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Jurisprudence : E-commerce

mercredi 02 juillet 2008
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Tribunal de commerce de Paris 1ère chambre B Jugement du 30 juin 2008

Louis Vuitton Malletier / eBay Inc., eBay International AG

contrefaçon - distribution - e-commerce - hébergeur - responsabilité

FAITS

Louis Vuitton Malletier est la société qui, au sein du groupe de luxe LVMH, crée, fabrique et commercialise sous la marque Louis Vuitton dans le monde entier des produits de maroquinerie et de prêt-à-porter.

La société eBay Inc. est la société mère du groupe eBay. La société eBay International AG, filiale de la société eBay Inc., propose une plate-forme de mise en relation qui permet aux internautes, notamment, de stocker, pour mise à disposition du public, des offres de vente de produits et services.
eBay Inc. et eBay International AG seront ci-après dénommées ensemble «eBay» ou «les défenderesses».
eBay est ainsi devenue la première plate-forme mondiale de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, à laquelle accède une communauté de plus de 248 millions d’utilisateurs répartis sur les cinq continents.
Louis Vuitton Malletier reproche à eBay de ne pas s’assurer, comme c’est son devoir, que son activité ne génère pas d’actes illicites au préjudice de tout autre opérateur économique tel que Louis Vuitton Malletier. Elle ajoute que la complaisance de eBay à accueillir sur l’ensemble de ses sites des annonces manifestement illicites favorise la contrefaçon et cause à Louis Vuitton Malletier différents préjudices que Louis Vuitton Malletier évalue globalement à environ 20 millions d’euros et dont elle demande réparation au Tribunal.

eBay conteste ces reproches et considère respecter les obligations légales prévues en tant qu’hébergeur de sites par la législation française en vigueur au moment des faits.

C’est dans ces circonstances qu’est née la présente procédure.

PROCEDURE

Par actes du 2 août 2006 signifiés selon l’article 686 du Code de Procédure civile à eBay Inc. et eBay International AG, Louis Vuitton Malletier demande au tribunal de :
– Condamner in solidum eBay Inc. et eBay International AG à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes de :
* 7 920 000 € à titre de redevance indemnitaire,
* 10 260 000 € pour réparer le préjudice d’image,
* 2 000 000 € pour réparer le préjudice moral ;
– Autoriser Louis Vuitton Malletier à faire publier le jugement à intervenir, aux frais de eBay Inc. et eBay International AG dans trois journaux de presse française et/ou internationale au choix des demanderesses ;
– Ordonner à eBay Inc. et à eBay International AG de publier ledit jugement sur les sites qu’elles exploitent pendant une durée de trois semaines à compter de la signification du jugement ;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement ;
– Condamner in solidum eBay Inc. et eBay International AG à payer à Louis Vuitton Malletier la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
– Condamner in solidum eBay Inc. et eBay International AG aux dépens.

Par conclusions du 15 février 2007 eBay Inc. et eBay International AG demandent au tribunal de :
– In limine litis et à titre principal, se déclarer incompétent au profit des juridictions américaines en tant que juridictions du lieu où le prétendu fait dommageable se serait produit ;
– In limine litis et à titre subsidiaire, se déclarer incompétent au profit des juridictions étrangères, en tant que juridictions où le prétendu dommage aurait été subi, des pays vers le public desquels les annonces étaient orientées, c’est-à-dire notamment l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Chine, la Corée, l’Espagne, les Etats-Unis, Hong Kong, l’Inde, l’Irlande, l’Italie, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, les Philippines, la Pologne, le Royaume-Uni, Singapour, la Suède, la Suisse, Taïwan ;
– Dire les sociétés eBay Inc. et eBay International AG recevables et bien fondées en l’ensemble de leurs demandes ;

En conséquence :
– Dire les pièces n° 22 à 24, 33 à 35 et 41 à 43 de Louis Vuitton Malletier rédigées en langue étrangère et les écarter des débats ;
– Juger les procès-verbaux de constat des 9, 20 et 23 janvier 2006, 25, 26 et 27 juillet 2006 produits par Louis Vuitton Malletier non probants et les écarter des débats ;
– Débouter Louis Vuitton Malletier de l’ensemble de ses demandes ;
– Si le tribunal s’estimait compétent pour connaître des annonces orientées soit vers les publics étrangers soit vers le public français, il constaterait que celles-ci ont été retirées promptement et en conséquence rejeter les demandes de préjudice fondées sur ces annonces ;
– Condamner Louis Vuitton Malletier à verser à eBay Inc. avec intérêts au taux légal à compter de ses premières écritures et ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement :
* la somme de 10 000 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’atteinte à l’image subi,
* la somme de 2 000 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,

A chacune des défenderesses avec intérêts au taux légal à compter de leurs premières écritures et ce sous astreinte de 10 000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement :
* la somme de 50 000 € titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi,
* la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du Code civil ;
– Se réserver la liquidation des astreintes prononcées ;
– Si le tribunal condamnait Louis Vuitton Malletier et la déboutait de ses demandes, ordonner la publication du jugement dans trois journaux et sur trois sites internet au choix des défenderesses pendant trois mois à compter de la signification du jugement, et ce aux frais de Louis Vuitton Malletier, sans que ces frais n’excèdent la somme de 1000 € HT plus TVA au jour de la facturation ;
– Condamner Louis Vuitton Malletier à verser à chacune des défenderesses la somme de 200 000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie et en ce compris l’article 700 du CPC ;
– Condamner Louis Vuitton Malletier aux dépens.

Par conclusions en réplique et récapitulatives du 7 juin 2007, Louis Vuitton Malletier réitère ses écritures et, y ajoutant, demande au Tribunal de débouter les défenderesses de leurs exceptions d’incompétence, de leurs demandes de rejet de pièces et de leurs demandes à titre reconventionnel.

Par conclusions du 8 novembre 2007, les défenderesses réitèrent leurs écritures et, y ajoutant, demandent au Tribunal de :
– Leur donner acte de ce qu’elles ont rectifié l’erreur matérielle contenue dans les écritures du 15 février 2007 relative au numéro de la pièce rédigée en langue chinoise et non traduite en français ;
– Ne pas fonder sa décision sur la pièce 38 rédigée en langue chinoise et rejeter l’argumentaire de Louis Vuitton Malletier fondé sur cette pièce ;
– Dire les procès-verbaux de constat des 9, 20 et 23 janvier 2006, 25, 26 et 27 juillet 2006, 18 avril 2007, 30 mai 2007 et 1er et 2 août 2007 ainsi que le test réalisé par M. Feuvre en date du 6 juin 2007 produits par Louis Vuitton Malletier non probants et les écarter des débats ;
– Nommer tel expert en informatique qu’il plaira au Tribunal de désigner avec la mission décrite dans ces conclusions ;
– Débouter Louis Vuitton Malletier de ses demandes ;

Elles précisent en les modifiant les conditions demandées de la publication du jugement dans la presse et sur la page d’accueil du site de Louis Vuitton Malletier.

Par conclusions en réplique et récapitulatives du 28 janvier 2008 Louis Vuitton Malletier réitère ses écritures.

Par conclusions (3) du 25 février 2008 les défenderesses réitèrent leurs écritures,
A l’issue de l’audience de plaidoirie du 14 avril 2008, le Ministère Public entendu en ses réquisitions, le Tribunal clôt les débats pour le jugement être prononcé le 30 juin 2008.

SUR LES EXCEPTIONS D’INCOMPTENCE SOULEVEES PAR LES DEFENDERESSES

A. Moyens des parties

Avant toute demande au fond les défenderesses soutiennent que le Tribunal de céans est incompétent
a. à titre principal, au profit des juridictions américaines en tant que juridictions du lieu où le fait dommageable allégué se serait produit, dans la mesure où les annonces litigieuses sont hébergées sur des serveurs de eBay situés aux Etats-Unis ;
b. subsidiairement, au profit des juridictions étrangères des pays vers le public desquels les annonces étaient orientées, le public français n’étant pas visé par ces annonces.

A l’appui de ces exceptions d’incompétence, les défenderesses produisent notamment deux arrêts de la Cour de Cassation ayant consacré, selon elles, la théorie de l’orientation, ainsi que de la jurisprudence de la Cour d’Appel de Paris.

Les défenderesses considèrent que le Tribunal de céans n’est compétent que pour statuer sur les préjudices qui auraient été subis en France selon les dires du demandeur.

Par ailleurs, elles contestent la validité des procès verbaux de constat établis par l’Agence pour la protection des programmes (APP) et versés aux débats.

Louis Vuitton Malletier réplique

a. à titre principal en se référant
– à l’égard de eBay International AG, à la convention de Lugano du 16 septembre 1988 qui pose le principe en matière délictuelle de la compétence du Tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou du lieu où le dommage a été subi,
– à l’égard de eBay Inc., aux règles françaises de compétence interne, notamment à l’article 46 du Code de procédure civile qui dispose que le défendeur peut, en matière délictuelle, saisir la juridiction du lieu de l’événement causal ou de celui du dommage,

b. subsidiairement, en produisant des arrêts de la Cour de Cassation qui jugent, selon les demanderesses, que le critère de l’accessibilité au public français d’un site internet étranger suffit, à lui seul, à justifier la compétence des juridictions françaises. Or, relèvent-elles, les annonces litigieuses, comme le montrent les pièces versées aux débats, figurant sur les sites étrangers de eBay, sont traduites en français et les produits offerts à la vente sont livrables en France.

B. Motifs de la décision

1/ Sur la recevabilité des exceptions d’incompétence soulevées par les défenderesses :

Soulevées avant toute demande au fond, motivées et précisant la juridiction compétente en lieu et place du Tribunal de céans, le Tribunal les dira recevables.

2/ Sur le mérite :

a. sur la compétence du Tribunal à l’égard de eBay International AG

Attendu que la faute alléguée de eBay International AG consiste dans sa complaisance à accueillir sur l’ensemble de ses sites des annonces manifestement illicites favorisant la contrefaçon dans des conditions qui sont de nature à nuire, selon Louis Vuitton Malletier, gravement à son image de marque,

Attendu que cette prétendue faute lui occasionne, selon elle, un préjudice très important en France où elle a son siège social,

Attendu que eBay International AG est responsable de l’exploitation de l’ensemble des sites eBay dans le monde (parmi lesquels notamment le site eBay.fr), à la seule exception du site eBay.com ; que son siège est en Suisse,

Attendu que le Tribunal de céans, pour les besoins de sa décision, rappelle les principes qui doivent s’appliquer :
– pour les principes la Convention de Bruxelles de 1968 (devenue le Règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000) étendue par la Convention de Lugano de 1988 prévoit en son article 5-3° qu’en matière délictuelle, «le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit»,
– pour la jurisprudence communautaire : le lieu où le fait dommageable s’est produit désigne tout à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l’événement causal. Par ailleurs, la juridiction du lieu du fait générateur a «compétence pour connaître de l’action en réparation de l’intégralité du préjudice causé par l’acte illicite», alors que celle du lieu où le dommage a été subi est seulement compétente «pour connaître des dommages causés dans cet Etat»,
– pour la jurisprudence de la Cour de cassation : dès lors qu’un site internet est accessible au public français, les tribunaux français sont compétents pour réparer le dommage réalisé en France, ce qui est le cas des sites eBay ainsi que le constate le Tribunal,

Attendu que, pour justifier de cette accessibilité des sites étrangers de eBay au public français, Louis Vuitton Malletier produit, entre autres, aux débats, des procès-verbaux de constats d’agents assermentés de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP),

Attendu que la contestation de eBay sur la force probante de ces pièces ne porte pas sur l’existence des faits révélés mais seulement sur la compétence matérielle de l’APP et le respect de prescriptions techniques,

Attendu que la preuve est libre à l’égard des commerçants, qualité partagée par toutes les parties à l’instance,

Attendu que le libellé en anglais d’annonces n’exclut pas nécessairement le public français de leur accès,

Le Tribunal en conséquence dira mal fondée eBay International AG en son exception d’incompétence et se dira compétent sans restriction aucune.

b. sur la compétence du Tribunal à l’égard de eBay Inc.

Attendu que eBay Inc. est la société holding du groupe eBay, qu’elle est responsable de l’exploitation du site, que son siège est aux Etats-Unis, en Californie,

Attendu que la faute alléguée de eBay Inc. est identique à celle alléguée de eBay International AG,

Attendu que le Tribunal de céans constate l’absence de dispositions conventionnelles entre la France et les Etats-Unis relativement aux conflits de juridictions,

Attendu que la Cour de cassation rappelle l’extension des règles de compétence interne à l’ordre international,

Attendu que, selon l’article 46 du Code de Procédure civile, le défendeur peut, en matière délictuelle, saisir la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi,

Attendu que la jurisprudence, dans le cadre de cet article 46, consacre le critère de l’accessibilité d’un site étranger au public français pour retenir la compétence des juridictions françaises,

Le Tribunal en conséquence dira eBay Inc. maI fondée en son exception d’incompétence et se dira compétent.

SUR LE FOND DU LITIGE

A. Moyens les parties

1/ Sur les fautes reprochées aux défenderesses :

Louis Vuitton Malletier produit des procès-verbaux de constat et une étude qui montrent clairement, selon elle, que les annonces de vente de produits diffusées sur les sites de eBay portent sur des produits contrefaits, comme le révèlent les indications données par les vendeurs eux-mêmes.

Louis Vuitton Malletier reproche aux défenderesses leur refus, malgré ses mises en garde répétées depuis 1999, de prendre des mesures de lutte efficace contre la contrefaçon, comme par exemple obliger les vendeurs à déclarer qu’ils garantissent l’authenticité des produits mis en vente ou encore fermer définitivement le compte de tout vendeur dès la première infraction.

Louis Vuitton Malletier fait valoir que eBay ne respecte même pas ses propres engagements dans la mesure où elle ne retire pas toujours les annonces litigieuses notifiées par les titulaires de droits et où elle ne clôture pas le compte de fraudeurs récidivistes.

Elle précise que les mesures récentes prises depuis novembre 2006 par eBay témoignent de sa négligence passée.

Sur le statut de eBay, elle observe que eBay ne se borne pas à stocker des données mais exerce aussi une activité de courtage, laquelle étant son activité principale lui interdit d’exciper du régime de responsabilité limitée réservé par le législateur à l’hébergeur, simple prestataire technique.

Elle souligne que cette responsabilité limitée est exclue par le législateur dès lors que, comme en l’espèce, l’usager du service agit sous le contrôle du prestataire.

eBay rétorque sur ces points en faisant observer
– que son activité est bien celle d’un hébergeur de site et qu’à ce titre elle bénéficie du régime de responsabilité limitée prévu par la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique,
– qu’elle respecte les obligations posées par cette loi en retirant immédiatement, dès notification d’un tiers, les annonces manifestement illicites,
– que les annonces dénoncées par Louis Vuitton Malletier n’offrent pas ce caractère,
– qu’elle a mis en oeuvre un programme Vero de lutte contre la contrefaçon auquel Louis Vuitton Malletier n’a pas jugé opportun d’adhérer,
– que les mesures additionnelles que eBay a prises depuis novembre 2006 sont un nouveau témoignage de sa volonté de lutter efficacement contre la contrefaçon tout en veillant à préserver la liberté d’expression des internautes.

2/ Sur le préjudice :

Pour Louis Vuitton Malletier, le préjudice que lui cause le comportement fautif de eBay réside dans :
– l’exploitation fautive des droits liée à la perception par eBay d’une rémunération sur chaque vente de produits contrefaits, ce qui ouvre droit à une redevance indemnitaire au profit de Louis Vuitton Malletier,
– l’atteinte à l’image de Louis Vuitton Malletier et
– le préjudice moral.

Pour le montant de son préjudice à ces divers titres, Louis Vuitton Malletier se fonde sur l’évaluation fournie dans le rapport de l’expert M. Nussenbaum.

S’agissant de la redevance indemnitaire : estimant à 1 602 729 € par an la commission perçue par eBay à l’occasion de la vente des produits litigieux et retenant un pourcentage de 90% de produits contrefaits, M. Nussenbaum évalue la redevance indemnitaire due par eBay à Louis Vuitton Malletier pour la période 2001-2006 à 7 920 000 €.

Quant au préjudice d’atteinte à l’image de marque, M. Nussenbaum, estimant les revenus de eBay tirés de l’insertion et de la mise en valeur des annonces à 1 032 462 € par an et appliquant un coefficient multiplicateur de 4, évalue au montant de 10 260 000 € le préjudice subi par Louis Vuitton Malletier pour la période 2001-2006.
Louis Vuitton Malletier excipe aussi d’un préjudice moral qu’elle estime à 2 000 000 €.

eBay conteste le caractère personnel, direct et certain du préjudice allégué aux motifs que Louis Vuitton Malletier n’aurait pas établi être titulaire de la marque Vuitton ni justifié de la conclusion de contrats de licence et de la perception de redevances en exécution de ces contrats. Elle précise qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les produits «Vuitton» authentiques et les produits «Vuitton» contrefaits vendus sur les sites de eBay.

Sur le montant du préjudice allégué par Louis Vuitton Malletier, eBay relève que l’expert n’aurait dû prendre en compte que les produits vendus sur le site eBay.fr compte tenu de la compétence du Tribunal de céans et que les hypothèses statistiques et économiques retenues par l’expert ne sont pas validées,

3/ Sur les demandes reconventionnelles de eBay :

Considérant avoir été victime d’une campagne de presse qui a atteint son image, eBay excipe d’un préjudice qu’elle estime à la somme de 10 000 000 €.

Elle précise avoir dû mobiliser des ressources pour répondre aux interrogations des internautes et estime avoir également subi un préjudice moral.

eBay sollicite en outre une expertise technique visant à établir les actions, moyens et procédures qu’elle a mis en place pour lutter contre la contrefaçon et le taux de contrefaçon des produits de Louis Vuitton Malletier offerts à la vente à la suite de la mise en oeuvre de ces moyens.

Louis Vuitton Malletier conteste le bien fondé de l’ensemble de ces demandes reconventionnelles. Elle juge en particulier inutile et inappropriée l’expertise sollicitée dans la mesure où il s’agit pour le Tribunal d’apprécier le comportement de eBay de 2001 à 2006, avant la mise en place des mesures prises depuis novembre 2006 par eBay ainsi que le préjudice né pour Louis Vuitton Malletier de ce comportement fautif.

B. Motifs de la décision au fond

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier crée, fabrique et commercialise des produits de maroquinerie et de prêt-à-porter de luxe sous la marque Louis Vuitton, que cette marque bénéficie, après des décennies d’un travail considérable reconnu, d’une notoriété mondiale exceptionnelle la plaçant parmi les plus prestigieuses marques du monde,

Attendu que cette notoriété voulue et entretenue par la société Louis Vuitton Malletier suscite par ailleurs de nombreuses convoitises qui se manifestent notamment sous la forme de contrefaçons ou d’activités parasitaires diverses,

Attendu que la mondialisation des échanges et l’apparition de nouveaux moyens de communication liés à la liberté du commerce ont favorisé la commercialisation de produits frauduleux dont ceux faisant l’objet de la contrefaçon, fléau de l’économie légale,
Attendu qu’il est et a été démontré depuis plusieurs années que la société Louis Vuitton Malletier est victime de la commercialisation sur internet d’un nombre sans cesse croissant de produits de contrefaçon et que cette pratique de vente de tels produits prospère notamment sur les sites des sociétés défenderesses à l’instance dénommées plus généralement eBay,

Attendu qu’eBay est l’acteur majeur du commerce électronique, qu’il représente plusieurs centaines de millions d’utilisateurs, qu’il permet, comme sa devise l’indique, «à n’importe qui, n’importe où et n’importe quand, d’offrir, de vendre ou d’acheter pratiquement tout ce qu’il ou elle souhaite… selon un système d’achat immédiat et un système d’enchères, communément appelé enchères en ligne»,

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier reproche à eBay, qui le conteste, d’avoir commis des fautes récurrentes par sa grave négligence en n’ayant mis aucun moyen efficace technique et humain afin d’empêcher la vente de produits de contrefaçon sur ses sites et bien plus encore d’avoir perçu des commissions sur toutes les ventes litigieuses, favorisant ainsi ce commerce illicite dans l’intérêt manifeste de percevoir des revenus,

Attendu que le Tribunal, ayant examiné l’ensemble des pièces, éléments, arguments fournis par les parties et entendu celles-ci en leurs longues explications, estime qu’il convient, avant d’examiner les éventuelles fautes et responsabilités qui pourraient exister, de déterminer le statut exact de l’activité de eBay.

1/ Le statut de eBay :

Attendu que eBay revendique le simple statut d’hébergeur, souhaite bénéficier à ce titre de l’article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 pour s’exonérer de toute responsabilité directe et renvoie à la responsabilité des utilisateurs de ses sites pour tous les actes de fraude qui s’y commettraient,

Attendu cependant que eBay reconnaît que les fraudes existent, sont importantes et doivent être combattues, qu’elle déclare participer pleinement à la lutte contre la contrefaçon en rappelant sans cesse aux utilisateurs de ses sites le respect de la loi et des règlements en vigueur, en ayant mis en place un système intitulé «Vero» qui est un «programme d’aide à la protection de la propriété intellectuelle» et en remboursant les utilisateurs victimes de la contrefaçon dans la limite de 150 €,

Mais attendu que la société Louis Vuitton Malletier prétend que eBay a quand même engagé sa responsabilité civile à son égard en application du statut de prestataire de service d’hébergement et lui conteste la qualité d’hébergeur seul car eBay ne se contente pas d’effectuer une prestation de stockage mais déploie une autre activité celle de courtier,

Attendu en effet qu’il est manifeste que eBay est un site de courtage et que les sociétés défenderesses ne peuvent bénéficier de la qualité d’intermédiaires techniques au sens de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique car elles déploient une activité commerciale rémunérée sur la vente des produits aux enchères et ne limitent donc pas cette activité à celle d’hébergeur de sites internet qui permettrait à eBay de bénéficier des dispositions applicables aux seuls hébergeurs,

Attendu qu’ainsi le Tribunal constate que l’essence de la prestation de eBay est l’intermédiation entre vendeurs et acheteurs, que eBay met en place des outils destinés spécifiquement à assurer la promotion et le développement des ventes sur ses sites à travers un «gestionnaire des ventes» avec création de «boutiques» en ligne, la possibilité de devenir «PowerSeller», que eBay est donc un acteur incontournable de la vente sur ses sites et joue un rôle très actif notamment par des relances commerciales pour augmenter le nombre de transactions générant des commissions à son profit,

Attendu qu’il est démontré au travers des pièces et éléments fournis que eBay dispose d’un service commercial performant de courtage et constitue un acteur leader du commerce électronique, que ses prestations d’hébergement et de courtage sont indivisibles car eBay n’offre un service de stockage des annonces que dans le seul but d’assurer le courtage, c’est-à-dire l’intermédiation entre les vendeurs et les acheteurs, et de recevoir la commission correspondante,

Attendu en outre que le régime de responsabilité dérogatoire des hébergeurs ne l’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous le contrôle ou l’autorité de l’hébergeur comme c’est le cas en l’espèce, eBay agissant principalement en courtier et offrant un service qui, par sa nature, n’implique pas l’absence de connaissance et de contrôle des informations transmises sur ses sites,

Attendu en conséquence que eBay, en sa qualité de courtier, ne bénéficie pas d’un statut dérogatoire au titre de sa responsabilité et relève donc, comme tout acteur du commerce, du régime commun de la responsabilité civile.

2/ Sur les fautes reprochées par Louis Vuitton Malletier à eBay :

Attendu que la mission d’un courtier vise à rapprocher deux parties, en l’espèce le vendeur et l’acheteur, que le courtier ne peut prendre part, à un titre ou à un autre à une opération illicite,

Attendu qu’en l’espèce il est reproché à eBay d’avoir pris part à la commercialisation de marchandises contrefaites, que de nombreux constats d’huissiers ont été communiqués au Tribunal, peu important qu’ils soient contestés par les sociétés défenderesses sur leur forme, la preuve en matière commerciale étant libre,

Attendu qu’il a été démontré au Tribunal que les sites de eBay ont favorisé et amplifié la commercialisation à très grande échelle par le biais de la vente électronique de produits de contrefaçon,

Attendu que cette participation essentielle de eBay à la commercialisation des produits de contrefaçon notamment des marques Louis Vuitton est constitutive de fautes,

Attendu en effet que eBay a manqué à son obligation de s’assurer que son activité ne génère pas d’actes illicites, en l’espèce d’actes de contrefaçon, au préjudice d’un acteur économique tel que la société Louis Vuitton Malletier, que eBay a également manqué à son obligation de vérifier que les vendeurs qui réalisent à titre habituel de nombreuses transactions sur ses sites sont dûment immatriculés auprès des administrations compétentes et, en France, au Registre du Commerce et des Sociétés ou au Répertoire des Métiers, ainsi qu’auprès des organismes sociaux ou autres,

Attendu que les annonces et les transactions portant sur des produits de contrefaçon apparaissent avec évidence, soit par des mentions de type «belle imitation d’un célèbre modèle Louis Vuitton», soit au simple constat des prix pratiqués et des quantités offertes,

Attendu que eBay reconnaît d’ailleurs que la quantité de produits vendus est révélatrice de leur caractère contrefaisant, que l’obligation générale de surveillance n’est pas respectée,

Attendu qu’il apparaît que la responsabilité de eBay est d’autant plus importante qu’elle a délibérément refusé de mettre en place les mesures efficaces et appropriées pour lutter contre la contrefaçon, comme celles consistant à imposer aux vendeurs de fournir sur simple demande la facture d’achat ou un certificat d’authenticité des produits mis en vente, à sanctionner tout vendeur fautif en fermant définitivement son compte dès la constatation de la faute, à retirer immédiatement les annonces illicites signalées par les services de la société Louis Vuitton Malletier chargés de la lutte contre la contrefaçon,

Attendu en outre que eBay n’est pas fondée à demander aux sociétés victimes de contrefaçon sur ses sites de contribuer financièrement à la ltte engagée contre les actes illicites commis sur ses sites,

Attendu que si des mesures récentes ont été prises par eBay, elles témoignent de sa négligence passée, en l’espèce au cours des années 2001-2006, et donc de la conscience de sa responsabilité pleine et entière,

Attendu que eBay a bien commis de graves fautes d’abstention et de négligence portant atteinte aux droits de la société Louis Vuitton Malletier, desquelles elle doit réparation conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil,

3 / Sur le préjudice :

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier invoque trois types de préjudices :

a/ Sur l’exploitation fautive des droits de Louis Vuitton Malletier :

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier invoque au titre d’une jurisprudence constante le droit de demander le paiement d’une redevance indemnitaire égale en l’espèce aux commissions perçues par eBay, à laquelle il convient d’appliquer un coefficient multiplicateur des droits qu’elle détient et qu’elle n’a pas librement consentis (C.A. Paris 3 février 2006),

Attendu qu’au vu des explications et éléments fournis par la demanderesse le Tribunal dira que le caractère personnel, direct et certain du préjudice est établi et qu’il convient de le réparer,

Attendu que le rapport d’un expert réputé, Monsieur Maurice Nussenbaum, rapport réalisé cependant non contradictoirement, a été versé aux débats pour éclairer le Tribunal, qu’au terme de son étude cet expert a constaté, à partir des propres données statistiques de eBay, qu’au cours des mois d’avril à juin 2006, 149 739 annonces incluant la marque Louis Vuitton sont passées sur l’ensemble des sites de eBay et ont donné lieu à 96 581 ventes effectives ; que le prix moyen de ces ventes a été de 96,50 €,

Attendu que l’expert a estimé la commission de eBay sur la période considérée à 400 682 €, soit 1 602 729 € par an, que sur ces bases :
– en considération d’une étude menée par Louis Vuitton Malletier conduisant à un taux de 90% de produits «Vuitton» contrefaits offerts à la vente sur les sites de eBay,
– en admettant que les commissions perçues par eBay sur les produits contrefaits aient connu une évolution comparable au chiffre d’affaires consolidé de eBay sur tous produits confondus,
– en extrapolant le montant des commissions perçues par eBay au titre des produits contrefaits sur un trimestre (avril-juin 2006) à l’ensemble d’une année (par une multiplication par 4),
– en appliquant un coefficient multiplicateur de 2 correspondant à un taux de licence majoré,
– en retenant une période de référence de 5 ans à compter du 30 juin 2001 jusqu’au 30 juin 2006,
– et en appliquant un taux de capitalisation de 4% pour actualiser le montant de la redevance indemnitaire,

Monsieur Maurice Nussenbaum a évalué l’indemnité qui serait due à Louis Vuitton Malletier au titre des années 2001 à 2006 à la somme de 7 920 000 €,

Attendu cependant que les sociétés défenderesses contestent l’indemnité calculée par cet expert, d’une part au titre de la limitation de compétence du Tribunal au préjudice de Louis Vuitton Malletier subi en France et, d’autre part, au motif que cette étude aurait été réalisée sur la base de critères non objectifs,

Mais attendu que le Tribunal s’est déclaré compétent pour l’ensemble du litige posé sans limite territoriale, qu’il fera siens les critères pertinents de l’expert admis eux-mêmes dans les écritures des défenderesses notamment en ce que les copies sont «souvent identifiables par leur prix» et que «les annonces qui proposent dans certaines conditions des objets particulièrement exposés à la contrefaçon sont /…/ par exemple /…/ des annonces proposant en quantité ce type d’objets»,

Attendu que les hypothèses statistiques et économiques retenues par l’expert pour réaliser son évaluation apparaissent parfaitement fondées, qu’en conséquence le Tribunal fera sienne cette évaluation, dira la société Louis Vuitton Malletier bien fondée en sa demande de réparation du préjudice au titre de l’exploitation fautive des droits et condamnera in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à verser à la société Louis Vuitton Malletier une indemnité de 7 920 000 € à titre de redevance indemnitaire de ses droits.

b/ Sur l’atteinte à l’image :

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier invoque l’existence d’une publicité négative pour les titulaires de droits à la suite de la parution d’annonces de ventes de produits contrefaits sur les sites de eBay et demande au Tribunal de réparer son préjudice qui correspondrait aux dépenses que ce titulaire doit engager pour neutraliser l’atteinte de eBay à son image,

Attendu que les sociétés défenderesses contestent l’existence d’un tel préjudice en avançant un certain nombre d’arguments sans apporter les éléments de preuve nécessaires,

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier apporte tous les éléments utiles à l’appréciation par le Tribunal du préjudice direct qu’elle subit au titre de son image et pour lequel elle est en droit d’obtenir réparation,

Attendu que le préjudice d’image pour une société de premier rang mondial opérant dans les produits de luxe, est considérable, que le préjudice invoqué par la société Louis Vuitton Malletier, n’est pas évalué sur la base des investissements réalisés pour la promotion de ses marques, mais sur la base des revenus perçus par eBay au titre de l’insertion et de la mise en valeur des annonces illicites parues sur internet,

Attendu que la vente de produits contrefaits sur internet dégrade l’image des produits de luxe des marques Louis Vuitton et que le caractère personnel, direct et certain du préjudice subi par la société Louis Vuitton Malletier est constant,

Attendu que là encore le Tribunal, après avoir vérifié que l’expert a procédé à des évaluations au regard des propres données statistiques de eBay, fera sienne la méthode de calcul de l’expert car elle est adaptée aux éléments connus à partir des revenus perçus par eBay au titre de l’insertion et de la mise en valeur des annonces et applique un coefficient multiplicateur de 4 prenant en compte la nécessité de contrecarrer l’atteinte à l’image,

Attendu que les revenus de eBay, selon les données statistiques qu’elle fournit elle-même, sont estimés à ce titre par l’expert à 1 032 462 € par an, que sur ces bases :
– en retenant des hypothèses identiques à celles retenues pour le préjudice subi au titre de l’exploitation fautive des droits de Louis Vuitton Malletier,
– en appliquant un coefficient multiplicateur de 4, le montant total indemnitaire réclamé calculé par le même expert s’élève au titre des années 2001 à 2006 à 10 260 000€,

Attendu que eBay conteste cette évaluation sans en démontrer le mal fondé,

Attendu en effet que l’application d’un coefficient de 4 au lieu de 2 se justifie par le fait qu’il est plus onéreux de neutraliser une atteinte à l’image que de dégrader cette image,

Attendu que le Tribunal retiendra, pour tenir compte de cette réalité, le coefficient multiplicateur de 4 et condamnera in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier une indemnité de 10 260 000 € au titre de la réparation de son préjudice d’image.

c/ Sur le préjudice moral :

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier invoque également l’existence d’un préjudice moral causé par la vente massive de produits contrefaits sur les sites de eBay, affectant progressivement les efforts considérables de création et de qualité qui distinguent les produits commercialisés par Louis Vuitton Malletier,

Attendu qu’en effet la négligence et l’abstention coupables de eBay à l’égard de la contrefaçon portent directement atteinte aux efforts et valeurs de Louis Vuitton
Malletier,

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier sollicite au titre de la réparation de ce préjudice une somme de 2 000 000 €,

Attendu que le Tribunal, après avoir examiné les éléments de la cause et constaté l’existence d’un préjudice moral réel et certain, fera droit au principe de cette demande,

Mais attendu que le montant sollicité ne repose pas sur une évaluation démontrée, le Tribunal, usant de son pouvoir souverain d’appréciation, fixera le montant de l’indemnité due à ce titre à 1 000 000 € et déboutera pour le surplus de la demande.

4/ Sur les demandes reconventionnelles de eBay

Attendu que eBay invoque l’existence d’une campagne de dénigrement à son encontre dans la presse française et étrangère qui aurait été orchestrée notamment par l’action de Louis Vuitton Malletier,

Mais attendu que ces assertions ne sont étayées par aucun élément de preuve, le Tribunal dira les sociétés défenderesses mal fondées et les déboutera de leur demande à ce titre,

Attendu que eBay sollicite en outre une expertise technique,

Mais attendu que cette expertise aurait pour mission d’informer le Tribunal sur la situation actuelle alors que celui-ci doit statuer sur des négligences et abstentions passées de eBay,

Attendu que cette demande d’expertise sera écartée par le Tribunal.

5/ Sur la publication du jugement

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier sollicite la publication du jugement à intervenir aux frais des défenderesses dans trois journaux de presse française et/ou internationale de son choix,

Attendu que la mesure est nécessaire, le Tribunal y fera droit dans la limite de 5000 € par insertion,

Attendu que la société Louis Vuitton Malletier demande au tribunal d’ordonner à eBay Inc. et eBay International AG de publier le jugement à intervenir sur l’ensemble des sites eBay pendant trois semaines à compter du jugement à intervenir,

Attendu que vu les fautes commises et la nécessité d’informer les utilisateurs des sites de la responsabilité des sociétés défenderesses, le Tribunal y fera également droit, cette publication devant avoir lieu en langue française et en langue anglaise,

Attendu d’autre part que pour faire reconnaître ses droits la société Louis Vuitton Malletier a engagé des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, le Tribunal condamnera in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à lui payer la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du CPC, déboutant pour le surplus,

Attendu que vu la nature de l’affaire le Tribunal l’estime nécessaire, il ordonnera l’exécution provisoire de ce jugement, sauf en ce qui concerne les publications du jugement sollicitées,

Attendu que le Tribunal rejettera toutes prétentions autres, plus amples ou contraires des parties, les en déboutera,

Attendu que les entiers dépens seront mis à la charge des sociétés eBay Inc et
eBay International AG in solidum,

DECISION

Par ces motifs,

Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,

. Dit les sociétés eBay Inc. et eBay International AG mal fondées en leurs demandes d’exception d’incompétence et les en déboute,

. Se déclare compétent pour statuer sur le présent litige sans restriction aucune,

. Dit que les sociétés eBay Inc. et eBay International AG n’ont pas la seule qualité d’hébergeur et ne peuvent en conséquence bénéficier au titre de leur statut de courtier des dispositions de l’article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 portant sur la confiance dans l’économie numérique,

. Constate que les sociétés eBay Inc. et eBay International AG ont commis des fautes graves en manquant à leur obligation de s’assurer que leur activité ne générait pas des actes illicites au préjudice de la société Louis Vuitton Malletier,

. Dit que ces manquements ont été préjudiciables à la société Louis Vuitton Malletier et nécessitent réparation,

En conséquence :

. Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier une somme de 7 920 000 € à titre de redevance indemnitaire pour l’exploitation fautive des droits du titulaire,

. Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier une somme de 10 260 000 € titre de réparation de son préjudice d’image,

. Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier une somme de 1 000 000 € à titre de réparation de son préjudice moral, déboutant pour le surplus de la demande,

. Dit les sociétés eBay Inc. et eBay International AG mal fondées en l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles et les en déboute,

Autorise la société Louis Vuitton Malletier à faire publier le présent jugement, aux frais des sociétés défenderesses, dans trois journaux de presse française et/ou internationale, de son choix, dans la limite de 5000 € par insertion,

. Ordonne aux sociétés eBay Inc. et eBay International AG de publier le présent jugement sur l’ensemble des sites eBay pendant une durée de trois semaines à compter de la présente décision, en langue française et en langue anglaise,

. Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la société Louis Vuitton Malletier une somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, déboutant pour le surplus de la demande,

. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement sauf en ce qui concerne ses publications,

. Rejette toutes prétentions autres, plus amples ou contraires des parties, les en déboute,

. Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG aux entiers dépens.

Le tribunal : M. Geronimi (président), M. Homo (président), MM. Arnoux, Burin des Roziers, Guerin, Begon Lours et Gruter (juges)

Avocats : Me Didier Malka, Me Alain Bensoussan

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