Jurisprudence : Diffamation
Tribunal de Grande Instance de Paris, 17ème ch., chambre de la presse Jugement du 20 novembre 2001
D. épouse T. Janine, Unadfi / C. épouse G. Danièle, Ministère public
diffamation publique - diffusion illicite
Par ordonnance rendue le 13 décembre 2000 par l’un des juges d’instruction de ce siège, faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée le 24 mai 200 par Danièle G., Janine D. épouse T. a été renvoyée devant ce tribunal, sous la prévention :
– d’avoir, à Paris et sur le territoire national, le 29 mars 2000 et depuis temps non prescrit, étant directrice de la publication de « Bulles », commis le délit de diffamation publique envers un particulier, en publiant dans le numéro 65, en page 22, sous le titre « Autre échantillon de la prose de Heber Cjentzch » les paragraphes et commentaires suivantes :
« Récemment encore (Riposte, émission de la 5ème, 30.01.00) Mme G., éminente scientologue française, a de nouveau asséné ce mensonge massif, sans vouloir en démordre : la Cour d’Appel de Lyon aurait acquitté M. Mazier et ses co-équipiers ».
La source de ce mensonge, repris jusque par le Département d’Etat américain, ne peut être que chez les scientologues français. A la Scientologie moins encore que dans d’autres entreprises, il ne fait pas bon pour un « petit chef » d’annoncer un échec ou un mauvais résultat à ses supérieurs ; il risque de graves sanctions. Il faut absolument transformer les défaites en victoires. De toute façon, les grands chefs aux Etats-Unis ne savent pas le français ; il suffit de répéter inlassablement un mensonge pour qu’il devienne vérité – du moins pour ceux qui veulent y croire ».
Lesdits propos portant atteinte à l’honneur et à la considération de Danièle C. épouse G..
Faits prévus et punis par les articles 23, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42, 43, 47, 48 de la loi du 29 juillet 1881.
L’affaire a été appelée à l’audience du 21 février 2001, pour laquelle la prévenue ainsi que l’Unadfi ont été régulièrement citées, puis renvoyée contradictoirement aux audiences des 3 avril, 22 mai, 3 juillet, 4 septembre et 23 octobre 2001.
A cette dernière date, les débats se sont ouverts en présence des avocats des parties, qui les représentaient.
Le président a procédé au rappel des faits et de la procédure.
Les conseils de la partie civile ont demandé la condamnation de la prévenue et de l’Unadfi au paiement de la somme d’un franc à titre de dommages et intérêts, et de la somme de 25 000 F en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale, ainsi que la publication de la décision dans le prochain numéro de « Bulles ».
Le représentant du ministère public a présenté ses réquisitions.
Le conseil de la prévenue a été entendu en ses moyens de défense, tendant à la relaxe, aux motifs :
– que le bulletin incriminé a le caractère d’une lettre missive, qui ne saurait constituer une diffamation ;
– qu’il n’a été distribué qu’aux seuls membres de l’association Unadfi et n’a reçu aucune publicité auprès des tiers ;
– que la prévenue a agi de bonne foi.
L’affaire a été mise en délibéré ; le président a, conformément à l’article 462 alinéa 2 du code de procédure pénale, informé les parties que le jugement serait prononcé à l’audience du 20 novembre 2001.
Au fond :
Le journal « Bulles », bulletin de l' »Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu », a, dans son numéro 65, daté du 1er trimestre 2000, et mis en circulation le 29 mars 2000, publié, au bas de la page 22, un entrefilet non signé, indiquant que Danièle G., « éminente scientologue française », avait, dans une émission de télévision dont la date était précisée (« Riposte, émission de la 5e, 30.01.00 ») « asséné [un] mensonge massif » en expliquant que la cour d’appel de Lyon avait « acquitté » M. Mazier, l’un des co-prévenus poursuivis dans l’affaire dite de la scientologie.
Il n’est pas contesté que Danièle G. n’a jamais figuré dans une telle émission, et qu’elle n’a pu donc y tenir ce genre de propos.
Sur le caractère diffamatoire :
Affirmer qu’une personne a, publiquement, proféré un mensonge grave (un « mensonge massif »), en déformant volontairement le sens d’une décision de justice, porte indéniablement atteinte à son honneur et à sa considération, car cette affirmation met en cause son honnêteté intellectuelle et sa rectitude morale.
Sur la publicité :
Contrairement à ce que soutient la défense, il résulte des débats que la diffusion du bulletin litigieux n’a pas été confidentielle, ou limitée aux membres de l’association Unadfi, mais qu’elle a revêtu un caractère public.
Si la société Ricoul, chargée de la distribution de ce bulletin, dit avoir réalisé celle-ci par l’envoi de 1 250 exemplaires, sous enveloppes, à des personnes déterminées, une mention figurant en page 2 du numéro considéré indique qu’il a été tiré en 6 000 exemplaires.
En page 44, le bulletin propose un abonnement au public, sans que cette proposition soit limitée aux membres de l’Unadfi.
Le journal comporte un prix de vente de 25 F par numéro, et la partie civile apporte la preuve qu’il est possible pour les tiers, de l’acquérir au siège de l’Unadfi, ainsi qu’à la librairie La Procure.
Il porte enfin mention d’un numéro de commission paritaire, qui n’est prévu en principe que pour les journaux faisant l’objet d’une vente au public.
Tous ces éléments permettent de conclure que le bulletin litigieux a reçu une publicité, au sens de l’article 23 de la loi sur la presse.
Sur la bonne foi :
Il est établi que l’émission « Riposte » diffusée sur la cinquième chaîne de télévision, le 30 janvier 2000, n’a pas traité de la scientologie, et que Danièle G. n’y est pas apparue.
L’erreur commise dans le bulletin de l’Unadfi n’est donc pas contestable.
Elle est exclusive de la bonne foi : il appartient à celui qui publie une information de vérifier préalablement son authenticité et sa fiabilité.
Il sera fait droit aux demandes de la partie civile dans les limites indiquées au dispositif.
La décision
Statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’égard de Janine D. épouse T., prévenue (article 411 du code de procédure pénale), de l’association Unadfi, civilement responsable (article 415 du code de procédure pénale), à l’égard de Danièle G. partie civile (article 424 du code de procédure pénale), et après en avoir délibéré conformément à la loi, le tribunal :
. déclare Janine D. épouse T. coupable, en sa qualité de directeur de publication du périodique « Bulles », du délit de diffamation publique envers un particulier, en l’espèce Danièle G., délit prévu et puni par les articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;
. la condamne à la peine de 5 000 F d’amende (soit 762,24 €) ;
. reçoit la constitution de partie civile de Danièle G. ;
. condamne Janine T. à lui payer la somme d’un franc à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 F (soit 1 524,49 €) en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
. déclare l’association Unadfi civilement responsable.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 600 F (soit 91,67 €) dont est redevable Janine D. épouse T..
Le tribunal : M. Jean-Yves Monfort (président), Mme Edith Dubreuil (vice-président), Mme Anne Depardon (juge), M. Christian Ligneul (premier substitut du procureur de la République).
Avocats : Mes Bosselut et Oussedik.
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