Jurisprudence : Marques
Cour d’appel de Paris 4ème chambre, section B Arret du 9 avril 2004
Société SVP Holding / Nicolas R.
marques - nom de domaine
Faits et procédure
La cour est saisie d’un appel formé par la société SVP Holding à l’encontre d’un jugement réputé contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 25 février 2003 qui a débouté la société SVP de ses demandes et l’a condamné aux dépens.
Il convient de rappeler que la société SVP créée en 1935, a développé une activité d’informations et de conseils relatifs à l’activité économique et financière, culturelle et juridique par téléphone en utilisant le sigle SVP qu’elle a déposé comme marques :
– une marque dénominative SVP déposée initialement le 27 novembre 1935 et objet d’un nouveau dépôt le 19 mai 1980, enregistré sous le n°115065 pour désigner différents produits et services des classes 1 à 42 de la classification internationale ; le dernier renouvellement ayant été effectué le 26 juin 1998 ;
– une marque dénominative SVP déposée le 26 juin 1998 et enregistrée sous le n° 98/739024 pour désigner différents services de la classe 38 de la classification internationale ;
– une marque semi-figurative SVP déposée le 30 novembre 1993 et enregistrée sous le n° 93/494463 pour désigner différents produits des classes 35 à 42 de la classification internationale.
Par acte du 17 juillet 2001, la société SVP a assigné Nicolas R. en contrefaçon de marques, atteinte à sa marque renommée et en concurrence déloyale pour la réservation du nom de domaine « allosvp.com ».
Dans ses dernières écritures signifiées le 21 juillet 2003, la société SVP Holding venant aux droits de la société SVP demande à la cour de :
– dire et juger qu’en réservant le nom de domaine « allosvp.com » et en utilisant la dénomination Allosvp, Nicolas R. a commis des actes de contrefaçon des marques SVP dont la société SVP est titulaire et a porté atteinte aux droits dont ladite société dispose sur la dénomination SVP à titre de marque, aux termes de l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle,
– dire et juger que ce faisant, Nicolas R., en faisant usage d’une marque jouissant de la renommée qui est celle de la marque SVP, a, à tout le moins, engagé sa responsabilité civile aux termes de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle vis-à-vis de la société SVP,
– dire et juger que l’adoption et l’usage du nom de domaine « allosvp.com » et de la dénomination Allosvp par Nicolas R. constituent des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires, à l’encontre de la société SVP et que ces actes engagent la responsabilité civile de Nicolas R. aux termes de l’article 1382 du code civil,
en conséquence :
– interdire à Nicolas R. de faire usage à quelque titre que ce soit de la dénomination Allosvp sous astreinte de 3000 € par jour de retard passé le délai de cinq jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir,
– condamner Nicolas R. à procéder au transfert du nom de domaine allosvp.com à la société SVP sous astreinte de 3000 € par jour de retard, passé le délai de cinq jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir,
– condamner Nicolas R. à payer à la société SVP la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts,
– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir ou d’extraits de celui-ci dans trois journaux ou magazines au choix de la société SVP et aux frais de Nicolas R. dans la limite de 5000 € par insertion,
– condamner Nicolas R. à payer à la société SVP une somme de 20 000 € HT au titre de l’article 700 du ncpc,
– condamner Nicolas R. en tous les dépens.
Nicolas R. n’a pas constitué avoué.
Discussion
Sur la contrefaçon
Considérant ainsi que l’a dit le tribunal que les services proposés par Nicolas R. sont identiques ou à tout le moins similaires à ceux désignés par les marques antérieures SVP en ce qu’ils consistent dans des services de communication d’information du public par réseau électronique ; qu’il n’est pas démontré que les services de la société appelante ne visent que les entreprises et les collectivités locales ;
Considérant que l’adjonction du terme « allo » au signe SVP par Nicolas R. ne suffit pas à écarter le risque de confusion avec les marques SVP, la dénomination Allosvp évoquant un service de réponse téléphonique de la société SVP et que l’adjonction de l’élément « .com » pour le nom de domaine ne suffit pas non plus à écarter le risque de confusion, l’élément « .com » était descriptif et nécessaire pour désigner une adresse internet ; que le risque de confusion entre les marques SVP et le nom de domaine « allosvp.com » ou la dénomination Allosvp étant établi, le jugement sera infirmé en ce qu’il a écarté le risque de confusion pour constater la contrefaçon par imitation ;
Sur l’atteinte portée à la renommée de la marque SVP
Considérant que l’appelante soutient que l’usage de la dénomination Allosvp doit être interdit à Nicolas R. sur le fondement de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle relatif aux marques de renommée ;
Considérant que l’appelante invoque à titre de preuve de la notoriété de sa marque la longévité de la société SVP qui utilise depuis sa création en 1935 la combinaison des lettres SVP aussi bien à titre de dénomination sociale que de marque ;
Considérant en outre qu’elle fait valoir le dynamisme de sa communication tant dans la presse grand public où la marque SVP est clairement mise en évidence que dans des spots radiophoniques sur des ondes de grande écoute ;
Considérant que ces éléments permettent d’établir la connaissance par une partie significative du grand public de la marque SVP ;
Que la renommée de la marque SVP est donc démontrée ;
Que le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société SVP sur le fondement de l’article L 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Sur la demande au titre de la concurrence déloyale
Considérant que l’appelante soutient que Nicolas R. a volontairement reproduit deux éléments caractéristiques de la société SVP : sa marque et dénomination sociale et ses services rendus par voie télégraphique, créant ainsi un risque de confusion dans l’esprit du consommateur entre son futur service en ligne et les services de la société SVP ;
Mais considérant que ces faits ne sont pas distincts de ceux constitutifs de la contrefaçon ;
Considérant que l’appelante soutient également que l’apposition de la mention relative au litige en cours et la possibilité de demander des informations relatives à ce litige et son issue sur le site « allosvp.com », l’adresse e-mail allo@allosvp.com sont constitutives d’actes de concurrence déloyale distincte des actes de contrefaçon ;
Considérant toutefois que cette simple apposition ainsi que la possibilité offerte d’obtenir des informations sur le litige ne constituent pas des actes de concurrence déloyale puisqu’au contraire, ce faisant, Nicolas R. attire l’attention des usagers sur la différence d’origine entre son site et la marque SVP ; que la demande au titre de la concurrence déloyale sera rejetée ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que la preuve d’un préjudice du fait de l’imitation de la marque SVP par le nom de domaine Allosvp n’est pas rapportée ;
Considérant que l’utilisation de ce nom de domaine par Nicolas R. doit, en vertu des motifs susvisés, cesser ; qu’il convient dès lors d’interdire à Nicolas R. l’utilisation du nom de domaine « allosvp.com » et de le condamner à faire opérer le transfert au nom de la société SVP Holding du nom de domaine allosvp.com ;
Que la demande de publication de l’arrêt n’est pas justifiée ;
Sur l’article 700 du ncpc
Considérant que l’équité ne commande pas d’allouer une indemnité à l’une ou l’autre des parties au titre de l’article 700 du ncpc ;
Décision
. Infirme le jugement déféré,
. Interdit à Nicolas R. de faire usage du nom de domaine « allosvp.com » à compter de la publication du présent arrêt,
. Condamne Nicolas R. à faire opérer le transfert au profit de la société SVP du nom de domaine allosvp.com sous astreinte de 1000 € par jour de retard passé le délai de cinq jours suivant la signification de l’arrêt,
. Condamne Nicolas R. aux dépens.
. Rejette toutes autres demandes,
. Condamne Nicolas R. aux dépens d’appel.
La cour : Mme Pezard (président); Mme Regniez et M. Marcus (conseillers)
Avocat : Me Philippe Combeau
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