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Jurisprudence : Responsabilité

mardi 21 juillet 2009
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Tribunal de commerce de Paris Ordonnance de référé 10 avril 2009

Cortix / Google Inc

responsabilité

FAITS ET PROCEDURE

Pour les motifs énoncés en son assignation introductive d’instance en date du 24.10.2008 et de ses conclusions motivées des 30.01 et 03.03.2009 auxquelles il conviendra de se reporter en tant que de besoin, la société Cortix qui se dit victime d’actes de dénigrement, de concurrence déloyale et de diffamation sur internet, nous demande, dans le dernier état de la procédure, de :
– déclarer recevable et bien fondée la société Cortix en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

Y faire droit.

En conséquence
– faire interdiction pour l’avenir à la société Google Inc., dans le cadre de la fonctionn “Google Maps” du moteur de recherche Google, d’indiquer les coordonnées et de renvoyer vers le site internet de la société Universal Technology suite à la saisie de l’expression “cortix paris”, et ce, sous astreinte d’un montant de 10 000 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– faire interdiction pour l’avenir à la société Google Inc., dans le cadre de la fonction « Google suggestions » du moteur de recherche Google, de proposer, suite à la saisie du terme « cortix », le lien « cortix forum », et ce, sous astreinte d’un montant de 10 000 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– ordonner à la société Google Inc. de déréférencer du moteur de recherche Google les sites internet accessibles aux adresses http://alain.t…/cortix.htm et http://www.glop.fr/, et ce, sous astreinte d’un montant de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– ordonner à la société Google Inc., en sa qualité d’hébergeur, de suspendre le site internet accessible à l’adresse http://glop-contre-cortix.blogspot.com et ce, sous astreinte d’un montant de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– ordonner à la société Google Inc., de supprimer les liens « cortix kodos” et “cortix problème” proposés dans le cadre de la fonction “Google suggestions” suite à la saisie du terme “cortix” dans le moteur de recherche Google, et ce, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– ordonner le déréférencement, du moteur de recherche Google, du site internet accessible à l’adresse http://www.frameip.com/nntp/fr-reseaux-internet-hebergement/65253-fr-reseaux-internet-hebergement-que-pensez-vous-de-cortix.htm ;
– dire que le montant des astreintes éventuellement dues par la société Google Inc. à la société Cortix sera augmenté des intérêts au taux légal à compter de la date d’exigibilité desdites astreintes ;
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1153-1 du Code civil ;
– constater le non-respect de l’ordonnance du 9 avril 2008 relative à la suppression du lien « Cortix forum » ;
– en conséquence, liquider l’astreinte provisoire de 3000 € par infraction constatée prévue par ladite ordonnance et condamner la société Google Inc. à payer à la société Cortix la somme de 3000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d’exigibilité de ladite astreinte, le 7 octobre 2008 ;
– nous réserver expressément la liquidation des astreintes ;
– rejeter la demande reconventionnelle de Google Inc.
– condamner la société Google Inc., à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner la société Google Inc. aux entiers dépens.

La société Cortix précise par ces mêmes conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement avoir abandonné sa demande de déréférencement du site http://fr.wikipedia.org/wiki/Cortix.

La société Google Inc. dépose des conclusions motivées le 12.12.2008 et le 30.01.2009 et nous demande, dans le dernier état de la procédure, de :

Vu l’article 873 du Code de Procédure Civile.

Vu l’article 6 II de la loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique :
– constater que l’ordonnance du 1er octobre 2008 concernait la société Schlund + Partner AG et non l’hébergeur du site internet http://alain.t…fr/cortix.htm ;
– constater que l’ordonnance du 1er octobre 2008 est devenue caduque ;
– constater que Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny a, dans une ordonnance du 25 août 2008, expressément jugé le caractère non manifestement illicite du site internet http //alain.t…/cortix.htm ;
– constater que le site internet http://alain.t…/cortix.htm est aujourd’hui référencé par de nombreux moteurs et annuaires de recherche ;
– dire que la société Google Inc. est bien fondée à s’en remettre à la décision de Monsieur le Président quant à l’appréciation du caractère manifestement illicite du site http://alain.t…/cortix.htm ;
– constater que le caractère manifestement illicite des sites http://ww.glop.fr/ et http://fr.wikipédia.org/wiki/Cortix ;
– constater en conséquence que la société Google Inc. en sa qualité de moteur de recherche, est bien fondée à s’en remettre à la décision de Monsieur le président quant à l’appréciation du caractère illicite des sites http://www.glop.fr/ et http://fr.wikipédia.org/wiki/Cortix ;
– donner acte à la société Google Inc. de ce qu’elle s’engage, si Monsieur le président confirme le caractère illicite du contenu des sites http://www.glop.fr/ et http://fr.wikipédia.org/wiki/Cortix à déréférencer ces sites, dans les 7 jours à compter de la signification de la décision intervenir ;
– constater que la suppression des termes “Cortix Forum” et “Cortix Kodos” a été ordonnée pour les seules “Recherches apparentées” ;
– constater que la suppression des termes “Cortix Forum” a été ordonnée pour la seule période s’écoulant de la signification de l’ordonnance du 9 avril 2008 au 31 décembre 2008 ;
– constater que la société Google Inc. s’est conformée cette obligation ;
– constater que l’apparition des termes “Cortix Forum” et “Cortix Kodos” au sein des “Suggestions de recherche” n’est pas déclenchée par la requête “cortix » ;
– dire que le procès-verbal en date des 7 et 21 octobre 2008 est irrégulier, étant entaché de nullité et à tout le moins dépourvu de force probante, dès lors qu’il ne comporte pas de date certaine, ne mentionne pas l’adresse IP de l’ordinateur à partir duquel les constatations ont été réalisées et ne décrit pas précisément le cheminement emprunté par l’huissier lors de ses constatations ;
– dire en conséquence que l’apparition des termes “Cortix Forum” et “Cortix Kodos” au sein des “Suggestions de recherche” n’est nullement démontrée ;
– dire que l’apparition des termes “Cortix Forum” et “Cortix Kodos” au sein des “Suggestions de recherche” n’aurait en tout état de cause aucun caractère illicite ;
– dire que la demande de suppression des termes “cortix forum” et “cortix kodos” de l’outil de “Suggestions de recherche” est sans objet ;
– débouter la société Cortix de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions tendant à la liquidation de l’astreinte prétendument due au titre de l’ordonnance du avril 2008 ;
– constater que le lien permettant d’accéder aux nouveaux messages envoyés postérieurement à la date de l’ordonnance 16 avril 2008 sur le forum de discussion Usenet “fr.reseaux.internet.hebergement” et accessibles à l’adresse http://groups.google.fr/group/frxeseaux.mternet.hebergement/browse_thread/thread/3fd39001c001de20/7fc20c736aa8452f a été supprimé ;
– constater que le 5 janvier 2009, Messieurs les Présidents du Tribunal de commerce de Paris ont décidé que l’ordonnance du 16 avril 2008 que la société Cortix invoque au soutien de ses prétentions n’est pas suffisamment précise pour être techniquement applicable et confirmé ainsi que la société Google Inc. n’héberge pas et ne dispose d’aucune faculté d’intervention sur les forums de discussion Usenet ;
– dire et juger en conséquence que la demande de suppression de ces messages est sans objet ;
– constater que le caractère manifestement illicite du site internet http://www.frameip.com/nntp/fr-reseaux-internet-hebergement/65253-fr-reseaux-internet-hebergement-que-pensez-vous-de-cortix.htm n’est nullement démontré ;
– constater que la société Google Inc. est bien fondée à s’en remettre à la décision de Monsieur le Président quant à l’appréciation du caractère illicite du site internet http://www.frameip.com/nntp/fr-reseaux-internet-hebergement/65253-fr-reseaux-internet-hebergement-que-pensez-vous-de-cortix.htm ;
– donner acte à la société Google Inc. de ce quelle s’engage, si Monsieur le Président confirme le caractère illicite du contenu du site internet http://www.frameip.com/nntp/fr-reseaux-internet-hebergement/65253-fr-reseaux-internet-hebergement-que-pensez-vous-de-cortix.htm, à empêcher l’accès à ce site internet, dans les 7 jours ouvrés à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– constater que le caractère manifestement illicite du blog accessible à l’adresse http://glop-contre-cortix.blogspot.com n’est nullement démontré ;
– constater que la société http://www.frameip.corn/nntp/fr-reseaux-internet-hebergement/65253-fr-reseaux-internet-hebergement-que-pensez-vous-de-cortix.htm est bien fondée à s’en remettre à la décision de Monsieur le Président quant à l’appréciation du caractère illicite du blog accessible à l’adresse http://glop-contre-cortix.blogspot.com ;
– donner acte à la société Google Inc. de ce qu’elle s’engage, si Monsieur le Président confirme le caractère illicite du contenu du blog http://glop-contre-cortix.blogspot.com, à empêcher l’accès à ce blog, dans les 7 jours ouvrés à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– constater que la référence la société Universal Technology n’apparaît plus à la suite de la requête “Cortix Paris” ;
– dire que la demande de suppression de la référence à la société Universal Technology apparaissant à la suite de la requête “Cortix Paris” est sans objet :
– dire et Juger que la demande tendant à voir ordonnée la suppression sous astreinte de toute référence à l’un des concurrents de Cortix à la suite de la saisie des termes “Cortix Paris” est générale, imprécise et inexécutable et l’en débouter ;
– constater que le trouble manifestement illicite allégué par la société Cortix est inexistant ;
– constater que la société Cortix a privilégié à tort de multiples procédure rencontre de la société Google Inc. ;
– dire que la présente action vise uniquement à tenter d’obtenir une indemnisation indue de la part de la société Google Inc. et non un quelconque déréférencement de contenus qui seraient prétendument préjudiciables à la société Cortix ;
– dire que la société Cortix a commis une faute au sens des articles 1382 du Code Civil qui a directement causé un important préjudice à la société Google Inc. ;
– condamner la société Cortix au paiement de la somme de 15 000 € au profit de la société Google In. pour procédure abusive ;
– condamner la société Cortix à régler Google Inc. la somme de 10 000 € au titre de l’articl e700 du CPC ;
– la condamner aux entiers dépens.

A l’issue des débats, nous avons remis au 27 mars 2009 le prononcé de notre ordonnance, reporté au 10 avril 2009, par mise à disposition au Greffe de ce Tribunal.

DISCUSSION

Sur les demandes de Cortix

Sur les indications fournies par « Google Maps »

Les courriers antérieurs à l’assignation par lesquels Cortix affirme avoir mis au courant Google Inc de ce que la requête « cortix paris » dans l’outil « Google Maps » renvoyait sur le site internet de l’un de ses concurrents, la société Universal Technology, ont en fait été envoyés à Google France, et il n’est pas établi que Google Inc. ait eu connaissance des faits ainsi dénoncés avant l’assignation, en date du 24 octobre 2008. Le procès-verbal de constat d’huissier en date du 5 novembre 2008 produit par Google Inc. établit qu’à cette date l’indication litigieuse n’apparaît plus dans les résultats communiqués en réponse à la requête « cortix paris » et que les coordonnées de Cortix et de son site internet y sont correctement indiquées. Le trouble ayant cessé à la date ou nous statuons, nous débouterons donc Cortix de la demande d’interdiction sous astreinte qu’il formule à ce titre.

Sur la liquidation d’une astreinte

Par ordonnance de référé du 9 avril 2008, le Président de ce tribunal avait ordonné sous astreinte à Google Inc de supprimer les liens « cortix arnaque » et « cortix forum » des « recherches apparentées » à la requête « cortix », et Cortix soutient sans être démentie que cette ordonnance est exécutoire depuis le 8 juillet 2008.

Si le procès verbal de constat d’huissier en date des 7 et 21 octobre 2008 invoqué par Cortix, et dont la validité est contestée par Google Inc., fait état de l’apparition d’un lien « cortix forum » parmi les « suggestions de recherche » apparaissant juste en dessous de la barre de recherche, elle n’indique pas l’apparition d’un tel lien parmi les « recherches apparentées » figurant en bas de la page de résultats sous la bannière éponyme. Or :
– Google Inc. établit que les « recherches apparentées » et les « suggestions de recherches » répondent à des logiques différentes, les premières correspondant aux requêtes les plus fréquemment formulées pax les internautes ayant formulé la requête initiale, classées par fréquences décroissantes, alors que les secondes correspondent aux requêtes qui ont un lien lexical direct ou indirect avec la recherche initiale ;
– l’ordonnance du 9 avril 2008 porte spécifiquement sur l’apparition de liens cités dans les « recherches apparentées », et il n’est pas contesté que Google Inc. ait bien supprimé les liens litigieux des dites « recherches apparentées » ;
– par contre, cette ordonnance n’évoque pas les liens apparaissant dans les « suggestions de recherches », et ne prononce pas d’interdiction ou d’injonction sous astreinte è ce titre.

Nous débouterons donc Cortix de sa demande de liquidation de l’astreinte fixée par cette ordonnance.

Sur un trouble manifestement illicite résultant du référencement ou de l’hébergement de divers sites internet

Cortix invoque le trouble manifestement illicite qu’il subirait du fait d’actes de concurrence déloyale et d’atteintes à la liberté du commerce et de l’industrie commis par l’éditeur de ces sites, trouble qui se poursuit en dépit de décisions de justice antérieures et qui justifierait d’après lui le déréférencernent de ces sites par le moteur de recherche géré par Google Inc. ou par le service Blogger de cette société, prise en qualité d’hébergeur.

* Sur le référencement des sites http://www.glop.fr/ et http://alain.t….fr/cortix.htm par le moteur de recherche Google

– Sur les méthodes de référencement utilisées par l’auteur de ces sites et tolérées par Google Inc.

Le seul témoignage de la société Hington Klarsey, qui ne cache pas être liée Cortix de façon durable par un contrat de prestation de conseil, ne saurait établir, en l’absence de toute évidence matérielle, que Monsieur Alain T., éditeur des sites en cause, utiliserait dans ses sites des « liens cachés » proscrits par les « Guidelines » mis par Google à la disposition des éditeurs de sites internet, afin d’améliorer leur référencement. Il n’est donc pas établi que Monsieur Alain T. donnerait ainsi, avec la complicité fautive de Google Inc, un retentissement démesuré à ses attaques. En tout état de cause, ces « Guidelines », simples lignes directrices, n’ont pas de force légale ni de force contractuelle entre Google et Cortix, et leur violation ne saurait donc caractériser en lui-même un trouble manifestement illicite.

Par ailleurs, si le site http://alain.t….fr/cortix.htm apparaît dans la première page d’une requête « cortix » formulée dans le moteur de recherche Google, c’est aussi le cas pour la même requête formulée dans les moteurs de recherche AliceAdsl, AOL Search, Hotbot ou Lycos, ce qui ne permet pas d’établir avec l’évidence nécessaire en référé que le classement accordé par Google Inc aux sites critiques de Monsieur Alain T. leur serait artificiellement et exagérément favorable.

– Sur le trouble constitué par le référencement de ces sites par Google Inc. en dépit de décisions de justice antérieures

Par deux ordonnances du 1er octobre 2008 prononcées sur requêtes de Cortix l’encontre de l’hébergeur OVH du site http://www.glop.fr/cortix..htm/?p=1, d’une part, et à l’encontre de l’hébergeur Shlund+Partner AG du site http://alain.t….fr/cortix.htm, d’autre part, le président de ce tribunal à ordonné à ces derniers de suspendre dans les 48 heures de la signification de l’ordonnance la diffusion des sites en question, disant que « la présente ordonnance deviendra, caduque si la demandeur n’a pas assigné [l’hébergeur] en référé dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l’ordonnance ». Selon Cortix, ces ordonnances justifieraient le caractère manifestement illicite des sites en cause.

Toutefois :
– Ces décisions se bornent à ordonner, de façon non contradictoire, des mesures conservatoires au seul visa des articles 6-I-2 et 6-I-8 de “ la loi du 21 juin 2004 afin de « prévenir ou faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication d’un service en ligne », ainsi qu’il ressort des motifs des requêtes correspondantes, que le juge est réputé avoir adoptés. Elles n’impliquent donc pas – et disent encore moins – que les contenus des sites incriminés seraient manifestement illicites, mais seulement qu’ils causent ou sont susceptibles de causer un dommage à Cortix.

L’absence de prise en compte de ces ordonnances par Google Inc. n’est donc pas fautive.
– En tout état de cause, il est constant que les ordonnances rendues le 1er octobre 2008 ont été signifiées rapidement, même si les dates de ces significations ne sont pas précisées, les hébergements dont la suspension avait été ordonnée ayant cessé dans les jours qui ont suivi la signature des ordonnances et les sites litigieux étant depuis hébergés par d’autres sociétés. Cortix ne prétendant pas avoir assigné les hébergeurs initiaux en référé dans le délai prescrit, les ordonnances en question sont aujourd’hui caduques.

Par suite ces seules ordonnances ne sauraient établir le caractère illicite du référencement des sites en causes par Google Inc.

* Sur le site http://glop-contre-cortix.blogspot.com hébergé par le service « Blogger » de Google Inc

Cortix vise dans ses écritures l’article 6-I-8 de la loi du 21 juin 2004, qui l’autorise à agir contre l’hébergeur du site en cause.

Ce site aurait, selon Cortix, le même contenu que celui dont le président de ce Tribunal a, par ordonnance du 1er octobre 2008, ordonné au visa du texte précité, la suspension de l’hébergement par OVH. Il n’est en effet pas contestable que ces deux sites contiennent l’un et l’autre le même article signé de l’Adcapi (Association de Défense Contre les Abus des prestataires de l’internet) et critiqué par Cortix, intitulé dans un cas « Cortix pas glop » et dans l’autre « De quoi s’agit-il », même si le reste de leur contenu diffère largement. Mais, ainsi qu’on l’a vu ci-dessus, cette ordonnance n’invoque par le fait que le contenu du site serait manifestement illicite et est de toutes les façons caduque depuis longtemps. Il en résulte que le moyen fondé sur cette seule ordonnance ne saurait prospérer.

Le contenu de l’article invoqué, qui s’adresse aux commerçants, artisans et patrons de TPE, se contente en termes critiques mais non excessifs de :
– décrire la méthode commerciale dite « one shot » utilisée par Cortix ou d’autres et consistant à rechercher l’accord et la signature d’un prospect au cours d’une seule et unique visite d’un commercial ;
– attirer l’attention du lecteur sur les risques que lui font courir cette méthode (pas de délai de rétractation, contrat engageant pour une période de 4 ans, argument trompeur de la gratuité du site, largement compensée par le coût de l’hébergement) et recommander de prendre un temps de réflexion ;
– informer sur l’existence de l’Adcadi, créée pour la défense des personnes qui s’estiment abusées par cette méthode de démarchage, et qui est à l’initiative d’un dépôt de plainte devant le tribunal de grande instance de Bordeaux ;
– conseiller de s’informer plus avant sur Cortix sur internet.

Or Monsieur Alain T., qui n’est ni directement ni indirectement en situation de concurrence avec Cortix,
– ne saurait de ce fait commettre des actes de concurrence déloyale à son encontre ;
– est libre d’exprimer sur internet des opinions critiques à l’encontre de ses méthodes commerciales sans que ceci constitue une atteinte manifestement illicite à la liberté du commerce et de l’industrie dans la mesure, ce qui est le cas, où les critiques exprimées ne comportent pas d’appel au boycott et ne vise pas à mettre en place ou mettre en oeuvre un plan concerté visant à nuire à un tiers par pure malice.

Il n’est donc pas établi que le contenu de ce site représenterait un trouble manifestement illicite, et nous débouterons donc Cortix de la demande de déréférencement qu’il formule à ce titre.

* Sur le site accessible à l’adresse http://www.frameip.com/nntp/fr-reseaux-internet-hebergement/65253-fr-reseaux-internet-hebergement-que-pensez-vous-de-cortix.htm

Par ordonnance de référé du 5 janvier 2009 prononcée sur assignation en rétractation d’une ordonnance sur requête du 16 avril 2008, le président de ce tribunal a confirmé l’ordonnance sur requête en en modifiant les modalités, dont il a constaté qu’elles étaient trop imprécises pour être mises en oeuvre, enjoignant à Google Inc., pris en tant qu’hébergeur, de déréférencer les messages accessibles sur le forum de discussion Usenet « fr.reseaux.internet.hebergement » ayant pour sujet « Que pensez-vous de Cortix », et ce pour une durée de trois mois à compter du prononcé de l’ordonnance.

Il résulte du constat de procès verbal d’huissier des 4 et 9 décembre 2008 versé par Cortix aux débats que le site visé dans l’ordonnance et celui faisant l’objet de la présente demande de déréférencement ont bien le même contenu. Toutefois :
– l’injonction prononcée pour trois mois par l’ordonnance du 5 janvier 2009 a cessé ses effets à la date du prononcé de la présente décision ;
– l’ordonnance sur requête du 16 avril 2008 a été prise sur le seul fondement de l’article 6-I-8 de la loi du 21 janvier 2004. L’ordonnance de référé du 5 janvier 2009, qui a confirmé l’ordonnance initiale en se contentant d’en modifier les modalités d’exécution en a nécessairement repris la motivation. Or, comme il a été vu ci-dessus, il ne résulte pas du texte visé que le juge ait estimé que le contenu du forum de discussion était manifestement illicite, mais seulement qu’il causait ou était susceptible de causer un dommage à Cortix.

Il n’est donc pas établi que l’hébergement du site en question soit manifestement illicite.

En outre Cortix n’établit pas l’urgence, pourtant nécessaire au succès de sa demande, celle-ci apparaissant en tout état de cause problématique s’agissant de l’extension d’une mesure ordonnée initialement le 16 avril 2008 et alors qu’il n’est pas prétendu que Cortix ait mis profit ce délai pour engager une action au fond susceptible de faire cesser les troubles dont il se plaint.

Nous débouterons donc Cortix de sa demande à ce titre.

Sur les liens « cortix kodos » et « cortix probleme » apparaissant dans le cadre de la fonction « Google suggestions»

Cortix invoque le fait que quatre des sites vers lesquels renvoient ces liens ont été suspendus par des ordonnances rendues sur requêtes par le président de ce tribunal les 16 avril, 24 avril et 3 juin 2008. Toutefois ces mesures, prises aux visas des articles 6-I-2 et 6-II de la loi du 21 juin 2004, n’impliquent pas par elles mêmes que les contenus des quatre sites concernés soient manifestement illicites, si tant est que les ordonnances en question, prises pour des périodes limitées, soient toujours en vigueur, ce qui n’est ni prétendu ni établi.

Le fait que Cortix ait déposé une plainte avec constitution de partie civile contre l’éditeur de certains de ces sites, ce qui n’est d’ailleurs pas établi, le texte de la plainte n’étant même pas versée aux débats, est insuffisant à prouver que leur contenu serait manifestement illicite.

Cortix se contente de donner la liste des dix premiers résultats (noms et adresses des sites, mots clés utilisés…) indiqués à la suite de chacune de ces requêtes, alors que la requête « cortix kodos » donne 2950 résultats et la requête « cortix probleme » en donne 752 000 – ce qui marque la démesure de la demande de Cortix. Cette dernière n’indique même pas les contenus des 20 sites qu’elle liste, et ne se met dès lors pas en mesure d’établir qu’ils seraient manifestement illicites, ce qui ne peut à l’évidence pas se déduire de la seule présence simultanée dans le titre ou les mots clés d’un site du mot Cortix et des mots « arnaque » ou « problème », ainsi que l’illustre parfaitement le site intitulé «News Cortix -Emprunter avec un problème de santé. (Written by Cortix assurance) », qui n’a clairement rien à voir avec la demanderesse, ou le site www.cortixastuces.com/ordinateurs/problème-de-souris-dans-word-2007-sous-vista, qui semble bien anodin, et pourrait appartenir à la demanderesse elle-même.

Cortix n’apporte a fortiori aucune évidence de ce que les contenus des 754 910 sites appelés par les liens qu’elle critique et sur lesquels elle ne donne aucune indication seraient illicites.

Nous débouterons donc Cortix de sa demande à ce titre.

Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par de Google Inc

Par la présente action, Cortix nous a demandé d’ordonner à Google Inc de déréférencer différents sites édités par Monsieur Alain T., tels http://alain.t…cortix.htm, http://glop.fr// ou http://glop-contre-cortix.blogspot.com, en invoquant le caractère manifestement illicite de leurs contenus, dont elle soutient elle-même qu’ils sont similaires, alors que :
– par ordonnance de référé en date du 25 août 2008, le vice-président du tribunal de grande instance de Bobigny a débouté Cortix de son action à l’encontre de Monsieur Alain T. visant à lui ordonner de supprimer tous les propos relatifs à Cortix dans son site http://alain.t….fr/, de supprimer une partie du contenu du site http://glop.fr/cortix/ et d’engager les démarches nécessaires pour supprimer les URL http: //alain.t….fr/cortix.htm et http://glop.fr/cortix des résultats de recherche et de l’index du moteur de recherche Google, retenant notamment que « attendu que si ces propos circonstanciés et explicités peuvent clairement avoir un impact négatif, ils ne correspondent néanmoins qu’à l’exercice d’une faculté de critique ouverte à toute personne faisant part de son expérience sur le Web ; (…) qu’il est clair à cet égard que Monsieur T. est particulièrement critique à l’égard de la société Cortix mais que cette critique ne dégénère pas en abus de droit ou trouble manifestement illicite dès lors que les propos diffusés ne sont pas insultant ou manifestement déplacés … »
– par ordonnance de référé en date du 10 novembre 2008, le vice président du tribunal de grande instance de Bobigny a débouté Cortix de sa demande visant, au motif d’actes de concurrence déloyale et d’une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie résultant entre autres du contenu des sites de Monsieur Alain T., à ordonner à celui-ci de cesser toute prise de contact directe ou indirecte avec les clients de Cortix, retenant que
« Monsieur T. n’est lié par aucun rapport de concurrence, fut-ce indirecte, avec la société Cortix », que « des tiers qui ne sont liés par aucun rapport de concurrence avec une entreprise sont libres de porter un jugement critique sur les produits, services et méthodes commerciales de celle-ci, fut-il sévère, lorsque la critique n’est pas inspirée par le désir de nuire à autrui, qu’elle ne comporte pas d’invectives ou d’appel au boycott et qu’elle reste objective. En l’espèce, Monsieur Alain T. circonscrit sa critique, même vive, à la dénonciation objective et dénuée de toute volonté malveillante du recours par la société Cortix, comme par d’autres prestataires de services, une technique de vente immédiate et sans possibilité de rétractation, qu’il estime abusive et souhaite voir cesser par les moyens légaux mis à sa disposition. Il a déjà été jugé en outre par une ordonnance du 25 ao0t 2008, bénéficiant au provisoire de l’autorité de la chose jugée sur la question qu’elle tranche, que ces critiques n’étaient pas constitutives de dénigrement fautif et que leur mode de diffusion n’avait pas dégénéré en abus » et au final que « aucun trouble manifestement illicite justifiant l’intervention du juge des référés n’étant caractérisé, les mesures sollicitées par la société demanderesse seront rejetées ».

Bien qu’ainsi particulièrement bien avertie de l’absence de caractère manifestement illicite des sites de Monsieur Alain T., que ce soit sur les fondements du dénigrement, du mode de diffusion, de la concurrence déloyale ou de l’atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, Cortix a cependant assigné Google Inc devant nous , nous demandant d’ordonner à cette société de ne plus référencer les sites en cause, invoquant leur caractère manifestement illicite sur la base de ces trois derniers fondements. Elle a ainsi fait preuve de mauvaise foi.

En multipliant les procédures non contradictoires à l’encontre des hébergeurs ou de la société Google Inc afin de suspendre la diffusion des sites de Monsieur Alain T., y compris après avoir été déboutée de ses demandes à l’encontre de leur éditeur par une décision revêtue au provisoire de l’autorité de la chose jugée et sans indiquer l’existence de cette décision dans ses requêtes, puis en cherchant à s’appuyer sur l’autorité des décisions prises sur la base de ces requêtes pour obtenir la condamnation de Google Inc., Cortix a également fait preuve de mauvaise foi.

En agissant en justice alors que, société cotée au marché Alternext d’Euronext et disposant de vingt-sept agences dans six pays, elle n’invoque pour justifier du préjudice qu’elle aurait subi, outre deux attestations de ses propres salariés, qui ne sauraient avoir de force probante, qu’une lettre d’annulation de contrat qui, invoquant des articles du code civil suisse relatifs au droit de la consommation, n’avait guère de chance d’aboutir et une seule lettre d’annulation de rendez-vous, Cortix fait également preuve de mauvaise foi. En se présentant devant le juge des référés, juge de l’évidence, avec un dossier de 7,5 kg et de plus de 1500 pages, Cortix démontre qu’elle ne croyait pas elle-même au caractère manifeste de l’illicéité qu’elle invoquait.

Aussi nous condamnerons Cortix à payer à Google Inc. une somme provisionnelle de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu’à une amende civile de 3000 €.

Cortix ayant par l’ampleur démesurée de son dossier contraint Google Inc à un effort exceptionnel d’argumentation, il est justifié d’allouer cette dernière une indemnité de 10 000 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a du engager pour organiser sa défense.

DECISION

Statuant par ordonnance contradictoire en premier ressort,

. Déboutons la société Cortix de toutes ses demandes ;

. Condamnons la société Cortix à payer à titre provisionnel à la société Google Inc., une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

. Condamnons la société Cortix au paiement d’une amende civile de 3000 € ;

. Condamnons la société Cortix à payer à la société Google Inc., une somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Laissons les dépens à la charge de la société Cortix.

Le tribunal : M. Fouquet (président)

Avocats : Me Alain Bensoussan, Me Alexanda Neri

 
 

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