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Jurisprudence : Jurisprudences

jeudi 31 octobre 2019
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Tribunal de commerce de Lyon, jugement du 28 octobre 2019

M. X. / Serco et Locam

contrat - contrat caduc - définition des besoins - non adéquation avec les besoins - réalisation d’un site web - résolution judiciaire

Monsieur X. est le créateur d’une entreprise individuelle dont l’activité principale de vente de pièces détachées pour buggies est tout particulièrement active au travers de deux sites internet et d’une série de noms de domaine pointant sur ses deux sites marchands.

Le 28 février 2017, Monsieur X. confie à la société Serco spécialisée dans la réalisation de sites internet, la réalisation d’un nouveau site internet et en fait assurer le financement par la société Locam société spécialisée en particulier dans le crédit-bail.

Monsieur X. suit les travaux de développement de son site fournis par la société Serco mais estime que ceux-ci ne sont pas conformes à son attente et que les erreurs de fonctionnement qu’il relève sont incompatibles avec une utilisation commerciale du site internet. Constatant l’impossibilité d’obtenir un site internet fonctionnel, il notifie les société Serco et Locam en date du 28 décembre 2017 de la résolution des contrats les liant à elle et les assigne le 6 avril 2018 devant le Tribunal de Commerce de Lyon pour obtenir le remboursement des sommes versées à la société Locam et obtenir réparation du préjudice subi suite à l’absence de fonctionnalité du site commandé à la société Serco.

LA PROCEDURE

Dans ses conclusions en réponse n°2, Monsieur X. demande au Tribunal de :
Vu les articles 1104,1224, 1225, 1226, 1227, 1228, 1229 et 1231-1 du Code Civil,
Vu les articles 16, 515, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence et particulièrement la jurisprudence Locam,
Vu les pièces versées,

Vu la chronologie des faits,

– Se déclarer compétent,
– Recevoir Monsieur X. en ses demandes, les déclarer bien fondées et y faisant droit,
– Constater que les versions n°1, n°2, n°3 et n°4 du Nouveau Site Web présentent de très nombreux dysfonctionnements le rendant impropre à toute utilisation normale par Monsieur X. dans le cadre de son activité professionnelle,
– Constater que la société Serco n’a pas été en mesure de livrer un site web fonctionnel et exempt de tout dysfonctionnement,
– Déclarer bien fondée la résolution unilatérale du contrat Serco par Monsieur X. à l’encontre de la société Serco en date du 28 décembre 2017,

En conséquence,
Sur le contrat Serco :
– Constater que le contrat Serco liant Monsieur X. à la société Serco est résolu aux torts de la société Serco,
– Ordonner la communication de tous codes utiles permettant à Monsieur X. de reprendre, conserver et gérer utilement tous les contenus du Front-Office du Nouveau Site Web lui appartenant, à savoir, notamment, toutes images, tous textes, tous droits d’auteur, toutes données à caractère personnel contenues dans les fichiers client, toutes données relatives aux stocks, toutes données comptables, toutes données statistiques etc. que la société Serco aura interdiction de conserver, d’utiliser ou de céder, ses noms de domaine et ses adresses courriel, y relatives sous astreinte de 200 euros par jour de retard, dix jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir,
– Condamner la société Serco à payer à Monsieur X. la somme forfaitaire de 22.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice commercial qu’il a subi, avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement à venir,
– Condamner la société Serco à payer à Monsieur X. la somme forfaitaire de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de réparation de la perte de chance, avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement à venir,
– Condamner la société Serco à payer à Monsieur X. la somme forfaitaire de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de réparation du déficit d’image, avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement à venir,
– Condamner la société Serco à payer à Monsieur X. la somme forfaitaire de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de réparation de la perte de temps, avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement à venir,
– Condamner la société Serco à payer à Monsieur X. la somme forfaitaire de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice moral, avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement à venir,
Sur le contrat Locam :
– Constater que le contrat Locam liant Monsieur X. à la société Locam est caduc au titre de son interdépendance avec le contrat Serco résolu,
– Condamner la société Locam à restituer à Monsieur X. la somme de 2.112 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement à venir,
– Dire que, du fait de la résolution du contrat Serco et de la caducité du contrat Locam les factures émises par la société Serco et la société Locam à l’encontre de Monsieur X., pour un montant de 15.124,37 euros n’ont plus d’objet,
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– Se réserver la liquidation de ces astreintes,
– Condamner la société Serco à payer à la requérante la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner la société Serco aux entiers dépens.

Dans ses conclusions récapitulatives, la société Locam demande au Tribunal de :
Vu les articles 1103 et 1199 du Code Civil,
Vu l’article 9 du Code de procédure civile,

– Constater que la société Locam a parfaitement rempli ses obligations contractuelles au titre de la convention du 23 octobre 2013,
– Constater qu’aucune faute ne peut être imputée à la société Locam au titre du fonctionnement du site internet, cette dernière étant simplement en charge du financement de l’opération,

En conséquence,
– Débouter Monsieur X. de l’intégralité de ses moyens, fins et prétentions,

A titre reconventionnel,
– Constater la résiliation du contrat de location financière du 28 février 2017, dans les 8 jours à compter de la mise en demeure du 16 mars 2018,
– Condamner Monsieur X. à payer à la société Locam les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 16 mars 2018 :
2 loyers échus impayés du 20 janvier 2018 au 20 février 2018 : 528,00 €
50 loyers à échoir du 20 avril 2108 au 20 avril 2022 : 13.200,00 €
Clause pénale y afférente : 1.352,40 €
Total : 15.080,40 €

A titre subsidiaire, si le Tribunal faisait droit à la demande de Monsieur X. tendant à l’anéantissement du contrat le liant à la société Serco et corrélativement à la caducité du contrat conclu avec la société Locam,
– Constater l’enrichissement de la société Serco et l’appauvrissement de la société Locam,
– Condamner la société Serco à payer à la société Locam le solde indument perçu au titre du règlement de ses factures, soit la somme de 10.372,18 €,

En tout état de cause,
– Condamner Monsieur X. à payer à la société Locam la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner Monsieur X. aux entiers dépens.

Dans ses conclusions, la société Serco demande au Tribunal de :
– Dire et juger la résolution unilatérale prononcée par Monsieur X. en date du 28 décembre 2017 irrecevable et en tout état de cause non fondée,
– Débouter en conséquence Monsieur X. de l’intégralité de ses demandes comme non fondées,
– Débouter la société Locam de sa demande formée à titre subsidiaire à l’encontre de la société Serco sur le fondement de l’enrichissement sans cause,
– Condamner Monsieur X. à payer à la société Serco une somme d’un montant de 15.000 € à titre de dommages-intérêts,
– Condamner Monsieur X. à payer à la société Serco une somme d’un montant de 8.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– Condamner Monsieur X. aux entiers dépens de l’instance.

LES MOYENS DES PARTIES

Monsieur X. estime que le travail fourni par la société Serco est inexploitable et demande la résolution du contrat le liant avec la société Serco en s’appuyant sur l’article 1224 du Code civil : « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice » , sur l’article 1225 du Code civil : « … La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse… », sur l’article 1226 : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification… » et sur l’article 1227 : « La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. »

Concernant la caducité du contrat Locam, Monsieur X. estime que le contrat Locam est lié à l’existence du contrat Serco et il rappelle les termes de l’article 1128 du Code civil : « Sont nécessaires à la validité d’un contrat : le consentement des parties, leur capacité de contracter, un contenu licite et certain » et l’article 1163 du Code civil : « L’obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. »

Concernant les conséquences de la résolution du contrat Serco, Monsieur X. s’appuie sur l’article 1228 du Code civil : « Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts » et sur l’article 1229 du Code civil : « La résolution met fin au contrat… les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une de l’autre… »

Enfin, Monsieur X. s’appuie sur les termes de l’article 1231-1 du Code civil : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

La société Serco considère que la résolution unilatérale est injustifiée et pour cela s’appuie sur l’article 1226 du Code civil : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable » et sur l’article 1224 du Code civil : « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. » La société Serco s’appuie également sur l’article 1104 du Code Civil : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. » La société Serco s’appuie enfin sur le contrat signé avec Monsieur X. et sur l’existence d’un procès-verbal de livraison dûment signé par Monsieur X. le 26 avril 2017 comme preuve de la validation de son travail par ce dernier.

La société Locam, sur le rejet des prétentions de Monsieur X., s’appuie sur l’article 1199 du Code Civil : « Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. Les tiers ne peuvent demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV », ainsi que sur les termes de l’article 9 du Code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »

Concernant sa demande reconventionnelle, la société Locam s’appuie sur le contrat de prêt concédé à Monsieur X. et en particulier l’article 18.1 : « La présente convention de location peut être résiliée de plein droit par le loueur sans aucune formalité judiciaire, huit jours après une mise en demeure restée infructueuse dans les cas suivants : non-paiement à échéance d’un seul terme de loyer » et l’article 18.3 : « … outre cette restitution, le locataire devra verser au loueur : – une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d’une clause pénale de 10%, – une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat majorée d’une clause pénale de 10% sans préjudice de tous dommages et intérêts que le client pourrait devoir au bailleur du fait de la résiliation ». A titre subsidiaire, elle cite un arrêt rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation : « les restitutions consécutives à une annulation ne relèvent pas de la répétition de l’indu mais seulement des règles de nullité. »

DISCUSSION

A titre liminaire, le Tribunal de Commerce de Lyon se déclare compétent pour connaître du présent litige. La question a été soulevée en début d’audience suite aux écritures de Monsieur X. qui tenait à s’en assurer et les parties en ont convenu.

Sur la résolution du contrat liant Monsieur X. et la société Serco

La société Serco a fourni à Monsieur X. une « offre de prix pour un site marchand » dans laquelle on retrouve les promesses de la société Serco à l’égard de son client. Dans la rubrique Processus de Développement, il est fait mention du fait que chaque projet commence par l’élaboration d’un cahier des charges répondant de façon précise à l’ensemble des besoins du client. Puis Serco s’engage à fournir les premières maquettes qui servent de base travail. Serco intègre ensuite les pages en se basant sur la maquette définitive validée par le client. Ces pages sont mises en ligne sur une adresse temporaire pour permettre au client de se rendre compte du travail accompli. Serco développe les outils de gestion du site (back-office) et enfin Serco met en ligne le site sur son adresse définitive et forme les personnes en charge de la gestion du site au sein de la société cliente.

Cette offre de prix présente une proposition financière : une solution d’abonnement prenant en compte la création du site Internet et son entretien/suivi. Les détails sont précisés : établissement d’un cahier des charges, création de maquettes graphiques jusqu’à validation, intégration des textes et photos, développement des outils de mise à jour, procédure de référencement, formation aux outils de mise à jour, assistance technique, noms de domaines, hébergement sécurisé illimité, référencement manuel régulier, mises à jour illimitées, statistiques. Le prix est indiqué : 250 € par mois sur 60 mois ou 290 € par mois sur 48 mois.

Le prix validé par Monsieur X. et qui figure sur un document appelé « contrat de location et de prestation de services » est de 220 € HT par mois pendant 60 mois. Il est daté du 28 février 2017. Les conditions générales de ce contrat de location indiquent à l’article 2 : « … le point de départ est fixé à la date de mise à disposition de la première page internet, intranet ou extranet ainsi que des prestations connexes. Le locataire signera un procès-verbal de livraison qui vaudra quitus au prestataire du respect de ses obligations. »
Le 26 avril 2017, ce procès-verbal de livraison est présenté à la signature par la société Serco. Il est signé par Monsieur X..

Le Tribunal constate que la signature du procès-verbal de livraison le 26 avril 2017 est injustifiée. A cette date, seules des maquettes du site internet ont été fournies par la société Serco à Monsieur X. La signature du procès-verbal de livraison aurait dû être effectuée au moment de la mise en ligne du site internet dûment validé et dûment fonctionnel. Ce procès-verbal de livraison n’a été qu’un prétexte à la mise en route de la facturation mensuelle des frais de location et au paiement du prix de la prestation complète à la société Serco par la société Locam. La société Serco en était nécessairement consciente et elle a agi envers Monsieur X. de manière dolosive au sens de l’article 1137 du Code civil. En conséquence le Tribunal juge que ce procès-verbal de livraison caractérise une action dolosive de la société Serco à l’encontre de Monsieur X. et qu’il ne pourra donc pas être pris en compte dans la relation contractuelle entre Monsieur X. et la société Serco d’une part et d’autre part comme on le verra plus bas, dans la relation contractuelle entre Monsieur X. et la société Locam.

Concernant le déroulé de la prestation de la société Serco, le Tribunal constate que les promesses écrites dans l’offre de prix pour un site marchand n’ont pas été tenues : il n’existe aucun cahier des charges écrit qui aurait permis de préciser à la fois les développements techniques demandés et acceptés et les délais de réalisation. Les maquettes du site ont certes été fournies par la société Serco et la dernière mouture, la version V4, validée par Monsieur X.. Mais les échanges par mail entre la société Serco et Monsieur X. entre la date du 26 avril 2017 et la fin du mois de septembre 2017 font état d’une absence constante de concertation sur le développement du site et mettent en évidence tout le préjudice de l’absence d’un cahier des charges écrit : surprise de la société Serco face à l’ampleur de la base de données, absence de solution sécurisée pour transmettre cette base de données, délai de réalisation de 7 mois après la signature du bon de commande pour aboutir à la fourniture le 25 septembre 2017 d’un site internet qui ne satisfait pas du tout le client.

Il est constant que la méthode utilisée par la société Serco, pourtant sachante et professionnelle en la matière est à l’origine des difficultés rencontrées. Cela va jusqu’à l’absence de recette préalable par la société Serco qui fournit à son client un produit présentant de très nombreux dysfonctionnements. Le travail effectué par Monsieur X. et son ancien prestataire les 27 et 28 septembre 2017 en présence de la société Serco a conduit Monsieur X. à constater des dysfonctionnements incompatibles avec une exploitation commerciale du site internet et pourtant le site est mis en ligne par la société Serco le 27 septembre le rendant ainsi accessible à la clientèle de Monsieur X. et engendrant de nombreuses difficultés : commandes de produit hors stock, absence de mail de confirmation de commande, factures non conformes, système 3D Secure non fonctionnel, erreur dans la TVA, erreurs dans les liens de contact, erreur dans le lien de paiement sécurisé, erreur dans le plan d’accès etc. que Monsieur X. signale par mail à la société Serco.

A la demande de Monsieur X., le site internet est mis en maintenance le 4 octobre 2017 afin qu’il ne soit plus accessible en ligne, en particulier par les clients de Monsieur X. Et le 12 octobre 2017, Monsieur X. par l’intermédiaire de son conseil, demande la remise en ligne de son ancien site internet afin de faire redémarrer son activité économique interrompue le 4 octobre 2017. L’ancien site est en ligne le 20 octobre 2017 après que l’adresse IP nécessaire ait été fournie par Monsieur X. et son ancien prestataire à la société Serco. Le Tribunal estime que la société Serco aurait dû conseiller à son client Monsieur X. de remettre en ligne son ancien site internet dès le 4 octobre.

La société Serco fournit le 6 décembre 2017 à Monsieur X. les codes d’accès à la version V2 du nouveau site internet. Les travaux de développement durent depuis près de 10 mois. Cependant Monsieur X. constate encore un nombre significatif de dysfonctionnements dont il communique la liste le 11 décembre 2017 à la société Serco. Le Tribunal estime que le constat d’huissier réalisé le même jour à la demande de Monsieur X. prouve que ces dysfonctionnements sont réels et suffisamment importants pour que Monsieur X. puisse douter de l’obtention dans un délai raisonnable d’un site internet fiable et efficace. Son action en résolution du contrat le liant à la société Serco, qui s’est traduite par l’envoi d’un courrier officiel du conseil de Monsieur X. au conseil de la société Locam le 28 décembre 2017 est donc recevable.

A cet égard, le Tribunal considère que l’action de Monsieur X. visant à obtenir la résolution du contrat le liant à la société Serco est bien précédée d’une mise en demeure en bonne et due forme, matérialisée par l’envoi d’un mail le 2 octobre 2017 à 9h20 par Monsieur X. à la société Serco. Cette mise en demeure est une tentative de résolution amiable du litige portant les mentions légales requises en la matière : date d’envoi, expéditeur, destinataire, exposé du litige, mention « mise en demeure », réclamation et délai de réalisation. Le Tribunal estime, concernant le délai indiqué dans la mise en demeure, que s’il était manifestement trop court au vu du nombre et de la gravité des dysfonctionnements qu’il était nécessaire de corriger, ce délai a été allongé au moins de 2 mois jusqu’au 6 décembre 2017, date à laquelle la société Serco a proposé la version V2 du nouveau site internet. Le Tribunal constate enfin que cette mise en demeure est bien restée infructueuse puisque le travail fourni par la société Serco n’a pas pu être exploité d’une manière satisfaisante par Monsieur X.
En conséquence, le Tribunal juge recevable l’action de Monsieur X. en résolution du contrat le liant à la société Serco. Cette dernière n’a pas été en mesure de fournir à son client un site internet correspondant aux attentes de celui-ci. Les dysfonctionnements importants encore constatés au mois de décembre 2017, soit plus 10 mois après la signature du bon de commande sont incompatibles avec une exploitation commerciale du nouveau site internet. La société Serco, en particulier par l’approximation de sa méthode de travail, n’a pas respecté ses engagements. Le Tribunal prononcera donc la résolution judiciaire du contrat signé le 28 février 2017 entre Monsieur X. et la société Serco. La résolution judiciaire du contrat aura un effet rétroactif au 28 février 2017 et en conséquence les parties devront restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre, selon les termes du l’article 1229 du Code civil. Ainsi le Tribunal ordonnera à la société Locam de restituer à Monsieur X. tous les contenus utilisés pour la réalisation du nouveau site internet ainsi que l’ensemble des droits de gestion sur les noms de domaine en possession de Monsieur X. La société Serco sera déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Sur la caducité du contrat entre Monsieur X. et la société Locam

La société Locam a fait signer à Monsieur X. un « contrat de location de site web » reprenant le tarif mensuel validé par Monsieur X. à savoir 220 € HT par mois pendant 60 mois, daté du 28 février 2017. Au lendemain de la date de signature du procès-verbal de livraison, c’est-à-dire le 27 avril 2017, un échéancier est fourni par la société Locam et on retrouve dans les conditions générales jointes à cet échéancier dans l’article 2-2 : « Lors de la livraison du site web, le locataire signera le procès-verbal de conformité… La signature par le locataire du procès-verbal de conformité du site web est le fait déclencheur d’une part de l’exigibilité des loyers et d’autre part pour le loueur de la faculté de règlement de la facture du fournisseur. » Monsieur X. a commencé à s’acquitter de ses mensualités en mai 2017.

Le Tribunal rappelle qu’il constate que la signature du procès-verbal de livraison le 26 avril 2017 est injustifiée car ne correspondant pas dans les faits à la date de livraison du site internet commandé. Ce procès- verbal de livraison ne pourra donc pas être pris en compte dans la relation contractuelle entre Monsieur X. et la société Locam d’autre part.

Aucun fait déclencheur n’aurait dû être constaté à date et donc aucun versement n’aurait dû être effectué par Monsieur X. à la société Locam, le site internet loué n’étant pas fonctionnel.

Le Tribunal prononçant la résolution judiciaire du contrat liant Monsieur X. et la société Serco, il déclarera caduc le contrat liant Monsieur X. et la société Locam. La société Locam sera déboutée de l’ensemble de ses demandes envers Monsieur X. ainsi que de ses demandes à titre reconventionnel.

Sur les conséquences de la résolution judiciaire du contrat liant Monsieur X. et la société Serco et de la caducité du contrat liant Monsieur X. et la société Locam.

La résolution judiciaire étant rétroactive au 28 février 2017, il convient de replacer les choses comme elles étaient avant cette date.

En conséquence, le Tribunal ordonne que :
– Si cela devait être encore le cas à la date du présent jugement, la société Serco devra restituer à Monsieur X. l’ensemble des contenus utilisés pour la réalisation du nouveau site internet et l’ensemble des droits de gestion sur les noms de domaine en possession de Monsieur X.,
– La société Locam devra restituer à Monsieur X. l’ensemble des sommes perçues au titre du contrat de location du site internet, à savoir la somme de 2.112 €, outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement.
– La société Serco devra restituer à la société Locam toutes les sommes perçues au titre de ce contrat de location du site internet, à savoir la somme de 10.372,18 €, outre intérêts au taux légal à compter du
28 décembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Perte de chiffre d’affaires :
Il est constant que la mise en ligne du nouveau site internet entre le 25 septembre 2017 et le 20 octobre 2017 a engendré une perte de chiffre d’affaires pour Monsieur X. Le Tribunal constate que le chiffre d’affaires moyen des mois de septembre et d’octobre sur 3 ans (2014, 2015 et 2016) s’élèvent à 44.691 € HT et qu’il a été de 17.724 € HT sur la même période en 2017. Il est donc juste de considérer que la perte de chiffre d’affaires enregistrée en 2017 correspond à la différence, c’est-à-dire 26.967 € HT. Le taux de marge de 43,6% indiqué par Monsieur X. est cohérent avec l’activité qu’il pratique et le Tribunal estime juste de le prendre en considération en l’état. La perte de marge brute enregistrée sur la période est donc de 11.757 € HT. Le Tribunal condamnera la société Serco à dédommager Monsieur X. à hauteur de cette perte de marge brute, outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement.

Sur les autres demandes de dommages et intérêts

Le Tribunal estime que Monsieur X. a fait son affaire de sa relation avec Monsieur Y. son ancien prestataire web. Il n’a pas s’agit d’une prestation de substitution à la réalisation du site internet et les frais engendrés par cette relation ne peuvent pas être en considération dans le cadre du litige avec la société Serco.

Le Tribunal constate que le préjudice lié à la perte de trésorerie n’est pas prouvé. Il en est de même pour le préjudice lié au contrat avec la Poste et de la perte de référencement, ainsi que de la perte de chance, du déficit d’image, de la perte de temps et du préjudice moral. Aucun élément probant n’est porté à la connaissance du Tribunal pour estimer ces préjudices. Il conviendra de débouter Monsieur X. des demandes à ces titres.

Concernant la demande relative à l’article 700 du Code de procédure civile, le Tribunal condamnera la société Serco à verser à Monsieur X. la somme de 5.000 €. Monsieur X. demandant l’exécution provisoire du présent jugement, il conviendra de juger en ce sens.

DÉCISION

LE TRIBUNAL, STATUANT PUBLIQUEMENT PAR DECISION CONTRADICTOIRE ET EN PREMIER RESSORT :

SE DECLARE compétent pour connaître du présent litige.

JUGE que la signature du procès-verbal de livraison en date du 26 avril 2017 à la demande de la société
Serco caractérise une action dolosive de celle-ci à l’encontre de Monsieur Pa trick X. sous l’enseigne
« MSPI ».

PRONONCE la résolution judiciaire du contrat signé le 28 février 2017 entre Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI » et la société Serco, portant sur la réalisation d’un nouveau site internet. La résolution judiciaire sera rétroactive à la date du 28 février 2017.

ORDONNE à la société Locam – Location Automobiles Matériels de restituer à Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI » tous les contenus utilisés pour la réalisation du nouveau site internet ainsi que l’ensemble des droits de gestion sur les noms de domaine en possession de Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI ».

REJETTE l’ensemble des demandes de la société Serco.

PRONONCE la caducité du contrat de location signé le 28 février 2017 entre la société Locam – Location Automobiles Matériels et Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI ».

REJETTE l’ensemble des demandes de la société Locam – Location Automobiles Matériels relatives à Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI » et l’ensemble de ses demandes à titre reconventionnel.

ORDONNE à la société Locam – Location Automobiles Matériels de restituer à Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI » la somme de 2.112 €, outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement.

ORDONNE à la société Serco de restituer à la société Locam – Location Automobiles Matériels la somme de 10.372,18 €, outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement.

CONDAMNE la société Serco à verser à Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI » la somme de 11.757 € au titre de la perte de marge brute, outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2017 et capitalisation des intérêts à compter de la signification du jugement.

DEBOUTE Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI » de toutes ses autres demandes de dommages et intérêts.

CONDAMNE la société Serco à payer à Monsieur X. sous l’enseigne « MSPI » la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la société Serco aux entiers dépens de la présente instance. ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

 

Le Tribunal : Jean-Pierre Gibert (président), Martin Schmidt (juge), Jérôme Salord (juge), Pierre Belaval (greffier)

Avocats : Me Yann Lorang, Selarl Lexavocats, Me Franck Peyron

Source : Legalis.net

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