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Jurisprudence : Diffamation

mardi 16 octobre 2001
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Cour de cassation, chambre criminelle Arrêt du 16 octobre 2001

Georges T. / Grégoire B., Renaud R. de la B.

diffamation publique - prescription

Vu l’article 575, alinéa 2, 6E, du Code de procédure pénale ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense et les observations complémentaires ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32, 65 de la loi du 29 juillet 1881, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre du chef de diffamation publique ;

« aux motifs que « la diffusion litigieuse sur le réseau internet, à destination d’un nombre illimité de personnes nullement liées par une communauté d’intérêts constitue un acte de publicité commis dès que l’information a été mise à la disposition des utilisateurs éventuels du site ; que la prescription de l’action en diffamation, fixée à trois mois par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 avec pour point de départ, non le jour où les faits ont été constatés, mais le jour du premier acte de publication, est en l’espèce acquise dès lors que les pièces du dossier établissent que l’information en cause a été diffusée sur internet le 22 septembre 1997 et que le premier acte de poursuite, constitué par la plainte en diffamation avec constitution de partie civile, n’est intervenu que le 12 janvier 1999 » (arrêt attaqué, p. 5 et 6) ;

1E)« alors que, si l’identification certaine du premier acte de publication, entendu comme la première exposition publique du support papier en vue de sa vente individuelle ou collective, permet de fixer à cette date la prescription du délit de diffamation publique commis par voie de presse écrite, tel n’est pas le cas du délit de diffamation publique commis par voie d’internet, dès lors que ne suffit pas à caractériser une exposition publique la seule présence, sur un site, de pages de données numériques chargées (en voie ascendante) par un serveur, en l’absence d’une visualisation de ces pages autrement qu’au moyen d’une opération technique complexe, décidée et réalisée par l’internaute, consistant dans l’utilisation d’un navigateur pour charger les pages (en voie descendante) du serveur vers l’ordinateur personnel, puis en traduire les données numériques en vue de leur affichage à l’écran et de leur consultation ; que, par ailleurs, cette lecture à l’écran, qui postule une libre accessibilité à un site public au moyen d’un téléchargement exempt de contraintes techniques et/ou financières, peut ne pas révéler l’existence de l’imputation diffamatoire, lorsque cette dernière figure sur une autre page connectée à la première par un hyperlien, lequel n’est pas nécessairement activé par l’internaute ; qu’ainsi, chaque téléchargement en vue d’une lecture à l’écran réalise un nouvel acte de publication faisant courir un nouveau délai de prescription ; que, dès lors, en déclarant prescrite l’action publique, au seul motif pris de ce que « l’information en cause a été diffusée sur internet le 22 septembre 1997 », après avoir constaté qu’il résultait d’un constat d’huissier de justice que les informations arguées d’imputations diffamatoires avaient été lues après téléchargement le 25 novembre 1998, ce dont il s’inférait qu’un nouvel acte de publication avait été réalisé à cette date, antérieure de moins de trois mois au premier acte de poursuite du 12 janvier 1999, la chambre d’accusation a violé les textes susvisés ;

2E)« alors que, subsidiairement, à supposer par hypothèse que la commission du délit de diffamation publique sur l’internet résulte de la seule « mise à disposition du public » des imputations litigieuses à partir d’un serveur informatique, l’action publique se prescrit trois mois après le jour où les informations numérisées litigieuses stockées de façon continue sur le serveur informatique, ne peuvent plus être téléchargées en voie descendante (« downloading ») par les internautes sur leurs ordinateurs personnels et lues après traduction sur leurs écrans ; que, dès lors, en l’espèce, en déclarant prescrit le délit de diffamation publique, après avoir retenu que le maintien en ligne des imputations litigieuses avait été constaté par huissier de justice sur l’Internet le 25 novembre 1998, soit moins de trois mois après le premier acte de poursuite du 12 janvier 1999, la chambre d’accusation a violé les textes susvisés ;

3E)« alors que, à supposer par hypothèse qu’en matière de diffamation publique par voie d’internet, le point de départ de la prescription de l’action publique doive être fixé au premier acte de publication, ce dernier ne procède pas d’une exposition publique d’un support papier en vue d’une vente en librairie ou kiosque à journaux, mais relève d’une opération technique complexe supposant l’utilisation par l’internaute d’outils informatiques et de télécommunications lui permettant de consulter effectivement l’information placée dans un fichier, à condition que ce dernier soit mis en ligne sur un site accessible au public et téléchargeable sans obstacle technique ni financier ; que, dès lors, en l’espèce, en fixant le point de départ de la prescription au jour où « l’information en cause a été diffusée sur internet le 22 septembre 1997″, sans s’expliquer sur ce qui précède, à l’effet de déterminer si, à cette date ou, à tout le moins, à une date antérieure de plus de trois mois au constat d’huissier de justice du 25 novembre 1998, lui-même antérieur de moins de trois mois au premier acte de poursuite du 12 janvier 1999, tout internaute était techniquement et financièrement mis en mesure de prendre librement connaissance des informations arguées d’imputations diffamatoires, la chambre d’accusation a violé les textes susvisés » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 12 janvier 1999, M. T. a porté plainte et s’est constitué partie civile pour diffamation publique et recel de violation du secret de l’instruction, à raison de la diffusion, le 25 novembre 1998, sur le site « www.marianne-en-ligne.fr »du réseau internet, d’un article intitulé « Bientôt une affaire T. », accompagné de la copie d’une lettre adressée le 17 juin 1997 au cabinet du juge d’instruction ;

Attendu que, pour déclarer prescrit le délit de diffamation, la chambre d’accusation énonce que le délai de prescription a pour point de départ le jour du premier acte de publication, et que l’information en cause était diffusée sur internet dès le 22 septembre 1997 alors que le premier acte de poursuite n’est intervenu que le 12 janvier 1999 ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;

Qu’en effet, lorsque des poursuites pour diffamation et injures publiques sont engagées à raison de la diffusion sur le réseau internet, d’un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l’action publique prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 doit être fixé à la date du premier acte de publication ; que cette date est celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau ;

Que, par ailleurs, la chambre d’accusation a souverainement apprécié par des motifs exempts d’insuffisance comme de contradiction la date du premier acte de publication ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 321-1 du Code pénal, 11, 109, 114-1, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a dit n’y avoir lieu à suivre du chef de recel de violation du secret de l’instruction ;

« aux motifs que M. B., auteur de la publication attaquée, entendu sur commission rogatoire, ne voulait pas en révéler l’origine ; qu’il usait alors de la liberté, non contestée, donnée aux journalistes par l’article 109, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; que la source des informations journalistiques échappe à la qualification de recel ; que, par manque d’indices sur une remise frauduleuse qui, en l’état, demeure éventuelle, il n’y a pas lieu de suivre du chef de recel » (arrêt attaqué, p. 6) ;

« alors que, en affirmant abstraitement que « la source des informations journalistiques échappe à la qualification de recel », sans répondre au chef d’articulation essentiel ayant souligné que « sur le document diffusé sur internet, apparaissent clairement, d’une part, le cachet du cabinet d’instruction et la date de réception, d’autre part, la cotation de la pièce dans le dossier en cours (D 1006) », et qu »ainsi, les journalistes en cause ne pouvaient ignorer que leurs informations provenaient d’une infraction pénale, constituée par la violation du secret professionnel, du secret de l’instruction ou des dispositions impératives de l’article 114-1 du Code de procédure pénale, la chambre d’accusation a violé les textes susvisés » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que, pour confirmer l’ordonnance de non-lieu entreprise du chef de recel de violation du secret de l’instruction, la chambre d’accusation, après avoir analysé l’ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu’il n’existait pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;

que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d’aucun des griefs que l’article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l’appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d’accusation en l’absence de recours du ministère public ;

que, dès lors, le moyen est irrecevable ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi

Président : M. Cotte

Rapporteur : Mme Anzani, conseiller

Avocat général : Mme Commaret

Avocat(s) : la SCP Tiffreau, Me Choucroy

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