Jurisprudence : Responsabilité
Juridiction de proximité de Nantes Jugement du 13 septembre 2013
Frédéric T. / Apple
consommateur - défaut - dommages-intérêts - matériels - non conformité - procédure abusive - téléphone - vente
FAITS ET LA PROCÉDURE
Par déclaration écrite au Greffe reçue le 22 avril 2011, Monsieur Frédéric T. a saisi la juridiction de proximité de Nantes d’une demande tendant à voir condamner la société Apple Sales International à lui payer les sommes de :
– 228 € en remboursement des frais perçus avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2009,
– 1 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et économique,
– 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’affaire, appelée le 9 décembre 2011, a fait l’objet de plusieurs renvois contradictoires à la demande des parties et a été retenue à l’audience du 21 juin 2013 où Monsieur T., comparant en personne et assisté de son conseil, et la société Apple Sales International, représentée par son conseil, ont été entendus en leurs explications.
Le jugement a été mis en délibéré au 13 septembre 2013.
MOYENS
Le demandeur
Monsieur T. expose que le 27 juin 2009, il a acheté à la société Apple Sales International un téléphone mobile de type iPhone ; qu’il a constaté un dysfonctionnement du rétro-éclairage de l’écran quelques semaines plus tard ; qu’ayant contacté la société Apple, il a souscrit au service « remplacement express » au coût d’adhésion de 29 €, Apple lui fournissant un iPhone de remplacement et se faisant remettre une autorisation de prélèvement couvrant la valeur à neuf de l’appareil de remplacement, cependant que lui-même envoyait son propre appareil à Apple pour réparation.
Il ajoute que la société Apple Sales International l’a avisé le 21 août d’un refus de prise en charge de la garantie et a débité son compte d’une somme de 199 € en paiement de l’appareil de remplacement.
Il précise qu’Apple Sales International ne lui a jamais restitué l’appareil endommagé, se bornant à indiquer qu’il aurait subi « un dommage liquide » exclusif de la garantie du vendeur.
II invoque les dispositions du code de la consommation relatives à l’obligation faite au vendeur de répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Il déclare que le défaut étant apparu moins de 6 mois après la vente, il est présumé exister au moment de la délivrance du bien, et qu’il appartient à Apple Sales International d’apporter la preuve contraire, ce qu’elle ne peut pas faire ayant détruit l’objet sans avoir procédé à aucune expertise contradictoire, l’allégation d’un dommage liquide que Monsieur T. conteste formellement n’étant pas démontrée.
Le défendeur
La société Apple Sales International s’oppose à la demande.
Elle oppose, à titre liminaire, la prescription de l’action intentée par Monsieur T.
Subsidiairement, elle s’oppose au fond de la demande.
Elle soutient que les techniciens chargés de la réparation ont constaté que l’appareil avait été mis en contact avec une humidité anormale par l’utilisateur, ce que démontre l’activation des capteurs d’humidité dont le fonctionnement est parfaitement décrit dans la fiche technique de l’appareil.
Elle explique que le changement de couleur des capteurs est la preuve que le dysfonctionnement était dû à la faute de l’utilisateur excluant la garantie du vendeur.
Elle expose que Monsieur T. a amplement mis en scène la présente action, se présentant comme un justicier, n’hésitant pas à alerter la presse et à porter sa déclaration au greffe déguisé en Zorro sous le masque duquel il est néanmoins aisément reconnaissable, et cherchant par toute sorte de publicité intempestive à nuire à l’image de la firme à la pomme, tout en enflant sa propre image.
Elle forme une demande reconventionnelle en paiement de 500 € à titre de dommages et intérêts outre l’amende civile, en réparation du préjudice que lui cause l’action abusive de Monsieur T., précisant que toute tentative amiable de règlement du litige est restée vaine, ainsi que 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Sur la prescription de l’action
L’article 847-1 du code de procédure civile dispose que la prescription et les délais pour agir sont interrompus par l’enregistrement de la déclaration écrite au greffe.
La présente action introduite par une déclaration écrite au greffe reçue le 22 avril 2011 a été mise en œuvre dans le délai de 2 ans prescrit par l’article L211-12 du code de la consommation à compter de la date de la remise du bien le 27 juin 2009 établie par la facture d’achat régulièrement versée aux débats.
La fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action est rejetée.
Au fond sur la demande principale en paiement
Aux termes des articles L211-4 et L211-7 du code de la consommation, le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance ; les défauts qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
Outre la facture d’achat de l’appareil litigieux, d’une valeur de 467 € payé 99 € après remise, Monsieur T. verse aux débats :
– la facture du service remplacement express d’un montant de 29 € en date du 19 août 2009 ;
– l’ordre de prélèvement à hauteur de 199 € en date du 21 août 2009 ;
– le courrier d’Apple en date du 21 août 2009 refusant la garantie et annonçant le débit de la valeur de l’appareil de remplacement ;
– l’extrait de son compte figurant le paiement de 199 € par carte bancaire le 26 août 2009 ;
– le courriel de Monsieur T. sommant Apple de restituer l’iPhone d’origine en vue d’une expertise contradictoire en date du 24 août 2009 ;
– la mise en demeure de paiement en date du 22 décembre 2009.
Ces documents établissant que le dysfonctionnement de l’appareil est apparu dans les six mois de la vente, le défaut de conformité qui l’a provoqué est présumé avoir existé avant la vente.
Il appartient à la société Apple d’apporter la preuve contraire, ce qu’elle ne fait pas.
Elle se borne en effet à procéder par voie d’affirmation unilatérale, invoquant les conclusions de ses techniciens, mais sans fournir aucun élément technique les corroborant, l’affirmation de l’activation des capteurs comme preuve d’un « dommage liquide » restant d’ordre général, rien ne prouvant qu’elle s’applique au cas présent.
Le courrier de refus de garantie du 21 août 2009 ne précise même pas que le dommage est dû à de l’humidité se bornant à invoquer un « dommage physique » sans autre précision.
Malgré la demande que Monsieur T. en a fait dès le 29 août, Apple n’a jamais restitué l’appareil à celui-ci qui en restait pourtant le propriétaire, et en a rendu tout examen contradictoire impossible en le faisant purement et simplement disparaître, agissant comme si elle avait le pouvoir de décider unilatéralement de l’achat par le client d’un nouvel appareil dans le cadre du remplacement express.
Elle est, dans ces conditions, particulièrement mal venue à se plaindre du caractère abusif de la présente action.
La société Apple Sales International, qui répond du défaut de conformité de l’appareil, doit à Monsieur T. l’indemnisation intégrale du préjudice en résultant.
Elle est condamnée à lui payer les sommes de :
– 199 € en remboursement de coût de remplacement indûment prélevé,
– 29 € en remboursement des frais exposés au titre du remplacement express,
Soit au total 228 €.
Conformément aux dispositions de l’article 1153 cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure de payer en date du 22 décembre 2009.
La société Apple Sales International est encore condamnée à payer à Monsieur T. la somme de 1 € en réparation du préjudice causé du fait des nombreux courriers et appels téléphoniques adressés en vain.
Sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, elle est condamnée à lui payer la somme de 800 € en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés dans l’instance.
La société Apple Sales International condamnée au principal, est déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, elle doit supporter les dépens de l’instance.
Elle ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et est déboutée de sa demande en paiement de 500 € sur ce fondement.
DÉCISION
La Juridiction de Proximité, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
. Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription,
. Dit en conséquence Monsieur Frédéric T. recevable en sa demande y faisant droit,
. Condamne la société Apple Sales International à payer à Monsieur Frédéric T. :
– la somme de 228 € avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2009 ;
– la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts ;
– la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
. Déboute les parties de toute autre demande.
. Dit que la société Apple Sales International doit supporter les dépens de l’instance.
Le tribunal : Mme Hélène Duguet (présidente)
Avocats : Me Stéphane Lallement, Me Jean-Luc Larribau,
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