Jurisprudence : E-commerce
Cour de justice de l’Union européenne, 5ème ch., arrêt du 4 octobre 2018
Komisia za zashtita na potrebitelite / Mme X.
consommateur - pratiques commerciales - professionnel - Protection des consommateurs - publication d’annonces - Renvoi préjudiciel - site internet
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous b) et d), de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n o 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L 149, p. 22).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme X. à la Komisiya za zashtita na potrebitelite (commission de protection des consommateurs, Bulgarie) (ci-après la « CPC ») au sujet d’un acte adopté par cette dernière infligeant des amendes administratives à Mme X. au motif qu’elle aurait omis de fournir des renseignements aux consommateurs à l’occasion d’annonces de vente de biens publiées sur un site Internet.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2005/29
3 L’article 2 de la directive 2005/29 dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
a) “consommateur” : toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ;
b) “professionnel” : toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou pour le compte d’un professionnel ;
[…]
d) “pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs” […] : toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs ;
[…] »
4 L’article 3, paragraphe 1, de cette directive est libellé comme suit :
« La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit. »
La directive 2011/83/UE
5 La directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64) dispose, à son article 2 :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “consommateur”, toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ;
2) “professionnel”, toute personne physique ou morale, qu’elle soit publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale en ce qui concerne des contrats relevant de la présente directive ;
[…] »
6 Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, celle-ci « s’applique, dans les conditions et dans la mesure prévues par ses dispositions, à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ».
7 L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive énumère les informations que doit fournir le professionnel avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type.
8 L’article 9, paragraphe 1, de la même directive prévoit que le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement.
Le droit bulgare
9 Les articles 47 et 50 du Zakon za zashtita na potrebitelite (loi de protection des consommateurs) (DV no 99, du 9 décembre 2005), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « ZZP »), transposent dans l’ordre juridique bulgare respectivement les articles 6 et 9 de la directive 2011/83 relatifs, le premier, aux obligations d’information concernant les contrats à distance et, le second, au droit de rétractation.
10 L’article 204 du ZZP se lit comme suit :
« Le non-respect des obligations d’information du consommateur visées à l’article 47, paragraphes 1, 2, 3, 5, 6 et 7, ainsi qu’aux articles 48 et 49, est passible, pour les personnes physiques, d’une amende de 100 à 1 000 [leva bulgares (BGN)] et, pour les entreprises unipersonnelles ou pour les personnes morales, d’une sanction pécuniaire de 500 à 3 000 BGN pour chaque cas de figure. »
11 L’article 207, paragraphe 1, du ZZP dispose :
« Une personne qui fait obstruction au droit du consommateur, inscrit à l’article 50, de se rétracter d’un contrat à distance ou hors établissement se voit infliger une amende ou sanction pécuniaire de 1 000 à 3 000 BGN pour chaque cas de figure. »
12 Aux termes du paragraphe 13, point 2, des dispositions complémentaires au ZZP :
« On entend par “professionnel”, toute personne physique ou morale qui vend des biens ou les offre à la vente, qui fournit des services ou qui conclut un contrat avec un consommateur dans le cadre de son activité commerciale ou professionnelle dans le secteur public ou privé, ainsi que toute personne qui agit en son nom et pour son compte. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
13 Un consommateur a acheté une montre sur le site Internet www.olx.bg en vertu d’un contrat de vente à distance. Considérant que cette montre ne correspondait pas aux propriétés indiquées dans l’annonce publiée sur ce site, il a déposé une plainte auprès de la CPC après que le fournisseur de la montre a refusé que celle-ci lui soit renvoyée contre remboursement de la somme payée.
14 Après vérifications, la CPC a constaté que Mme X., enregistrée sur ledit site sous le pseudonyme « eveto-ZZ », était la vendeuse de la montre. Selon le gestionnaire du site Internet www.olx.bg, l’utilisateur de ce pseudonyme aurait publié au total huit annonces de vente de produits divers sur ce site, dont la montre en cause au principal.
15 Il ressort de la décision de renvoi que, après avoir consulté ledit site, la CPC a constaté que, en date du 10 décembre 2014, huit annonces de vente portant sur des produits divers étaient encore publiées sur ce site par l’utilisateur du pseudonyme « eveto-ZZ ».
16 Par décision du 27 février 2015, la CPC a constaté que Mme X. avait commis une infraction administrative et lui a infligé plusieurs amendes administratives sur le fondement des articles 204 et 207 du ZZP, pour violation de l’article 47, paragraphe 1, points 1, 2, 3, 5, 7, 8, et 12, ainsi que de l’article 50 du ZZP. Selon la CPC, Mme X. aurait omis d’indiquer dans chacune desdites annonces le nom, l’adresse postale et l’adresse électronique du professionnel, le prix total du produit mis en vente, tous droits et taxes compris, les conditions de paiement, de livraison et d’exécution, le droit du consommateur de se rétracter du contrat de vente à distance, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le rappel de l’existence d’une garantie légale de conformité des produits vendus au contrat de vente.
17 Mme X. a introduit un recours contre cette décision devant le Rayonen sad Varna (tribunal d’arrondissement de Varna, Bulgarie). Par jugement du 22 mars 2016, cette juridiction a annulé ladite décision au motif que Mme X. n’avait pas la qualité de professionnel au sens du paragraphe 13, point 2, des dispositions complémentaires au ZZP et de la directive 2005/29.
18 La CPC a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement devant la juridiction de renvoi, l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna, Bulgarie). La juridiction de renvoi relève, d’abord, que sont vendus et achetés sur Internet un important volume de produits de grande consommation. Elle rappelle, ensuite, que la directive 2005/29 a pour objectif d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs. Dans ce contexte, elle se demande en substance si, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle une personne physique vend sur Internet un nombre relativement élevé de biens d’une valeur importante, cette personne a la qualité de professionnel au sens de la directive 2005/29.
19 Dans ces conditions, l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Convient-il d’interpréter l’article 2, sous b) et d), de la [directive 2005/29] en ce sens que l’activité d’une personne physique, laquelle est enregistrée sur un site Internet de vente de produits et laquelle a publié simultanément sur le site huit annonces offrant à la vente divers produits, est l’activité d’un professionnel au sens de la définition légale de l’article 2, sous b), qu’elle constitue une pratique commerciale d’une entreprise vis-à-vis des consommateurs, au sens de l’article 2, sous d), et qu’elle tombe dans le champ d’application de la directive conformément à son article 3, paragraphe 1 ? »
Sur la question préjudicielle
20 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si une personne physique qui publie sur un site Internet, simultanément, un certain nombre d’annonces offrant à la vente des biens neufs et d’occasion, peut être qualifiée de « professionnel » au sens de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 et, d’autre part, si une telle activité constitue une « pratique commerciale » au sens de l’article 2, sous d), de cette directive.
21 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée par l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises et, dans ce contexte, d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin pour statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions (arrêt du 19 octobre 2017, Otero Ramos, C‑531/15, EU:C:2017:789, point 39 et jurisprudence citée).
22 En conséquence, même si, sur le plan formel, la juridiction de renvoi a limité sa question à l’interprétation de dispositions de la directive 2005/29, il appartient à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Otero Ramos, C‑531/15, EU:C:2017:789, point 40 et jurisprudence citée).
23 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les dispositions nationales pertinentes dans l’affaire au principal, à savoir les articles 47 et 50 de la ZZP, transposent dans l’ordre juridique bulgare, respectivement, les articles 6 et 9 de la directive 2011/83. Or, la juridiction de renvoi qui cherche notamment à savoir si une personne physique, telle que celle en cause au principal, qui publie sur un site Internet, simultanément, plusieurs annonces offrant à la vente des biens neufs et d’occasion, peut être qualifiée de « professionnel » et doit, en tant que tel, se conformer aux exigences énumérées à ces articles ne sollicite, dans sa question préjudicielle, que l’interprétation de la directive 2005/29.
24 Dans ce contexte, il y a lieu de comprendre que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si une personne physique qui publie sur un site Internet, simultanément, un certain nombre d’annonces offrant à la vente des biens neufs et d’occasion peut être qualifiée de « professionnel », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 et de l’article 2, point 2, de la directive 2011/83 et, d’autre part, si une telle activité constitue une « pratique commerciale », au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29.
25 En ce qui concerne, en premier lieu, la notion de « professionnel », il y a lieu de rappeler que l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 définit le professionnel comme « toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou pour le compte d’un professionnel ».
26 L’article 2, point 2, de la directive 2011/83 définit quant à lui comme professionnel « toute personne physique ou morale, qu’elle soit publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale en ce qui concerne des contrats relevant de la présente directive ».
27 Ainsi, la notion de « professionnel » est définie de manière quasi identique dans le cadre des directives 2005/29 et 2011/83.
28 En outre, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 32 de ses conclusions, tant la directive 2005/29 que la directive 2011/83 se fondent sur l’article 114 TFUE et, à ce titre, poursuivent les mêmes objectifs, à savoir contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et garantir un niveau élevé de protection des consommateurs dans le cadre législatif, réglementaire et administratif qu’elles couvrent.
29 Par conséquent, il y a lieu de considérer, à l’instar de M. l’avocat général au point 39 de ses conclusions, que la notion de « professionnel », telle que définie dans le cadre de ces directives, doit être interprétée de manière homogène.
30 Cela étant précisé, il convient de relever qu’il ressort de la rédaction de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 que le législateur de l’Union a consacré une conception particulièrement large de la notion de « professionnel », laquelle vise « toute personne physique ou morale » dès lors qu’elle exerce une activité rémunérée et n’exclut de son champ d’application ni les entités poursuivant une mission d’intérêt général ni celles qui revêtent un statut de droit public (arrêt du 3 octobre 2013, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs, C‑59/12, EU:C:2013:634, point 32).
31 Le même constat s’applique en ce qui concerne l’article 2, point 2, de la directive 2011/83, dans la mesure où cette disposition, d’une part, ainsi qu’il a été rappelé au point 26 du présent arrêt, vise expressément « toute personne physique ou morale, qu’elle soit publique ou privée » et, d’autre part, comme il a été énoncé au point 29 du présent arrêt, doit être interprétée de manière analogue à l’article 2, sous b), de la directive 2005/29.
32 Par ailleurs, il ressort de la rédaction de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 et de l’article 2, point 2, de la directive 2011/83 que, pour être qualifiée de « professionnel », il est nécessaire que la personne concernée agisse à des « fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » ou au nom ou pour le compte d’un professionnel.
33 À cet égard, il y a lieu de constater que, au regard du libellé même des définitions énoncées à l’article 2, sous a) et b), de la directive 2005/29 ainsi qu’à l’article 2, points 1 et 2, de la directive 2011/83, le sens et la portée de la notion de « professionnel » telle que visée par ces dispositions doivent être déterminés par rapport à la notion, corrélative mais antinomique, de « consommateur », laquelle désigne tout particulier non engagé dans des activités commerciales ou professionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs, C‑59/12, EU:C:2013:634, point 33 et jurisprudence citée).
34 Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, par rapport à un professionnel, le consommateur se trouve dans une position d’infériorité, en ce qu’il doit être réputé comme étant moins informé, économiquement plus faible et juridiquement moins expérimenté que son cocontractant (arrêts du 3 octobre 2013, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs, C‑59/12, EU:C:2013:634, point 35, et du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C‑147/16, EU:C:2018:320, point 54).
35 Il en résulte que la notion de « professionnel », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 et de l’article 2, point 2, de la directive 2011/83, est une notion fonctionnelle impliquant d’apprécier si le rapport contractuel ou la pratique commerciale s’inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel (voir, par analogie, arrêt du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C‑147/16, EU:C:2018:320, point 55 et jurisprudence citée).
36 Par conséquent, pour être considérée comme un « professionnel » au sens de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 et de l’article 2, point 2, de la directive 2011/83, la personne physique ou morale en cause doit agir à des « fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » ou au nom ou pour le compte d’un professionnel.
37 En ce qui concerne la question de savoir si une personne physique telle que la défenderesse au principal relève de la notion de « professionnel » au sens de ces dispositions, il importe de souligner, comme il a été relevé au point 50 des conclusions de M. l’avocat général, qu’une qualification de « professionnel » exige une « démarche au cas par cas ». Il s’ensuit que la juridiction de renvoi devra examiner, sur la base de tous les éléments de fait dont elle dispose, si une personne physique, telle que celle en cause au principal, qui a publié de manière simultanée sur une plateforme en ligne huit annonces offrant à la vente des biens neufs et d’occasion, a agi à des « fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » ou au nom ou pour le compte d’un professionnel.
38 Ainsi que l’a indiqué M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, dans le cadre de cet examen, la juridiction de renvoi devra, en particulier, vérifier si la vente sur la plateforme en ligne a été réalisée de manière organisée, si cette vente a un but lucratif, si le vendeur dispose d’informations et de compétences techniques relatives aux produits qu’il propose à la vente dont le consommateur ne dispose pas nécessairement, de façon à le placer dans une position plus avantageuse par rapport audit consommateur, si le vendeur a un statut juridique qui lui permet de réaliser des actes de commerce, et dans quelle mesure la vente en ligne est liée à l’activité commerciale ou professionnelle du vendeur, si le vendeur est assujetti à la TVA, si le vendeur, agissant au nom d’un professionnel déterminé ou pour son compte ou par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom et pour son compte, a perçu une rémunération ou un intéressement, si le vendeur achète des biens nouveaux ou d’occasion en vue de les revendre, conférant ainsi à cette activité un caractère de régularité, une fréquence et/ou une simultanéité par rapport à son activité commerciale ou professionnelle, si les produits en vente sont tous du même type ou de la même valeur, en particulier, si l’offre est concentrée sur un nombre restreint de produits.
39 Il convient de relever que les critères énumérés au point précédent ne sont ni exhaustifs ni exclusifs, de sorte que, en principe, le fait de remplir un ou plusieurs de ces critères ne détermine pas, à lui seul, la qualification à retenir à l’égard du vendeur en ligne au regard de la notion de « professionnel ».
40 Ainsi, le simple fait que la vente poursuit un but lucratif ou qu’une personne publie, de manière simultanée, sur une plateforme en ligne un certain nombre d’annonces offrant à la vente des biens neufs et d’occasion, ne suffit pas, à lui seul, pour qualifier cette personne de « professionnel », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 2005/29 et de l’article 2, point 2, de la directive 2011/83.
41 En ce qui concerne, en second lieu, la question de savoir si l’activité d’une personne physique, telle que celle de la défenderesse au principal, constitue une « pratique commerciale », au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, cette disposition définit, en utilisant une formulation particulièrement large, la notion de « pratiques commerciales » comme s’entendant de « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs » (arrêt du 19 septembre 2013, CHS Tour Services, C‑435/11, EU:C:2013:574, point 27 et jurisprudence citée).
42 Ainsi, pour considérer que l’activité en cause constitue une « pratique commerciale », au sens de ladite disposition, il convient de vérifier que cette activité, d’une part, peut être qualifiée de « pratique de nature commerciale », c’est-à-dire émaner d’un « professionnel » et, d’autre part, constitue une action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale « en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs » (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, RLvS, C‑391/12, EU:C:2013:669, point 37).
43 Il résulte de ce qui précède que l’existence d’une « pratique commerciale », au sens de la directive 2005/29, ne peut être retenue que si cette pratique émane d’un « professionnel », tel que défini à l’article 2, sous b), de cette directive.
44 Or, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été précisé au point 40 du présent arrêt, que le simple fait que la vente poursuit un but lucratif ou qu’une personne physique publie, de manière simultanée, sur une plateforme en ligne un certain nombre d’annonces offrant à la vente des biens neufs et d’occasion ne saurait suffire, à lui seul, pour qualifier cette personne de « professionnel » au sens de cette disposition. Il s’ensuit qu’une activité, telle que celle en cause au principal, ne saurait être qualifiée de « pratique commerciale », au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29.
45 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2, sous b) et d), de la directive 2005/29 et l’article 2, point 2, de la directive 2011/83 doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique, qui publie sur un site Internet, simultanément, un certain nombre d’annonces offrant à la vente des biens neufs et d’occasion, telle que la défenderesse au principal, ne saurait être qualifiée de « professionnel » et une telle activité ne saurait constituer une « pratique commerciale » que si cette personne agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, au vu de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce.
Sur les dépens
46 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
DÉCISION
L’article 2, sous b) et d), de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »), et l’article 2, point 2, de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique, qui publie sur un site Internet, simultanément, un certain nombre d’annonces offrant à la vente des biens neufs et d’occasion, telle que la défenderesse au principal, ne saurait être qualifiée de « professionnel » et une telle activité ne saurait constituer une « pratique commerciale » que si cette personne agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, au vu de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce.
La Cour : J. L. da Cruz Vilaça (président de chambre), E. Levits, A. Borg Barthet (rapporteurs), M. Berger, F. Biltgen (juges), A. Calot Escobar (greffier)
Avocat général : M. Szpunar
Source : curia.europa.eu
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