-débouté Monsieur A. de ses demandes,
-débouté la société Paypal de sa demande tendant à voir condamner Monsieur A. à titre de procédure abusive,
-condamné Monsieur A. au paiement à la SCA Paypal de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire.
Monsieur W. A. a interjeté appel 16 octobre 2014.
Monsieur W. A., bénéficiaire d’une décision d’aide juridictionnelle totale du 13 mars 2015, a transmis ses dernières écritures par RPVA le 19 mars 2015.
La SCA Paypal a transmis ses écritures par RPVA le 11 mars 2015.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2016.
MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, au visa des articles 233 et suivants du code de procédure civile, Monsieur W. A. demande à la cour de :
-infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce.
A titre principal, au vu du rapport d’expertise déposé par Monsieur Renard, expert en informatique et expert auprès de la Cour d’Appel de Besançon,
-juger que la pleine responsabilité de la société Paypal doit être retenue
-condamner la société Paypal à verser au titre du préjudice économique la somme de 1.000.000 euros outre un préjudice moral d’un montant de 15 000 euros.
A titre subsidiaire, si la Cour de Céans s’estime insuffisamment informée, elle pourra ordonner une expertise judiciaire, confiée à tel expert qu’il lui plaira de désigner avec pour mission de :
-convoquer les parties ainsi que leurs Conseils,
-se faire remettre tous documents utiles et entendre tous sachant nécessaires,
-procéder à toute vérification technique permettant l’examen du site Gothium City et l’adresse Internet gothiumcity@live.fr
-analyser les fonctions de paiement du site www.gothiumcity.com plus précisément la traçabilité des paiements des clients du site.
-déterminer l’origine des problèmes des paiements non reçus par Gothium City,
-donner toutes indications utiles sur les dysfonctionnements et les responsabilités,
-de manière générale, donner son avis technique.
-répondre conformément aux dispositions de l’article 276 du CPC à tous dires ou observations des parties auxquelles seront communiquées avant d’émettre un rapport définitif, soit une note de synthèse, soit un prérapport comportant toutes les informations sur l’état des investigations de l’expert et sur tout document nécessaire à la résolution du litige.
-donner acte à Monsieur A. de ce qu’il est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.
-statuer ce que de droit quant aux dépens.
L’appelant fait essentiellement valoir que :
-la responsabilité exclusive de la société Paypal dans le dommage subi par Monsieur A. doit être retenue puisque :
-Monsieur Renard, expert en informatique et expert auprès de la Cour d’Appel de Besançon a procédé à une analyse minutieuse du site Internet en question,
-la découverte d’une erreur d’orthographe de l’adresse gothium.cit@liv.fr engage la responsabilité de la société Paypal qui a mal saisi les données informatiques et malgré de multiples relances, ne s’est pas aperçue de l’erreur et n’a pas procédé à sa rectification.
-la société Paypal n’a pas davantage rectifié après la mise en demeure de l’expert.
-le préjudice subi par Monsieur A. correspond à un préjudice moral et au manque à gagner important la totalité des commandes ayant été rejetées pour non finalisation de l’achat.
-Monsieur A. justifie son préjudice par la production de l’état du panier des commandes du mois de juillet 2011 faisant apparaître une perte de 65.420,80 euros.
-au taux de marge habituelle dans ce domaine commercial (2 -5) Monsieur A. a perdu une marge brute de 135.000 euros soit une marge brute annuelle du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011, sauf à parfaire par voie d’expertise, d’un montant de 1.620.000 euros.
-en tenant compte de l’incidence des frais de gestion, des charges sociales et fiscales, Monsieur A. réduit sa demande au titre du préjudice économique à la somme de 1 000 000€.
Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’énoncé du détail de l’argumentation, au visa des articles 32-1 et 559, 143 et suivants et 232 et suivants du code de procédure civile, la SCA Paypal demande à la cour d’appel de :
-recevoir la société Paypal en son appel incident.
-confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Monsieur A. de ses demandes.
-débouter purement et simplement Monsieur A. de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
-condamner Monsieur A. à verser à Paypal :
+la somme de 5.000 euros au titre de la procédure abusive.
+la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
+aux entiers dépens.
L’intimée fait essentiellement valoir que :
-Paypal n’a commis aucune faute, les demandes formulées par Monsieur A. étant exclusivement fondées sur sa propre erreur de saisie commise sur son site internet.
-Monsieur A. ne démontre pas avoir subi le moindre préjudice.
-la mesure d’instruction sollicitée par Monsieur A. n’est pas utile à la solution du litige.
-l’action de Monsieur A. à l’encontre de la société Paypal caractérise un abus.
DISCUSSION
M. W. A. reproche à la SCA Paypal (Europe) d’avoir mal saisi les données informatiques en commettant une erreur sur l’adresse électronique (gothiumcit@live.fr au lieu de gothium.city@live.fr).
Cependant, contrairement à ce que l’appelant soutient, ce n’est pas la SCA Paypal (Europe) qui a saisi une adresse erronée à l’origine du dysfonctionnement, mais lui-même.
En effet, le rapport d’analyse technique informatique rédigé, à la demande de M. W. A., en date du 3 août 2011 conclut que l’erreur sur l’adresse, empêchant l’aboutissement des paiements, doit être corrigée, tout en indiquant que cette adresse erronée apparaît sur la page www.paypal.com.fr pour en conclure que la SCA Paypal (Europe) doit tout mettre en oeuvre pour modifier l’erreur constatée.
Mais, M. W. A. a ouvert un compte auprès de la SCA Paypal (Europe) le 25 janvier 2011 avec l’adresse gothiumcity@live.fr.
Il a ensuite saisi, sur l’interface d’administration du site créé avec l’application Edit Area, mise à sa disposition par la société de droit italien Nibbles, les informations pour les modalités de paiement et plus précisément, à la rubrique « gestion e-commerce », il a tapé l’adresse gothiumcit@live.fr dans le champ e-mail PayPal. Ainsi, l’adresse apparaissant sur la page www.paypal.com.fr, relevée par le spécialiste en informatique mandaté par M. W. A., provient de cette saisie erronée et non d’une intervention de la SCA Paypal (Europe).
Le mode d’emploi de l’administration du site et la copie de l’écran du module de gestion e-commerce faisant apparaître l’erreur commise par M. W. A., produit aux débats par la SCA Paypal (Europe), rend inutile une mesure d’instruction.
M. W. A. reproche également à la SCA Paypal (Europe) de ne pas avoir pris en compte ses réclamations se bornant à répondre que le compte PayPal fonctionnait normalement.
Mais, par message adressé le 21 juin 2011 par la SCA Paypal (Europe) à Frédéric A. qui l’a transmis le lendemain à M. W. A., il est indiqué que l’absence de récupération d’un paiement provient souvent d’une adresse mal écrite ou erronée. Dans sa transmission, Frédéric A. a ajouté « Salut Willy, voilà ce que j’ai reçu … vérifie ton adresse PayPal ». A l’évidence, M. W.
A. n’a pas procédé à la vérification suggérée car ce n’est qu’au début du mois de septembre suivant qu’avec son accord, à titre exceptionnel, un technicien de la SCA Paypal (Europe) a pris la main sur la partie administration de son site et a constaté l’erreur sur l’adresse à l’origine du dysfonctionnement, a procédé à la correction par l’ajout du y manquant et a constaté que le paiement fonctionnait.
Il ne peut pas être reproché à la SCA Paypal (Europe) un manque de réactivité pour que M. W. A. règle la difficulté tenant à l’erreur commise par lui-même.
Dès lors, en l’absence de faute démontrée de la part de la SCA Paypal (Europe), il n’y a pas lieu d’examiner le préjudice allégué par M. W. A.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris.
Par ailleurs, une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi par malice ou de mauvaise foi ou avec une légèreté blâmable. En l’espèce, le simple fait que l’appel soit rejeté ne le rend pas abusif. La SCA Paypal (Europe) n’établit pas la malice, la mauvaise foi ou la légèreté blâmable de M. W. A. ; il semble plutôt que ce dernier se soit mépris sur le rôle exact de la SCA Paypal (Europe) dans la mise en place du dispositif de paiement par son intermédiaire.
Enfin, M. W. A., bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, qui n’obtient pas satisfaction, sera condamné aux dépens d’appel.
DECISION
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Toulouse,
Y ajoutant,
Déboute la SCA Paypal (Europe) de sa demande de dommages et intérêts,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SCA Paypal (Europe) de sa demande sur ce fondement,
Condamne M. W. A. aux dépens d’appel qui seront recouvrés selon la réglementation en matière d’aide juridictionnelle et distraits par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Cour : G. Cousteaux (président), M. Sonneville (conseiller), V. Salmeron (conseiller), M. Marguerit (greffier)
Avocats : Me Martine Jauze-Molières, Me Bruno Merle, Me Xavier Carbasse
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