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Jurisprudence : Diffamation

mercredi 22 janvier 2020
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Cour d’appel de Toulouse, 3ème ch., arrêt du 8 janvier 2020

M. X. / Blue Mind, M. Y. et Z.

bonne foi - caractère public - contrefaçon - diffamation - expertise - injure publique - logiciel - preuve de la vérité

M. X. est poursuivi pour la procédure n° 14225000384 des chefs de DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE, les 15, 19, 20 et le 21 mai 2014, à Toulouse, territoire national, infraction prévue par les articles 32 AL.1, 23 AL.1, 29 AL.1, 42 de la Loi DU 29/07/1881, l’article 93-3 de la Loi 82-652 DU 29/07/1982 et réprimée par l’article 32 AL.1 de la Loi DU 29/07/1881,

INJURE PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE, entre le 15 et le 21 mai 2014, à TOULOUSE, territoire national, infraction prévue par les articles 33 AL.2, 23 AL.1, 29 AL.2, 42 de la Loi DU 29/07/1881, l’article 93-3 de la Loi 82-652 DU 29/07/1982 et réprimée par l’article 33 AL.2 de la Loi DU 29/07/1881

DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, TOUT AGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE, entre le 15 et le 21 mai 2014, à TOULOUSE, territoire national, infraction prévue par les articles 32 AL.l, 23 AL.l, 29 AL.l, 42 de la Loi DU 29/07/1881, l’article 93-3 de la Loi 82-652 DU 29/07/1982 et réprimée par l’article 32 AL.l de la Loi DU 29/07/1881,

procédure n°14225000377 :

DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S)PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE, entre le 20 mai 2014 et le 21 mai 2014, à Toulouse, territoire national, infraction prévue par les articles 32 AL.1, 23 AL.1, 29 AL.1l, 42 de la Loi DU 29/07/1881, l’article 93-3 de la Loi 82-652 DU 29/0711982 et réprimée par l’article 32 AL.1 de la Loi DU 29/07/1881

procédure n°14225000331 :

DIFFAMATION ENVERS PARTICULIER(S) PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE, entre le 20 mai 2014 et le 21 mai 2014, à Toulouse, territoire national, infraction prévue par les articles 32 AL.l, 23 AL.l, 29 AL.l, 42 de la Loi DU 29/07/1881, l’article 93-3 de la Loi 82-652 DU 29/07/1982 et réprimée par l’article 32 AL.1 de la Loi DU 29/07/1881

Le Tribunal, par jugement en date du 29 janvier 2019, a ordonné la jonction des procédures 14225000384, 14225000377 et 14225000331, rejeté les exceptions soulevées par le prévenu, relaxé M. X. du chef d’injure publique envers un particulier par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique et l’a déclaré coupable du surplus ;

Et, en application de ces articles, l’a condamné :

– à 3000 € d’amende avec sursis,
– a dit qu’il ne sera pas fait mention à son bulletin du casier judiciaire de la condamnation prononcée,
– a rejeté sa demande au titre de l’article 800-2 du Code de Procédure Pénale ;

SUR L’ACTION CIVILE :

* a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la SAS Blue Mind, prise en la personne de son représentant légal, de M. Y. et de M. Z.

* a condamné M. X. à payer à :

– la SAS Blue Mind, prise en la personne de son représentant légal, les sommes de 15.000€en réparation du préjudice moral et 2.000 eau titre de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;

M. Y., les sommes de 2.500 € en réparation du préjudice moral et 1.000 € au titre de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale,

M. Z., les sommes de 1.000 € en réparation du préjudice moral et 1.000€ au titre de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale,

* a débouté les parties civiles de leurs autres demandes ;

* a ordonné la mise en ligne sur le site internet accessible à l’adresse http://laveritesurbluemindnet du communiqué suivant :
« par jugement contradictoire en date du 29 janvier 2019, M. X. a été condamnée par le tribunal correctionnel de Toulouse à une peine de 3.000 euros d ‘amende avec sursis pour des infractions de diffamations publiques à l’encontre de la société Bue Mind, de M. Y. et de M Z. en raison de certains propos tenus sur le présent blog. Le tribunal a en effet considéré que le site internet http://laveritesurbluemindnet comporte des allégations et/ou imputations de faits précis à l’encontre des victimes qui portent atteintes à leur honneur ou à leur considération ».

* a dit que ce communiqué, placé sous le titre rédigé en lettres capitales, « COMMUNIQUE JUDICIAIRE », devra.figurer en dehors de toute publicité, être rédigé en caractères gras de police 13, être accessible dans les 15 jours qui suivront le jour où la présente décision sera devenue définitive et pendant une durée de 3 mois, directement sur la première page-écran de la page d’accueil du site.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :
M. X., le 06 février 2019 sur les dispositions pénales et civiles ;
le procureur de la République, le 06 février 2019 ;
SAS Bue Mind, le 08 février 2019 sur les dispositions civiles ;
M. Y., le 08 février 2019 sur les dispositions civiles ;
M. Z., le 08 février 2019 sur les dispositions civiles ;

L’ARRÊT :

Par arrêt en date du 19 septembre 2019, la Chambre des appels correctionnels de Toulouse a renvoyé l’affaire au 04 décembre 2019.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l’audience publique du 1er juillet 2019 l’examen de l’affaire a été renvoyée au 19 septembre 2019 ;

A l’audience publique du 04 décembre 2019, le Président a constaté l’identité du prévenu, lequel a été informé des dispositions de 1’article 406 du Code de Procédure Pénale ;

In limine litis, Maître Willemant Richard, a soulevé des exceptions de nullité de la procédure, les parties ayant été entendues, le Ministère Public indiquant ne pas requérir dans ce dossier, la Cour a joint l’incident au fond.

Ont été entendus :

Monsieur Roussel en son rapport ;

Le prévenu, appelant, a sommairement indiqué à la Cour les motifs de son appel ;

M. X. en ses interrogatoire et moyens de défense ;

M. Y. en son nom et en qualité de Président de la SAS Blue Mind, partie civile, en ses explications ;

M. Z., partie civile, en ses explications ;

M. X. en ses interrogatoire et moyens de défense; Maître Willemant Richard, avocat de M. X., sur les nullités ;

Maître Baudras Elodie, avocat des parties civiles, sur les nullités puis en ses conclusions (visées) oralement développées ;

Monsieur Neyrand, Substitut Général a rappelé qu’il ne prendrait pas de réquisitions ;

Maître Willemant, avocat de M. X., en sa plaidoirie; M. X. a eu la parole en dernier ;

Le Président a ensuite déclaré que l’arrêt serait prononcé le 08 janvier 2020.


DÉCISION :

M. X. a fait appelle 6 février 2019 et avec lui le ministère public le même jour, tandis que les 3 parties civiles la SAS Blue Mind, M. Y. et M. Z. ont fait de même le 8 février 2019, de la décision du tribunal correctionnel de Toulouse en date du 27 novembre 2018 et prononcée le 29 janvier 2019 à son encontre après une relaxe partielle du chef d’injures publiques, le condamnant à une amende de 3000 € assortis du sursis outre le bénéfice de la non inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire pour avoir :

1°) S’agissant de la société Blue Mind représentée par son président M. Y. :
– les 15, 19, 20 et 21 mai 2014, au moyen du site Internet« la véritésurbluemind.Net» ainsi que lors du salon Linux, avoir porté les allégations ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considerati0n de la société Blue Mind, au visa de 24 onglets dont on reprend les propos litigieux

– les 15 et 21 mai à 2014, avoir injurié sur ce même site Internet la société Blue Minden écrivant « Blue Mind se pose en véritable caricature de toutes les dérives que peut occasionner un usage malveillant de l’open source »

– entre le 15 et le 21 mai 2014, diffamé par des écrits la société Blue Mind en écrivant : « circulation d’une contrefaçon d’OBM. Nous pensons que Blue Mind contrefait « des logiciels tiers, au nombre desquels notre propre logiciel OBM :
« en modifiant 1’en-tête des fichiers sources des logiciels repris pour en changer les « licences libres originelles (ce qui est strictement prohibé)
« en supprimant toute mention de paternité de tiers (dont Linagora) pour les remplacer par les siennes
« en proposant de surcroît une licence commerciale incompatible avec les licences
« libres des codes source repris
« Si comme nous le pensons, comme le pensent tous les experts que nous avons consultés, Blue Mind est effectivement condamnée pour contrefaçon, cela aura pour les utilisateurs de Blue Mind deux conséquences :
« -la distribution et l’usage du logiciel contre faisant seront interdits et les utilisateurs de Blue Mind devront changer de solution
« -plus graves, des clients et partenaires de Blue Mind seront dans la position de receleurs de contrefaçon ce qui est un délit civil et pénal.
« Nous ne souhaitons pas que vous vous retrouviez au pied du mur une fois que la justice sera prononcée, en devant du jour en lendemain cesser d’utiliser une solution qui aura été jugée contrefaisante ».

2°et 3°) s’agissant de M. Y. et M. Z. entre le 20 et le 21 mai 2014 avoir porté des allégations ou imputation d’un fait portante atteinte à 1’honneur ou à la considération des 2 hommes en éditant sur son site Internet
« laveritésurbluemind » 12 onglets de propos litigieux s’agissant du premier et 9 s’agissant du second.

Sur le terrain de l’action civile les 3 parties civiles ont été déclarées recevables et M. X. a été condamné à payer :
-à la SA S Blue Mind prise en la personne de son représentant légal M. Y.o la somme de 15 000 € en réparation de son préjudice moral
-à M. Y. la somme de 2 500 € en réparation de son préjudice moral
-à M. Z. la somme de 1000 € en réparation de son préjudice

A été ordonné de surcroît la mise en ligne sur le site Internet »laveritésurbluemind », le communiqué suivant :

« Par jugement contradictoire en date du 29 janvier 2019, M. X. a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse à une peine de 3000 € d’amende avec sursis pour des infractions de diffamation publique à 1’encontre de la société Blue Marine, de M. Y. et de M. Z. en raison de certains propos tenus sur le présent bloc. Le tribunal a en effet considéré que le site « lavéritésmbluemind.net « comporte des allégations et/ou imputation » de faits précis à l’encontre des victimes qui portent atteinte à leur honneur ou à leur considération ».
Ce communiqué, placé sous le titre rédigé en lettres capitales «communiqué judiciaire », devra figurer en dehors de toute publicité, être rédigé en caractères gras de police 13, être accessible dans les 15 jours qui suivront le jour où la présente déc1sion sera devenue définitive et pendant une durée de 3 mois directement sur la première page écran de la page d’accueil du site ».

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Procédure :
3 réquisitoires introductifs en date des 6, 23 et 28 octobre 2014 sur plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction en date du 21 juillet 2014, de la SAS Blue Mind, et Messieurs Y. et Z., ont conduit à l’ouverture d’une information au cours de laquelle les parties civiles ont été entendues les 10 décembre 2014 et 13 janvier 15 avant commission rogatoire.
M. X. était bien le directeur de publication du site »lavéritésurbluemind », tout comme1’auteur des tracts diffusés lors du salon Linux à Paris les 20 et 21 mai.

Il a été entendu en interrogatoire de première comparution le 20 avril2015 et suivra l’avis de fin d’information en date du 9 juin 2015.
Le 3 août 2015 M. X. saisit la chambre de l’instruction de 3 requêtes en nullité visant les 3 réquisitoires introductifs : dans sa décision du 5 novembre 2015 la Chambre de l’instruction déclare les requêtes recevables mais mal fondées, et les rejette.
M. X. forme alors 3 pourvois, et la Cour de Cassation le 2 février 2016 rend 3 ordonnances de non admission immédiate dans l’attente d’un jugement au fond.
Ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Toulouse de M. X. est prise le 5 avril 2016, avant une citation à comparaître à l’audience du 4 juin 2016.

13 renvois vont alors se succéder jusqu’à 1’audience du 27 novembre 2018 la décision rendue le 29 janvier 2019.
La première audience devant la cour s’est tenue le 1er juillet pour renvoi de l’affaire au 19 septembre et enfin, par arrêt, au 4 décembre. Les affaires ont été jointes à bon droit en première instance dans l’intérêt d’une bonne
administration de la justice.

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Faits :

M. X. est le fondateur et le président de la société Linagora, créée en 2000 et poursuivant une activité d’édition de logiciels et de fourniture de services informatiques intervenant dans le monde du logiciel libre.

Alliacom qui deviendra plus tard Alliasource en 2006, est créé en 1997 par M. Y. rejoint plus tard par M. Z., et a pour objet social de développer des logiciels informatiques « open source »sur Linux, et notamment un outil bureautique de messagerie collective OBM (Open Business Management) qu’il crée en 1998 et qui va devenir un logiciel performant et reconnu de groupe de travail complet alliant messagerie, gestion commerciale, gestion du temps et de la production.

Linagora rachète en 2007 la majorité des parts d’Alliasource et devient éditeur du logiciel OBM dans le cadre de la société devenue Linagora Grand sud-ouest.

M. Y. en est alors de 2007 à 2010 le dirigeant, et M. Z. un cadre responsable jusqu’à leur démission à tous deux en mai et juillet 2010 à la suite d’un désaccord avec M. X., et la cession de leurs parts restantes.
Devenu conseiller à son compte pendant la durée de la clause de non­ concurrence de septembre 2010 à octobre 2011 pour le compte d’une société éditrice de logiciels propriétaires sans relation avec le domaine du logiciel libre, M. Y. décide de créer à 1’issue de cette période, le 12 octobre 2010 la société Blue Mind initialement pour proposer du conseil en technologies, systèmes d’information, organisation et stratégie de développement des sociétés, avant de retourner progressivement à une activité de messagerie collaborative open source.

M. Z. le rejoint en octobre 2011.

Une première version d’essai du logiciel Blue Mind est publié le 30 mars 2012, avant sa version finale et distribuable mise en ligne le 29 octobre 2012.
La société Linagora et M. X. qui en a pris ombrage, obtiendront l’autorisation, au terme d’une procédure judiciaire purement conservatoire et non contradictoire, et à laquelle ne s’est par ailleurs pas opposée la société Blue Mind, de procéder du 23 juillet au 3 août 2012 à une saisie contrefaçon qui constituera le premier jalonnement des développements procéduraux acharnés qui suivront durant 7 ans entre les 2 sociétés, jusqu’à la présente procédure.

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Sur la prescription :

M. X. entend principalement se prévaloir de l’acquisition de la prescription en soulevant successivement deux nullités ;

• La première est relative à la citation par laquelle il a été cité à comparaître pour 1’audience du 1er juillet 2019 par acte signifié à étude le 14 juin 2019, au­ delà dira-t-il, du délai de 3 mois de la courte prescription de 1’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, qui le sépare des déclaration d ‘appelles 6 et 8 février, et comme ne répondant pas aux exigences spécifiques en matière de presse.

Le mandement de citation a été adressé à l’huissier instrumentaire le 15 avril 2019, les parties civiles ayant été citées pour leur part, à personne le 19 avril.
La citation en question n’est par ailleurs pas un acte introductif d’instance mais une simple convocation comparaître devant la cour dont la saisine s’est opérée par les déclarations d’appel : elle contient néanmoins l’énoncé les infractions reprochées avec les textes de poursuites et de répression.
La prescription n’était par conséquent pas acquise lorsque lui a été délivrée la citation.

• Il reprend ensuite ses revendications débattues devant les premiers juges aux termes desquelles, le dernier acte de poursuite avant 1’arrêt de la chambre de l’instruction du 5 novembre 2015 serait constitué par les réquisitoires définitifs du procureur de la République en date des 2 et 7 juillet 2015, avec un écart dans le temps supérieur par conséquent aux trois mois exigés.

Or la prescription est suspendue à partir du moment où le juge d’instruction estime que l’information est achevée et pendant les délais prévus par l’article 175 du code de procédure pénale (en sa rédaction antérieure à la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 et à la création par le même texte, de l’article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 ), c’est-à-dire durant le délai ouvert aux parties pour faire connaître leurs observations, formuler d’ultimes demandes d’actes ou déposer leurs dernières requêtes.

Les premiers juges ont donc à bon droit considéré qu’existait en fait un obstacle de droit de nature à suspendre le cours de la prescription avec les exigences de1’article 175 du code de procédure pénale qui met à disposition des parties un délai de trois mois après 1’avis de fin d’information, ici le 9 juin 2015, et la communication du dossier pour observation ou nullités soulevées, prolongé d’un délai supplémentaire d’un mois pour leur permettre d’adresser au juge instruction des remarques complémentaires en réplique.
Ce délai de 4 mois est par ailleurs incompressible en ce sens qu’aucune des parties et pas même le juge instruction n’ont la faculté ni1’autorité de1’écourter d’une façon quelconque.

La décision des premiers juges sera par conséquent confirmée sur ce premier point.

Sur le sursis à statuer :

Est sollicité encore en cause d’appel comme il l’avait été en première instance ,un sursis à statuer compte-tenu de la technicité de1’affaire et du risque de contrariété de décision avec notamment deux instances en cours :
-une information judiciaire ouverte devant le doyen des juges d’instruction de Toulouse sur plainte avec constitution de partie civile de décembre 2015 pour contrefaçon de droits d’auteur sur un logiciel
-une action civile pendante devant le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale et parasitaire, engagée depuis le 26 juillet 2012.

Ce sursis à statuer qui en tout état de cause ne saurait suppléer la carence des parties est ici, facultatif et ne peut s’envisager qu’avec la plus grande vigilance sous peine de dénaturer l’esprit de la loi du 29 juillet 1881 qui impose un jugement rapide des infractions de presse, ainsi que son article 57 s’en fait l’écho.
L’on est ici à 5 ans de procédure avec une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, remontant au 5 avril 2016, bien loin des exigences de célérité du droit de la presse et même des invitations de droit commun au délai raisonnable, pour faire exagérément cas de procédures à la durée et à l’issue incertaines, alors qu’il s’agit ici de statuer sur les infractions spécifiques relevant du droit particulier de la presse.
La décision de rejet de la demande prise par les premiers juges sera ainsi confirmée.

Sur l’injure publique :

S’agissant de1’injure publique initialement reprochée à M. X. et que les premiers juges n’ont pas retenue, elle suppose pour être poursuivie en tant que telle d’être caractérisée en dehors de tout contexte factuel qui comporterait des faits précis lui donnant son sens et sa portée, et relèverait alors de la diffamation qui l’absorberait.
En l’espèce les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses invoquée sont indivisibles des imputations diffamatoires et ne peuvent par conséquent être relevées seules.
La décision dont appel sera confirmée sur le fondement de ces considérations.

Sur le caractère public des propos qualifiés de diffamation :

M. X., pour contester le caractère public des propos litigieux exigé par l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, prétend s’être adressé à la communauté du logiciel libre avec des propos qui n’auraient été communiqués qu’à un nombre restreint de destinataires.
Mais le caractère public de l’infraction ne tombe que lorsque ces destinataires constituent un groupement de personnes liées par une communauté d’intérêts autres qu’une communauté unie par une convergence de pensée
politique, idéologique, ou partageant simplement des intérêts communs, comme en l’espèce.

Faute de cette démonstration d’un ciment juridique ou contractuel qui les lierait, il y a lieu de rejeter l’argumentation articulée en confirmant une fois encore la décision des premiers juges.

Sur l’offre de preuve de la vérité :

M. X. maintient son offre de preuve de la vérité sur le fondement de 1’article 55 de la loi du 22 juillet 1881 tels que développé dans l’acte d’huissier du 31 mai 2016.
Les allégations péremptoires plus que les démonstrations que contiendrait le tableau didactique en question, sont insuffisantes pour qui ne partage pas d’emblée la conviction du caractère définitif de sa pertinence, car trop partiellement étayé même par les quelque 360 pièces produites à l’appui, dont
-les plus saillantes d’entre elles n’autorisent pas le ton catégorique employé pour affirmer ce qui demeure du domaine de l’interprétation.
Aucune juridiction saisie n’a su rendre encore de décision définitive, et l’expertise Zenaty du 21 mars 2016, extraite de la procédure de Bordeaux, vient fragiliser les allégations quant à une fraude aux règles des licences open source, quant à un logiciel qui serait diffusé partiellement sous une licence propriétaire, et même quant à la question des droits d’auteurs des logiciels O’Push et OBM sym.

Force est de constater par conséquent que la preuve de la vérité n’est pas à ici parfaite, ni complète, ni corrélative à toutes les assertions formulées dans toute leur matérialité et leur portée.

Sur la bonne foi :

Il doit être rappelé que l’admission de la bonne foi suppose que l’auteur des propos ait agi sans animosité personnelle, en poursuivant un but légitime, avec prudence et mesure dans l’expression et après avoir vérifié ses sources.

M. X. revendique la posture d’un lanceur d’alerte dans la communauté du logiciel libre.
Parmi les propos litigieux les plus représentatifs de l’ensemble on relèvera :
-« Appel à mobilisation de tous les acteurs de l’écosystème du logiciel libre contre les agissements frauduleux de Blue Mind »
-« Parmi vous se trouvent grand nombre d’anciens partenaires de l’Ina
Laura trompé sur la naturelle des produits et services proposés par Blue Mind et notamment sur le caractère prétendument novateur et libre de sa solution. Cette tromperie dont vous êtes victime a pour vous 2 conséquences : tout d’abord la forte précarité de l’usage de cette solution dont la justice pourrait interdire tôt ou tard l’usage, et encore plus alarmant, Blue Mind fait de vous des receleurs de contrefaçon délit civil et pénal »
-« des sanctions pénales pour recel de contrefaçon pourraient être appliquées à votre encontre.. Pourquoi prendre des risques financiers et juridiques majeurs quand il existe des logiciels de messagerie collaborative alternatifs ? »

La considération éclairée dont il n’est pas contesté qu’en jouit à l’heure actuelle M. Y., après 7 ans d’étalage public du conflit dans la communauté du logiciel libre, vient ici confirmer la pertinence de 1’analyse des premiers juges affirmant que les propos litigieux sont relatifs à cette question d’ordre privé d’une contrefaçon et d’une concurrence déloyale dont Linagora serait victime dans le contexte d’un conflit commercial majeur entre deux sociétés.
L’exigence d’un but légitime d’information se combine par ailleurs étroitement ici avec celle de l’absence d’animosité personnelle de l’auteur, que pour le moins ne reflète pas son acharnement procédural ces années durant jusqu’à la présente procédure, cette fois à l’initiative de M. Y. et M. Z.

Autres exigences, celles d’apprécier si M. X. s’est conformé à l’exigence de sérieux de l’enquête menée à partir d’une base factuelle suffisante, dont l’offre de vérité permet ici de prendre la mesure, et qu’il faut combiner une fois encore avec celle de prudence dans l’expression et d’objectivité dans le propos, d’autant plus fort ici que les faits sont techniques et complexes.

Sa perception initiale de1’affaire ,prolongée par le raccourci de1’analyse des pièces obtenues avec la procédure de saisie contrefaçon, et 1’éclairage encore d’un expert mandaté par lui, a pu approcher en 2014 une base factuelle suffisante, mais M. X. s’est néanmoins autorisé à dépasser la mesure en agitant des accusations graves, dont on perçoit au travers des pièces échangées qu’elles sont au moins prématurées, et au-delà non indiscutablement fondées, lorsqu’il brandit avec une résonance de slogan publicitaire, le spectre de condamnations pénales, appelées à se répandre par capillarité en recel.
La démarche finit ainsi par être outrancière d’autant qu’elle est loin d’être désintéressée et sans conséquences dommageables moralement et financièrement pour ceux qu’elle désigne.

Les conditions du fait justificatif de la bonne foi, ne sont donc pas en l’espèce réunies, et la décision des premiers juges à cet égard sera encore une fois confirmée.

Sur la peine :

Au delà de la considération de 1’absence de condamnation à figurant à son casier judiciaire avec une amende au montant parfaitement proportionné aux revenus déclarés du prévenu et d’autant moins élevé qu’elle est intégralement assortie du sursis, les premiers juges ont entendu ne pas sanctionner exagérément le prévenu dans un contexte de litige commercial, à l’aune rigoureuse de 1’exigence de proportionnalité de 1’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de1’homme et des libertés fondamentales. ll y a lieu en l’espèce de confirmer une décision dont le caractère de blâme symbolique ne dépassera pas outre mesure une déclaration de culpabilité de principe, dissuasive de réitération, mais sans nécessité qu’elle apparaisse sur le bulletin numéro 2 du casier judiciaire du prévenu.

Sur l’action civile :

La cour dispose des éléments d’appréciation suffisants pour confirmer le jugement sur 1’action civile, les premiers juges ayant fait une juste appréciation des conséquences civiles des infractions.
La publication du communiqué judiciaire dans les termes mesurés de la décision dont appel, est de nature à contribuer à une juste et équitable réparation du préjudice ayant découlé de l’infraction: la décision à ce titre sera confirmée en toutes ses dispositions.

L’équité commande de faire bénéficier les parties civiles, après en cause d’appel des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale à raison des frais exposés en cause d’appel.


DÉCISION

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard du prévenu et des parties civiles, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort,

En la forme déclare recevables les appels du prévenu, du ministère public et des parties civiles,

Sur les exceptions, confirme le jugement

Au fond, sur l’action publique confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Avertit M. X. qu’en cas de condamnation pour une nouvelle infraction qualifiée crime ou délit de droit commun qui serait commise dans le délai de cinq ans à compter du jour où la présente décision sera définitive, le sursis pourra être révoqué en tout ou partie, la première peine étant exécutée sans qu’elle puisse se confondre avec la seconde, et que les peines de la récidive seront encourues dans les termes des articles 132-9 à 132-10 du Code Pénal.

L’informe que s’il ne commet pas, dans ce délai, un crime ou un délit de droit commun suivi d’une nouvelle condamnation ayant ordonné la révocation totale du sursis, la présente condamnation sera réputée non avenue.

Sur l’action civile confirme le jugement en ses dispositions civiles, et déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes à l’exception de la demande en participation aux frais non répétibles.

Confirme dans toutes ses dispositions la mise en ligne du communiqué judiciaire ordonné dans le jugement dont appel

Condamne M. X. à payer en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale à raison des frais exposés en cause d’appel, les sommes de :
– 3000 Euros à la société Blue Mind
– 2000 Euros à M. Y.
– 1500 Euros à M. Z.

« Rappelle au condamné la possibilité pour la partie civile, non éligible à la Commission d’Indemnisation des Victimes d ‘Infractions (CIVI), de saisir le Service d’Aide au Recouvrement des dommages et intérêts pour les Victimes d ‘Infractions (SARVI) s’il ne procède pas au paiement des dommages-intérêts et des frais d ‘exécution auxquels il a été condamné dans le délai de 2 mois courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.
Dans ce cas, le montant des dommages et intérêts et des sommes dues en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale sera augmenté d ‘une pénalité de 30 %. ».

En application de l’article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 169 euros dont chaque condamné est redevable. En cas de paiement dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance de l’arrêt, il bénéficie d ‘une diminution de 20 % de la somme totale à payer (frais fixes et/ou amende). Le paiement ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.

Le tout en vertu des textes sus-visés ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.

 

La Cour : M. Martorano (président de chambre), M. Roussel (conseiller), M. Godon (vice-président placé), Mme Poinsot (greffier)

Avocats : Me Richard Wtilemant, Me Elodie Baudras , Me Stanley Claisse

Source : Legalis.net

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