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Jurisprudence : Diffamation

mercredi 18 juin 2008
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Cour d’appel de Paris 11ème chambre, section A Arrêt du 16 avril 2008

Henri T. / Jean-Christophe L.

diffamation

PROCEDURE

La prévention

Henri T. a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sur ordonnance de renvoi du juge d’instruction en date du 18 octobre 2006 sous la prévention d’avoir à Drancy, en tout cas sur le territoire national, courant juillet-août 2005, et depuis temps non prescrit, commis le délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, en l’espèce Jean-Christophe L., pris en sa qualité de maire de la commune de Drancy, en étant le rédacteur d’un article publié dans l’édition n°4, datée de juillet-août 2005, du journal du syndicat CGT des fonctionnaires territoriaux de la ville de Drancy, dénommé “L’avis des services” et comportant en première page, en haut, à gauche, le logo ”Drancy Territoriaux – la cgt”, ledit article, surmonté de la mention imprimé en lettre capitales et en gras “Le mot de Henri T.”, imprimé en italiques, et sous-titré “l’emploi dans le service public, une aubaine pour les Drancéens ? Pas vraiment !, commençant par ”Malgré les 339 postes d’agents publics […], et se terminant par “[…] pour l’avenir de la fonction publique territoriale” est spécialement incriminé à raison des passages reproduits dans le corps de l’arrêt, infraction prévue par les articles 31 al. 1, 23 al. 1, 29 al. 1, 42 de la Loi du 29/07/1881 et réprimée par les articles 31 al. 1, 30 de la Loi du 29/07/1881.

Le jugement

Le tribunal, par jugement contradictoire,
– a déclaré Henri T. coupable des faits visés à son encontre à la prévention et l’a condamné à 1000 € d’amende,
– a ordonné la publication de la décision dans le prochain numéro de “l’avis des services” et sur le site à l’adresse URL suivante ”http:perso.wanadoo.fr/henri.t./cgt” dans la limite de 5000 € hors taxes par insertion, d’un communiqué judiciaire :
“Par jugement rendu le 21 mai 2007, le Tribunal de Grande Instance de Bobigny a condamné M. Henri T., pour diffamation publique envers Monsieur Jean-Christophe L., maire de la commune de Drancy à la suite de la diffusion de l’édition n°4 “l’avis des services” diffusée à l’en-tête de la CGT, datée de juillet-août 2005 ; le tribunal a ordonné la publication du présent communiqué judiciaire et a condamné Henri T. à payer à Jean-Christophe L. la somme de 4000 € de dommages et intérêts qu’elle sollicitait en indemnisation de son préjudice moral.”
– a condamné Henri T. à payer à Jean-Christophe L. les sommes de 4000 € de dommages et intérêts et 1500 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

[…]

DISCUSSION

Considérant que l’appel interjeté par Henri T. à l’encontre des dispositions pénales et civiles du jugement susvisé est régulier et recevable ;

Que les appels incidents de Jean-Christophe L., partie civile, et du ministère public sont également recevables ;

Considérant qu’à l’audience, la partie civile intimée développe ses conclusions tendant à la confirmation du jugement et à la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 15 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui cause la publication du “Mot d’Henri T.” publié dans la gazette bimestrielle n°4 de la CGT-Drancy Territoriaux intitulé « L’avis des services » qu’il tient pour diffamatoire envers un citoyen chargé d’un mandat public, ainsi que les frais d’un communiqué judiciaire dans cette publication, outre la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Que Monsieur l’avocat général, qui observe que l’écrit poursuivi est public par nature et que la personne mise en cause est parfaitement identifiable, requiert l’infirmation du jugement et la relaxe du prévenu ;

Que le prévenu, qui souligne que les propos poursuivis ne concernent pas l’activité du maire et n’ont pas de caractère public, fait plaider sa relaxe, principalement faute de caractère diffamatoire, en raison de leur contenu strictement syndical, subsidiairement, au bénéfice de sa bonne foi ; qu’il conclut, en conséquence, au débouté de Jean-Christophe L. et à la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 6000 € de dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile ;

Considérant qu’aux termes d’une ordonnance du juge d’instruction rendue sur la plainte avec constitution de partie civile de Jean-Christophe L., maire de Drancy, en date du 30 septembre 2005, Henri T., secrétaire général de la section CGT Drancy Territoriaux, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour complicité de diffamation en raison de la publication en première page de « L‘avis des services », journal de la section syndicale daté des mois de juillet-août 2005, des extraits suivants de l’article souhaité “L‘emploi dans le service public, Une aubaine pour les Drancéens”

“Pas vraiment !
Malgré les 339 postes d‘agents publics disponibles tout de suite, combien iront aux Drancéens ? Sans doute aucun, car le grand lessivage des employés habitant Drancy a commencé en mars 2001.

“Le tragique des situations ainsi créées dépasse les limites du traitement humain, du droit et du comportement civilisé. Cette brutalité qui déshonore les citoyens de Drancy à des fins de pouvoir, d’effacement de la mémoire et du savoir-faire des employés de la ville est inadmissible.

“La politique de l‘emploi à Drancy est à l‘image de celle du gouvernement, elle accentue le nombre des chômeurs. De plus, faute d’une politique de l‘emploi au service de la population, elle renforce la précarité en recrutant des contractuels, en usant des faiblesses du contrôle de légalité de la Préfecture“ ;

Considérant qu’Henri T. a reconnu devant les premiers juges avoir participé au “collectif d’écriture” et assumer, en qualité de secrétaire de la section syndicale signataire du bulletin de la C.G.T. Drancy Territoriaux, la responsabilité de la rédaction du mot éponyme ;

Considérant, sur le caractère diffamatoire des propos poursuivis, que Jean-Christophe L. fait valoir que l’ensemble des propos poursuivis le mettent directement en cause, en sa qualité de maire de Drancy, et sont attentatoires à son honneur et à sa considération en ce qu’ils lui imputent de mener une politique de l’emploi sans respecter les lois, en usant des faiblesses du contrôle de légalité de la préfecture et en dépassant les limites du traitement humain, du droit et du comportement civilisé ;

Mais considérant que, si l’on peut reconnaître dans l’article poursuivi, sans qu’il y soit expressément nommé, Jean-Christophe L., à côté de son conseil municipal, l’imputation que la politique de l’emploi menée par le maire de Drancy renforce la précarité des Drancéens, “en recrutant des contractuels” et “en usant des faiblesses du contrôle de légalité de la préfecture”, l’accusation que la partie civile est responsable de la brutalité de la politique municipale de l’emploi et, sans craindre les hyperboles, que “le tragique des situations ainsi créées dépasse les limites du traitement humain” traduisent l’expression d’un libre droit de critique à l’égard du premier employeur de la ville, sans excéder les limites de la polémique pouvant être vive dans le domaine syndical, ce qu’aucun lecteur d’une gazette de la C.G.T. ne peut ignorer ;

Qu’il y a lieu de relaxer Henri T. et de débouter la partie civile de toutes ses demandes ;

Considérant que la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive de Henri T. n’est pas justifiée ;

DECISION

Par ces motifs,

. Reçoit les appels d’Henri T., de Jean-Christophe L. et du Ministère Public,

. Infirme le jugement déféré,

. Relaxe Henri T.,

. Déboute Jean-Christophe L. de toutes ses demandes et Henri T. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La Cour : Mme Trebucq (président), M. Croissant et Mme Carbonnier (conseillers)

Avocats : Me François Tuffet, Me Héloïse Gossart, Me Christophe Bigot

 
 

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