Jurisprudence : Logiciel
Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, Décision rendue le 26 juin 2001
Sarl Soreco c/ Sté Sedeval
contrat informatique - logiciel
La Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Sarl Soreco, en cassation d’un arrêt rendu le 28 mai 1998 par la cour d’appel d’Orléans (chambre commerciale), au profit de la société Sedeval, défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La Cour, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 15 mai 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Vigneron, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché et Laugier, avocat de la société Soreco, de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de la société Sedeval, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les premier et second moyens, le second pris en ses deux branches, réunis :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 28 mai 1998), que la société Sedeval a vendu un système informatique à la société Soreco ; que cette dernière, prétendant que ce système informatique était défectueux, a assigné la société Sedeval en résolution de la vente ; que la société Sedeval a formé une demande reconventionnelle en paiement du solde du prix du système informatique ;
Attendu que la société Soreco reproche à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande et d’avoir accueilli la demande reconventionnelle de la société Sedeval, alors, selon le moyen :
1°/ que s’il n’est pas interdit à une cour d’appel de motiver sa décision en reprenant à son compte une partie des arguments avancés contradictoire ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions tardives signifiées la veille de l’ordonnance de clôture et écartées des débats par la cour d’appel, la société Sedeval avait soutenu que force est de constater que le bon de commande n° 504.08.13 versé aux débats est taisant sur le moment précis de la livraison ; qu’en effet, la case « Date de livraison demandée » est vierge ; qu’il en résulte qu’aucune date précise de livraison n’avait été décidée d’un commun accord ; qu’en reprenant mot pour mot l’argument développé par la société Sedeval dans ses dernières conclusions, la cour d’appel, qui s’est déterminée au vu de conclusions qu’elle avait pourtant déclarées irrecevables comme tardives et sans que la société Soreco puisse y répondre, a violé l’article 16 du nouveau code de procédure civile et les droits de la défense de celle-ci ;
2°/ qu’il est de principe que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que, dès lors, en se fondant exclusivement sur un compte rendu rédigé par les techniciens de la société Sedeval elle-même pour décider que la société Soreco n’avait pas fait preuve de toute la coopération nécessaire qu’était en droit d’attendre de sa part la société Sedeval dans la recherche des solutions aux problèmes posés, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil ;
3°/ que la responsabilité d’un fournisseur d’informatique de gestion ne saurait se limiter à la délivrance matérielle des produits surtout lorsqu’il s’agit de produits standard ; que l’obligation de délivrance du vendeur s’étend, en effet également à la mise au point du matériel et comporte une obligation accessoire d’information et de conseil ; qu’en l’espèce, comme l’avait fait valoir la société Soreco dans ses conclusions d’appel et comme l’avait constaté le tribunal, la société Sedeval avait elle-même demandé le 4 décembre 1995 à la société Soreco d’achever elle-même l’installation du matériel informatique bien qu’elle ait souligné dans sa proposition d’informatisation sa disponibilité pour répondre aux besoins de ses clients, la qualité et les soucis de ses interventions ; que, de surcroît, le tribunal avait également constaté que les interventions de la société Sedeval, à la demande de la société Soreco, étaient tardives et avaient lieu le soir au moment du service ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que la preuve de la détermination de l’origine des défaillances alléguées n’étaient pas rapportés par la société Soreco sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si la société Sedeval avait elle-même respecté son obligation de délivrance qui s’étendait à la mise au point du matériel et comportait une obligation accessoire d’information dont il était soutenu qu’elle n’avait pas été exécutée en l’espèce, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d’une part, qu’ayant constaté que le bon de commande du système informatique comporte une clause « Date de livraison demandée » qui est vierge, la cour d’appel, qui en a déduit qu’aucune date précise de livraison n’avait été décidée d’un commun accord des parties, ne s’est pas déterminée au vu des dernières conclusions de la société Sedeval qu’elle a écartées des débats pour non-respect du principe de la contradiction ;
Attendu, d’autre part, qu’en retenant qu’il ressort de l’ensemble des pièces versées aux débats que la société Soreco n’avait pas fait preuve de toute la coopération nécessaire qu’était en droit d’attendre de sa part la société Sedeval, la cour d’appel ne s’est pas fondée, exclusivement, sur un compte rendu rédigé par les techniciens de cette société ;
Attendu, enfin, que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d’appel, effectuant les recherches prétendument omises, a estimé, par une décision motivée, que la détermination de l’origine des défaillances, alléguées par la société Soreco, n’était pas établie ;
D’où il suit que la cour d’appel ayant légalement justifié sa décision, le moyen, qui manque en fait en ses première et deuxième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs :
. Rejette le pourvoi ;
. Condamne la société Soreco aux dépens ;
. Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Soreco à payer à la société Sedeval la somme de 12 000 F ou 1 829,39 €.
Moyens produits par la SCP Le Bret et Laugier, avocats aux Conseils pour la société Soreco.
Premier moyen de cassation :
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué, ayant débouté la Sté Soreco de toutes ses demandes, fins et conclusions, de s’être déterminé au vu des dernières conclusions de la Sté Sedeval, signifiées le 17 février 1998, soit la veille de l’ordonnance de clôture, conclusions qu’elle avait pourtant écartées des débats pour violation des droits de la défense ;
Au motif qu’alors que la Sté Soreco a conclu en réponse le 7 juillet 1997, ce n’est que le 17 février 1998 que la Sté Sedeval a elle-même pris des conclusions responsives, soit la veille de l’ordonnance de clôture signée le 18 février 198 ; qu’elle a ainsi empêché son adversaire de pouvoir présenter des observations, et ce au mépris du principe du contradictoire ; que ces écritures doivent être écartées des débats ; que force est de constater que le bon de commande est taisant sur le moment précis de la livraison ; qu’en effet, la case « Date de livraison demandée » est vierge ; qu’il en résulte qu’aucune date précise de livraison n’avait été décidée d’un commun accord ;
Alors qu’il n’est pas interdit à une cour d’appel de motiver sa décision en reprenant à son compte une partie des arguments avancés par un des plaideurs, encore faut-il que ce soit dans le respect du principe du contradictoire ; qu’en l’espèce, dans ses conclusions tardives signifiées la veille de l’ordonnance de clôture et écartées des débats par la cour d’appel, la Sté Sedeval avait soutenu que « force est de constater que le bon de commande n° 504.08.13 versé aux débats est taisant sur le moment précis de la livraison ; qu’en effet, la case « Date de livraison demandée » est vierge ; qu’il en résulte qu’aucune date précise de livraison n’avait été décidée d’un commun accord ; qu’en reprenant mot pour mot l’argument développé par la Sté Sedeval dans ses dernières conclusions, la cour d’appel qui s’est déterminée au vu de conclusions qu’elle avait pourtant déclarées irrecevables comme tardives et sans que la Sté Soreco puisse y répondre, a violé l’article 16 du nouveau code de procédure civile et les droits de la défense de celle-ci.
Second moyen de cassation :
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté la Sté Soreco de toutes ses demandes, fins et conclusions tendant à voir prononcer la résolution de la vente d’un matériel informatique et de l’avoir condamnée en conséquence à payer à la Sté Sedeval la somme de 52 209,54 F TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 1996 au titre du solde restant dû, ainsi qu’à des frais irrépétibles ;
au motif que la spécificité du contrat de conseil en informatique, tout en imposant que le praticien mette en œuvre les meilleurs moyens pour faire en sorte que l’informatisation de l’entreprise cliente soit réussie, fait également devoir au client de participer efficacement à l’activité du conseil ; que cette obligation de coopération qui pèse ainsi sur l’utilisateur du matériel informatique s’applique plus particulièrement lorsque l’objet de la prestation est standardisé et produit en série, ce qui est le cas du matériel en cause, qui est un prologiciel, c’est-à-dire un logiciel standard ; qu’il ressort de l’ensemble des pièces versées aux débats que la Sté Soreco n’a pas fait preuve de toute la coopération nécessaire qu’était en droit d’attendre de sa part la Sté Sedeval dans la recherche des solutions aux problèmes posés ; qu’à la lecture du compte rendu rédigé par les techniciens de la Sté Sedeval le 15 décembre 1995, il apparaît ainsi que les représentants de la Sté Soreco n’ont fait que constater les dysfonctionnements de l’installation et en imputer la faute à la Sté Sedeval sans répondre aux recommandations formulées par cette dernière, ni chercher à les mettre en œuvre ; qu’encore, il ne résulte ni de la télécopie de M. Reze du 8 décembre 1995, ni du constat d’huissier du 6 décembre 1995, la détermination de l’origine des défaillances alléguées ; qu’un tel constat qui fait état du seul résultat défectueux sans se prononcer sur ses causes, est à cet égard totalement impropre à démontrer le caractère fautif des inexécutions reprochées à la Sté Sedeval à qui il ne peut au demeurant être valablement opposé puisque dressé hors de toute contradiction ; qu’ainsi, les perturbations liées au démarrage d’une implantation informatique sont inhérentes à ce type d’installation et ne sauraient donc caractériser une inexécution contractuelle grave dont il n’est de surcroît nullement rapporté la preuve du caractère fautif ;
alors que, d’une part, il est de principe que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; que, dès lors, en se fondant exclusivement sur un compte rendu rédigé par les techniciens de la Sté Sedeval elle-même pour décider que la Sté Soreco n’avait pas fait preuve de toute coopération nécessaire qu’était en droit d’attendre de sa part la Sté Sedeval dans la recherche des solutions aux problèmes posés, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil.
Alors que, d’autre part, la responsabilité d’un fournisseur d’informatique de gestion ne saurait se limiter à la délivrance matérielle des produits surtout lorsqu’il s’agit de produits standard ; que l’obligation de délivrance du vendeur s’étend, en effet, également, à la mise au point du matériel, et comporte une obligation accessoire d’information et de conseil ; qu’en l’espèce, comme l’avait fait valoir la Sté Soreco dans ses conclusions d’appel et comme l’avait constaté le tribunal, la Sté Sedeval avait elle-même demandé le 4 décembre 1995 à la Sté Soreco d’achever elle-même l’installation du matériel informatique bien qu’elle ait souligné dans sa proposition d’informatisation sa disponibilité pour répondre aux besoins de ses clients, la qualité et les soucis de ses interventions ; que, de surcroît, le tribunal avait également constaté que les interventions de la Sté Sedeval, à la demande de la Sté Soreco, étaient tardives et avaient lieu le soir au moment du service ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que la preuve de la détermination de l’origine des défaillances alléguées n’était pas rapportée par la Sté Soreco sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si la Sté Sedeval avait elle-même respecté son obligation de délivrance qui s’étendait à la mise au point du matériel et comportait une obligation accessoire d’information dont il était soutenu qu’elle n’avait pas été exécutée en l’espèce, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1147 du code civil.
La cour : M. Dumas (président), Mme Vigneron (conseiller rapporteur), M. Tricot (conseiller), M. Jobard (avocat général).
Avocats : SCP Le Bret-Desaché et Laugier et SCP Philippe et François-Régis Boulloche.
En complément
Maître SCP Le Bret Desaché et Laugier est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante :
En complément
Maître SCP Philippe et François Régis Boulloche est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Dumas est également intervenu(e) dans les 7 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Tricot est également intervenu(e) dans les 20 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Vigneron est également intervenu(e) dans les 2 affaires suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.