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Jurisprudence : Contenus illicites

mercredi 28 septembre 2022
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Cour d’appel de Caen, arrêt correctionnel du 19 septembre 2022

Mme X. / M. Y.

diffusion d’un écrit - écrit anonyme - expertise judiciaire - identification de l'auteur - Injure publique envers un particulier

La prévenue a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Lisieux par ordonnance de Madame Lartigau Aurélie, juge d’instruction, rendue le 28 juillet 2021.
Elle est prévenue d’avoir à Deauville, le 12 mars 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription. par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image, vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans un lieu ou une réunion publics, en l’espèce, en déposant le courrier litigieux dans les boîtes aux lettres des habitants de Deauville, comportant une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective, injurié M. Y. par les propos suivants commençant par « A la veille des élections municipales dimanche prochain » et se terminant par « M. Y., maire de Deauville soutient l’antisionisme »

Faits prévus par ART33 AL.2, ART.23 AL.1, ART.29 AL.2, ART.42 LOI DU 29/07/1881. ART.93·3 LOI82-652 DU 29/07/1982 et réprimés par ART.33 AL.2 LOI DU 29/07/1881

Le jugement

Par jugement en date du 26 avril 2022, le Tribunal judiciaire de Lisieux – Chambre Correctionnelle statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de M. Y. et de Mme X.,

sur l’action publique :

a déclaré Mme X. coupable des faits qui lui sont reprochés pour les faits de :
– INJURE PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PAR PAROLE, ECRIT, IMAGE OU MOYEN DE COMMUNICATION AU PUBLIC PAR VOIE ELECTRONIQUE, faits commis à Deauville le 12 mars 2020

a condamné Mme X. au paiement d’une amende de 3 000 euros, à titre de peine principale
à titre de peine complémentaire, en application de l’article 33 al.5 de la loi du 29/07/1881 et de l’article 131-35 du code pénal a ordonné la diffusion de la décision dans le journal OUEST FRANCE, aux frais de Mme X. , avec le communiqué suivant :
« Par jugement du Tribunal correctionnel en date du 26 avril 2022, Mme Mme X. a été déclarée coupable des faits d’injure publique commis au préjudice de M. Y.. En répression, elle a été condamnée a la peine de 3.000€ d’amende et diffusion de la condamnation »
a ordonné à l’encontre de Mme X. la confiscation des scellés dont l’ordinateur ayant servi à commettre l’infraction, à titre de peine complémentaire

sur l’action civile :

a déclaré Mme X. responsable du préjudice subi par M. Y. , partie Civile
a condamné Mme X. à payer à M. Y. , partie civile, la somme de 1 euro au titre de dommages-intérêts
a condamné Mme X. à payer à M. Y. , partie civile, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale

Les appels

Mme X. , prévenue, a interjeté appel principal, par l’intermédiaire de Maitre Justal Marine, avocate au barreau de Lisieux, substituant Maitre Chemarin Claudia, avocate au barreau de Paris, par déclaration au greffe, le 29 avril 2022, son appel portant sur le dispositif civil et pénal

Madame la procureur de la République a interjeté appel incident, par déclaration au greffe, le 29 avril 2022, contre Mme X.

DÉROULEMENT DES DÉBATS

L’affaire a été appelée à l’audience publique du 27 juillet 2022.

Le président a constaté l’absence de la prévenue : Mme X. , et de la partie civile : M. Y. ; tous deux représentés.

Maître Eevenou Mathilde, avocate de la prévenue, Mme X. , a déposé des conclusions aux fins de relaxe, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, mentionnées par ce dernier aux notes d’audience et jointes au dossier.

Maître Soskin llana, avocate de la partie civile, M. Y. , a déposé des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et le greffier, mentionnées par ce dernier aux notes d’audience et jointes au dossier.

Ont été entendus :

Monsieur le conseiller Picquendar, en son rapport ;

Maitre Evenou, avocate de Mme X. , prévenue, pour répondre aux questions sur la situation personnelle de la prévenue ;

Maître Soskin llana, avocate de M. Y. , partie civile, en sa plaidoirie ;

Le ministère public, en ses réquisitions ;

Maître Evenou Mathilde, avocate de Mme X. , prévenue, en sa plaidoirie ;

L’avocate de la prévenue a eu la parole en dernier.

Puis la cour a mis l’affaire en délibéré et le président a déclaré que l’arrêt serait rendu à l’audience publique du 19 septembre 2022 à 13h30.

Et ce jour 19 septembre 2022, le président Monsieur Picquendar Patrick, en audience publique, a donné lecture de l’arrêt dont la teneur suit, conformément aux dispositions des articles 485 et 512 du code de procédure pénale, en présence du ministère public et de Madame Rayon Véronique, greffier.

DÉCISION

La procédure :

Par déclaration reçue au greffe du tribunal judiciaire de Lisieux, le 29 avril 2022, Mme X. a interjeté appel des dispositions pénales et civiles du jugement précité. Le même jour le ministère public a interjeté appel incident. Les appels sont réguliers et recevables.

Mme X. a été citée à comparaître par devant la cour d’appel, par acte d’huissier de justice, remis à l’étude le 23 juin 2022. Elle est absente devant la cour, représentée par son conseil, muni d’un pouvoir.

M. Y., partie civile intimée, a été cité à comparaître par acte d’huissier de justice remis le 29 juin 2022. Il est absent à l’audience, représenté par son conseil.
L’arrêt sera contradictoire.

************

L’action publique :

M. Y. est maire de Deauville depuis plusieurs mandats.
Mme X. est candidate aux élections municipales de 2020.
Le tract a été diffusé le 12 mars 2020, le premier tour des élections municipales se tenant le 15 mars 2020.

Le 29 juillet 2020, M. Y. déposait plainte auprès du juge d’instruction doyen de Lisieux pour injure publique envers un particulier suite à la diffusion par courrier d’un tract. non signé, auprès de certains électeurs de Deauville. le 12 mars 2020, électeurs supposés ou non de confession juive.

Le texte dactylographié de ce tract est reproduit ci-dessous :
« « Ne Jamais Oublier »
Cher coreligioinnaire,
Que vous soyez fidèle de la rue Castor ou du Beth Habad, membre du B’Nai Brit, commerçant ou tout simplement vivant et votant à Deauville, # est important de savoir et de ne pas oublier…

A la veille des élections municipales dimanche prochain, Il est important de prendre tous conscience et de ne pas oublier, surtout à une période délicate où de nouveau l’antisémitisme se réveille partout en Europe.

Il est de notre devoir de ne jamais oublier, il est aussi important, même si nous sommes d’horizon religieux différent, d’être comme toujours :solidaire de cette cause, pour que nous le stoppions.
A tout niveau …..Tolérance zéro !!

Alors dimanche prochain lors de votre vote n’oublions pas nos parents. nos grands parents et toux ceux qui sont partis à cause de l’antisémitisme…..dans des conditions dramatiques, horribles, insupportables, inacceptables…en leur Mémoire n’oublions pas!!!!!
Ne soyons pas complice de loin ou de près de cet antisémitisme renaissant…. Tout a commencé comme ça !

Éteignons chaque départ de feu et condamnons tous ceux qui en sont complices.

M. Y., Maire de Deauville soutient l’antisionisme »

Ce texte était suivi d’une reproduction d’écran tirée du site « KOI de 9 en ISRAËL.

M. Y. précisait qu’un tract du même genre avait été mis en ligne sur internet sur le compte Facebook de M. Z., compagnon de Mme X., candidate aux municipales, ainsi que sur la page de Mme W., inscrite sur la même liste que Mme X.

M. Y. soutenait qu’il était injurié publiquement en ce qu’il était présenté comme un antisémite.

La consignation de 500 euros était versée le 14 septembre 2020 auprès du régisseur du tribunal judiciaire de Lisieux.
Le réquisitoire introductif était pris le 24 septembre 2020.

Entendue le 02 novembre 2020. Mme X. confirmait vivre en concubinage avec M. Z. et déclarait ne pas être l’auteure du tract anonyme mais elle en avait entendu parler.

M. Z. déclarait le même jour ne pas être l’auteur de ce document.

Le 03 novembre 2020, Mme W. expliquait ne pas être au courant de ce document et ne pas en être l’auteure.

Mme X. était réentendue le 08 décembre 2020. A propos de la similitude entre le tract anonyme et la page inscrite sur le compte Facebook de M. Z., elle expliquait que son compagnon avait repris une publication mettant en cause la fille de M. Y. pour une position antisioniste dans le livre qu’elle avait écrit ; cette publication critique figurait sur le site « KOI de 9 en ISRAËL ». Elle confirmait ne pas être l’auteur du document anonyme.

Dans le cadre de la perquisition réalisée au domicile de Mme X., les enquêteurs saisissaient un ordinateur MacBook Air, une imprimante, un ordinateur portable Essentiel Boulanger, un disque dur PNY 240g, une tour de marque ASUS, des câbles d’alimentation et une clé USB.

M. Z. confirmait ne pas être l’auteur du document anonyme. Sur son site Facebook, il avait repris à son compte l’article tiré des publications du site « KOI de 9 en ISRAËL » (article faisant une critique du livre écrit par la fille de M. Y. et reprochant à l’auteure une position antisioniste).

Le 14 décembre 2020, Mme X. et M. Z. présentaient une demande de restitution de l’ordinateur MacBook Air au motif que l’appareil avait été acheté postérieurement a1,1x faits et présentaient une facture d’achat au nom de la société Sweet Home datée du 4 décembre 2020. La restitution était refusée et une expertise ordonnée sur les ordinateurs saisis, à savoir le MacBook air, la tour informatique ASSUS et l’ordinateur Dell qui avait été saisi chez Y. Cette expertise montrait que le système d’exploitation avait été installé sur l’ordinateur Mac Book air le 1er janvier 2020, que le compte principal d’utilisateur Mac OS se nommait « Mme X. ». L’expert avait extrait des fichiers enregistrés par l’utilisateur à savoir :

– des fichiers image relatifs au tract intitulé « ne jamais oublier » dont :

une photo d’écran d’ordinateur montrant un document intitulé « ne jamais oublier » ouvert dans le logiciel de traitement de texte Microsoft Word .

une photo montrant une pile de documents imprimés dont la première page est intitulé « ne jamais oublier », la date de prise de vue étant fixée au 8 mars 2020,

– un fichier vidéo de 6 secondes montrant le tract intitulé « ne jamais oublier » sortir d’une imprimante,

– des captures d’écran liées vraisemblablement à la diffusion du tract étant précisé que sur une prise d’écran extraite d’un téléphone portable (D173 et D174), l’utilisateur correspond par SMS avec une personne nommée R., directeur délégué du groupe PUBLIHEBDOS et lui propose de le rappeler au 07 68 90 21 45, numéro de téléphone de la prévenue, à propos de l’usage d’un article sans autorisation. R. ajoutant que le journal Le Pays d’Auge n’est pas partie dans le scrutin municipal.

Mme X. était entendue le 04 mai 2021 suite aux résultats de l’expertise. Elle précisait que son compagnon lui avait offert l’ordinateur MacBook Air 15 jours avant sa saisie et elle ne comprenait pas comment les documents intéressants l’enquête étaient dans les fichiers, notamment la photo de la pile de tracts, le film de la sortie du tract et les autres captures d’écran. Elle maintenait ne pas être l’auteure du tract anonyme. Elle déclarait être la seule à utiliser cet ordinateur.

L’enquête montrait que Mme X. étala seule personne sur les deux ans précédant le scrutin à demander à la mairie la possibilité de consulter les listes électorales de Deauville.

Le conseil de M. Y. retient le caractère public de la diffusion, le caractère injurieux du tract ce qui exclut le régime de la diffamation et l’imputabilité des faits à l’encontre de Mme X.
Le ministère public requiert la confirmation du jugement sur la culpabilité et les peines. Mme X. soutient que :

– la qualification d’injure ne peut pas être retenue car il y a l’imputation d’un fait précis exclusif à savoir l’acte de soutien à la publication d’un livre écrit par la fille de M. Y., message sur Facebook du 22 mai 2013,

– la preuve de ce que Mme X. est l’auteure du tract n’est pas établie de même qu’il n’est pas démontré qu’elle a diffusé le tract.

Mme X. conteste le caractère public du tract qui est destiné à la communauté juive votant à Deauville ajoutant que les propos sont tenus dans le cadre de la polémique liée à la campagne électorale en cours.

Mme X. rappelle que les dispo ions de l’article 131-21 du code pénal excluent la possibilité de prononcer la confiscation, s’agissant d’un délit de presse.

DISCUSSION

Le tract incriminé a été distribué par voie postale dans les boites aux lettres de divers électeurs Deauvillais, sélectionnés au regard de la consonance ou l’origine présumée de leur patronyme. La photographie de la pile de tracts extraite de l’ordinateur portable MacBook Air de Mme X., qui a précisé en être la seule utilisatrice, montre que le nombre de tracts est important. La diffusion du document a donc été large.

Le contenu de ce tract s’adresse non pas seulement à des personnes de confession juive ou présumées de religion juive appartenant à divers courants mais aussi à l’ensemble des électeurs. En effet, il est écrit : « que vous soyez fidèle de la rue Castor ou du Beth Habad, membre du B’Nai Brit, commerçant ou tout simplement vivant et votant à Deauville, il est important de savoir et de ne pas oublier…. »

Ce tract n’est pas limité à une diffusion auprès de personnes liées par une communauté d’intérêts, puisque rien ne démontre que ces personnes se connaissent et qu’elles participent à un groupement lié par une communauté d’intérêts.

Le caractère public de l’écrit sera donc retenu.

La lecture de ce tract montre que la personne visée est M. Y. et non le maire de la commune de Deauville, M. Y.. En effet, à aucun moment ce document ne fait état ou référence à une action de l’élu municipal, ne porte une critique sur une action ou un projet municipal. La qualité de maire, inscrite après le nom de la partie civile, n’est ni le support ni le moyen des propos.
Les écrits qui nous retiennent sont donc bien dirigés contre un particulier,· M. Y.. La lecture de ce tract montre que son auteur a voulu, après des références à la Shoah,
qualifier M. Y. d’antisémite ou de complice de l’antisémitisme et de soutien de l’antisionisme. En effet, l’auteur écrit : « Ne soyons pas complice de loin ou de près de cet antisémitisme renaissant…. Tout a commencé comme ça !
Éteignons chaque départ de feu et condamnons tous ceux qui en sont complices. M. Y., Maire de Deauville soutient l’antisionisme ».

Il s’agit ici de termes outrageants.

Ce tract n’impute aucun fait précis ou d’allégation de faits précis à l’encontre de M. Y.. la référence à un message écrit sur Facebook, le 22 mai 2013, par M. Y. par lequel l’intéressé fait part de sa satisfaction à la publication d’un livre écrit par sa fille Justine titré « Jérusalem ». Ce message étant utilisé par les auteurs de la page, parue le 5 juin 2018 sur le site « KOI de 9 en ISRAËL », pour écrire : « Quand M. Y., maire de Deauville, soutient un roman antisioniste… écrit par sa fille ! » n’est pas l’allégation d’un fait précis, même si une dispute peut s’organiser entre idéologues, penseurs ou hommes politiques pour définir ce qui est sioniste et ce qui est antisioniste. la preuve d’une pensée dans le cadre d’un débat probatoire s’avère impossible.

le contexte électoral situé en arrière fond ne fait pas disparaître le caractère outrageant des écrits. Ce tract ne fait nullement référence à une action municipale passée, un programme électoral passé ou futur, une action municipale à développer ou à appliquer, il ne contient même pas une critique positive ou négative d’un programme électoral.

Dès lors, le tract incriminé contient donc bien une injure publique envers un particulier, M. Y.

Il ressort de l’enquête et de l’instruction que :

– l’expertise, réalisée sur l’ordinateur dont Mme X. est la seule utilisatrice, a démontré que ce tract est issu de cette machine, ce qui est corroboré par les photographies de la pile de tracts imprimés, le film de l’impression dudit tract et les copies d’écran extraits de l’ordinateur,

– l’ordinateur est bien celui utilisé exclusivement par la prévenue comme l’ont précisé à juste titre les juges de première instance, faisant référence à l’observation de la barre d’onglets contenant un raccourci pour aller sur les fichiers afférents à la société Sweet Home (société dont Mme X. a été la gérante) et à l’environnement identique de l’ordinateur ; Mme X. a déclaré être la seule utilisatrice de cet ordinateur et ne s’explique pas comment les documents sont arrivés dans sa machine.

– la lecture des captures d’écran se rapportant à des communications à partir d’un téléphone portable montre que c’est bien Mme X. qui s’entretient avec R. puisqu’elle donne son numéro de téléphone (celui-ci étant rappelée par l’intéressée lors de ses auditions).

– Mme X. a tenté de récupérer son ordinateur après la saisie dans le cadre de l’enquête en faisant soutenir faussement que l’ordinateur avait été acquis (par la société Sweet home) postérieurement aux faits. Or l’enquête a démontré que cette machine a été dotée de son système d’exploitation le 1er janvier 2020, le compte principal d’utilisateur Mac OS se nommant « Mme X. ». Ces conclusions expertales montrent donc que la demande de restitution était entachée de mauvaise foi.

C’est donc à juste titre que le tribunal correctionnel a retenu que Mme X. était l’auteure du tract.

Il est acquis que Mme X. a sollicité de la mairie de Deauville la consultation des listes électorales. Il ressort des pièces produites aux débats par M. Y. et soumises à la discussion que M. épouse D. a reçu le courrier contenant le tract incriminé sous son nom de jeune fille : « R. M. », nom patronymique qu’elle n’utilise pas mais qu’il est possible de trouver sur les liste électorales.

La diffusion en nombre, et par voie postale, du tract incriminé s’est faite à quelques jours du premier tour de scrutin des élections municipales de Deauville. Or Mme X. est candidate à ces élections sur une liste opposante à M. Y. Elle est la seule à avoir un intérêt à la diffusion de ce tract, l’objectif étant sûrement de diriger le vote de certains électeurs Deauvillais vers une autre liste que celle présentée par M. Y.

Au regard de tous ces éléments, la cour est donc convaincue que Mme X. a procédé à la diffusion auprès du public du tract incriminé, tract contenant les écrits injurieux à l’encontre de M. Y., particulier.

les éléments constitutifs du délit reproché sont réunis et c’est à juste t re que le tribunal correctionnel a retenu la culpabilité de Mme X.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Mme X., âgée de 34 ans, vit avec M. Z. chef d’entreprise qui a déclaré durant l’enquête avoir un revenu mensuel de 10 000 euros. Elle a un fils âgé de 7 ans.

Au moment des faits, elle était étudiante en droit. En 2020, elle a déclaré ne percevoir aucun revenu. Depuis, elle a ouvert un commerce : une sandwicherie à Caen. Son revenu mensuel n’a pas été précisé.

Elle a été gérante de la société Sweet Home jusqu’au 24 septembre 2018.

Elle est locataire et déclare lors de l’enquête payer un loyer de 3 000 euros pour un logement situé à Deauville.

Le casier judiciaire fait état d’une condamnation par ordonnance pénale pour une circulation avec un véhicule démuni d’assurance.

Mme X. qui annonce ne pas avoir de revenus, ne donne aucune indication sur les ressources personnelles qu’elle tire de son commerce de bouche ouvert à Caen. Cependant, elle a indiqué faire face à un loyer de 3 000 euros pour son logement commun avec son concubin. situé à Deauville.

Il s’agit de faits graves destinés à jeter l’opprobre sur une personne connue et candidate à sa réélection aux municipales. Il convient donc de faire une application rigoureuse de la loi pénale. Il y a lieu de condamner Mme X. à la peine d’amende de 3 000 euros.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

L’article 33 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1881 n’autorise pas l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée pour les injures publiques envers un particulier. Il convient dés lors de ne pas ordonner la diffusion ou l’affichage de la décision.

L’article 131-21 alinéa 1 du code pénal ne permet pas la confiscation en matière de délit de presse. La confiscation des objets et matériel saisis est donc exclue dans le cas présent.
Le jugement déféré sera donc infirmé sur ces deux points.

La consignation de 500 euros versée par M. Y. devra lui être restituée.

L’action civile :

M. Y., qui n’est pas appelant des dispositions civiles, demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de condamner Mme X. à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 475-1 du CPP en cause d’appel et d’ordonner dans un délai de 15 jours à compter de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et au frais de Mme X., la publication dans Ouest France, le Pays d’Auge et Paris Normandie d’un extrait de la décision.

La cour dispose des éléments suffisants pour fixer à l’euro symbolique la réparation du préjudice moral directement subi par M. Y. du fait fautif commis par Mme X.

Le tribunal correctionnel a fait une juste appréciation de l’indemnité destinée à couvrir les frais exposés par M. Y. pour défendre sa cause en première instance.
Le jugement déféré sera confirmé sur l’action civile.
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. Y. les frais exposés par lui pour défendre sa cause en appel. Il incombe de condamner Mme X. à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 475-1 du CPP, en cause d’appel.

La diffusion de l’extrait de la décision qui avait été ordonnée en première instance, l’a été à titre de peine sur le fondement de l’article 33 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1881. Elle n’est pas la réponse à une demande exprimée et retenue dans le cadre de l’action civile.

La demande de diffusion d’un extrait de la décision présentée en cause d’appel est donc une nouvelle demande et la partie civile ne peut pas avoir plus que ce qu’elle a déjà obtenu en première instance. La demande de diffusion d’un extrait de la décision présenté en cause d’appel, alors même qu’il n’est démontré aucune aggravation du préjudice, est donc irrecevable.

 

DECISION

LA COUR,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

REÇOIT Mme X. et le ministère public en leur appel respectif,

Sur l’action publique :

CONFIRME le jugement déféré sur la culpabilité,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a condamné Mme X. à une peine de 3 000 euros d’amende,

L’INFIRME pour le surplus,

DIT n’y avoir lieu à diffusion ou affichage d’un extrait de la décision, cette peine n’étant pas prévue par la loi en cas d’injure publique envers un particulier,

DIT n’y avoir lieu au prononcé de la confiscation des scellés, cette peine ne pouvant être prononcée en cas de délit de presse,

Y ajoutant,

ORDONNE la restitution par le régisseur du tribunal judiciaire de Lisieux de la somme consignée (500 euros) à M. Y.,

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 169 euros dont est redevable Mme X. . Ce montant est diminué de 20 % en cas de paiement dans un délai d’un mois à compter du jour du prononcé de la décision contradictoire.

Sur l’action civile :

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme X. à payer à M. Y. la somme de 1 000 euros au titre de l’article 475-1 du CPP en cause d’appel,

DÉCLARE irrecevable la demande de diffusion dans la presse d’un extrait de la décision, présentée en cause d’appel par M. Y.

La partie civile a la possibilité de saisir la CIVI (Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction), dans le délai d’un an, lorsque l’auteur a été condamné pour l’une des infractions mentionnées aux articles 706-3 et 706-14 du Code de Procédure Pénale. La Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infraction compétente est celle du lieu de la juridiction pénale saisie de l’infraction ou celle du domicile de la partie civile demanderesse.

A défaut d’être éligible à la CIVI. elle peut saisir le SARVI(Service d’Aide au Recouvrement des dommages et intérêts pour les Victimes)

La Cour : Gilles Guiguesson (président), Frédérique Emily, Patrick Picquendar (conseillers), Julie Secher lors d’une partie des débats puis Estelle Fleury pour la suite des débats (greffières)

Ministère public :  Bruno Albisetti (substitut général)

Avocats :  Me Claudia Chemarin, Me Mathilde Evenou, Me Ilana Soskin

Source : Legalis.net

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