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Jurisprudence : Vie privée

mercredi 19 mai 2010
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Cour de cassation Chambre sociale Arrêt du 12 mai 2010

Stéphane S. / Association Société européenne de cardiologie

courrier électronique - faute grave - harcèlement - licenciement - salarié - vie privée

Statuant sur le pourvoi formé par M. Stéphane S., contre l’arrêt rendu le 13 octobre 2008 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (17ème chambre), dans le litige l’opposant à l’association Société européenne de cardiologie, défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

Sur le moyen unique

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. S., qui avait été engagé le 1er avril 2000 en qualité d’”associate manager congrès” par la Société européenne de cardiologie absorbée en août 2000 par l’association du même nom, a été licencié pour faute grave le 6 septembre 2005 pour avoir utilisé le matériel informatique professionnel pour harceler sexuellement et moralement un de ses collaborateurs directs sous des pseudonymes féminins ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt confirmatif de l’avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen, “qu’un licenciement ne peut être justifié pour des faits relevant de la vie privée du salarié ; qu’ainsi, la cour d’appel, en considérant que les échanges virtuels sur internet entretenus entre M. S. et son collègue M. D., exclusifs de tout harcèlement moral ou sexuel, justifiaient son licenciement dès lors qu’ils revêtaient le caractère de violence morale à l’égard de M. D., a violé les articles 8-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, 9 du code civil et L. 1234-1 du code du travail” ;

Mais attendu que la cour d’appel, après avoir relevé que le salarié avait, sous des pseudonymes féminins, entretenu pendant plus d’un an avec un de ses subordonnés une correspondance soutenue, avec son ordinateur professionnel et pendant son temps de travail, consistant à le manipuler pour lui faire croire qu’il entretenait une relation amoureuse et sexuelle virtuelle avec successivement deux femmes afin de développer son emprise psychologique sur lui, a pu, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, considérer que ces agissements constitutifs de violence morale justifiaient la rupture immédiate de son contrat de travail et constituaient une faute grave ;

DECISION

Par ces motifs :

. Rejette le pourvoi ;

. Condamne M. S. aux dépens ;

. Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, avocat aux conseils, pour M. S.

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit que le licenciement de Monsieur S. est justifié par une faute grave et de l’avoir débouté de ses demandes en paiement d’indemnités ;

Aux motifs qu’il résulte de l’attestation du 9 novembre 2005 de Monsieur François D., subordonné de Monsieur Stéphane S. au sein de l’Association SEC, ainsi que du rapport adressé en août 2005 par Monsieur François D. à Madame Anne M., directrice de ressources humaines, que Monsieur Stéphane S., qui avait des liens professionnels étroits avec Monsieur François D., a manipulé ce dernier en lui faisant croire qu’il entretenait une relation amoureuse virtuelle avec une femme dénommée Irène ; que M. Stéphane S. ne peut prétendre qu’il ignorait qu’il s’adressait à M. François D. à sa messagerie Hlibreantibes@aol.com compte tenu que M. François D. a écrit à Irenenice 06 à deux reprises de sa boîte mail professionnelle (FD.@escardio.org) tel qu’il l’indique à Madame Anne M. dans un message du 23 août 2005 (mail transmis de FD.@escardio.org à Irenenice06@aol.com le 11 mai 2004 produit par l’intimée) ;
que Monsieur François D. précise par ailleurs qu’il parlait d’Irène à son manager Monsieur Stéphane S. «tous les jours», ce dernier ayant décidé de faire mourir « Irène » dans un accident de voiture en janvier 2005 alors que Monsieur François D. commençait à chercher activement à remonter la trace de la messagerie de irenenice06@aol.com ; que M. François D. a comptabilisé en juillet 2004 «plus de 3 000 messages» échangés avec «Irène» celle-ci lui écrivant «souvent la journée» du poste de travail de Monsieur S. (adresse IP 213 30 159 66) ; que les contacts fréquents dans la journée de M. Stéphane S. sous son «pseudonyme» ou par le portail d’Aol France sont démontrés par l’historique des connexions internet produite par l’employeur sur la période du 13 septembre au 15 octobre 2004 ;
qu’il est établi que M. Stéphane S. a, durant son temps de travail, et par l’intermédiaire de son poste informatique de travail, multiplié les contacts avec Monsieur François D. sous le pseudonyme de «Irène», amenant ce dernier à entretenir une relation amoureuse virtuelle avec «Irène» à se déshabiller et à se «donner» devant la caméra ; que le scénario mis en scène par Monsieur Stéphane S. pour tromper son subordonné a été d’autant plus efficace qu’il profitait de la proximité de ses liens professionnels avec Monsieur François D. pour recevoir ses confidences et développer ainsi son emprise psychologique ; que Monsieur Stéphane S. a ainsi exercé des actes de violence morale sur la personne de Monsieur François D., faits qualifiés de «torture morale» dans la lettre de rupture, justifiant son licenciement pour faute grave privative des indemnités de rupture y compris durant la période de préavis compte tenu que ces faits révélés en août 2005 ne pouvaient que nuire à la bonne marche de l’entreprise ;

Alors qu’un licenciement ne peut être justifié pour des faits relevant de la vie privée du salarié ; qu’ainsi, la Cour d’appel, en considérant que les échanges virtuels sur internet entretenus entre M. S. et son collègue M. D. , exclusifs de tout harcèlement moral ou sexuel, justifiaient le licenciement de M. S. dès lors qu’ils revêtaient le caractère de violence morale à l’égard de M. D., a violé les articles 8-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, 9 du Code civil et L 1234-1 du Code du travail.

La cour : M. Chauviré (président), Mme Grivel (conseiller référendaire rapporteur), M. Moignard (conseiller), M. Lacan (avocat général)

Avocat : SCP Potier de La Varde, Buk-Lamen

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