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Jurisprudence : Logiciel

mardi 10 avril 2012
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Juridiction de proximité de Saint Denis Jugement du 10 janvier 2012

Aurélien M. / Samsung Electronics France

distribution - logiciel - logiciel d'exploitation - ordinateur - pratique commerciale déloyale - remboursement - vente - ventes liées

FAITS

Le 9 décembre 2009, Monsieur Aurélien M. a acquis un ordinateur de marque Samsung modèle NC 10 X10V dans une grande surface Auchan à Valence pour un montant total de 299,25 € ;

L’ordinateur n’étant vendu qu’avec un ensemble de logiciels préinstallés composé du système d’exploitation Microsoft Windows XP Edition ULCPC 32 bits, d’une part et de divers autres logiciels d’autre part.

Après avoir allumé son ordinateur, Monsieur M. s’est aperçu que le système d’exploitation préinstallé prenait la main et l’invitait à accepter le contrat de licence de l’utilisateur final ou à éteindre l’appareil et prendre l’attache de Samsung. Le 10 novembre 2009, Monsieur M. a écrit à Samsung pour lui faire part de son souhait d’obtenir le remboursement de la licence du système d’exploitation préinstallé. La société Samsung lui a donné son accord de principe sur un « remboursement » de la somme de 60,00 € au titre du système d’exploitation et lui a notifié la procédure en vigueur à cette fin.

Ladite procédure impose au client désireux d’obtenir le remboursement du système d’exploitation, le retour de l’ordinateur au service technique de Samsung, à ses risques et frais, aux fins de désinstallation du système d’exploitation et de suppression des éléments de licence.

Le 23 décembre 2009, Monsieur M. a répondu à Samsung qu’il contestait, tant la procédure qui impose que l’ordinateur soit adressé à Samsung que le montant du remboursement proposé au titre du système d’exploitation.

Le demandeur refusant la procédure, un échange de courriers entre Monsieur M. puis son conseil et Samsung s’ensuivra le 22 mars 2010. Dans le nouvel état de ses demandes formulées auprès de Samsung, Monsieur M. et son conseil demandent le remboursement non plus du seul montant du système d’exploitation mais également de la valeur des logiciels préinstallés.

Samsung comme Monsieur Aurélien M. vont demeurer sur leurs positions respectives.

PROCÉDURE

[…]

PRÉTENTIONS ET MOYENS

A titre liminaire Monsieur M. demande à la Juridiction, à dire et juger que le matériel et les logiciels sont deux éléments distincts, tant dans leur nature que dans leur régime juridique,

A titre principal Monsieur M. demande la Juridiction de :
– Constater que la société Samsung a exigé de lui le paiement immédiat de logiciels qu’elle a fournis, sans que ce dernier ne les ait jamais demandés
– Constater qu’il s’agit d’une pratique commerciale agressive et « déloyale en toutes circonstances » et interdite au sens du paragraphe 29 de l’annexe I de la directive
2005/29/CE
– Déclarer en conséquence cette pratique commerciale de fourniture de produits non demandés purement et simplement interdite par application des dispositions de la directive 1005/29/CE et des articles L 122-3 et L 120-1 du code de la consommation

Subsidiairement, Monsieur M. demande à la Juridiction de constater que dans le cadre de sa pratique commerciale de vente subordonnée des logiciels avec le matériel informatique, la société Samsung s’est livrée au regard des circonstances de l’espèce à des pratiques trompeuses par action et par omission, agressives et illicites et qu’il s’agit de pratiques commerciales déloyales. En conséquence déclarer cette pratique commerciale de vente subordonnée purement et simplement interdite compte tenu des circonstances de l’espèce par application des dispositions de l’article L 120-1 du Code de la Consommation.

Monsieur M. demande également à la Juridiction de :
Rappeler que son droit au remboursement des logiciels ne pourra être subordonné à aucune condition en vertu de l’article L 122-3 du code de la consommation avec toutes suites et conséquences de droit.

Par suite déclarer abusive la procédure de remboursement de la société Samsung et la réputer non écrite.

Le demandeur conclut également à la condamnation de la société défenderesse au paiement outre des dépens, des sommes suivantes :
– 110,00 € au titre du remboursement du système d’exploitation Windows XP Edition ULCPC 32 bits et 300,00 € représentant une somme forfaitaire au titre des autres logiciels préinstallés
– Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2009 par application des dispositions de l’article L 122-3 du code de la consommation et ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil
– 2500,00 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice résultant des pratiques commerciales déloyales de la société Samsung
– 3500,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur M. fait valoir des moyens tirés des principes relatifs aux pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs sur la base de la directive 2005/29/CE (articles 5 à 9) et l’annexe I relative aux « pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances » et les lois n° 2008-3 du 3 janvier 2008 et 2008-776 du 4 août 2008 transposant la directive et les articles L 120-1 à L 121-7 et L 121-11 à L 122-15 du code de la consommation. Il sera renvoyé conclusions récapitulatives et responsives n° 3 pour le détail de l’argumentation.

En défense, la société Samsung développe également de longues conclusions et fait valoir des moyens tirés de l’absence de pratiques commerciales déloyales, trompeuses et ou agressives mises en œuvre par Samsung et de l’absence de toute vente forcée mise en œuvre par Samsung et l’inapplicabilité de l’article L 122-3 du code de la consommation et de ses conséquences ainsi que de l’absence de clause abusive mise en œuvre par Samsung. Il sera renvoyé aux conclusions récapitulatives n°2 de Samsung pour le détail de l’argumentation.

Ainsi, Samsung demande à la Juridiction de :
– Constater l’absence de pratiques commerciales déloyales, trompeuses et ou agressives mises en œuvre par Samsung
– Constater l’absence de toute vente forcée mise en œuvre par Samsung et l’inapplicabilité de l’article L 122-3 du code de la consommation et de ses conséquences
– Constater l’absence de clause abusive mise en œuvre par Samsung
– Constater la conformité de la procédure de remboursement au droit au remboursement reconnu par le consommateur et dont à Monsieur G.
– Constater l’adéquation du montant du remboursement du système d’exploitation fixé par Samsung au prix payé par Monsieur M. dans le cadre de l’offre commerciale faite sur l’ordinateur qu’il a acquis
– Constater la gratuité et l’absence de valeur commerciale subséquente des logiciels préinstallées autres que le système d’exploitation
– Constater que Monsieur M. reste éligible à la procédure de remboursement
– Donner acte que la procédure de remboursement n’est que suspendue
– Reconventionnellement, condamner Monsieur M. à payer à Samsung la somme de 500,00 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce, les débats ont été déclarés clos et la décision, mise en délibéré.

DISCUSSION

Sur la différence de nature entre le matériel et le logiciel

Attendu que Monsieur M. invite la Juridiction à dire et juger que le matériel ainsi que les logiciels sont deux éléments distincts, tant dans leur nature que dans leur régime juridique ; Que la Société Samsung réplique que, « un ordinateur est à la fois la vente, par un vendeur (Auchan) d’un matériel auquel sont associés des logiciels, au consommateur » et que « si les éléments composant un ordinateur peuvent avoir des régimes juridiques différents, un ordinateur, reste un tout, un produit intégré qu’il convient également de considérer comme tel » ;

Attendu qu’un ordinateur est un assemblage de composants matériels ayant pour objet d’assurer le fonctionnement de logiciels ; Que l’ordinateur a une nature matérielle dès lors que la vente a pour effet d’opérer le transfert de la propriété du vendeur à l’acheteur ; Qu’à l’inverse un logiciel, (système d’exploitation ou application) est un ensemble d’instructions chargé dans la mémoire vive de l’ordinateur et qui a pour fonction la réalisation d’un traitement particulier ; Qu’il présente un caractère proche de l’immatériel ; Que par ailleurs n’est concédé à l’acquéreur que sous la forme de licence et demeure la propriété de l’éditeur ; Qu’il a par ailleurs été jugé qu’un logiciel avait la même nature juridique qu’une prestation de service ;

Qu’ainsi, l’ordinateur et le logiciel doivent être regardé comme constituant deux éléments distincts tant dans leur nature que dans leur régime juridique ;

Sur le caractère « déloyal en toutes circonstances des pratiques commerciales » de la société Samsung

Attendu que Monsieur M. sollicite de la Juridiction qu’elle constate que la société Samsung a exigé le paiement immédiat de logiciels qu’elle a fournis sans que ce dernier ne les ait jamais demandés et qu’en agissant de la sorte, la société défenderesse s’est livrée à une pratique réputée déloyale en toutes circonstances et interdite sur le fondement du paragraphe 29 de l’annexe I de la directive 2005/29/CE, de l’article L 122-11-1 6° et de l’article L 122-3 du code de la consommation ;

Que la société Samsung réplique que l’obligation en matière d’ordinateur doit être raisonnablement appliqué, étant donné la complexité de ce produit et qu’il incombe au consommateur de rechercher et demander les informations qui pourraient lui être spécifiquement nécessaires et qu’en l’espèce, Monsieur M. disposait du moyen d’obtenir cette information préalablement à son achat ;

Attendu que l’annexe I de la directive 2005/29/CE répute déloyales en toutes circonstances les pratiques commerciales trompeuses, et les pratiques commerciales agressives ; Que le paragraphe 29 qualifie de pratique commerciale agressive le fait : « D’exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution… » ; Que la société Samsung fait valoir qu’elle l’ordinateur est un « produit intégré » ou « d’offre commerciale globale » et que l’ordinateur a été vendu par Auchan ;

Attendu que si un ordinateur requiert l’installation d’un système d’exploitation, pour l’accomplissement de la tâche que son propriétaire souhaite lui assigner, ce système ne saurait être, nécessairement celui qui est fourni par la société Microsoft, des logiciels alternatifs pouvant être installés par les propriétaires ; Que si, comme le soutient la société Samsung, dans l’esprit de la majorité des consommateurs, un ordinateur est nécessairement vendu avec un système d’exploitation en l’espèce fourni par la société Microsoft, c’est en raison des pratiques des assembleurs ; Que ces agissements sont constitutifs de pratiques commerciales agressive ;

Qu’ainsi, il convient de déclarer déloyale en toute circonstance à raison de son caractère agressif, la pratique consistant pour la société Samsung, à revendre un système d’exploitation acquis par ses soins sans que Monsieur M. le lui ait demandé, et d’exiger le renvoi de l’ordinateur pour la désinstallation et le remboursement dudit système d’exploitation ;

Que, par voie de conséquences, il n’y a pas lieu de déclarer interdite la pratique commerciale de fourniture de produits non demandés, le caractère prohibé s’évinçant naturellement du caractère déloyal de cette pratique ;

Sur le caractère abusif de la procédure de remboursement de la société Samsung

Attendu que l’article L 122-3 du code de la consommation dispose : « Il est interdit d’exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services fournis par un professionnel ou, s‘agissant de biens, d’exiger leur renvoi ou leur conservation, sans que ceux-ci aient fait l’objet d’une commande préalable du consommateur, sauf lorsqu’il s’agit d’un bien ou d’un service de substitution fourni conformément à l’article L 121-20-3. La violation de cette interdiction est punie des peines prévues aux articles L 122-12 à L 122-14. Tout contrat conclu consécutivement à la mise en œuvre de la pratique commerciale illicite visée au premier alinéa du présent article est nul et de nul effet. Le professionnel doit, en outre, restituer les sommes qu’il aurait indûment perçues sans engagement exprès et préalable du consommateur. Ces sommes sont productives d’intérêts au taux légal calculé à compter de la date du paiement indu et d’intérêts au taux légal majoré de moitié à compter de la demande de remboursement faite par le consommateur. » ;

Que l’article L 122-3 subordonne le droit au remboursement à des conditions notamment lorsqu’il s’agit d’un bien ou d’un service de substitution ou dans le cas de Monsieur M., s’il avait accepté le contrat de licence du système d’exploitation ; Que dès lors la juridiction ne saurait juger que le droit au remboursement de Monsieur M. ne pourra être subordonné à aucune condition ;

Qu’il résulte des débats et des pièces du dossier que la procédure de remboursement de la licence Windows préinstallée sur l’ordinateur impose le retour de l’ordinateur aux frais du client et à ses risques ; Que cette procédure génère un trouble de jouissance et entraîne un déséquilibre significatif au détriment du consommateur dès lors que Samsung avait la possibilité de fournir le système d’exploitation sur un média indépendant de l’ordinateur ou de prévoir une procédure de désinstallation du programme qui serait activée par le refus de l’utilisateur ;

Que dès lors, la procédure de remboursement imposant au consommateur le retour de son ordinateur dans les ateliers de Samsung est abusive et sera réputée non écrite ;


Sur le remboursement du système d’exploitation

Attendu que Monsieur M. sollicite la condamnation de la société Samsung au paiement de la somme 122,00 € au titre du remboursement du système d’exploitation Microsoft Windows XP Edition ULCPC 32 bits ;

Que la procédure de remboursement de Samsung prévoit le versement forfaitaire de la somme de 60,00 € et que Samsung oppose le secret du commerce et des affaires à la demande de communication du prix d’acquisition en gros des licences ;

Que compte tenu du prix public desdites licences et de la valeur du système d’exploitation par rapport au prix du matériel informatique, la somme de 60,00 € paraît comme étant sans rapport avec le prix du logiciel ; Que la juridiction dispose d’éléments suffisants pour fixer à 90,00 € le montant du remboursement de la licence Microsoft Windows XP Edition ULCPC 32 bits ;


Sur le remboursement des autres logiciels préinstallés

Attendu que Monsieur M. conclut à la condamnation de la société Samsung au paiement de la somme de 300,00 € d’indemnité au titre des autres logiciels préinstallés ;

Qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’exception du système d’exploitation, les autres logiciels installés sur l’ordinateur sont des versions pour lesquelles le client dispose de la possibilité d’accepter ou de refuser un contrat de licence ; Qu’il conserve la possibilité désinstaller l’intégralité de ceux-ci s’il ne souhaite pas les utiliser ;

Que dès lors, Monsieur M. sera débouté de sa demande de remboursement des autres logiciels préinstallés ;


Sur les demandes de dommages-intérêts

Attendu que Monsieur M. conclut à la condamnation de la société Samsung au paiement de la somme de 2000,00 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant des pratiques commerciales déloyales de Samsung ; Que Monsieur M. a subi un préjudice autre que le coût de la présente instance qui sera compensé par l’octroi de l’indemnité article 700 ;

Attendu que la Juridiction dispose des éléments suffisants pour fixer à 500,00 € le montant du préjudice subi ; En conséquence, elle condamnera la société Samsung à payer à Monsieur M. la somme de 500,00 € à titre de dommages-intérêts et le déboutera du surplus de sa demande ;

Sur la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Attendu que pour faire reconnaître ses droits, Monsieur M. a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; il y a donc lieu de condamner la société Samsung à lui payer la somme de 1500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Sur les dépens et autres

Attendu que la société Samsung succombe dans la présente instance ; Qu’en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, elle sera condamnée à supporter la totalité des dépens ;

Attendu enfin, que l’exécution provisoire paraît compatible avec la nature de l’affaire ;

DÉCISION

La juridiction, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort ;

. Dit que le matériel et le logiciel constituent deux éléments distincts, tant dans leur nature que dans leur régime juridique ;

. Déclare « déloyale en toutes circonstances » à raison de son caractère agressif, la pratique consistant pour Samsung à revendre un système d’exploitation en procédant à une préinstallation sans que le client en ait fait la demande ;

. Dit qu’il n’y a pas lieu de déclarer interdite la pratique commerciale de fourniture de produits non demandés, ce caractère prohibé s’évinçant naturellement du caractère déloyal de cette pratique ;

. Dit que les dispositions de l’article L 122-3 ne permettent pas de dire que le remboursement des logiciels ne pourra être subordonné à aucune condition ;

. Déclare abusive, et par conséquent non écrite, la clause de la procédure instituée par Samsung pour l’obtention du remboursement de la valeur du système d’exploitation ;

. Condamne la société par Actions Simplifiée Samsung Electronics France à payer à Monsieur Aurélien M. la somme de 90,00 € au titre du remboursement du système d’exploitation Microsoft Windows vista édition familiale premium ;

. Déboute Monsieur Aurélien M. de sa demande de condamnation au paiement de la somme forfaitaire de 300,00 € d’indemnité au titre des autres logiciels préinstallés ;

. Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal, à compter du 9 décembre 2009 et ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

. Condamne la société par Actions Simplifiée Samsung Electronics France à payer à Monsieur Aurélien M. la somme de 500,00 € à titre de dommages-intérêts ;

. Condamne la société par Actions Simplifiée Samsung Electronics France à payer à Monsieur Aurélien M. la somme de 1500,00 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

. Dit que les dépens seront supportés par la société par Actions Samsung Electronics France ;

. Ordonne l’exécution provisoire ;

La juridiction : M. John Frédérick (juge)

Avocats : Me Frédéric Cuif, Me Pierre Olivier Lugez

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