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Jurisprudence : Responsabilité

mardi 09 octobre 2001
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Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, Décision rendue le 9 octobre 2001

Europe informatique systèmes (ci-après "EIS" ou "EI systèmes") / JDD et Jacques B.

La Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, a rendu l’arrêt suivant, sur le pourvoi formé par la société Europe informatique systèmes (ci-après désignée “ EIS ” ou “ EI systèmes ”), en cassation d’un arrêt rendu le 5 février 1999 par la cour d’appel d’Amiens (4e chambre commerciale), au profit de la société JDD et de Jacques B., défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt :

La cour, composée selon l’article L. 131-6 alinéa 2 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 3 juillet 2001, où étaient présents : M. Dumas (président), Mme Champalaune (conseiller référendaire rapporteur), M. Leclercq (conseiller), M. Feuillard (avocat général) et Mme Moratille (greffier de la chambre).

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la société EIS, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société JDD, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

. donne acte à la société EIS de ce qu’elle se désiste de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Jacques B. ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 5 février 1999), que la société EIS est spécialisée dans l’ingénierie informatique ; qu’elle a cédé le 11 juillet 1994 un fonds de commerce, situé à Orléans, à la société JDD ; que se plaignant de ce que celle-ci s’était livrée à son égard à une concurrence déloyale en débauchant son personnel et en détournant sa clientèle, la société EI systèmes a assigné la société JDD en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la société EI systèmes fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

“ 1°) que la société EI systèmes faisait valoir le débauchage systématique de son personnel par la société JDD, invitant la cour d’appel à constater que, dans le cadre de son agence d’Orléans avant la cession de cette agence, quatre salariés avaient présenté leur démission, la société EI systèmes produisant aux débats les lettres de démission de ses salariés et le procès-verbal de constat établi par l’huissier relatant que le registre du personnel de la société JDD indiquait notamment que M. C. avait été embauché le 24 juin 1994, soit antérieurement à sa démission intervenue le 13 juin 1994 ; qu’en retenant que, dans le cadre du rachat du fonds de commerce d’Orléans qu’exploitait la société EI systèmes, la société JDD a repris plusieurs salariés, tels MM. T. et A. dont l’embauche lui est présentement reprochée ; que la société EI systèmes n’établit nullement que les autres salariés démissionnaires aient accompli les démarches de nature à nuire à leur entreprise d’origine ni des actes effectifs de concurrence tandis qu’ils étaient encore salariés de celle-ci, cependant qu’il ressortait des documents produits aux débats que M. C. avait été embauché par la société JDD alors qu’il était encore lié à la société EI systèmes par un contrat de travail, la cour d’appel qui ne précise pas en quoi il n’y avait pas là un acte de concurrence déloyale imputable à la société JDD, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

2°) que la société EI système faisait valoir les faits de concurrence déloyale ayant consisté dans le débauchage systématique de son personnel, indiquant que sept de ses salariés de l’agence Nord-Picardie ont démissionné entre février et août 1994 ainsi que quatre de l’agence d’Orléans entre mars et juin 1994, le débauchage ayant représenté 40 % du personnel, la déstabilisant par là même ; qu’elle produisait aux débats une attestation de Mme B. indiquant qu’au mois de février 1994, M. L., embauché par la société JDD, avait affirmé aux salariés que la société EI système ne pourrait pas leur payer leurs salaries à la fin du mois ; que Mme B. indiquait encore qu’en mars et avril 1994, MM. L. et B. avaient animé une réunion à Roubaix à l’agence Nord en vue de motiver les salariés à démissionner pur rejoindre JDD ; que, le 28 mars 1994, une réunion s’était tenue à Orléans en présence de MM. L. et B., salariés de JDD, à la suite de laquelle sont intervenues les quatre démissions sur ce site ; qu’en se contentant de relever que la société EI services n’établit nullement que les autres salariés démissionnaires aient accompli des démarches de nature à nuire à leur entreprise d’origine, ni des actes effectifs de concurrence tandis qu’ils étaient encore salariés de celle-ci ; qu’il n’est pas davantage démontré l’existence de manoeuvres déloyales imputables à la société JDD et à l’origine de leur départ telles que l’offre d’une rémunération sans rapport avec la qualification des agents concernés, la volonté de bénéficier des secrets et du savoir-faire de l’entreprise ou toute autre incitation contraire à la probité commerciale, la cour d’appel, qui ne recherche pas si ces manoeuvres émanant de salariés de JDD, d’anciens responsables de la société EI systèmes, ne caractérisaient pas des actes de débauchage et de dénigrement, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil et a violé l’article 455 du Ncpc faute d’avoir analysé l’attestation de Mme B. produite au soutien du moyen formulé ;

3°) que la société EI systèmes faisait valoir que M. A. avait démissionné le 24 juin 1994, M. T. le 28 juin 1994, pour être embauchés par la société JDD le 1er juillet 1994, de même que MM. C. et R., la société EI systèmes invitant la cour d’appel à constater que ces salariés démissionnaires n’avaient pas été repris dans le cadre de l’acquisition du fonds de commerce d’Orléans ; qu’en affirmant que, dans le cadre du rachat du fonds de commerce d’Orléans qu’exploitait la société EI systèmes, la société JDD a repris plusieurs salariés tels que MM. T. et A. dont pourtant l’embauche lui est présentement reprochée, la cour d’appel, qui ne précise pas à quel titre les salariés démissionnaires antérieurement à la cession du fonds de commerce d’Orléans appartenant antérieurement à la société EI systèmes avaient été repris par la société JDD dont la cession prenait effet au 30 juin 1994, soit postérieurement auxdites démissions, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ” ;
Mais attendu, d’une part, que n’ayant pas soutenu, dans ses conclusions d’appel, le fait fautif allégué à la première branche du moyen selon lequel la société JDD aurait procédé à l’embauche de M. C. avant que celui-ci n’ait présenté sa démission à la société EI systèmes, et s’étant seulement prévalu du débauchage massif de ses salariés, source de désorganisation, la société EI systèmes est irrecevable à présenter ce grief, mélangé de fait et de droit et nouveau, pour la première fois devant la Cour de cassation ;

Attendu, d’autre part, qu’ayant retenu que la société EI systèmes n’établit nullement que les autres salariés démissionnaires aient accompli des démarches de nature à nuire à leur entreprise d’origine, la cour d’appel, qui a ainsi écarté, souverainement, la valeur probante des éléments de preuve versés aux débats par la société EI systèmes, sans avoir à se prononcer spécialement sur ceux qu’elle a écartés, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, qu’ayant constaté que dans le cadre du rachat du fonds de commerce d’Orléans qu’exploitait la société EI systèmes, la société JDD a repris plusieurs salariés tels que MM. T. et A. et en l’état du seul fait non fautif allégué selon lequel ces salariés auraient démissionné antérieurement à la cession du fonds, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;

Qu’il suit de là qu’irrecevable en sa première branche et non fondé en ses deuxième et troisième branches, le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche et sur le second moyen pris en ses deux branches, réunis :

Attendu que la société EI systèmes fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

“ 1°) que la société EI systèmes faisait valoir que le débauchage de ses salariés avait permis à la société JDD de conclure des contrats avec ses clients, démarchés par la société JDD, les anciens salariés étant toujours en relation avec les clients chez lesquels ils travaillaient antérieurement, comme cela ressortait des procès-verbaux de constat ; qu’en ne recherchant pas si le débauchage de salariés en contact avec les clients démarchés par JDD n’avait pas eu pour objet de permettre ce détournement de clientèle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

2°) qu’elle faisait valoir qu’après avoir débauché son personnel, la société JDD avec ce personnel avait démarché ses clients, notamment les sociétés BASF, Papeteries de Pont-Sainte-Maxence et VAG France, ainsi qu’il résultait des constats établis par huissier, M. V., ancien salarié, étant détaché chez BASF, MM. R. et D., anciens salariés, étant détachés chez les Papeteries de Pont-Sainte-Maxence, quatre anciens salariés étant détachés chez VAG France ; que la société EI services, comme l’avaient retenu les premiers juges, établissait le préjudice causé par ce détournement de clientèle ; qu’en retenant, pour réformer le jugement observé, que le démarchage de la clientèle était une pratique commerciale normale sauf à ce qu’il prenne un caractère systématique ou à démontrer la commission d’actes de dénigrement ou la volonté de créer une confusion dans l’esprit du consommateur, que tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que les contrats liant la société EI systèmes aux sociétés BASF, VAG et Papeteries de Pont-Sainte-Maxence, trois clients prétendument détournés, ont pour partie été maintenus ou concernaient en réalité la société EI services, la cour d’appel, qui se contente de relever que certains de ses clients ont conservé leurs relations contractuelles avec la société EI systèmes, sans rechercher si ce démarchage et la conclusion de contrats ne lui avaient pas causé un préjudice en l’état du débauchage massif, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

3°) que la société EI systèmes faisait valoir que la société EI services, selon contrat du 28 février 1990, lui avait cédé son activité ingénierie informatique ; qu’en se contentant de retenir l’absence de pratiques déloyales liées au démarchage de la clientèle dès lors que certains des contrats avec les sociétés BASF, VAG et Papeteries de Pont-Sainte-Maxence concernaient la société EI services et non la société EI systèmes, la cour d’appel, qui n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si la société EI systèmes n’était pas recevable à faire valoir les actes de concurrence déloyale commis dès lors que selon contrat du 28 février 1990 elle était cessionnaire de l’activité ingénierie informatique de la société EI services et donc des contrats litigieux, a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu’étant seulement soutenu devant elle que les embauches critiquées revêtaient le caractère d’un débauchage massif constitutif de désorganisation, la cour d’appel, qui a retenu que la preuve n’en n’était pas rapportée, écartant ainsi tout comportement fautif de la société JDD, n’avait pas à procéder aux recherches inopérantes visées à la quatrième branche du premier moyen et à la deuxième branche du second moyen et à se prononcer sur le préjudice allégué par la société EI systèmes, et a légalement justifié sa décision ; qu’il suit de là que les griefs de la quatrième branche du premier moyen et du deuxième moyen ne sont pas fondés ;

La décision

. Rejette le pourvoi ;

. Condamne la société EIS aux dépens ;

. Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société EI systèmes à payer à la société JDD la somme de 12 000 F ou 1 829,39 € et rejette sa demande.

Moyens produits par la SCP Bouzidi, avocat aux Conseils pour la société EIS

Premier Moyen de cassation

Le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir, infirmant le jugement entrepris, rejeté l’ensemble des demandes de la société exposante :

Aux motifs que la société EIS reproche à la société JDD, laquelle avait acquis le fonds de commerce qu’elle exploitait à Orléans pour la somme de 350 000 F, en reprenant les douze salariés qui s’y trouvaient, d’avoir commis à son encontre des actes de concurrence déloyale caractérisés par le débauchage systématique de son personnel et le détournement de sa clientèle ; qu’il convient tout d’abord de rappeler que le principe de liberté du travail autorise un salarié à mettre fin à son engagement pour exercer une activité pour le compte d’un nouvel employeur et qu’il n’est pas interdit à ce dernier de s’engager à embaucher le salarié d’une entreprise concurrente avant même que ce salarié ait manifesté à celle-ci son intention de la quitter que, de même, la liberté de concurrence restant le principe fondamental des rapports commerciaux, chaque commerçant a la possibilité d’attirer la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, sous la réserve de respecter les usages loyaux du commerce ; qu’en l’espèce, il sera souligné que MM. L., B. et L. ont été licenciés par la société EIS et dispensés d’effectuer leur préavis ; qu’ils étaient, en outre, expressément libérés de tous engagements lors de leur embauche par la société JDD ; qu’il ne saurait donc être utilement reproché à cette dernière d’avoir procédé à leur recrutement simultané ; que, par ailleurs, et ainsi qu’il a été ci-dessus rappelé, dans le cadre du rachat du fonds de commerce d’Orléans qu’exploitait la société EIS, la société JDD a repris plusieurs salariés, tels MM. T. et A., dont, pourtant l’embauche lui est présentement reprochée ; que, de même, la société EIS n’établit nullement que les autres salariés démissionnaires aient accompli des démarches de nature à nuire à leur entreprise d’origine ni des actes effectifs de concurrence tandis qu’ils étaient encore salariés de celle-ci ; qu’il n’est pas davantage démontré l’existence de manoeuvres déloyales imputables à la société JDD et à l’origine de leur départ telles que l’offre d’une rémunération sans rapport avec la qualification des agents concernés, la volonté de bénéficier des secrets et du savoir-faire de l’entreprise ou toute autre incitation contraire à la probité commerciale que la seule démission pour exercer une activité concurrente n’est pas en soi abusive mais s’inscrit dans le jeu normal de la liberté du commerce et de l’industrie et il est loisible à tout employeur de solliciter le personnel d’une entreprise concurrente ; que si la société EIS impute aussi à la société JDD des actes de “détournement de clientèle” permettant à cette dernière de “s’approprier” ses principaux clients, il sera observé que le démarchage de la clientèle et une pratique commerciale normale sauf à ce qu’il prenne un caractère systématique ou à démontrer la commission d’actes de dénigrement ou la volonté de créer une confusion dans l’esprit du consommateur ; que tel n’est pas le cas en l’espèce alors, surtout, que les contrats liant la société EI systèmes aux sociétés BASF, VAG et Papeteries du Pont-Sainte-Maxence – trois clients prétendument détournés, selon les dires de l’intéressée, par la société JDD – ont pour partie été maintenus ou concernaient, en réalité, la société EIS ; que, dans ces conditions, la preuve d’aucun acte de concurrence déloyale imputable à la société JDD n’est rapportée par la société EIS et cette dernière ne peut qu’être déboutée de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de cette entreprise et ce, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la réalité du préjudice dont elle excipe ;

Alors, d’une part, que la société exposante faisait valoir le débauchage systématique de son personnel par la société JDD, invitant la cour d’appel à constater que dans le cadre de son agence d’Orléans, avant la cession de cette agence, quatre salariés avaient présenté leur démission, l’exposante produisant aux débats les lettres de démission de ses salariés et le procès-verbal de constat établi par l’huissier relatant que le registre du personnel de la société JDD indiquait notamment que M. C. avait été embauché le 2 juin 1994, soit antérieurement à sa démission intervenue le 13 juin 1994 ; qu’en retenant que, dans le cadre du rachat du fonds de commerce d’Orléans qu’exploitait l’exposante, la société JDD a repris plusieurs salariés, tels MM. T. et A., dont l’embauche lui est présentement reprochée, que l’exposante établit nullement que les autres salariés démissionnaires aient accompli les démarches de nature à nuire à leur entreprise d’origine ni des actes effectifs de concurrence tandis qu’il étaient encore salariés de celle-ci cependant qu’il ressortait des documents produits aux débats que M. C. avait été embauché par la société JDD alors qu’il était encore lié à l’exposante par un contrat de travail, la cour d’appel qui ne précise pas en quoi il n’y avait pas là un acte de concurrence déloyale imputable à la société JDD, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

Alors, d’autre part, que la société exposante faisait valoir les faits de concurrence déloyale ayant consisté dans le débauchage systématique de son personnel, la société exposante indiquant que sept de ses salariés de son agence Nord-Picardie ont démissionné entre février et août 1994 ainsi que quatre de l’agence d’Orléans entre mars et juin 1994, le débauchage ayant représenté 40 % du personnel, déstabilisant par là même la société exposante ; que l’exposante produisait aux débats une attestation de Mme B. indiquant de M. L., embauché par la société JDD, avait certifié qu’au mois de février 1994, M. L., alors embauché par la société JDD, avait affirmé aux salariés que la société exposante ne pourrait pas leur payer leur salaire à la fin du mois ; que Mme B. indiquait encore qu’en mars et avril 1994, MM. L. et B. avaient animé une réunion à Roubaix à l’agence Nord en vue de motiver les salariés à démission pour rejoindre JDD ; que, le 28 mars 1994, une réunion s’était tenue à Orléans en présence de MM. L. et B., salariés de JDD à la suite de laquelle sont intervenues les 4 démissions sur ce site ; qu’en se contentant de relever que la société exposante n’établit nullement que les autres salariés démissionnaires aient accompli des démarches de nature à nuire à leur entreprise d’origine, ni des actes effectifs de concurrence tandis qu’ils étaient encore salariés de celle-ci, qu’il n’est pas davantage démontré l’existence de manoeuvres déloyales imputables à la société JDD et à l’origine de leur départ telle que l’offre d’une rémunération sans rapport avec la qualification des agents concernés, la volonté de bénéficier des secrets et du savoir-faire de l’entreprise ou toute autre incitation contraire à la probité commerciale, la cour d’appel qui ne recherche pas si ces manoeuvres émanant de salariés de JDD, d’anciens responsables de la société exposante, ne caractérisaient pas des actes de débauchage et de dénigrement,

1°/ a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil,

2°/ qui n’a pas analysé l’attestation de Mme B. produite au soutien du moyen formulé, a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Alors, de troisième part, que la société exposante faisait valoir que M. A. avait démissionné le 24 juin 1994, M. T. le 28 juin 1994, pour être embauchés par la société JDD le 1er juillet 1994, de même que MM. C. et R., la société exposante invitant la cour d’appel à constater que ces salariés démissionnaires n’avaient pas été repris dans le cadre de l’acquisition du fonds de commerce d’Orléans ; qu’en affirmant que, dans le cadre du rachat du fonds de commerce d’Orléans qu’exploitait la société exposante, la société JDD a repris plusieurs salariés tels MM. T. et A. dont pourtant l’embauche lui est présentement reprochée, la cour d’appel qui ne précise pas à quel titre les salariés démissionnaires antérieurement à la cession du fonds de commerce d’Orléans appartenant antérieurement à la société exposante, avaient été repris par la société JDD, dont la cession prenait effet au 30 juin 1994, soit postérieurement auxdites démissions, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

Alors enfin que l’exposante faisait valoir que le débauchage de ses salariés avait permis à la société de conclure des contrats avec les clients de l’exposante, démarchés par la société JDD, les anciens salariés étant toujours en relation avec les clients chez lesquels ils travaillaient antérieurement comme cela ressortait des procès-verbaux de constat ; qu’en ne recherchant pas si le débauchage de salariés en contact avec les clients démarchés par JDD n’avait pas eu pour objet de permettre ce détournement de clientèle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

Deuxième moyen de cassation

Le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir, infirmant le jugement entrepris, rejeté l’ensemble des demandes de la société exposante :

Aux motifs que la société EIS reproche à la société JDD, laquelle avait acquis le fonds de commerce qu’elle exploitait à Orléans pour la somme de 350 000F, en reprenant les douze salariés qui s’y trouvaient, d’avoir commis à son encontre des actes de concurrence déloyale caractérisés par le débauchage systématique de son personnel et le détournement de sa clientèle, il convient tout d’abord de rappeler que le principe de la liberté du travail autorise un salarié à mettre fin à son engagement pour exercer une activité pour le compte d’un nouvel employeur et qu’il n’est pas interdit à ce dernier de s’engager à embaucher le salarié d’une entreprise concurrente avant même que ce salarié ait manifesté à celle-ci son intention de la quitter ; que, de même, la liberté de la concurrence restant le principe fondamental des rapports commerciaux chaque commerçant a la possibilité d’attirer la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher, sous la réserve de respecter les usages loyaux du commerce ; qu’en l’espèce, il sera souligné que MM. L., B. et L. ont été licenciés par la société EIS et dispensés d’effectuer leur préavis ; qu’ils étaient, en outre, expressément libérés de tous engagements lors de leur embauche par la société JDD ; qu’il ne saurait donc être utilement reproché à cette dernière d’avoir procédé à leur recrutement simultané ; que, par ailleurs, et ainsi qu’il a été ci-dessus rappelé, dans le cadre du rachat du fonds de commerce d’Orléans qu’exploitait la société EIS, la société JDD a repris plusieurs salariés, tels MM. T. et A., dont pourtant l’embauche lui est présentement reprochée ; que, de même, la société EIS n’établit nullement que les autres salariés démissionnaires aient accompli des démarches de nature à nuire à leur entreprise d’origine ni des actes effectifs de concurrence tandis qu’ils étaient encore salariés de celle-ci ; qu’il n’est pas davantage démontré l’existence de manoeuvres déloyales imputables à la société JDD et à l’origine de leur départ telles que l’offre d’une rémunération sans rapport avec la qualification des agents concernés, la volonté de bénéficier des secrets et du savoir-faire de l’entreprise ou toute autre incitation contraire à la probité commerciale ; que la seule démission pour exercer une activité concurrente n’est pas en soi abusive mais s’inscrit dans le jeu normal de la liberté du commerce et de l’industrie et il est loisible à tout employeur de solliciter le personnel d’une entreprise concurrente ; que si la société EIS impute aussi à la société JDD des actes de “détournement de clientèle” permettant à cette dernière de “s’approprier” ses principaux clients, il sera observé que le démarchage de la clientèle est une pratique commerciale normale sauf à ce qu’il prenne un caractère systématique ou à démontrer la commission d’actes de dénigrement ou la volonté de créer une confusion dans l’esprit du consommateur ; que tel n’est pas le cas en l’espèce alors, surtout, que les contrats liant la société EI systèmes aux sociétés BASF, VAG et Papeteries du Pont-Sainte-Maxence – trois clients prétendument détournés, selon les dires de l’intéressée, par la société JDD – ont pour partie été maintenus ou concernaient, en réalité, la société EIS ; que, dans ces conditions, la preuve d’aucun acte de concurrence déloyale imputable à la société JDD n’est pas rapportée par la société EIS et cette dernière ne peut qu’être déboutée de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de cette entreprise, et ce sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la réalité du préjudice dont elle excipe ;

Alors, d’une part, que la société exposante faisait valoir qu’après avoir débauché son personnel, la société EIS, avec ce personnel, avait démarché ses clients, notamment les sociétés BASF, Papeteries de Pont-Sainte-Maxence et VAG France ainsi qu’il résultait des constats établis par huissier, M. V., ancien salarié, étant détaché chez BASF, MM. R. et D., anciens salariés, étant détachés chez les Papeteries de Pont-Sainte-Maxence, quatre anciens salariés étant détachés chez VAG France ; que l’exposante, comme l’avaient retenu les premiers juges, établissait le préjudice causé par ce détournement de clientèle ; qu’en retenant, pour réformer le jugement observé, que le démarchage de la clientèle est une pratique commerciale normale sauf à ce qu’il prenne un caractère systématique ou à démontrer la commission d’actes de dénigrement ou la volonté de créer une confusion dans l’esprit du consommateur, que tel n’est pas le cas en l’espèce dès lors que les contrats liant la société EIS aux sociétés BASF, VAG et Papeteries de Pont-Sainte-Maxence, trois clients prétendument détournés, ont pour partie été maintenus ou concernaient en réalité la société EI services, la cour d’appel qui se contente de relever que certains des clients ont conservé leurs relations contractuelles avec la société exposante, sans rechercher si ce démarchage et la conclusion de contrats n’avaient pas causé un préjudice à l’exposante en l’état du débauchage massif, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

Alors, d’autre part, que la société exposante faisait valoir que la société EI services, selon contrat du 28 février 1990, lui avait cédé son activité ingénierie informatique ; qu’en se contentant de retenir l’absence de pratiques déloyales liées au démarchage de la clientèle dès lors que certains des contrats avec les sociétés BASF, VAG et Papeteries de Pont-Sainte-Maxence concernaient la société EI services, et non la société exposante, la cour d’appel qui n’a pas recherché, ainsi qu’elle y était invitée, si la société exposante n’était pas recevable à faire valoir les actes de concurrence déloyale commis dès lors que, selon contrat du 28 février 1990, elle était cessionnaire de l’activité ingénierie informatique de la société EIS services et donc des contrats litigieux :

1°/ a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile,

2°/ a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil.

La cour : M. Dumas (président), Mme Champalaune (conseiller référendaire rapporteur), M. Leclercq (conseiller), M. Feuillard (avocat général).

Avocats : SCP Bouzidi, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.