Jurisprudence : E-commerce
Tribunal de grande instance de Bordeaux 4ème chambre Jugement du 09 janvier 2006
Ministère public / C Discount
e-commerce - vente en ligne
C Discount, représentant légal Christophe C. est prévenu :
– d’avoir à Bordeaux et Mérignac, le 25 juin 2003, par l’intermédiaire de l’un de ses représentants en l’espèce : agissant en son nom et pour son compte en qualité de gérant, réalisé une opération de solde en dehors d’une période autorisée
faits prévus par les articles L 310-5 al. 1 3°, L 310-6 du code du commerce ; 11 du décret 96-1097 du 16/12/1996 ; 121-2 du code pénal et réprimés par les articles L 310-5, L 310-6 du code du commerce ; 131-38, 131-39 9° du code pénal.
DISCUSSION
Sur l’exception d’illégalité de l’arrêté préfectoral du 6 juin 2003 :
Sur l’irrégularité de forme alléguée :
La société C Discount soutient que l’arrêté fixant la date du début des soldes d’été dans le département de la Gironde est irrégulier dans la mesure où il ne précise pas les termes et la date de la délégation de signature consentie par le Préfet, et n’indique pas à l’éventuel auteur d’un recours hiérarchique si le recours doit être exercé devant l’autorité préfectorale ou devant la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
La délégation de signature au profit de M. M., directeur régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en date du 2 juin 2003 vise expressément la « fixation des dates des soldes (articles L 310.3 du code du commerce) » ; l’absence d’indication de ces éléments dans le texte de l’arrêté du 6 juin fixant la date des soldes, qui est signé par M. M. « pour le Préfet, de directeur régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes » ne constitue par une irrégularité susceptible d’entraîner l’illégalité de l’arrêté ou son inopposabilité à la prévenue, qui était comme tout intéressé en mesure de former tout recours hiérarchique contre cet acte.
Sur la non-conformité de l’arrêté à la norme communautaire :
La société C Discount soutient encore que l’arrêté du 6 juin 2003 instituant pour la Gironde une période de soldes d’été commençant le 2 juillet 2003, alors même que les départements du Nord de la France bénéficiaient d’une période plus favorable, commençant le 25 juin 2003, est en infraction avec les principes d’égalité et de non discrimination posés à l’article 12 du Traité de l’Union. Cependant la différence de traitement en cause, qui résulte de la distinction fondée sur le lieu du siège social des entreprises pour déterminer la période de soldes ne crée ni discrimination ni inégalité entre Etats membres mais affecte seulement des entreprises du même Etat ; il ne s’agit pas d’une pratique affectant le commerce entre Etats membres, et la norme critiquée ne peut être considérée comme portant atteinte aux principes d’égalité et de non discrimination posés par la norme communautaire, sans qu’il soit nécessaire d’interroger la Cour de justice des Communautés européennes sur l’interprétation de la norme en cause.
Sur la non-conformité de l’arrêté à la Convention européenne des Droits de l’Homme :
La différence de traitement résultant de la norme en cause ne constitue pas une violation des principes garantis par la Convention européenne de sauvegarde des libertés et des droits de l’Homme : la prétendue discrimination subie par certaines entreprises à raison du lieu de leur siège social est justifiée par des considérations économiques et sociales dont la prise en compte est garantie par la consultation obligatoire des organisations professionnelles représentées dans le département, des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers du département, ainsi que du comité départemental de la consommation.
Il convient donc de rejeter les exceptions d’illégalités de l’arrêté préfectoral du 6 juin 2003 visé par les poursuites.
Sur le délit reprochés à la société C Discount :
L’article L 310-5 réprime le fait de réaliser des soldes en dehors des périodes prévues au I de l’article L 310-3.
Même dans le cadre d’une interprétation stricte de la loi pénale qui s’impose au juge répressif, la notion de « soldes » visée par ce texte ne peut se confondre avec celle de vente effective d’un produit ou d’une marchandise, elle-même réalisée par l’accord sur la chose et le prix (ici le « clic » de l’acheteur en ligne à l’issue de la procédure de validation de son achat).
La pratique règlementée par le code de commerce sous le nom de « soldes » consiste en une opération de réduction de prix portant sur de grandes quantités de marchandises, accompagnée de publicité. C’est la mise en place de cette opération, en l’espèce sur le site internet de la société, constatée le 25 juin 2003 par les services de la Ggccrf ainsi qu’il résulte du procès verbal daté du 22 septembre 2003, qui caractérise la pratique des « soldes ».
Il importe peu que des ventes portant sur des produits soldés aient effectivement eu lieu par la suite.
La présentation de l’offre en date du 25 juin 2003 ayant une portée nationale, et englobant donc nécessairement des départements dans lesquels le début de la période était fixé au 2 juillet 2003,
L’élément matériel de l’infraction se trouve caractérisé, indépendamment du lieu du siège de la société.
L’élément intentionnel résulte de la connaissance du caractère illicite du procédé qu’avait la société à la suite des échanges téléphoniques qui avaient eu lieu avant le début de l’opération entre l’administration et des représentants de la société ; cette connaissance préalable est établie par les mentions figurant en page 4 du procès verbal (§ 5), le service ayant fait une réponse sans ambiguïté sur ce point à Christophe C. représentant légal de la société, contrairement aux allégations de celui-ci.
Pour l’appréciation de la sanction, il convient de relever que la société C Discount, consciente de la difficulté, avait précisé sur son site que les clients habitant un département où la période des soldes n’était pas ouverte ne pourraient être livrés que le 2 juillet (côte 9 des annexes au procès verbal de la Dgccrf). Cette précaution ne peut avoir pour effet de faire disparaître l’infraction, mais justifie que l’amende prononcée soit assortie partiellement du sursis ; il n’y a pas lieu d’ordonner la publication ou la diffusion de la présente décision.
DECISION
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, à l’égard de la société C Discount, représentant légal Christophe C. ;
. Déclare la société C Discount, représentant légal Christophe C. coupable des faits qui lui sont reprochés ;
. Rejette l’exception d’illégalité de l’arrêté préfectoral du 06 juin 2003 ;
. Condamne la société C Discount, représentant légal Christophe C. à l’amende délictuelle de 10 000 €, dont 5000 € avec sursis, à titre de peine principale pour l’infraction de vente en solde, par personne morale, en dehors des périodes autorisées.
Sitôt le prononcé du jugement, le président donne au condamné l’avertissement prévu par l’article 132-29 du code pénal.
Le tribunal : M. Lebur (vice président), Mmes Lauley et Brieu (juges assesseurs)
Avocat : Me Vouin
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